Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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SUIVI PRECOCE DES ADOLESCENTS ET JEUNES MAJEURS EN SOUFFRANCES PSYCHIQUES

Isabelle Corpart

Maître de conférences à l’UHA

CERDACC

Commentaire du décret n° 2017-813 du 5 mai 2017

Le décret n° 2017-813 du 5 mai 2017 relatif aux expérimentations visant à organiser la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes (JO du 7 mai 2017), pris en application de l’article 68 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 entend améliorer la prise en charge des adolescents et des jeunes majeurs.

En réponse aux souffrances psychologiques ressenties par les jeunes français, (pointées par une étude menée en 2014 par l’Unicef), le décret met en place une expérimentation qui sera menée dans toute une série de communes et départements (précisée par un arrêté).

Nombre d’entre eux souffrent effectivement de harcèlement, notamment sur les réseaux sociaux, de peur de l’échec scolaire, de stress et selon l’étude visée, ces risques augmenteraient pour les filles.

La coordination des actions proposées sera assurée par la Maison des adolescents du territoire visé.

Plusieurs points essentiels sont à relever dans le dispositif mis en place.

D’abord, les psychologues libéraux qui entendront participer à ces expérimentations devront adhérer à la charte de l’expérimentation, sur une durée de 4 ans. Ils seront choisis par les médecins sur une liste de psychologues libéraux, inscrits sur le fichier ADELI géré par les agences régionales de santé.

Ensuite, certains adolescents et jeunes majeurs seront exclus du dispositif car leur état justifie une prise en charge mieux adaptée. En effet, s’ils présentent des troubles psychiatriques ou des signes de crise suicidaire, ils devront être orientés vers des unités de soins spécialisés.

Enfin, la mise en place de ce suivi reposera sur le consentement libre et éclairé des intéressés (article 1er, III). Pour les mineurs, c’est l’accord des titulaires de l’autorité parentale qui sera requis, les majeurs devant consentir eux-mêmes soit au début des séances, soit lorsqu’ils fêteront leur 18e anniversaire. Il est essentiel de recueillir leur pleine adhésion pour l’efficacité du travail accompli, aussi le maintien dans l’expérimentation à leur majorité est-il lié à leur accord personnel.

Ce consentement est recueilli par tous moyens, y compris sous forme dématérialisée, sous réserve qu’il soit éclairé et que des informations soient délivrées sur les modalités à suivre et sur les méthodes de transmission aux professionnels concernés (article 4).

Il est prévu parallèlement que les intéressés pourront sortir à tout moment de l’expérimentation et du dispositif, sur décision de l’intéressé ou de ses représentants légaux s’il est mineur.

Pour que le dispositif fonctionne, il est aussi important que le courant passe bien avec le psychologue et le texte autorise les familles à en changer de cours de prise en charge, si nécessaire.

Les modalités d’accès à la consultation médicale d’évaluation et à la prescription de consultations psychologiques prises sont précisées par le texte.

En effet, les médecins traitants des adolescents âgés de 11 ans et plus et de jeunes majeurs de moins de 21 ans, de même que les pédiatres ou médecins scolaires, vont pouvoir prendre des mesures s’ils détectent chez eux des souffrances psychiques. Les consultations incluront les parents ou les titulaires de l’autorité parentale.

Une aide financière importante est accordée car il est prévu que la Sécurité sociale rembourse les consultations de psychologues libéraux dans la limite d’un forfait de 12 séances (le financement est assuré par les crédits alloués aux maisons des adolescentes, CSP, art. L. 1435-8).

Sachant que le coût des consultations peut être un frein pour les familles, cette gratuité permettra de dépister des problèmes sérieux chez les intéressés et de les aider à surmonter leurs difficultés.

Cette expérimentation est lancée pour 4 ans. Elle fera l’objet d’une évaluation afin d’apprécier l’efficacité du dispositif et son efficience (article 2, VI). L’équipe de recherche désignée fera des recommandations en vue d’une généralisation de ce dispositif de prise en charge et de suivi précoce des adolescents en souffrance.

* * *

Décret n° 2017-813 du 5 mai 2017 relatif aux expérimentations visant à organiser la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes

Publics concernés : jeunes de 11 à 21 ans en situation de souffrance psychique ; titulaires de l’autorité parentale ; professionnels adhérant à la charte de l’expérimentation ; maisons des adolescents ; agences régionales de santé ; rectorats d’académie.
Objet : modalités et conditions de mise en œuvre et d’évaluation des expérimentations visant à prévenir la souffrance psychique chez les jeunes de 11 à 21 ans.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice : le décret détermine les modalités et les conditions de mise en œuvre des expérimentations visant à organiser la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes de 11 à 21 ans. Le décret définit les modalités d’accès à la consultation médicale d’évaluation et à la prescription de consultations psychologiques prises en charge dans la limite d’un forfait pour le jeune et les titulaires de l’autorité parentale. Il détermine également que la maison des adolescents assure la coordination du dispositif de prise en charge du jeune sur le territoire concerné par l’expérimentation. Il précise enfin les modalités d’évaluation de l’expérimentation et ses effets sur la situation des jeunes.
Références : le présent décret est pris pour l’application de l’article 68 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017. Il peut être consulté sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre des affaires sociales et de la santé,
Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 1110-4, L. 1110-12 et L. 1435-8 ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 162-5-3 ;
Vu la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, notamment son article 44 ;
Vu la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, notamment son article 68,
Décrète :

 Article 1 En savoir plus sur cet article…
I. – Dans le cadre des expérimentations prévues à l’article 68 de la loi du 23 décembre 2016 susvisée, les médecins généralistes, les pédiatres ou les médecins scolaires prescrivent, après évaluation, au maximum douze consultations psychologiques prises en charge dans la limite d’un forfait, au jeune entre 11 et 21 ans en situation de souffrance psychique, incluant ses parents ou les titulaires de l’autorité parentale, et les orientent vers un psychologue libéral, inscrit sur le fichier ADELI géré par les agences régionales de santé, figurant sur la liste mentionnée à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée.
Lorsque le jeune est scolarisé, l’évaluation est, le cas échéant, effectuée avec l’aide d’un psychologue affecté en établissement scolaire.
Les jeunes présentant des troubles psychiatriques ou des signes de crise suicidaire sont exclus de l’expérimentation et orientés vers les soins spécialisés.
II. – Seuls les professionnels mentionnés au I et adhérant à la charte de l’expérimentation mentionnée à l’article 3 du présent décret peuvent participer à l’expérimentation prévue pour une durée maximale de quatre ans.
La liste des médecins et psychologues adhérant à cette charte est élaborée par l’agence régionale de santé. Elle est mise à disposition des bénéficiaires et des professionnels selon des modalités définies dans le cahier des charges mentionné à l’article 3 du présent décret.
III. – L’entrée dans l’expérimentation est subordonnée au consentement du jeune, ou des titulaires de l’autorité parentale du jeune lorsqu’il est mineur, recueilli dans les conditions fixées à l’article 4 du présent décret. Si le jeune était mineur et non émancipé au moment de son inclusion dans l’expérimentation, son consentement doit être recueilli dès l’atteinte de sa majorité pour maintenir son inclusion dans l’expérimentation.
Les jeunes ainsi que le ou les titulaires de l’autorité parentale lorsqu’ils sont mineurs peuvent :
1° Retirer leur consentement à tout moment et sortir définitivement de l’expérimentation et du dispositif de prise en charge des consultations psychologiques ;
2° Demander à changer de psychologue en cours de prise en charge.

 Article 2 En savoir plus sur cet article…
I. – Dans chacun des territoires retenus par l’arrêté mentionné à l’article 68 de la loi du 23 décembre 2016 susvisée, la maison des adolescents compétente assure la coordination du dispositif de prise en charge de la souffrance psychique des jeunes de 11 à 21 ans, selon les modalités définies par le cahier des charges mentionné à l’article 3 du présent décret.
Elle organise notamment des sessions de sensibilisation et de formation auprès des médecins et des psychologues adhérant à la charte de l’expérimentation mentionnée à l’article 3 du présent décret.
II. – Dans les six mois suivant la publication de l’arrêté susmentionné, une convention est signée entre la maison des adolescents compétente pour le territoire de l’expérimentation, le directeur général de l’agence régionale de santé et le recteur d’académie concernés pour toute la durée de l’expérimentation. Cette convention précise notamment les modalités de coordination, de sensibilisation et de formation, ainsi que les modalités de versement par la maison des adolescents du forfait aux psychologues libéraux participant à l’expérimentation.
III. – Le médecin généraliste, le pédiatre ou le médecin scolaire assure le suivi du parcours du jeune avec le psychologue libéral et en lien avec son médecin traitant.
IV. – Le forfait mentionné au I de l’article 1er du présent décret comprend un total de douze consultations maximum pour le jeune et les titulaires de l’autorité parentale.
Le forfait est financé par les crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 du code de la santé publique, alloués aux maisons des adolescents à ce titre.
V. – Un bilan annuel de la mise en œuvre de l’expérimentation réalisée dans chaque territoire est établi par la maison des adolescents qui l’adresse au directeur général de l’agence régionale de santé, au recteur d’académie concernés ainsi qu’aux ministres chargés de l’éducation nationale, de la santé et de la sécurité sociale.
VI. – Une équipe de recherche, mise en place selon les modalités définies par le cahier des charges mentionné à l’article 3 du présent décret, évalue l’expérimentation visant à organiser la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes de 11 à 21 ans, en évaluant notamment l’acceptabilité des parties prenantes, l’efficacité du dispositif et son efficience, ainsi que la coordination du parcours du jeune. Elle formule des recommandations sur les modalités de généralisation de l’expérimentation sur l’ensemble du territoire français.

 Article 3
Un cahier des charges arrêté par les ministres chargés de l’éducation nationale, de la santé et de la sécurité sociale précise notamment les modalités du pilotage national et régional de l’expérimentation, le contenu de la charte de l’expérimentation pour les médecins et les psychologues, les modalités de financement, les modalités du parcours du jeune, ainsi que le suivi et l’évaluation de l’expérimentation mentionnée notamment au VI de l’article 2 du présent décret.

 Article 4 En savoir plus sur cet article…
Le consentement exprès et éclairé du jeune, ou des titulaires de l’autorité parentale du jeune le cas échéant, est recueilli par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée, après qu’il a ou qu’ils ont reçu les informations suivantes :
1° Les modalités de l’expérimentation, notamment quant à la prise en charge et au suivi proposés, ainsi que ses finalités ;
2° Le recueil et la transmission à un ou plusieurs professionnels ou structures participant à la prise en charge et au suivi du jeune, dans les conditions définies aux articles L. 1110-4L. 1110-12 et L. 1111-8 du code de la santé publique, des informations mentionnées au cahier des charges prévu à l’article 3 du présent décret.
Le consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Il est strictement limité à la durée de la prise en charge du jeune dans le cadre de l’expérimentation.

Article 5
La ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de l’économie et des finances, la ministre des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d’Etat chargé du budget et des comptes publics sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 5 mai 2017.