Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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DES FAILLES DANS LA SECURITE DES CENTRALES NUCLEAIRES FRANCAISES ?, M. Rambour

Muriel Rambour
Maître de conférences en droit public à l’Université de Haute-Alsace, CERDACC

 

Greenpeace a présenté, le 10 octobre 2017, un rapport sur les risques terroristes pesant sur les 19 centrales nucléaires françaises (https://www.greenpeace.fr/centrales-nucleaires-tres-mal-protegees-face-aux-actes-de-malveillance/). Le document a été remis au gouvernement, à l’Agence de sûreté nucléaire, à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ainsi qu’au Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (Muriel Rambour, « Création du Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (COSSEN) », JAC, n°167, mai 2017).

Le rapport, qui vise à alerter l’opinion sur les risques principaux et sensibiliser plus précisément les pouvoirs publics, est le résultat d’un an et demi de recherches conduites par une équipe de 7 experts internationaux – ingénieurs, chercheurs et spécialistes de physique nucléaire –, bons connaisseurs des installations nucléaires françaises qu’ils ont pu visiter. Afin de mener un travail en indépendance, EDF n’a pas été associé à la production du rapport. Ce dernier comporte de nombreux détails sur les menaces potentielles : stratégies possibles, types d’attaques – aériennes, terrestres, maritimes –, moyens employés. L’enquête dresse le constat d’un déficit de protection des installations, en particulier des piscines de refroidissement du combustible usé, face au risque terroriste.

Le combustible nucléaire usé est stocké dans une piscine abritée dans une structure localisée hors du bâtiment où se situe le réacteur. Les parois ont une épaisseur de 30 cm dont 2 à 3 cm de tôle métallique, alors que le réacteur est protégé par un mur en béton de 60 cm à 1 mètre. Ces piscines sont remplies d’eau jusqu’à une hauteur de 7 m au-dessus du combustible pour le refroidir et assurer la protection du personnel contre la radioactivité. Dans le cas où elles seraient endommagées par une attaque, la diminution du niveau de l’eau provoquerait en quelques heures de graves rejets radioactifs et, à terme, la fonte de l’ensemble de la piscine.

Les auteurs du rapport suggèrent d’améliorer la protection physique des installations, et notamment celle de ces piscines de refroidissement qui seraient soit déplacées dans le bâtiment réacteur, soit protégées par une coque spécifique. A cette proposition, le directeur du parc nucléaire d’EDF, Philippe Sasseigne, répond (entretien au Parisien, 10 octobre 2017) que si les piscines se situent hors du bâtiment hébergeant le réacteur, elles bénéficient d’un identique niveau de protection, tant contre des agressions naturelles que des actes de malveillance ; la différence d’épaisseur entre les murs de protection du combustible et les réacteurs s’explique par « la configuration géométrique » du bâtiment, laquelle ne nécessiterait pas de consolidation. Un tel renforcement aurait d’ailleurs un coût, évalué entre 1.6 et 2.26 milliards d’euros par piscine de réacteur. Au total, entre 140 et 222 milliards d’euros devraient être déployés. Or, le directeur du parc nucléaire annonce que, dans le cadre du plan de Grand Carénage visant à prolonger la durée de vie des centrales, EDF a prévu d’investir 700 millions d’euros en effectifs et matériels (clôtures, éclairage, caméras, dispositifs anti-voitures béliers…) d’ici 2023.

Parmi les autres points de vulnérabilité, le rapport mentionne également les stations de pompage qui sont délaissées alors que leur rôle est essentiel, puisant dans les cours d’eau voisins l’eau permettant de refroidir le combustible, dans le cœur du réacteur ou les piscines. Vulnérables aux intempéries comme l’a démontré l’inondation de la centrale du Blayais en Gironde après la tempête de 1999, ces installations le seraient aussi aux actes malveillants.

Le rapport de Greenpeace souligne que n’existe aucune instance coordonnée concernant la sécurité nucléaire, l’ASN ne s’occupant que de « sûreté » nucléaire, ce qui peut s’avérer problématique notamment du point de vue du contrôle des entrées sur les sites. Afin de renforcer la surveillance des personnes ayant accès aux installations – qu’il s’agisse des effectifs habituels, des sous-traitants ou des visiteurs –, EDF annonce une prochaine réorganisation de sa collaboration avec les pouvoirs publics au moyen d’un nouveau service rattaché au ministère de l’Intérieur.