EDITO : HARO SUR LES MUSEES A VOCATION MEMORIELLE, C. Lienhard
Claude LIENHARD
Avocat spécialisé en droit du dommage corporel
Professeur émérite de l’Université Haute-Alsace
Directeur honoraire du CERDACC (UR 3992)
Comment s’élabore un éditorial ? Au gré de l’actualité, au gré des humeurs et des inclinaisons de l’éditorialiste ou encore de ses indignations et de ses inquiétudes légitimes.
En cette veille de Noël nous sommes malheureusement dans ce registre.
Deux informations récentes, l’une venue de France, l’autre de Suisse, montrent à quel point il y a un risque d’abandon mémoriel et donc de perte d’âme et d’humanité.
En France, c’est l’annonce, sans consultation préalable, par Matignon en fin de règne, au président et à la directrice de la mission de préfiguration du musée mémorial du terrorisme, l’historien Henri Rousso, et à l’ancienne déléguée interministérielle Elisabeth Pelsez, de l’abandon du projet. Annonce brutale s’il en est !
Cet abandon est ressenti à juste titre par les victimes comme un manque de respect et un véritable mépris.
L’historien Henry Rousso décrit parfaitement, dans un long entretien au Figaro publié le mardi 10 décembre, la conjonction d’aspects économiques et d’autres obstacles de concurrence mémorielle qui amènent à revenir sur une parole présidentielle et sur un engagement du président de la République.
Les réactions associatives ont été nombreuses. On relève en Alsace la réaction de l’association AVA, qui regroupe la plus grande partie des victimes de l’attentat du marché de Noël du 11 décembre 2018, qui s’indigne justement de ce choix d’abandon et qui a proposé que la ville de Strasbourg s’inscrive dans le combat pour continuer à obtenir la création d’un musée qui pourrait être provisoirement accueilli à Strasbourg.
De même, les associations niçoises créées pour donner suite à l’attentat de la promenade des Anglais dénoncent avec fermeté ce recul.
Dans la même tonalité, on relèvera la forte implication de François Mollins, procureur général honoraire près la Cour de cassation, « L’abandon de ce beau projet voulu par le président de la République et entamé il y a six ans est incompréhensible et constitue un manque de respect flagrant pour l’ensemble des victimes du terrorisme et leurs proches. Il faut continuer à se battre pour ce projet », écrit-il sur son compte X.
En Suisse, on apprend que le Conseil fédéral, s’appuyant sur des mesures d’allégement des finances fédérales, envisage de revoir le financement accordé au Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, MIRC.
Ce musée incarne un héritage essentiel de l’identité nationale suisse. Comme le relève, dans une opinion publiée dans le journal Le Temps, le conseiller d’état genevois chargé de la cohésion sociale Thierry Apothéloz, l’héritage du Musée de la Croix-Rouge doit lui aussi être préservé ; nous pouvons faire nôtre à notre mesure ses arguments.
Défendre la cause des musées, défendre la démarche mémorielle, c’est défendre des valeurs fondamentales, humanitaires, républicaine, de démocratie, de solidarité, de résistance et de résilience. À un moment où nous croulons sous les fausses valeurs, sous les fakes news et que nos valeurs fondamentales sont contestées, attaquées et constamment menacées, nous devons nous mobiliser et, comme le disait si bien et si dignement Stéphane Hessel, nous indigner !