LES ANIMAUX MALADES DES TRANSPORTS … A MOINS QUE CE NE SOIT L’INVERSE !, E. Desfougères

Éric DESFOUGÈRES

Maître de conférences (HDR) à l’Université de Haute-Alsace

Membre du CERDACC (UR 3992)

 

La mythologie, sans se soucier de la logistique, voudrait que Noé ait accueilli à bord de son arche un couple de chacune des espèces de la faune existante alors pour les préserver du Déluge et qu’il ait réussi à les faire cohabiter sains et saufs. Seulement, ces temps anciens semblent aujourd’hui bien révolus et si la propension de déplacer par tous modes des animaux n’a cessé depuis de prendre de l’ampleur, ce n’est qu’au prix de nombre d’accidents qu’ils subissent (I) ou et dont ils sont à l’origine (II). Ce qui ne manque de soulever nombre de problématiques juridiques au cœur des thématiques du CERDACC et par conséquent des 250 éditions passées du JAC.

 

I.- Des animaux victimes d’accidents de transports …

Ce type très particulier d’acheminement est régi par plusieurs textes particuliers (A) complétés, en cas de blessures ou de mort, par des décisions de justice (B).

 

A.- Des réglementations protectrices

En droit français, selon l’article L. 1253-3 du Code des transports : « Sans préjudices des dispositions de l’article L. 5422-17, les règles relatives au transport d’animaux vivants sont fixées par les dispositions des articles L. 214-12, L. 214-19, L. 214-20 et L. 215-13 du Code rural et de ma pêche maritime. ».

Sous l’angle du droit de l’Union européenne, il appartient aux juridictions nationales d’apprécier les preuves du respect de la réglementation relative au bien-être des animaux susceptibles de priver les exportateurs du bénéfice des restitutions agricoles (CJCE, 13 mars 2008, aff. C-96/06, Viamex Agrar Handel Gmbh contre Haupzollamt Hamburg-Jonas, obs. in Journal du droit international (Clunet) avr. 2009 p. 657 à propos du transport maritime de bovins).  Un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 23 avril 2015 (n° C-424/13 Zuchtvieh-Export GmbH contre Stadt Kempten) a rappelé qu’un voyage de longue durée d’un Etat membre vers un Etat tiers comportait pour la partie se déroulant en dehors du territoire de l’Union un contrôle en rapport avec le carnet de route. Plus spécifiquement, un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 janvier 2021 (nov. 2021, n° 18/03224 : DMF, p. 900, obs. A. Luquiau ; DMF, juin 2022, HS, p. 88 obs. P. Delebecque) a bien confirmé que la clause du contrat d’assurance relatif aux transports maritime d’animaux vivants, en l’occurrence des génisses et taureaux, subordonnant la garantie à l’exigence de faire intervenir immédiatement un vétérinaire supposait nécessairement son embarquement à bord dès le départ. Ce qui n’est pas sans rappeler le périple feuilletonné, beaucoup plus ancien d’une cargaison de plus de 50.000 moutons originaires d’Australie, atteints de la gale, qui avaient erré pendant plus de 70 jours à bord du navire Cormo Express refusé par plus d’une vingtaine de pays pour des raisons sanitaires pour finalement être accepté par l’Erythrée (https://www.afrik.com/fin-du-calvaire-pour-les-moutons-maudits). Plus anecdotiquement, un autre arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 3 décembre 2015 (n° C-301/14 Pfotenhilfe-Ungarn, « Transport des animaux au sein du marché intérieur : la Cour de justice contrainte d’abandonner les chiens errants à leur triste sort » : RAE, oct. 2015, p. 769, note C. Vial) a contribué à élaborer des règles concernant le transport transfrontalier de chiens sans maîtres.

Dans le cadre du Conseil de l’Europe, cette fois, a été conclue à Paris, le 13 décembre 1968 (modifiée à Chisinau le 13 novembre 2003), une convention européenne sur la protection des animaux en transport international (www.coe.int/fr/web/conventions/-/council-of-europe-european-convention-for-the-protection-of-animals-during-international-transport-ets-no-065-translations). La même année, l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA) a carrément élaboré un Code sanitaire pour les animaux terrestres avec un Chapitre 7.2 consacré au transport des animaux par voie maritime, non doté de force contraignante.

Cette préoccupation du bien-être animal peut, lors de déplacements, aller jusqu’à revêtir un aspect plus militant. Comme en atteste la relaxe d’un armateur ayant refusé de transporter des volatiles (notamment des poussins d’un jour et des œufs à couver de perdrix et de faisans) poursuivi pour discrimination, après que les chargeurs aient refusé d’adhérer à une association s’opposant à la commercialisation pour la chasse.  Le transporteur est même reconnu en droit de réclamer réparation de son préjudice d’image en raison d’un abus de constitution de partie civile (V. T. corr. Boulogne-sur-Mer, 20 déc. 2019, n° 3093/2019, « Relaxe d’un armateur poursuivi pour avoir refusé de transporter des animaux vivants » : DMF déc. 2019, p. 1005, obs. N. Soisson).

 

B.- Des jurisprudences réparatrices

C’est bien, sans conteste, sur le fondement contractuel que le transporteur doit indemniser le destinataire ayant réceptionné des animaux blessés ou ayant péri lors du déplacement (V. Cass. com., 28 févr. 1984, n° 82-15834 ayant censuré le jugement d’un tribunal qui s’était fondé sur l’ancien 1382 du Code civil, après que dans 5 essaims sur 6 transportés par SNCF Sernam, les abeilles soient mortes). Plus spécifiquement, en matière aérienne, a bien été considéré comme une avarie au sens de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 (aujourd’hui transposable à la Convention de Montréal du 28 mai 1999) le fait que la plupart des poussins transportés par Air France vers Pékin soient arrivé morts ou inaptes à la reproduction (Cass. com. 9 mai 1995, n° 93-13.781) avec pour conséquence que seul le destinataire pouvait adresser une protestation au transporteur.

Au rang des faits exonératoires, l’article 17 § 4 de la Convention de Genève du 1956 (CMR) relative au transport international routier se trouve bien le transport d’animaux vivants, la preuve d’un tel risque particulier, telle qu’une maladie, devant être apportée par le transporteur qui doit également démontrer qu’il a mis en œuvre toutes les mesures lui incombant (CA Bourges, 25 juill. 2024, n° 24/00016, « Animaux vivants. Prouver son exonération » : BTL 2 sept. 2024, p. 490 au sujet de poissons d’ornement arrivés morts). Tandis qu’en ferroviaire, en l’absence de dommage corporel du passager, le transporteur n’est responsable du dommage résultant de la perte totale ou partielle ou de l’avarie des objets, des colis à main ou des animaux dont la surveillance incombe au voyageur (art. 15 des RUCIV) que si ce dommage est causé par une faute du transporteur.

Du point de vue de l’indemnisation des propriétaires d’animaux victimes, de manière originale, la qualification de « prothèse vivante » a pu être conférée à un chien d’aveugle percuté (TGI Lille, 23 mars 1999 : Defrénois 15 oct. 1999, p. 1050, obs. P. Malaurie ; D. 1999, p. 350, X. Labbée allant lui jusqu’à parler de personne par destination). Cette question s’est trouvée en grande partie renouvelée avec le nouvel article 515-4 du Code civil issu de la loi du 16 février 2015 suivant lequel les animaux sont désormais des êtres vivants doués de sensibilité. La plupart des régimes de réparation distinguent, en effet, les atteintes aux personnes de celles aux biens. Il en va ainsi de la loi du 5 juillet 1985 dite « Badinter » relative aux accidents impliquant des véhicules terrestres à moteur. Un arrêt de la Cour d’appel de Bourges du 7 juillet 2022 (n° 21/00895 : « Les dommages résultant de la mort accidentelle d’un animal de compagnie : de simples « dommages aux biens » ? : D. 2023, p. 226, note J. Mouly ; « La loi sur les accidents de la circulation et l’indemnisation des préjudices résultant de la mort d’un animal de compagnie » : RSDA 2-2022, p. 35, note J. Mouly) a opportunément considéré que le décès d’un animal était soumis au régime des biens. Ce qui en l’espèce a permis d’opposer une faute de surveillance à une personne dont la chienne labrador avait été écrasée après s’être couchée sous le véhicule d’un artisan venu faire des réparations. En résulte un partage de responsabilité, qui n’exclut pas une prise en compte du préjudice d’affection, mais n’inclut pas les frais d’acquisition de l’animal âgé de 12 ans. Pareillement, le fait qu’une conductrice, victime d’un premier accident, ait été percutée alors qu’elle retournait vers son véhicule pour y récupérer son chat a bien été assimilé à une prise de risque supplémentaire de nature à limiter son droit à indemnisation (Cass. 2e civ., 8 juill. 2021, n° 20-11.133 : RSDA 2-2021, p. 241). Dans le domaine aérien, c’est bien la notion de « bagages » qui vient d’être retenue au sujet d’une chienne s’étant échappée sans être retrouvée lors de son transport vers l’avion, la déclaration spéciale d’intérêt permettant aux passagers d’écarter la limite d’indemnisation estimée trop basse (CJUE 16 oct. 2025 C-218/84 Iberia Lineas Aéras de España).

Un des cas les plus médiatisé aura sans doute été celui de l’infortuné chat Neko qui, le 2 janvier 2023, avait littéralement été coupé en deux par un TGV en gare de Paris-Montparnasse. Il s’était enfui de sa cage de voyage pour se réfugier sous le train en partance pour Bordeaux. La mère et sa fille, propriétaires du félin, n’avaient alors pas pu, malgré leurs demandes, faire reporter le départ. Elles avaient, en revanche, obtenu du tribunal de police, avec demande de renvoi au tribunal correctionnel, le 19 juin 2023 une condamnation de SNCF voyageurs à une amende de 1000 euros (https://france3-regions.franceinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/chat-ecrase-par-un-train-a-montparnasse-la-sncf-condamnee-a-une-amende-de-1000-euros-2807810.html). Surtout, le 15 mai 2025, une note de consignes de la compagnie ferroviaire a fixé une nouvelle procédure à suivre pour éviter que ce genre d’incident se reproduise. Concrètement après signalement par les passagers s’ouvre une période de 10 minutes de « levée de doute » pour tenter de repérer l’animal. Si tel est le cas, il y a 10 minutes maximum pour s’efforcer de la faire sortir de la zone dangereuse et alors le convoi pourra partir à vitesse ralentie (https://www.tf1info.fr/transports/un-chat-sur-les-rails-et-800-passagers-qui-patientent-desormais-la-sncf-attendra-20-minutes-pas-plus-2371317.html).

La difficulté tient surtout au fait que si toutes les bêtes évoquées peuvent subir des dommages, les mêmes ou d’autres peuvent également en provoquer.

 

II.- … aux animaux causes d’accidents de transport

Les médias, désormais relayés par les réseaux sociaux, se font régulièrement l’écho de situations insolites mettant en cause des animaux provoquant des sinistres à l’occasion de déplacements (sur la question plus générale V. H.-M. Darnanville, « Responsabilité et dommages causés par les animaux sauvages » : LPA 19 avr. 2000, p. 4). Il s’agit le plus souvent de cargaisons libérées suite à des collisions de véhicules. Ce fut le cas, par exemple, le 12 mai 2025, de près d’un millier de lapins qui se trouvaient à bord d’une semi-remorque les conduisant dans un abattoir des Deux-Sèvres et ayant terminé dans un fossé dans le Maine-et-Loire (https://actu.fr/faits-divers/insolite-4-000-lapins-se-retrouvent-en-cavale-apres-la-chute-d-un-poids-lourd-dans-un-fosse-du-maine-et-loire_62629611.html). Aux Etats-Unis, après des porcelets en 2015 ou des singes d’expériences en 2022, ce sont des millions d’abeilles qui le 30 mai 2025 se sont échappées d’un camion renversé, près de la frontière canadienne entraînant une fermeture de la route par précaution (https://www.franceinfo.fr/monde/usa/quelque-250-millions-d-abeilles-s-echappent-d-un-camion-aux-etats-unis-apres-un-accident-de-la-route_7284009.html). Encore plus rocambolesque, le 12 novembre 2024, un aéronef de la compagnie TAP Air Portugal s’est retrouvé cloué au sol pendant plusieurs jours, sur l’aéroport de Ponta Delgada (Açores). Plus d’une centaine de hamsters s’étaient évadés de leur cage, qui avait pourtant été refusée sur un autre vol du fait de son état, présente dans une soute de bagages. La crainte principale étant qu’ils endommagent les circuits électriques. Les furets et oiseaux provenant de la même commande d’une animalerie sont eux restés dans leurs caisses de transport (https://www.capital.fr/economie-politique/airbus-un-a320-immobilise-a-cause-de-l-evasion-spectaculaire-de-100-hamsters-1505643.-https://www.lefigaro.fr/international/portugal-un-avion-cloue-au-sol-pendant-cinq-jours-apres-l-evasion-de-132-hamsters-20241118)). Ce qui soulève la question des dispositions pouvant être invoquées par les victimes pour obtenir une indemnisation (A) posant de nombreux problèmes d’application (B).

 

A.- Des divers fondements de responsabilité

C’est bien l’article 5 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, et non l’ancien article 1385 du Code civil sur la responsabilité extracontractuelle, qui a vocation à s’appliquer en cas de dommage causé par un animal lors d’un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur (en l’espèce un chien avait sauté sur les genoux du conducteur d’une voiture louée qui en avait alors perdu le contrôle (V. Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-14.244 : « Accident de la circulation causé par l’animal du conducteur : la loi de 1985 exclut l’application de l’article 1385 » : RTDciv. 2009, p. 733, obs. P. Jourdain). En revanche, le gardien d’un animal agissant contre le conducteur ne peut le faire que sur le fondement de l’article 1385 (aujourd’hui 1243) du Code civil, comme pour le recours d’une association organisant un spectacle sons et lumières dont deux chevaux s’étaient enfuis au galop après avoir été effrayé par le feu d’artifice et une sirène de pompiers et avaient causé une collision mortelle (V. Cass. 2e civ., 13 juill. 2000, n° 98-21.530 : « Implication : déclenchement de l’alarme du véhicule : accident causé par des chevaux effrayés » : RCA nov. 2000, comm. 324, note H. Groutel).

Plusieurs années après la jurisprudence (V. notamment Cass. ch. mixte, 28 mai 1990 n° 89-80.655 : RCA 1990, comm. 226, note H. Groutel à propos d’un cyclomotoriste blessé en heurtant un chien dont le propriétaire n’était pas assuré), la loi n° 2003-706 du 1er août 2023 (JO, 2 août 2003) complétée par le décret n° 2004-176 du 17 février 2004 (JO, 24 févr. 2004) ont modifié l’article L. 421-1 du Code des assurances afin que les victimes de collisions avec un animal qui n’a pas de propriétaire ou dont lequel demeure inconnu ou non-assuré puissent être indemnisé par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). Le décret n° 2010-923 du 3 août 2010 (JO, 6 août 2010 : « Accident causé par un animal sauvage : nouvelles conditions d’indemnisation par le Fonds de garantie » : RLDC 2010/11, p. 23, obs. S. Boyer-Mulon) a toutefois instauré une franchise de 500 euros lorsque l’animal est identifié mais sans propriétaire, comme le gibier.

Du point de vue de la responsabilité administrative, l’absence de signalisation relatives aux grands animaux sauvages ne constitue pas un défaut d’entretien normal (V. CAA Marseille, 6 oct. 2011, n° 09MA00650 à propos d’une motocyclette percutée par un sanglier en Corse « Le sanglier, la motocyclette, et l’absence de défaut d’entretien normal sur la voie publique » : RSDA juill. 2011, p. 69, obs. C. Boyer-Capelle). De même, la qualification d’ouvrage public ayant été refusé aux couloirs aériens, les demandes des compagnies Air-Inter et Air Afrique fondées sur le défaut normal d’entretien après que des collisions avec des oiseaux aient endommagé des réacteurs de leurs aéronefs après le décollage de Marseille-Marignane sont rejetées (CE 2 déc. 1987, n° 65-517, Cie Air-Inter). Une autre action est également envisageable devant le juge administratif sur le fondement de la faute pour carence des pouvoirs de police (V.  a contrario CE 16 octobre 1987, n° 58-465, à propos d’une cyclomotoriste mortellement blessée après avoir heurté deux chiens errants à Uzès).

 

B.- Des difficultés de mise en œuvre

Pour preuve, le concept d’implication, au cœur de la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation des véhicules terrestres à moteur, sans qu’il y soit défini, s’est retrouvé dans plusieurs espèces illustré par des collisions avec des animaux. Ainsi, en va-t-il d’une chèvre, percutée par un motard dépassant à vive allure une automobile (Cass. 2 e civ., 12 déc. 2019, n° 18-22.727 « L’auto, la moto, la chèvre et l’implication… » : RCA févr. 2020, focus 3, obs. L. Bloch). Le heurt avec un sanglier, dans une zone de montagne boisée, ayant provoqué le déport d’un conducteur n’a pas été considéré comme un cas de force majeure constituant un défaut de maîtrise du véhicule et donc une faute excluant l’indemnisation (CA Chambéry 2 nov. 1999 : Gaz. Pal. 27 juill. 2000 p. 12). Dans une autre affaire, d’accident complexe, il a bien été précisé que le sanglier ou tout autre animal ne pouvait servir de lien entre deux véhicules et que sa présence à un endroit de la chaîne entraînait la rupture de celle-ci (Cass. 2e civ., 17 févr. 2011, n° 10-14.658 « Implication : accident complexe » : RCA mai 2011, note H. Groutel). Une jurisprudence antérieure à la loi du 5 juillet 1985 avait déjà retenu, sur le fondement de la garde, la responsabilité d’un apiculteur, alors qu’un camionneur avait causé un accident après avoir perdu le contrôle de son véhicule du fait de la piqure d’une abeille après avoir stationné à proximité des ruches (Cass. civ. 6 mai 1970, 69-11.121 : D. 1970 p. 528).

Autre phénomène récurrent, le péril aviaire et même plus globalement animalier, désignant le risque de collision entre les oiseaux et les aéronefs, (de l’ordre 5000 à 6000 incidents par an) s’est même retrouvé porté sur grand écran à travers le film « Sully » réalisé, en 2016, par Clint Eastwood à partir de l’atterrissage forcé, en janvier 2029, sur le fleuve Hudson après que des oies sauvages aient heurté l’aéronef. Ce danger est désormais expressément mentionné aux articles L. 6332-3 et D. 213-1-19 et suivants du Code des transports. Ce qui a permis à Air France d’engager la responsabilité de la SA Aéroport Toulouse-Blagnac et de son sous-traitant en charge de prévention de ce risque, après qu’un appareil ait dû revenir se poser en raison de dommages causés à l’un de ses réacteurs par des oiseaux (CE 7 mars 2018, n° 403455, Sté Aéroport de Toulouse-Blagnac : « Dommages causés à un avion par un oiseau : à qui la faute ? » Énergie – Environnement – Infrastructures juill. 2018, comm. 42, concl. X. Domino ; RFDAS janv. 2018, p.59/64). Ce genre d’incident a parallèlement pu être considéré comme une « circonstance extraordinaire » susceptible d’exonérer le transporteur aérien de son obligation d’indemnisation des passagers pour le retard subi sur le fondement de du règlement CE 261/2004 du 11 février 2004 (CJUE 4 mai 2017 C-315/15 Peskova, Peska c/ Travel Service « Une collision aviaire aurait-elle provoqué une erreur de pilotage à la CJUE ? » : D. 2017, p. 2078, note P. Dupont et G. Poissonnier ; « Collision aviaire : sécurité ne rime pas (forcément) avec ponctualité » : Juristourisme, oct. 2017 p. 44). Encore faut-il en plus que la compagnie aérienne ait bien pris des mesures raisonnables, appréciées par les juridictions nationales, pour éviter le dommages (tel que l’effarouchement par le bruit, l’aveuglement par la lumière ou l’interdiction de certaines cultures à proximité des aéroports). Quelques mois plus tôt, La Cour d’appel de Paris avait déjà jugé dans le même sens, privilégiant l’impératif de sécurité sur celui de ponctualité, au sujet de l’ingestion d’un faucon par un moteur d’avion ayant également engendré un retard (CA Paris 8 déc. 2016, n° 14/20238).

Il peut même arriver que des dommages provoqués par des animaux à l’occasion de déplacement se retrouvent au cœur de délicates question de droit international privé. Comme par exemple lors d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 13 avril 1999 (n° 96-22.487 : « L’équivalence entre la loi appliquée et la loi désignée par la règle de conflit » : JCP G 2000, II, 10261 note G. Légier ; Gaz. Pal. 1er mars 2000, p. 42, obs. M.-L. Niboyet ; Gaz. Pal. 21 févr. 2001, p. 10, obs. E. du Rusquec ; D. 2000, p. 268, obs. É. Agostini) ayant retenu le concept d’équivalence de loi à propos de l’accident causé par un cheval errant, par un épais brouillard, en Belgique, à une automobile immatriculée en France. Les Codes civils des deux États comportant des dispositions similaires.

Ressort de ce bestiaire panoramique, bien loin d’être exhaustif, que si tous n’en meurent pas, tous les animaux déplacés sont susceptibles d’être frappés d’accidents se soldant parfois par des jugements de cour rendant blanc ou noir représentant autant de sources d’inspiration de nos prochains numéros.