L’INFLUENCE DE LA REFORME DU DROIT DES CONTRATS EN DROIT DU TRAVAIL, V. Schoepfer
Vincent SCHOEPFER
Docteur en droit à l’Université de Haute-Alsace
Membre du CERDACC (UR 3992)
M. Vincent SCHOEPFER a présenté et soutenu le mardi 26 novembre 2024, sa thèse de doctorat en droit privé intitulée « L’influence de la réforme du droit des contrats en droit du travail » sous la direction du Professeur Yann LEROY. Nous avons le plaisir d’annoncer à nos lecteurs qu’à l’issue d’une brillante soutenance, Monsieur SCHOEPFER a obtenu le titre de docteur en droit.
Le jury était composé de :
Mme Sarah BROS, Professeure à l’Université de Paris-Dauphine (rapporteur)
M. Julien ICARD, Professeur à l’Université de Paris 2 – Panthéon-Assas (rapporteur)
M. Xavier HENRY, Professeur à l’Université de Lorraine (examinateur)
M. Christophe RADÉ, Professeur à l’Université de Bordeaux (examinateur)
M. Philippe SCHULTZ, Professeur à l’Université de Haute-Alsace (examinateur)
M. Yann LEROY, Professeur à l’Université de Lorraine (Directeur de Thèse)
Résumé de la thèse
L’ordonnance du 10 février 2016, ratifiée par une loi du 20 avril 2018, réforme pour la première fois ce pan du Code civil. Cette thèse, intitulée L’influence de la réforme du droit des contrats en droit du travail, entend apporter sa contribution à l’étude de l’influence que produit la réforme du droit des contrats en droit du travail.
Dans cette optique, il est nécessaire de déterminer quel est le point le plus bas de cette influence, son degré intangible. Il apparaît que cette influence minimale résulte à la fois de la contrainte du Code civil et de l’attrait que certains nouveaux mécanismes civilistes produisent pour les acteurs des relations individuelles et collectives de travail.
La contrainte dont il est question résulte avant tout du nouvel article 1105 du Code civil, qui est le seul à régir l’articulation des règles générales avec les branches spéciales du droit privé. Il indique qu’en l’absence de règle spéciale, la lacune constatée – par exemple dans le Code du travail – doit être comblée par le recours au droit commun. À l’inverse, en présence d’une ou plusieurs règles spéciales, le Code civil commande la cohabitation des différentes normes. Ces deux principes, qui favorisent la mise en œuvre du Code civil, contribuent à la production d’une influence minimale contrainte de la réforme en droit du travail. La seule exception au principe de cohabitation prend la forme du conflit de normes, qui résulte d’une réunion de trois critères : une similarité d’objet entre les règles en concours, une incompatibilité de leurs solutions respectives et une identité de nature. La promulgation de la réforme du droit des contrats n’a cependant fait naître que deux nouveaux conflits de normes avec la législation travailliste.
La mobilisation volontaire des techniques civilistes par les acteurs des relations de travail s’avère être le second moteur de notre influence ; l’influence minimale accueillie succède donc à l’influence minimale contrainte. Elle se compose avant tout des textes qui pallient au déséquilibre de puissances qui existe entre les contractants.
La puissance informationnelle, tout d’abord. Le nouvel article 1112-1 du Code civil fait sien de la jurisprudence du XXe siècle et consacre l’existence d’un devoir précontractuel d’information, dont la mise en œuvre pourrait connaître un écho en droit du travail, dans l’optique de protéger l’intérêt du salarié ou de ses représentants. La puissance contractuelle, ensuite, par le recours au contrat d’adhésion, à la législation générale des clauses abusives ou au vice de violence pour abus de l’état de dépendance.
Ces développements nous amènent à considérer que l’influence minimale que la réforme du droit des contrats produit en droit du travail n’est pas négligeable.
Le degré minimal d’influence doit ensuite être confronté à certains facteurs, qui s’avèrent être responsables de sa fluctuation. Le premier constat est celui de sa double altération : a priori, tout d’abord, par l’action du législateur, qui a cantonné certains mécanismes dans des champs d’application très stricts ; a posteriori, ensuite, par l’accueil que réserve la chambre sociale de la Cour de cassation à certaines règles civilistes qui, en fonction de leur utilité en droit du travail, font parfois l’objet d’une application déformée, voire sont évincées du litige soumis au juge du travail.
Ce mouvement d’altération pourrait en rencontrer un second, contraire. La chambre sociale pourrait en effet être à l’origine de l’amplification de l’influence de cette réforme dans les relations de travail, par le recours volontaire à certaines dispositions, afin de régir l’équilibre contractuel ou l’inexécution du contrat.
Il résulte de ce travail que le degré exact de cette influence est aujourd’hui laissé entre les mains de la chambre sociale de la Cour de cassation. Animée par un sentiment conservateur, elle mènera ladite influence en-deçà de notre borne minimale, en refusant de faire application de la réforme du droit des contrats. À l’inverse, si elle venait à être muée par la volonté de renforcer la protection des acteurs travaillistes, elle est en capacité d’amplifier cette influence, par le recours volontaire aux nouveaux mécanismes civilistes.
Le CERDACC et le JAC adressent toutes leurs félicitations à Monsieur Vincent SCHOEPFER !