Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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PROTECTION DU CONSOMMATEUR : LE PROFESSIONNEL DOIT PROUVER LA RÉGULARITÉ DU CONTRAT, P. Schultz

Philippe SCHULTZ

Professeur de droit privé à l’Université de Haute-Alsace

Membre du C.E.R.D.A.C.C. (UR 3992)

A propos d’un arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 1er février 2023

Mots clés : protection du consommateur – démarchage – contrat hors établissement – nullité – mentions obligatoire – charge de la preuve – comparution du défendeur

 Pour se repérer

Le 17 juillet 2014, à la suite d’un démarchage à domicile, deux époux ont acquis auprès de la société Sweetcom une pompe à chaleur et un chauffe-eau thermodynamique financés par un crédit souscrit auprès de la société Domofinance.

Invoquant l’irrégularité du bon de commande et l’absence de réalisation des économies annoncées, les acquéreurs ont assigné le vendeur et la banque en annulation des contrats de vente et de crédit affecté et en indemnisation. Toutefois, le vendeur avait été placé en liquidation judiciaire.

Leur demande est rejetée par la Cour d’appel d’Agen, par un arrêt en date du 3 juin 2020, au motif que les acheteurs avaient produit une copie incomplète du bon de commande qui ne permettait pas de vérifier la conformité du contrat au Code de la consommation.

Les acheteurs forment alors un pourvoi se fondant sur la violation de l’ancien article 1315 devenu l’article 1353 du Code civil au motif que la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve puisqu’il appartient au professionnel de rapporter la preuve de la régularité du contrat conclu avec un consommateur à la suite d’un démarchage à domicile et par conséquent qu’il lui incombe donc de produire un bon de commande complet comportant les mentions informatives requises à peine de nullité par les anciens articles L. 121-18 et suivants du Code de la consommation.

Le moyen du pourvoi est entendu et aboutit à la cassation de l’arrêt d’appel.

Pour aller à l’essentiel

Il résulte des articles L. 121-17, III, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et 1315, devenu 1353, du Code civil que la charge de la preuve de l’accomplissement par le professionnel des obligations légales d’information mises à sa charge à l’occasion de la conclusion d’un contrat hors établissement pesant sur celui-ci, il lui incombe dès lors de rapporter la preuve de la régularité d’un tel contrat au regard des mentions légales devant y figurer à peine de nullité.

C’est pourquoi une cour d’appel qui rejette une demande d’annulation de contrats de vente et de crédit affecté formée par les acquéreurs aux motifs que ceux-ci ne produisent qu’une copie incomplète du contrat de vente et qu’elle n’est pas en mesure de vérifier si ce contrat était conforme au Code de la consommation inverse la charge de la preuve.

Pour aller plus loin

Le démarchage à domicile relatif à la production d’énergie renouvelable est source d’un contentieux nourri (S. Bernheim-Desvaux, Les effets de la nullité du contrat de crédit affecté à l’équipement de panneaux photovoltaïques : Contrats Concurrence Consommation 2019, comm. 34). C’est pourquoi, la prospection téléphonique pour de telles installations est même prohibée depuis 2020 (C. conso., art. L. 223-1). Le litige se présente très généralement sous le même angle : l’acheteur assigne l’installateur et le financier en nullité du contrat principal et, par voie de conséquence, du crédit affecté formant une opération commerciale unique en se fondant sur un dol sur la rentabilité de l’équipement et sur des irrégularités du bon de commande. Il reproche en outre une faute du banquier dans la libération des fonds pour ne pas avoir à restituer le capital emprunté tout en demandant la restitution des mensualités payées consécutivement à l’annulation du crédit. Le banquier défendeur fonde souvent sa défense sur la prescription – les actions étant introduites plusieurs années après la mise en service – et sur la confirmation de la nullité, l’acheteur ayant volontairement exécuté le contrat durant toutes ces années.

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 1er février 2023 (n° 20-22.176) relève du même classicisme.  Elle donne l’occasion à la Cour de cassation d’apporter des précisions relatives à la charge de la preuve pesant sur les parties dans ce type de litige récurrent.

En l’espèce, l’acheteur entendait obtenir l’annulation d’une vente par démarchage à domicile d’une pompe à chaleur et d’un chauffe-eau thermodynamique ainsi que de son crédit affecté en se fondant sur des irrégularités du bon de commande signé le 17 juillet 2014. N’ayant produit qu’une copie incomplète du bon de commande, une Cour d’appel a rejeté la demande des acheteurs au motif qu’elle n’était pas en mesure de vérifier la conformité du contrat aux prescriptions légales.

L’arrêt est cassé pour avoir inversé la charge de la preuve en violation de l’article L. 121-17, III, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l’article 1315, devenu l’article 1353, du Code civil. (Cass. 1re civ., 1er février 2023, n° 20-22.176). En effet, pour les magistrats du Quai de l’Horloge, comme il résulte de ces textes que la charge de la preuve de l’accomplissement par le professionnel des obligations légales d’information mises à sa charge à l’occasion de la conclusion d’un contrat hors établissement pèse sur celui-ci, il lui incombe dès lors de rapporter la preuve de la régularité d’un tel contrat au regard des mentions légales devant y figurer à peine de nullité.

Le principe posé par la Cour de cassation ne semble pas aller de soi. En application de l’article 9 du Code de procédure civile, il appartient à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits au succès de sa prétention : dès lors que le demandeur en nullité (la prétention) n’arrive pas à établir les faits nécessaires à son succès (les mentions omises dans le contrat), le juge devrait rejeter sa prétention. Mais en droit de la consommation, le professionnel a une obligation d’information précontractuelle qui se traduit par des mentions obligatoires devant figurer dans un contrat conclu par démarchage (I). Comme il appartient au professionnel de rapporter la preuve qu’il a rempli son obligation d’information précontractuelle, il doit aussi établir que le contrat est régulier (II).

I. Le formalisme du contrat hors établissement

Dans le souci de protéger le consommateur démarché à domicile, la loi n°72-1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile a imposé dans son article 2 la présence de mentions obligatoires, à peine de nullité du contrat. En revanche, ce texte ne prévoyait aucune obligation d’information précontractuelle particulière à la charge du professionnel. Lors de l’adoption du Code de la consommation, le formalisme prévu par l’article 2 de la loi de 1972 a été repris par l’article L. 121-23.

La loi Hamon (Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation), transposant notamment la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, est intervenue pour imposer une obligation d’information précontractuelle dans le cadre d’un contrat hors établissement tout en maintenant le formalisme de contrat, mais avec un élargissement des mentions obligatoires. Cette modification a été rendue applicable aux contrats hors établissement conclus à compter du 13 juin 2014. Cette précision a son importance puisque les contrats litigieux ont été conclus le 17 juillet 2014, soit moins d’un mois après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

Dans le régime issu de la loi Hamon, l’article L. 121-17 du Code de la consommation, dans son premier paragraphe, a imposé six catégories d’informations précontractuelles communes aux contrats hors établissement et aux contrats à distance. En réalité, l’étendue de ces informations était même plus importante puisque le 1° de ce texte procédait par renvoi aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation, eux-mêmes complétés par des textes réglementaires (art. R. 111-1 à R.111-2). Dans le cadre d’un contrat hors établissement, cette information devait être fournie sur papier ou, avec le consentement du consommateur, sur support durable (C. conso., art. L. 121-18). L’écrit présentait en pratique une grande utilité. En effet, le paragraphe III de l’article L. 121-17 précisait que « la charge de la preuve concernant le respect des obligations d’information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel ». La remise d’un écrit reproduisant les mentions de l’article L. 121-17 permettait au professionnel d’établir qu’il avait rempli ses obligations d’information précontractuelle.

Au-delà de cette information précontractuelle, l’article L. 121-18-1 exigeait, par renvoi à l’article L. 121-17, que les mêmes informations se retrouvent sous forme de mentions dans le contrat hors établissement définitivement conclu entre le professionnel et le consommateur et cela à peine de nullité du contrat. Le formalisme ad validitatem du contrat hors établissement était ainsi maintenu.

Au moment de la refonte du Code de la consommation en 2016, l’obligation d’information précontractuelle a été déplacée dans le nouvel article L. 221-5. Quant au formalisme du contrat hors établissement, il ressort désormais de l’article L. 221-9 pour les mentions, toujours par renvoi à l’article L. 221-5, et de l’article L. 242-1 pour la sanction civile qu’est la nullité. En raison de ce double renvoi, les mentions devant figurer dans un tel contrat n’ont cessé de croître à chaque modification de l’article L. 111-1 du Code de la consommation auquel renvoie l’article L. 221-5. Dès lors que l’absence de ces mentions est sanctionnée par la nullité, les modifications législatives et réglementaires obligent aussi les démarcheurs à adapter en conséquence leurs contrats-types.

Pour autant, en pratique, l’insécurité juridique ne provient pas vraiment d’une instabilité textuelle : elle repose surtout sur l’exigence de mentions dont le contenu exact reste incertain. Ainsi, la loi impose que le contrat mentionne les caractéristiques essentielles du bien ou du service sans définir de quoi il s’agit. C’est en se fondant sur cette imprécision que nombres d’acheteurs entendent ensuite obtenir l’annulation du contrat au motif qu’il ne comporte pas telle ou telle caractéristique qu’il juge essentielle. Ainsi, dans ce domaine, les acheteurs se plaignent souvent d’une mauvaise opération financière parce que la rentabilité économique attendue de l’installation n’est pas au rendez-vous. Pourtant, il a été jugé que la rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d’une installation photovoltaïque au sens de l’article L. 111-1 du Code de la consommation qu’à la condition que les parties l’aient fait entrer dans le champ contractuel (Cass. 1re civ., 21 octobre 2020, n° 18-26.761). En soi, la rentabilité économique d’une installation photovoltaïque n’est donc pas une caractéristique essentielle.

De même, le contrat hors établissement doit mentionner le prix des produits ou des services (C. conso., art. L. 111-1, 2°). Or, très souvent le bon de commande prévoit l’installation d’un kit photovoltaïque englobant les panneaux photovoltaïques un coffret AC/DC, des câbles et connectiques, une intégration aux bâtis, des démarches administratives, une mise en conformité Consuel, l’installation complète du kit et la mise en route finale ainsi que le raccordement ERDF, des micro-ondulateurs, voire l’obtention d’un contrat de rachat de l’électricité produite. Sous l’empire de l’ancien article L. 121-23 du Code de la consommation, un prix global était suffisant. Faut-il désormais détailler le prix de chaque prestation du kit photovoltaïque ? Dans un arrêt du 11 janvier 2023 (n° 21-14.032), la Cour de cassation censure pour violation de l’article L. 111-1, 2°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, en ajoutant à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, une cour d’appel qui retient, pour prononcer l’annulation des contrats de vente et de crédit, que les bons de commande ne comportaient qu’un prix global sans indication de la part respective du coût des matériels, des travaux de pose, des démarches administratives et du raccordement au réseau ERDF à la charge du vendeur.

À l’inverse, une imprécision sur le délai de livraison n’est pas, en principe, une cause de nullité d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur alors même que le délai d’exécution est une information précontractuelle visée par l’article L. 111-1, 3° du Code de la consommation. Au mieux, si le contrat n’est pas exécuté dans les trente jours de sa conclusion, le consommateur peut suspendre le paiement du prix ou en demander la résolution après une mise en demeure (C. conso., art. L. 216-6). Dans un contrat hors établissement, un délai imprécis est source d’annulation du contrat puisqu’il devient une mention obligatoire. Mais doit-il s’agir d’un délai global ou d’un délai détaillé par opération ? Il a été jugé que, au sujet d’un bon de commande  sur lequel figurait la mention pré-imprimée selon laquelle la livraison du ou des matériaux et la pose auraient lieu dans un délai maximum de 120 jours, cette indication est insuffisante pour répondre aux exigences de l’article L. 111-1, 3°, du Code de la consommation, dès lors qu’il n’est pas distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu’un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécuterait ses différentes obligations, de sorte que la nullité du contrat principal est encourue (Cass. 1re civ., 15 juin 2022, 21-11.747).

Depuis le 28 mai 2022, le contenu de l’obligation d’information précontractuelle a été modifié. En effet, l’article L. 221-5, issu de l’ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 transposant la directive 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 et relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs, a abandonné le renvoi aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et à leurs décrets d’application pour intégrer directement tout le contenu des informations précontractuelles. Ces informations sont complétées par un décret d’application (C. conso., art. R. 111-2). Si ces deux textes assurent une meilleure lisibilité, ils ne réduisent pas fondamentalement le nombre d’informations précontractuelles, ni par voie de conséquence le nombre de mentions devant figurer textuellement dans un contrat hors établissement, dont l’absence génère autant de causes de nullité à la disposition de l’acquéreur.

II. La charge de la preuve de la cause de nullité

Le plus souvent l’action en nullité est introduite par l’acquéreur. Celui-ci peut aussi opposer la nullité à une action en paiement exercée par le banquier qui a financé l’installation.

En l’espèce, c’était bien l’acquéreur qui était demandeur en nullité. En application de l’article 9 du Code civil, on pouvait ainsi s’attendre qu’il lui appartînt d’établir les faits qui fondent sa demande d’annulation du contrat. On pouvait donc penser que le consommateur fournît le contrat complet dont il demandait la nullité afin que le juge pût s’assurer de la véracité de ses allégations.  

Pour autant, en se fondant sur les articles L. 121-17, III, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et 1315, devenu 1353, du Code civil, la Cour de cassation énonce, comme principe, que la charge de la preuve de l’accomplissement par le professionnel des obligations légales d’information mises à sa charge à l’occasion de la conclusion d’un contrat hors établissement pesant sur celui-ci, il lui incombe dès lors de rapporter la preuve de la régularité d’un tel contrat au regard des mentions légales devant y figurer à peine de nullité.

En l’occurrence, l’ancien article 1315 du Code civil n’appelait pas cette déduction. Le premier alinéa concerne la charge de la preuve de l’exécution d’une obligation : or, en l’espèce la demande portait sur l’annulation d’un contrat et non son exécution. En revanche, le second alinéa vise celui qui se prétend libéré lequel doit prouver le fait extinctif de son obligation : en application de cette disposition, c’est bien la partie qui se prétend libérée par la nullité de son engagement qui doit en établir la cause. La cause de la nullité reposait sur un défaut de mentions devant figurer dans un contrat hors établissement. Là encore, par application de ce texte, la preuve de l’insuffisance de mentions aurait dû peser sur le consommateur demandeur à l’action en nullité.  

Toutefois, le paragraphe III de l’ancien article L. 121-17, dans sa rédaction applicable en la cause, précisait à propos du respect des obligations d’informations précontractuelles que la charge de la preuve pesait sur le professionnel.

En soi, cette dernière disposition abrogée ne dérogeait pas davantage aux règles relatives à la charge de la preuve. Certes, en principe, il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait (C. civ., art. 1112-1, al. 4)  Mais en droit de la consommation, c’est la loi qui met à la charge du professionnel une obligation d’information précontractuelle. Le consommateur n’a pas à prouver qu’il est créancier d’une obligation légale pesant sur le professionnel. C’est bien le professionnel qui doit établir qu’il a rempli son obligation, comme le prévoit l’article L. 121-17, III. Le second alinéa de l’article 1315 conduirait à la même conclusion. En revanche, en l’occurrence, la nullité n’était pas directement fondée sur un manquement à une obligation d’information précontractuelle. Au demeurant, le Code de la consommation ne précise pas expressément la sanction civile d’un manquement cette obligation figurant à l’article L. 121-17, I. La demande d’annulation était fondée sur un vice de forme : l’omission de mentions obligatoires dans le contrat hors établissement, omission explicitement sanctionnée par la nullité par l’article L. 121-18-1, alinéa 1er, du Code de la consommation. Or, le Code de la consommation ne dit rien de celui qui doit prouver que ces mentions figurent bien dans le contrat. C’est par extrapolation de l’article L. 121-17, III, que la Cour de cassation, dans son arrêt du 1er février 2023, déduit que le professionnel qui doit déjà établir avoir fourni l’information précontractuelle – pour un contrat hors établissement par la remise d’un écrit – doit aussi prouver que le contrat définitivement conclu est régulier en sa forme.

La solution est évidemment très protectrice du consommateur surtout dans un domaine qui donne place à un contentieux important. Sur le plan de l’opportunité, on peut comprendre que la charge d’établir la régularité formelle du contrat pèse sur le professionnel. En effet, dans un domaine du démarchage, les bons de commande sont prérédigés : les contrats sont des contrats d’adhésion (C. civ., art. 1110, al. 2). Aussi, le professionnel doit-il être extrêmement attentif à la rédaction du contrat hors établissement pour éviter tout risque d’annulation pour vice de forme. La question demeure d’actualité en droit positif lequel est régi par les articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 dont le contenu reprend pour l’essentiel les dispositions des anciens articles L. 221-17 et L. 121-18-1 du Code de la consommation. Quant au nouvel article L. 221-7, il rappelle que le professionnel de prouver a la charge de prouver qu’il a exécuté son obligation d’information précontractuelle, obligation qui était initialement visée à l’ancien article L. 121-17, III.

Sur le plan des principes, la règle énoncée par la Cour de cassation déroge bien au droit commun de la charge de la preuve issu tant de l’article 9 du Code de procédure civile que de l’article 1353 du Code civil. Ce n’est pas au consommateur qui se prévaut de la nullité du contrat qui doit établir les faits qui la fondent, mais à son adversaire, le professionnel, qui s’oppose à cette prétention de prouver que le contrat est bien régulier. L’énoncé de cette règle prétorienne est particulièrement fort en l’espèce puisque la nullité était invoquée par voie d’action et non par voie d’exception. Si la nullité est invoquée par voie d’exception, on peut attendre du professionnel, demandeur à l’action en exécution, qu’il établisse la régularité formelle du contrat fondant son droit si elle est contestée par le consommateur en défense. Mais, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 1er février 2023, la nullité était bien invoquée par voie d’action. Il est donc plus surprenant que le juge doive faire droit à une telle demande sans que le demandeur n’ait à prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention (CPC, art. 9). 

La légitimité de cette solution peut néanmoins être trouvée dans la nature du contrat et à la cause de nullité spécifique à ce contrat. Le contrat hors établissement devant comporter des mentions légalement imposées à peine de nullité est un contrat solennel (C. civ., art. 1109, al. 2). Si on peut s’attendre que le demandeur en nullité prouve l’existence d’un contrat notamment en produisant un contrat partiel, comme c’était le cas en l’espèce, il n’est pas forcément en mesure de présenter un contrat intégral surtout si c’est l’irrégularité formelle qu’il soulève. A fortiori, si le contrat est purement oral alors que la loi impose un écrit ad validitatem, il peut même s’avérer difficile de prouver l’existence d’un contrat dont on entend contester la régularité. Cela revient à exiger la preuve d’un fait négatif. Il est vrai que si un tel contrat n’est pas exécuté, toute action en nullité est inutile. En somme, face à une telle situation, le consommateur pourrait aussi s’abstenir d’exécuter son obligation née du contrat et attendre l’action en paiement du professionnel pour exciper la nullité du contrat. Il appartiendrait alors au créancier professionnel, demandeur à l’action en paiement, de prouver la régularité formelle du contrat.

Mais, en l’occurrence, le consommateur avait bien un intérêt à agir : son objectif était d’annihiler le contrat principal pour faire tomber par voie accessoire le crédit affecté. Sauf à changer d’établissement de crédit, il lui était difficile de s’opposer de facto aux prélèvements effectués sur son compte en remboursement de ce crédit. En effet, le contrat de crédit n’est pas directement vicié : son annulation n’est que la conséquence légale de l’annulation du contrat principal (C. conso., art. L. 312-55). Dans ce contexte, seule la voie de l’action en nullité lui était ouverte pour faire cesser ces prélèvements et obtenir le remboursement des prélèvements indus. Il est donc opportun qu’un demandeur, qu’il soit consommateur ou non, puisse se contenter de présenter un contrat partiel lorsqu’il s’agit de contester la régularité formelle d’un contrat solennel. Il appartient alors bien à son adversaire de contester cette prétention en produisant un contrat régulier en la forme.

L’existence d’un défendeur comparaissant constitue alors la limite du principe prétorien énoncé par l’arrêt du 1er février 2023. En effet, le défaut de comparution du défendeur n’empêche pas de statuer sur le fond : mais le juge ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée (CPC, art. 472). Or, dans ce type de contentieux, il n’est pas rare que l’installateur ne comparaisse pas ni ne soit représenté tout simplement parce qu’il a disparu à la suite d’une liquidation judiciaire. Le défendeur comparaissant à l’action en nullité est généralement l’établissement de crédit également assigné aux fins de constater l’annulation de droit du crédit affecté à la suite de l’annulation du contrat principal (C. conso., art. L. 312-55). Or ce dernier est un tiers au contrat principal. On ne saurait lui imposer de faire la preuve de la régularité d’un contrat auquel il n’est pas partie. Dès lors que le vendeur ne comparait pas, il appartient au juge de ne prononcer la nullité que si l’acheteur est en mesure de produire un contrat intégral permettant de constater l’existence d’irrégularité. La production d’une partie de contrat serait insuffisante puisque les mentions prétendument absentes pourraient figurer sur la partie du contrat non-produite.