CHRONIQUE DU DOMMAGE CORPOREL, DU DROIT DES VICTIMES ET VICTIMOLOGIE, C. Lienhard et C. Szwarc

Claude Lienhard,

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Professeur Émérite à l’Université Haute-Alsace,
Directeur honoraire du CERDACC

et

Catherine Szwarc,

Avocate spécialisée en droit du dommage corporel

 

  I – Droit du dommage corporel :

  1. Le risque sportif

 Le sport peut être dangereux pour la santé. On le savait pour le rugby. Désormais, la question est posée pour le football.

Comme l’écrit Le Monde : « Leur triomphe en finale de la Coupe du monde 1966 les avait fait entrer dans la légende du ballon rond. Mais sur les onze joueurs titulaires, quatre sont morts de démence et un cinquième a été diagnostiqué de la même maladie. Une étude a permis d’établir un lien possible avec le jeu de tête. » A LIRE ICI .

La question des lésions aux cerveaux est posée et aussi à  l’avenir celle des responsabilité des clubs amateurs et professionnels dès lors que le risque est identifié et connu.

2. Plongées et handicap

Des patients handicapés en rééducation et en fauteuil roulant se formant à la plongée sous-marine, ce qui promet liberté et dépassement de soi.

Bel exemple d’autonomie retrouvée et d’agrément. Cette pratique peut être déclinée au titre de différents postes de la nomenclature Dinthilac.

3. Surdité

Comment faire lorsqu’on est malentendant pour suivre son procès ? Début septembre 2020, à Amiens, une audience a été entièrement « sous-titrée » : du jamais-vu dans le milieu de la justice, comme le relate Le Monde du Droit.

A LIRE ICI

4. Solitude

L’imagerie médicale semble montrer que le sentiment d’isolement laisse comme une trace neuronale. Une piste à explorer pour évaluer les conséquences de la perte d’un proche au-delà du préjudice d’affection et des dommages psychiques.

5. Fiche Anadoc

Deux nouvelles fiches à consulter et à utiliser au mieux :

-Frais de logement adapté A LIRE ICI

-Préjudice professionnel temporaire A LIRE ICI

 

II – Droit des victimes :

1. Faute lourde

La cour d’appel de Paris par un arrêt du 18 mai 2021(n° 18/24363 A LIRE ICI ) a condamné l’État pour faute lourde commise au préjudice de Karine J…, enfant violée et maltraitée, que les services de l’État n’ont pas su protéger malgré les nombreuses dénonciations et signalements. La décision de première instance est infirmée.

La conclusion est claire :

« La succession des insuffisances ci-dessus analysées, dans le travail denquête et dans la communication interservices, et le manque de clairvoyance qui a gouverné lappréciation de la situation et les prises de décisions, constituent des fautes lourdes engageant la responsabilité de lÉtat vis à vis de Karine J… et de ses oncle et tante, victimes par ricochet. »

La Cour confirme aussi le déni de justice dans les termes suivants :

« La cour, en confirmation de la décision du tribunal sur ce point, retient donc le principe dun déni de justice en raison de délais de procédure qu’elle considère toutefois excessifs à hauteur non pas de dix mois, mais de vingt-six mois. »

Enfin au titre de la réparation du préjudice, il faut noter :

« Dautre part, lallongement du délai de la procédure, pour la part de vingt-six mois retenue au titre du déni de justice, na pu manquer daccroître le stress et langoisse importants liés à la crainte des développements de la procédure, et de ne pas en connaître laboutissement.

Il en résulte, dans un cas comme dans lautre, un préjudice moral qui atteint directement Karine J…, et par ricochet ses oncle et tante ainsi que lassociation Fédération des comités Alexis Danan, en charge de la protection de lenfance, en ce qui concerne la faute Cour dAppel lourde, et un préjudice moral propre à chacune des appelants quant au déni de justice, qui seront réparés par lallocation à Karine J…, des sommes de 40 000 euros pour la faute lourde, et 15 000 euros pour le déni de justice, et aux époux Loïc et Laurence J…, des mêmes chefs, chacun les sommes de 10 000 euros et 6000 euros, la Fédération des comités Alexis Danan pour la protection de lenfance se voyant allouer la somme de 1 euro symbolique quelle demande. »

2. Réparation et au-delà

Certains arrêts de la CJCE sont plein d’enseignement au-delà du cas soumis (A LIRE ICI ).

Le commandant de bord d’un vol intérieur suédois avait pris la décision  de soumettre un passager d’origine chilienne résidant à Stockholm à un contrôle de sécurité complémentaire.

Saisie d’une demande de reconnaissance de la discrimination subie par le passager, la juridiction suédoise saisie la Cour d’une question préjudicielle de conformité du droit suédois aux normes de la directive 2000/43 relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.

Car la compagnie a accepté de payer une indemnisation mais s’est abstenue reconnaître la discrimination invoquée.

La Cour estime que le versement d’un montant pécuniaire ne suffit pas à satisfaire les prétentions d’une personne qui entend avant  faire reconnaître, à titre de réparation du préjudice moral encouru, qu’’elle a été victime d’une discrimination. De plus l’obligation de verser une somme d’argent ne saurait assurer un effet réellement dissuasif à l’égard de l’auteur d’une discrimination lorsque, comme en l’occurrence, le défendeur conteste l’existence d’une quelconque discrimination mais considère plus avantageux, en termes de coûts et d’image, de verser l’indemnité demandée par le requérant.

La Cour trace très finement les frontières et surligne la distinction et la complémentarité entre l’indemnisation et la réparation. Et par analogie entre les effets en matière civile de l’action publique et ceux de l’action civile.

Extrait de la décision :

« 40      En l’occurrence, il résulte des indications figurant dans la demande de décision préjudicielle que, en vertu du droit national transposant notamment la directive 2000/43, toute personne s’estimant victime d’une discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique peut intenter une action tendant à l’exécution de la sanction que constitue l’« indemnité pour discrimination ». La législation nationale en cause au principal prévoit que, lorsque le défendeur décide d’acquiescer à la demande d’indemnité du requérant, le juge saisi de cette action enjoint à ce défendeur de verser la somme réclamée par ce requérant à titre d’indemnisation.

41      Il ressort toutefois également de la demande de décision préjudicielle qu’’un tel acquiescement – qui, en vertu de cette législation nationale, est juridiquement contraignant pour le juge et emporte l’extinction de l’instance – peut intervenir sans que le défendeur reconnaisse pour autant l’existence de la discrimination alléguée, voire même lorsque, comme dans l’affaire au principal, il la conteste explicitement. Dans une telle situation, le juge national rend un jugement fondé sur cet acquiescement sans toutefois qu’aucun constat ne puisse être tiré de ce jugement quant à l’existence de la discrimination alléguée.

42      Il s’ensuit que, en pareille situation, l’acquiescement du défendeur a pour effet que l’obligation de ce dernier de verser l’indemnité demandée par le requérant n’est pas liée à la reconnaissance, par le défendeur, de l’existence de la discrimination alléguée ou à la constatation de celle-ci par la juridiction compétente. En outre et surtout, un tel acquiescement a pour conséquence d’empêcher la juridiction saisie du recours de se prononcer sur la réalité de la discrimination alléguée, alors que celle-ci constitue la cause de la demande d’indemnité et fait, à ce titre, partie intégrante de ce recours. »

3. Handicap et maltraitante judiciaire

A quoi sert la presse ? A informer mais aussi à dénoncer.

Ce que décrit l’Humanité dans cet article doit être absolument lu et diffusé. Cela interpelle et interroge. A chacun de se faire son opinion. La nôtre est faite par ce partage.

4. Annonce de la fixation des dates d’audiences de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne)

 Le communiqué commun du Procureur d’Évry et du Président du Tribunal judiciaire annonce la tenue du procès au palais de Justice d’Évry du 25 avril au 17 juin 2022.
Les signataires du communiqué Benjamin Deparis et Caroline Nisand ont l’un comme l’autre une réelle expérience des procès « hors norme » et sauront marier procès équitable et bientraitance des victimes.

5. Un nouvel acteur du droit des victimes

Un Observatoire citoyen des droits des victimes créé « face à une indifférence collective croissante », explique un fondateur.

Neuf victimes et proches de victimes de catastrophes et d’attentats ont annoncé vendredi 21 mai 2021 la création de cette instance indépendante destinée à défendre leurs droits.

L’Observatoire citoyen des droits des victimes souhaite porter une réflexion de fond sur l’aide aux victimes, sur leurs droits et la juste prise en considération de leurs besoins.

 L’Observatoire ambitionne aussi de pouvoir sensibiliser davantage encore l’ensemble des acteurs concernés et la société aux enjeux et aux ruptures induits par les attentats et les catastrophes collectives. Pour fonder ses analyses et ses propositions, l’Observatoire s’appuie non seulement sur le vécu des personnes touchées par ces drames mais également sur l’expertise de la société civile. Réunissant des personnes victimes, l’Observatoire est un acteur citoyen, résolument militant et indépendant.

Les membres du Comité exécutif, François Anil (tempête Xynthia 2010), Anne Bembaron-Merlin (crash de Phuket 2007), Emmanuel Domenach (attentats du 13 novembre 2015), Damien (attentat du Thalys 2015), Virginie Fricaudet (crash Ethiopian 2019), Stéphane Gicquel (Tsunami 2004), Aurélia Gilbert (attentats du 13 novembre 2015), Catherine Gouy Levy (attentat à Ouagadougou 2017), Janik Pralong (accident d’Allinges 2008) .

Le conseil stratégique de grande qualité et de belle expertise est présidé par Juliette Méadel A LIRE ICI.

Dans ces temps assez délétères par le droit de victimes ce renfort est appréciable.

Bienvenue à l’OCDV !

www.ocdv.org

 

III – Victimologie :

1. Accident de téléphérique

L’actualité du déconfinement est marquée d’un nouveau drame.

En Italie, quatorze morts dans la chute d’une cabine de téléphérique A LIRE ICI .

L’accident a eu lieu à Stresa, station balnéaire du Piémont, dans le nord de l’Italie. Il serait dû à la rupture d’un câble, sur la partie la plus haute du parcours, entraînant la chute de la cabine dans laquelle se trouvaient quinze personnes A LIRE ICI .

La liste des précédents rappelle la nécessité d’une vigilance permanente.

2. Ehpad

Un rapport, publié le 4 mai 2021, est consacré aux droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)A LIRE ICI .

Le rapport formule soixante-quatre recommandations, dont treize spécifiques à la situation de crise sanitaire.

Il était temps après tant de souffrance et d’incompréhension. Les zones de non-droit sont des zones de maltraitance et de déni de dignité A LIRE ICI . On rappellera les adieux interdits.

3. Victimes d’accidents aériens et droit à l’immigration

Le ministre fédéral de l’Immigration canadien, Marco Mendicino, a annoncé jeudi 20 mai 2021 une nouvelle politique pour aider les proches des victimes de deux catastrophes aériennes récentes à obtenir plus facilement la résidence permanente au Canada A LIRE ICI .

La nouvelle politique s’appliquera aux proches des victimes de l’écrasement du vol 302 d’Ethiopian Airlines, en mars 2019, et du vol 752 d’Ukraine International Airlines, en janvier 2020, si ces victimes étaient des citoyens canadiens ou des résidents permanents, ou si elles avaient été jugées admissibles à une demande de résidence permanente.