La représentation de l’Animal s’est profondément renouvelée au cours de ces dernières années. Hier ramenée à une chose sur laquelle l’Homme exerçait sa suprématie (quasiment) sans limite, cette figure suscite aujourd’hui questionnements et débats, eux-mêmes attisés par les réflexions sur l’intelligence, les émotions ou la sensibilité des animaux… A travers de multiples prismes, c’est la relation Homme / Animal qui est interrogée. Il est clair que les lignes se sont déplacées. Jusqu’à consacrer un (véritable) changement de paradigme ? Avec quelles implications, le cas échéant ? Quels que soient les horizons d’où elles proviennent, ces questions ouvrent, en réalité, sur des prises de position juridiques – conscientes ou non d’elles-mêmes. Le droit est toujours, au travers des discours se rapportant à ce sujet, interpelé au travers des fonctions – de tissage et de bornage – qui sont les siennes. S’expriment sur ce registre, le plus souvent, des attentes de droit, qu’elles se révèlent fondées ou illusoires, légitimes ou pas. Prétend-on faire de l’animal un « nouveau sujet de droit » ? Assurer la « dignité » de l’animal ? Ou appréhender les dérives constatées au sein de certains abattoirs ? A chaque fois, pour s’en tenir à ces exemples, c’est le droit qui se trouve interpelé, plus ou moins directement.
Sur un sujet comme celui-ci, nul doute que la réflexion juridique se peut se constituer que dans l’interdisciplinarité. Autrement dit, dans l’interaction entre des approches différenciées, dans le dialogue entre des langages, des conceptions, des visions du monde, pluriels, voire hétérogènes. S’imposait, dès lors, un colloque orchestrant la rencontre – féconde – entre droit, philosophie, sociologie, économie, sciences animales et science politique. Afin de faire sens.
La démarche proposée consistera, d’abord, à tenter de saisir la transformation paradigmatique susceptible d’être décelée, en veillant à l’évaluer elle-même, à la questionner pour ainsi dire. Si des modèles paraissent se confronter, il est impératif de les caractériser, d’en définir les teneurs conceptuelles et les préceptes, mais aussi de les soumettre, les uns comme les autres, à une analyse critique. A ce temps correspond une interrogation qui mérite d’être formulée dans sa radicalité : « Quelle représentation de l’Animal ? ». C’est à l’aune des déplacements qui auront pu être repérés qu’il conviendra, en retour, de jauger la pertinence des constructions ou des conceptions à l’œuvre en droit français, voire d’envisager des évolutions de celui-ci. Alors le questionnement juridique, qui sous-tend cette journée et en constitue la raison d’être, pourra-t-il, être abordé sans détour : « Quelles transformations du Droit ? ». Une question aussi sensible qu’actuelle, et qui mérite d’être appréhendée avec le souci de tenir à distance les dogmatismes, quels qu’ils soient. Impérieuse exigence pour qui entend la prendre au sérieux.