COMPTE-RENDU DU COLLOQUE DU 14 MARS 2018 « LA GARDERIE PARTICULIERE. D’UNE SURVEILLANCE DE LA RURALITE A LA SECURISATION DES TERRITOIRES, UN MODELE POUR LA SECURITE COLLECTIVE ? Mulhouse, 2ème partie, par N. Arbousset

Nathalie Arbousset
Ingénieur d’études au CERDACC

 

La suite des travaux a porté sur le statut des gardes particuliers.

Paul Véron, Maître de conférences contractuel à l’Université de Haute-Alsace, a traité du commissionnement du garde particulier. Il s’agit d’un acte par lequel le commettant (personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé) confie à une autre (le garde commissionné) la mission de surveiller sa propriété. Selon le code pénal, le commettant sollicite le commissionnaire en vue de la réalisation d’opérations matérielles, et le cas échéant, de constater des infractions.

Paul Véron s’est attaché à traiter des spécificités tenant aux conditions de formation du contrat. Les parties à ce contrat sont le commettant qui doit être le propriétaire ou toute autre personne titulaire de droits sur la propriété. C’est lors du dépôt de la demande d’agrément à la préfecture que la preuve de la détention d’un tel droit doit être apportée. Le commissionnaire n’a pas à être français, ainsi un étranger peut exercer des prérogatives de puissance publique. En revanche, il doit être majeur. La propriété gardée vise tant les biens meubles que les biens immeubles. Il est à noter que la signature du contrat de commissionnement précède l’agrément, et le refus de l’agrément est un obstacle à l’exécution de ce contrat (caducité du contrat). De même le refus de renouvellement est un obstacle à la poursuite du contrat et entraine sa rupture. Le conférencier constate ainsi l’interdépendance entre un acte de volonté privée individuelle, le contrat et un acte d’autorité publique, l’agrément. Cela témoigne de l’originalité de l’institution du garde particulier qui tire ses pouvoirs de la conjonction entre la volonté individuelle et  le sceau de la puissance publique.

Les spécificités de l’agrément ont été mises en exergue par Xavier Faessel, président du Tribunal administratif de Besançon. Il a rappelé préalablement que le droit connait deux régimes d’agrément. L’un concerne les agents de sécurité et l’autre les gardes particuliers. Les systèmes sont différents, l’agent de sécurité est un simple salarié, le garde particulier est attaché à un territoire. Par ailleurs, le garde particulier doit être commissionné par un propriétaire alors que l’agent de sécurité peut avoir le titre sans avoir de « patron ». L’agrément ne sera délivré à un garde particulier que si sa moralité ne peut pas être discutée et si son aptitude technique a été prouvée. Ne peuvent pas être garde particulier, le garde forestier, le garde champêtre et les officiers de police judiciaire. Pour obtenir l’agrément il faut que le commissionnement soit accordé par le propriétaire d’un bien géographiquement situé. C’est alors que le commettant formule la demande d’agrément pour le garde. Ce dernier devra suivre une  formation. Les refus d’agrément doivent être motivés. La jurisprudence sur ce point est rare. Le juge administratif n’exerce pas un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation mais un contrôle adapté à la situation. Au surplus la carte d’agrément doit respecter un certain formalisme, en particulier il est interdit d’apposer du bleu, blanc rouge sur ces cartes.

Chrytelle Lecoeur, Maitre de conférences à l’Université de Haute-Alsace a procédé à l’étude du garde particulier sous l’angle du droit du travail. D’emblée, la conférencière a souligné une particularité du statut de garde particulier à savoir qu’il peut être salarié ou exercer sa fonction de manière bénévole. Même lorsque le garde particulier agit de manière bénévole, un contrat de commissionnement le lie au titulaire d’un droit de propriété. Mme Lecoeur s’est alors employée à démonter que  le contrat de commissionnement est finalement très proche d’un contrat de travail. Si bien qu’il n’est pas exclu en cas de recours juridictionnel que le juge requalifie ce contrat en contrat de travail, dès lors qu’il n’est pas tenu par la qualification donnée par les parties. Par ailleurs, même lorsque le garde est lié par un contrat de travail avec le titulaire d’un droit de propriété, les parties doivent conclure un contrat de commissionnement. Se pose alors plusieurs questions : quelles sont les dispositions applicables  (code rural, code du travail, conventions collectives…) ? Faut-il prévoir une clause de condition suspensive en cas de défaut d’agrément ? Mme Lecoeur a achevé sa démonstration en abordant la rupture du contrat.

Muriel Rambour, Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace a ensuite étudié l’armement des gardes particuliers. Depuis le 1er janvier 2018 les agents de sécurité ont le droit de détenir des armes létales mais ce droit n’a pas été étendu aux gardes particuliers. Le principe est celui de l’interdiction pour les gardes particuliers de porter une arme. Il n’existe qu’une exception : lorsqu’il a pour mission la destruction des animaux nuisibles avec toutefois l’assentiment du commettant, et sous réserve qu’il détienne un permis de chasse valable. Si en généralement les opérations de contrôle se déroulent dans de bonnes conditions, les gardes sont cependant exposés à des risques d’agression. La jurisprudence est riche de cas de violence à leur égard. D’où la revendication d’une confédération des gardes particuliers d’obtenir le droit de porter une arme. Mme Rambour a, de ce fait, présenté les éléments en faveur d’une reconnaissance de ce droit (une plus grande sécurisation des relations lors d’opérations de contrôle, la restauration d’une autorité qui semble manquer) mais aussi ce qui expliquent le maintien de l’interdiction (une formation insuffisante, l’absence d’un contrôle régulier de leurs aptitudes physique et psychique). Mais, peut-être que leur situation va évoluer. Ainsi lors d’une réunion du mois de juin 2017, en présence de deux confédérations de gardes particuliers, des représentants de ministères il ressort de ce tour de table que seuls les bâtons de défense, les bombes lacrymogènes pourraient leur être attribués.

C’est ensuite Christophe Aubertin qui a pris la parole. Le Maître de conférences à l’Université Paris V a dès son introduction affirmé que la puissance publique trouve en avantage dans le recours aux gardes particuliers celui de décharger ses agents. En effet, les gardes ont pour fonction de constater un délit ou une contravention. Mais leur domaine de compétence est cependant plus étroit que celui des officiers de police judiciaire. Ils constatent lesdites infractions aux propriétés rurales ou urbaines. Il n’y a pas de garde particulier sans contrat. La compétence des gardes particuliers est spéciale, particulière et elle n’est pas exclusive. Les gendarmes comme les policiers ont une compétence générale, et disposent, eux de la possibilité de recourir à la coercition, d’exécuter une commission rogatoire, de procéder à une enquête de flagrance, à une garde à vue, à une saisie. C’est ainsi que M. Aubertin a conclu que les gardes particuliers sont investis par la loi d’une mission spécifique celle de constater certaines atteintes aux immeubles dont ils ont la garde, aussi sont-ils placés pour exercer leur fonction à l’intersection du droit pénal et du droit immobilier, c’est la raison pour laquelle les gardes particuliers sont des cas particuliers au regard des officiers de police judiciaire.

Les procès-verbaux rédigés par les gardes particuliers sont transmis au procureur de la République. C’est la raison pour laquelle Loïc Gauthier, Substitut  du Procureur de la République auprès du Tribunal de Grande Instance Mulhouse était présent lors de ce colloque. Il a surpris l’assistance en révélant qu’au Tribunal d’Instance aucun procès-verbal n’avait été remis ou reçu.

Le colloque s’est poursuivi avec l’étude d’Alexandre Ciaudo, Professeur de droit public à l’Université de Franche-Comté. Il s’est employé à qualifier le garde particulier. En principe, ce travail de qualification est celui du législateur, du pouvoir réglementaire ou encore de la doctrine. Mais là, il faut admettre que la garde particulier est un indigène des textes. Aucun texte ne donne de définition de celui-ci. Le professeur a relaté la jurisprudence, fait un parallèle entre le garde particulier et l’agent public, l’agent de sécurité privé et a proposé sa définition : le garde particulier constitue, en principe, un agent de droit privé qui est agréé par l’Etat et assermenté, chargé par le propriétaire d’un immeuble de constater les atteintes commises par des tiers ainsi que toutes infractions pénales commises sur cet immeuble et d’en adresser les preuves au Procureur de la République aux fins de poursuite.

 

 

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