Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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FAIRE FACE AUX RISQUES ENCOURUS PAR LES PERSONNES VULNÉRABLES, Réalités familiales, N°138-139, Majeurs protégés citoyens

Faire face aux risques encourus par les personnes vulnérables

Lu pour vous par Isabelle Corpart

Réalités familiales, n°138-139, 2022, Majeurs protégés citoyens

Mots-clés : majeurs protégés – vulnérabilité –protection juridique – sécurisation – citoyenneté des personnes protégées.

Le dernier numéro de Réalités familiales (revue de l’UNAF) s’est attaché au soutien à accorder aux personnes majeures rendues vulnérables par une altération de leurs facultés personnelles. Anciennement appelées incapables majeurs, ces personnes, désignées comme majeurs protégés bénéficient de nombreuses protections assumées par des curateurs, tuteurs et mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM).

Tout doit être fait pour sécuriser les majeurs protégés et atténuer les effets de leur vulnérabilité, mais aussi soutenir leurs familles qui sont souvent démunies face à de telles difficultés. Les membres de la famille sont généralement des aidants mais ils ne peuvent pas assumer toutes les tâches. Dans ce numéro, les auteurs (en particulier Madame Anne Caron-Déglise, Avocate générale à la première chambre civile de la Cour de cassation) font le constat que de nombreux citoyens ne se sentent plus suffisamment entendus et réellement compris dans ce qu’ils vivent au quotidien. Pour bien les soutenir dans un objectif de bientraitance, les articles abordent la question de manière pluridisciplinaire, recherchant des solutions à apporter aux personnes victimes de handicap, de troubles cognitifs en lien avec le vieillissement ou les troubles psychiques (voir aussi Michel Boudjemaï, Protéger le majeur vulnérable, EST, 2021 ; Juliette Dugne, La vulnérabilité de la personne majeure, Dalloz, 2022). Pour bien comprendre la situation des majeurs protégés et leur vécu, ce numéro est appréciable en ce qu’il donne la parole à des professionnels, des experts, des personnes protégées et des familles. Ces analyses sont très intéressantes car il est clair que la protection juridique des majeurs vulnérables et leur accès à la citoyenneté concernent la société entière, chaque famille risquant d’être confrontée un jour à ce type de vulnérabilité. Certes la société évolue mais elle est soutenue par des règles de droit qui ont été adaptées au fil du temps et placées à la hauteur des enjeux.

Les personnes fragilisées en raison d’une perte d’autonomie, d’une dépendance, d’un handicap, de troubles psychiques ou de problèmes médicaux doivent bénéficier de mesures de protection, ce qui est loin d’être sans incidence sur le quotidien des familles, que les proches soient ou non choisis comme curateurs ou tuteurs. De nombreuses familles assurent l’exercice de ces mesures et sinon le juge désigne un MJMP, mais pour autant le majeur protégé reste bien sujet de droits familiaux (article de Monsieur Gilles Raoul Cormeil). Il est intéressant de relever dans cette revue de nombreux témoignages sur ces différentes formes d’accompagnement des majeurs protégés (sans oublier le recours à l’habilitation familiale, article de Monsieur Christophe Bouvot et de Madame Laura Lardy-Mezerette, juges des tutelles, ni la possibilité de mettre en place un mandat de protection future, article de Monsieur François Devos, Conseil supérieur du notariat) et des précisions sur la formation des MJPM (voir notamment les articles : Former les mandataires et Pour une évolution de la profession de MJPM). En effet, en l’absence de famille ou en cas d’impossibilité de ses membres de remplir cette mission, des professionnels peuvent se voir confier l’exercice des mesures de protection. Les auteurs rappellent qu’il s’agit d’un enjeu de société et qu’il faut se féliciter que des professionnels œuvrent au quotidien auprès des majeurs protégés et de leur famille.

Ce numéro de Réalités familiales aborde les multiples facettes de la protection juridique des majeurs, rappelant les règles applicables mais donnant aussi la parole à de nombreuses personnes pour clarifier la mise en œuvre des textes. Il met également l’accent sur les évolutions en la matière, des efforts étant faits pour garantir le respect de l’autonomie des personnes fragilisées par la vie et leur pleine insertion dans la cité. En effet, le législateur est passé d’un régime protecteur à un régime d’autodétermination des personnes protégées ; piste renforcée par les textes internationaux, dont la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), qui consacre dans son article 19, l’autonomie et l’inclusion des personnes handicapées dans la société, sur la base de l’égalité entre citoyens. Cela permet de rappeler que les personnes protégées conservent, selon leur situation et dans la mesure du possible, la capacité d’exprimer leur consentement et leurs choix de vie car il est important de noter que les majeurs protégés restent des citoyens à part entière (un article montre précisément comment rendre effective la citoyenneté des personnes protégées). Lire ce numéro très intéressant permet d’« encourager chaque jour les personnes protégées à prendre leur place de citoyens comme les autres » (voir notamment l’article de Madame Corinne Cheminet, magistrate honoraire : le majeur protégé citoyen ou l’esprit de la loi du 5 mars 2007). Cela permet aussi de repenser durablement les pratiques liées à l’accompagnement des majeurs, un rappel étant fait par Madame Ingrid Maria sur les mesures de protection judiciaires et des précisions étant apportées par Monsieur Emeric Croissant sur leur financement. Toutefois Madame Claire Hédon, Défenseure des droits a relevé que des obstacles demeurent en la matière. Parallèlement les auteurs relèvent que les professionnels des UDAF soutiennent les familles et les informent, afin de les sensibiliser aux droits de leur proche.