Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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LE RECOURS AUX DRONES PAR LA POLICE MUNICIPALE, C. Rotily

Cassandra Rotily
Doctorante à l’Université de Haute-Alsace, membre du CERDACC

La ville d’Istres a équipé sa police municipale de deux drones pour renforcer son dispositif de sécurité. Ils seront opérationnels dès cet été et cinq agents seront formés et habilités à cet effet. Même si la ville compte déjà 90 caméras de vidéo-protection et qu’Istres est la ville qui compte le moins d’actes de délinquance du département des Bouches-du-Rhône, le drone apparaît comme la solution idéale, étant donné que cette commune a connu une vague d’incendies volontaires l’été dernier. En plus de la prévention et du traitement des incendies, les drones seront utilisés pour sécuriser les grands rassemblements de personnes, ils offriront ainsi « des perspectives extraordinaires en matière d’ordre public, de renseignement, mais aussi d’investigation » selon Stéphane Brunoni, commissaire de la police nationale d’Istres[1]. Ces deux aéronefs, sans personne à bord, seront munis de caméras ultra haute définition capables d’enregistrer 30 images par seconde[2]. Ces clichés seront ainsi diffusés sur les écrans du Centre de Supervision Urbain de la ville (CSU).

D’après le Syndicat national des policiers municipaux, la police municipale d’Istres est la première en France à se doter de tels outils dans le cadre de ses interventions[3]. Toutefois, les drones ont déjà été utilisés par la police municipale au préalable mais dans le cadre d’essais. Ce fût le cas à Décines-Charpieu près de Lyon. Ces usages sont pourtant relativement répandus au sein de la Gendarmerie et de la Police nationale. L’encadrement de l’usage des drones civils est prévu par la loi n°2016-1428 du 24 octobre 2016. Il existe des dérogations à ces règles, prévues dans le cadre des « missions de secours, de sauvetage, de douane, de police ou de sécurité civile », lorsque « les circonstances de la mission et les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le justifient ». On retrouve ces dérogations respectivement aux articles 10 et 8 de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord et de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent. Cependant ces dérogations ne sont pas utilisées systématiquement. En effet, la plupart du temps les forces de sécurité intérieure se placent sous l’autorité de la Direction Générale de l’Aviation civile. Quand bien même ces drones évolueraient hors du cadre des scénarios (que l’on connait au titre des activités particulières), les télépilotes sont formés et maîtrisent à la fois la sécurité aéronautique et le respect de la réglementation liée à l’utilisation de l’espace aérien.

Pour que la police municipale puisse utiliser les drones dans le cadre de ses missions, le maire doit élaborer un dossier similaire à celui effectué dans le cadre d’une demande d’implantation d’un dispositif de vidéo-protection fixe et présenter le projet auprès de la commission départementale de la vidéo-protection. Cette instance, composée du Préfet, de juristes et de la CNIL devra ensuite décider si l’appui de ces appareils au service des missions exercées par la police municipale est justifié ou non.

Jusqu’à 5 jours avant le vol, une déclaration préalable devra être effectuée par la mairie auprès de la préfecture territorialement compétente. Celle-ci devra indiquer notamment la date et l’heure de vol ainsi que la zone couverte par l’opération.

Concernant le respect de la vie privée des habitants, un drone ne peut, à l’évidence, opérer de distinction entre voie publique et espaces privés. Aussi, la réglementation permet-elle le survol les propriétés privées mais pas la captation des informations à l’insu des habitants. C’est pourquoi les drones de la police municipale d’Istres seront munis d’un logiciel « de floutage des zones privées et des visages »[4].

Quant au respect des zones interdites à la prise de vue aérienne, la ville d’Istres étant en zone P41 militaire[5], la société Cosmopter, à l’origine de ces drones, a dû « proposer des solutions d’ingénieries avancées concernant les captations vidéos sur les zones militaires »[6].

Au-delà, il serait souhaitable d’envisager une coopération intercommunale entre plusieurs polices municipales dans l’optique d’assurer la sécurité sur un plan territorial élargi. En effet, comment envisager une captation vidéo dans un périmètre englobant plusieurs communes ?

Un paradigme de compétence viendrait également à se poser dans la mesure où le préfet est « seul compétent pour prendre les mesures relatives (…) à la sécurité publique (…) dont le champ d’application excède le territoire d’une commune » (article L.2215-1 du Code général des collectivités territoriales).

[1] Syndicat National des Policiers Municipaux, Istres. La police s’équipe de deux drones pour renforcer sa surveillance, [En ligne], http://www.syndicat-snpm.fr/istres-la-police-sequipe-de-deux-drones-pour-renforcer-sa-surveillance/, 30/03/2018

[2] Marc Leras, Istres :  la police municipale se dote de drones de surveillance, une première, [En ligne], http://www.leparisien.fr/faits-divers/istres-la-police-municipale-se-dote-de-drones-de-surveillance-une-premiere-11-04-2018-7659057.php, 11/04/2018

[3] Pierre Baro, Drones : un nouvel outil pour la police municipale, Syndicat National des Policiers Municipaux, [En ligne], http://www.syndicat-snpm.fr/drones-un-nouvel-outil-pour-la-police-municipale/, 18/04/2018

[4] D’après Thierry Mohr, cofondateur et directeur général de Cosmopter, interviewé par Marc Leras, La police municipale d’Istres mise sur les drones, Aujourd’hui en France, 12/04/2018

[5] Arrêté du 27 octobre 2017 fixant la liste des zones interdites à la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur

[6] D’après Thierry Mohr, cofondateur et directeur général de Cosmopter, contacté par l’auteur du présent article