Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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COMPTE-RENDU DU COLLOQUE « LA SECURISATION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT », 2 ème PARTIE, N. Arbousset

COMPTE-RENDU DU COLLOQUE « LA SECURISATION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT », 6 décembre 2018, La Fonderie, Mulhouse, 2 ème partie

 

Nathalie Arbousset

Ingénieur d’études au CERDACC

 

Les travaux ont repris en début d’après-midi avec l’exposé de Pierre BERTHELET, docteur en droit, chargé d’enseignement à l’Université de Grenoble sur «  Le droit applicable à la sécurité des infrastructures de transport ». Son étude a porté essentiellement sur les grandes lignes du droit applicable au niveau européen. Ainsi il ressort d’un rapport européen sur la sécurité publié en 2015 que la protection des infrastructures de transport constitue un véritable défi pour les autorités chargées de la sécurité. Mais à vrai dire ce sont moins les infrastructures de transport qui sont visées que les infrastructures critiques.   Le conférencier a adopté une approche historique, il a tout d’abord constaté un temps de gestation. La protection a eu lieu de manière indirecte, à travers la gestion des menaces NRBC. Comme il s’agit là d’un domaine régalien,  l’action européenne est une action de coordination. Puis, il y a eu le temps de l’émergence, les Etats ont voulu créer une protection à l’égard des infrastructures critiques à la suite des attentats de Madrid et de Londres. Cette volonté s’est traduite par la directive de 2008. Enfin, il y a une phase de maturation. La vague d’attentats terroristes a touché bon nombre d’Etats européens et les craintes ne sont plus les mêmes qu’en 2001. D’où la protection des espaces ouverts au public comme les gares et la sûreté des transports en tant que tels. Par ailleurs, en 2015 quelques actions ont eu pour but d’évaluer les risques et de mettre en place une plateforme qui recueille des informations essentielles.

La volonté d’exposer les pratiques de professionnels a justifié l’organisation d’une table ronde, les différents intervenants ont exposé leurs pratiques  et les limites de la sécurisation des infrastructures.

Ainsi, le lieutenant-colonel GIORDAN chargé de la gestion de l’intervention des secours a expliqué qu’après les attentats, on s’est trouvé confronté à une forme de concurrence entre sécurité et sûreté. Mais finalement un certain équilibre a été trouvé entre les contraintes des uns et des autres, aujourd’hui on est plus dans la complémentarité, l’objectif essentiel est de protéger « nos concitoyens ».

Mme LERAT, spécialisée dans les tunnels routiers a souligné la spécificité de cette infrastructure.  Elle présente un aspect confiné qui ne facilite pas l’accès des secours ni l’évacuation des fumées. Il existait déjà, avant les attentats, toute une réglementation . Entre autres, une étude spécifique des dangers, un dossier de sécurité des risques particuliers pour chaque ouvrage. Mais le risque majeur dans les tunnels c’est l’incendie. Ces dossiers de sécurité se font en coordination avec les services de secours. Il y a des tests tous les ans. Mais « on ne peut pas lutter contre tout, on ne maitrise pas l’humain, on ne peut pas prévoir le comportement des usagers ». Mme Lerat souligne que le risque majeur aujourd’hui ce sont les réseaux  qui permettent le contrôle des tunnels, ils pourraient être piratés.

Emmanuel HOUZÉ du Ministère de la Transition écologique et solidaire travaille avec les opérateurs d’importance vitale. Il note qu’une culture de la sûreté chez les opérateurs existe. Par ailleurs, la prise en compte de l’exigence de sûreté se fait en amont des projets. Ainsi, à titre d’exemple, le projet du Grand Paris qui nécessite la construction d’un réseau, se voit imposer des principes de sûreté avant qu’il ne soit terminé et avant les JO de 2024. Ainsi sont identifiées les infrastructures vitales, et l’opérateur qui les construit prend en compte cette structure pour en assurer sa protection. D’une manière générale les enjeux de sécurité et de sûreté sont pris en compte.

Nicolas LE SAULX, chef d’entreprise d’une société de sécurité (Atao consulting) revient sur l’idée préconçue selon laquelle l’infrastructure construite avec de l’argent public bénéficie d’une sécurité publique. Or l’évolution de la France, va vers plus de sécurité privée. La sécurité privée intervient soit, pour remplacer la sécurité publique soit, et c’est le cas le plus souvent, en complément. La question que M. LE SAULX se pose est de savoir où doit-on mettre le curseur de la sécurité des infrastructures et notamment celles qui sont vitales ? Il s’avère qu’en matière d’infrastructures critiques les libéraux préfèrent une sécurisation publique alors que les régaliens privilégient une sécurisation privée.

Le commandant de la Gendarmerie Nationale Fabrice BLANC a expliqué que la gendarmerie s’occupe de la sécurisation des flux. Le commandant insiste sur la création depuis l’an dernier du centre national de la sécurité des mobilités qui a pour mission d’améliorer la sécurité des déplacements sensibles. En effet, circulent des produits nucléaires, des objets sensibles comme des explosifs. Aussi la gendarmerie souhaite-t-elle géolocaliser tous les véhicules qui circulent avec des produits dangereux. Le projet a ainsi pour ambition de réaliser une cartographie des zones à risque.

La conclusion de cette journée de colloque est revenue à Stéphane RACLOT de la Préfecture de Police de Paris. Tout d’abord, il a montré que risques et menaces se distinguent d’un point de vue de leur nature, de la phénoménologie, de la méthode pour les déceler. La démonstration de M. RACLOT s’est appuyée sur un exemple concret, à savoir les risques et menaces dans les gares de triage lors du transport d’un produit dangereux comme le chlore. Si on envisage ce transport d’un point de vue du risque, alors l’objectif est l’absence de risque, notamment pour les populations résidant à proximité. Si on envisage ce transport en termes de menace, c’est-à-dire avec l’intervention de personnes ayant une volonté de nuire, l’objectif est de les en empêcher. Face à ces situations « on n’est pas démuni ». Selon qu’il s’agit de risque ou de menaces les réponses sont différentes. Mais en toute hypothèse, on dispose d’outils à la fois pour les prévoir, même si les modèles prédictifs ne sont pas toujours fiables mais aussi, le cas échéant, en cas d’échec afin de réparer.