Isabelle Corpart
Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace
Membre du CERDACC
Commentaire de CA Rouen, 24 octobre 2018, n° 17/03634
S’adonnant à des jeux d’eau dans un parc aquatique, la victime qui utilisait le toboggan du parc de loisirs est heurtée par la personne dévalant derrière elle, ce qui a conduit les juges à rechercher si la responsabilité de la société exploitant l’établissement devait être engagée et surtout si elle était tenue d’une obligation de moyens ou de résultat.
Mots-clefs : Parc aquatique – accident de toboggan – victime – responsabilité contractuelle – sports et loisirs – dommage corporel – obligation de sécurité – obligation de moyens ou de résultat – absence de liberté de mouvement de la victime – absence d’autonomie de la victime – rôle actif ou passif de la victime – droit à réparation intégrale du préjudice – absence de cause étrangère.
Pour se repérer
En dévalant un toboggan aquatique du parc de loisirs « Center Parcs », une cliente est heurtée par la personne qui se trouvait juste derrière elle dans le conduit et est gravement blessée. Elle présente en effet un traumatisme de la cage thoracique, avec fracture/tassement du plateau supérieur de la vertèbre T9 et contusion au niveau du sternum (confirmés par expertise). Elle introduit une action en responsabilité civile contractuelle contre les organisateurs en vue d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice. Elle prétend ne pas avoir retrouvé la liberté de mouvement lui permettant de se dégager de son point de chute, de sorte que l’obligation de sécurité dont l’exploitant était tenu à son égard au moment de l’accident doit s’analyser comme une obligation de résultat.
Pour aller à l’essentiel
La société exploitant le parc de loisirs engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement d’une obligation de résultat pour un accident survenu lors d’une descente en toboggan dans un parc aquatique. En effet, au moment où la victime a été heurtée par la personne empruntant le toboggan derrière elle, elle n’avait pas retrouvé sa liberté de mouvement et ne pouvait donc pas éviter la collision. En raison du rôle passif joué par l’utilisateur du toboggan, l’exploitant est tenu d’une obligation de résultat et il doit réparer intégralement le préjudice subi. L’usager perd en effet toute autonomie tant au cour de la descente proprement dite, que lors de son arrivée en trombe dans le bassin de réception.
En l’absence de toute démonstration de cause étrangère, la société est tenue d’indemniser la victime sans que celle-ci ait à prouver la faute de l’établissement. En conséquence, les juges de la cour d’appel de Rouen confirment le jugement rendu par le TGI d’Évreux le 6 juin 2017 en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société exploitant le parc aquatique mais allouent une indemnité plus conséquente à la victime en réparation de son préjudice corporel et de son préjudice patrimonial (notamment pour perte de gains professionnels et pour assistance par une tierce personne).
Pour aller plus loin
En principe, un tel établissement doit assurer la sécurité des usagers, néanmoins il s’agit d’une obligation de moyens quant à l’activité du client. Selon une jurisprudence constante (pour une piscine : Cass. 1re civ., 20 oct. 1971, n° 69-12.359 ; RTD civ. 1972. 608, obs. G. Durry ; pour une plage privée comportant un toboggan : Cass. 1re civ., 18 déc. 1985, no 84-14.543, Bull. civ. I, no 359 ; Gaz. Pal. 1986. Pan. 333, obs. F. Chabas ; pour un parc d’aventure avec tyroliennes : Cass 1re civ., 6 avr. 2016, no 15-16.364), si l’établissement est bien débiteur d’une obligation de sécurité, il revient à la victime de rapporter la preuve d’un mauvais fonctionnement ou d’une mauvaise organisation. En effet, au titre de leur obligation de moyens, les exploitants doivent faire le nécessaire pour que le client soit à l’abri d’accidents. Il reviendra à la victime de rapporter la preuve que toutes les précautions indispensables n’ont pas été prises et que les organisateurs ont commis une faute. Dans ces situations, le client participe au jeu, à l’activité sportive ou autre et ce, de manière active. Il doit dès lors veiller à ne commettre aucune imprudence.
Il en va tout autrement lorsque l’usager n’a pas accepté l’existence d’un aléa, l’établissement étant alors tenu d’une obligation de résultat. Il est ainsi admis, pour un accident de toboggan dans un parc aquatique, comme dans notre affaire, que l’obligation de sécurité est une obligation de résultat au cours de la descente (Cass. 1re civ., 28 oct. 1991, no 90-14.713, Bull. civ. I, no 289 ; RTD civ. 1992. 397, obs. P. Jourdain ; D. 1992. somm. 271, obs. E. Fortis). La même analyse est à faire pour les entreprises de jeux forains ou de spectacles, toutes les fois où le client n’a aucune participation active à l’attraction (CA Versailles, 13 févr. 2004) ou au manège (Cass. 1re civ., 13 nov. 1974, no 71-14.235, Bull. civ. I, no 305 ; D. 1975. somm. 16 ; Cass. 1re civ., 18 févr. 1986, no 84-17.528, Bull. civ. I, no 32).
Dans tous ces cas, c’est la possibilité pour l’usager de maîtriser ses actions ou sa trajectoire qui justifie la qualification d’obligation de moyens ou de résultat (I. Corpart, Les limites de la responsabilité de l’exploitant d’un parc d’aventure, note sous Cass. 1re civ., 22 janv. 2009, LPA n° 68 du 6 avr. 2009, p. 7 ; Responsabilité civile et assurance, n° 12, déc. 2009, comm. 346, H. Groutel ; JAC n° 91, févr. 2009, obs. I. Corpart).
Ainsi, lors d’une descente dans un toboggan, la victime n’ayant pas pu modifier sa trajectoire, l’exploitant d’un parc d’attractions ou aquatique doit être tenu d’une obligation de résultat (en ce sens, Cass. 1re civ., 3 févr. 2011, n° 09-72.325) car l’utilisateur ne peut jouer aucun rôle actif en ce domaine (pour un parc aquatique, voir déjà CA Bordeaux, 9 nov. 2017, n° 16/03734 ; CA Orléans, 9 mai 2011, n° 10/00693).
De l’effet même de la structure de l’attraction, tout rôle actif de la victime est écarté car elle ne peut contrôler ni sa direction ni sa vitesse. Il revient dès lors à l’établissement de rapporter la preuve que l’accident procède d’une cause étrangère, ce qu’il ne parvient pas à faire en l’espèce.
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Cour d’appel de Rouen, 1re chambre civile, 24 Octobre 2018, RG n° 17/03634
FAITS ET PROCÉDURE :
Le samedi 11 décembre 2010, Céline R., assurée auprès de la société ALLIANZ IARD, a été victime d’un accident lors de l’utilisation d’un toboggan aquatique au sein du parc de loisirs ‘CENTER PARCS’ situé à Verneuil-sur-Avre (Eure), ayant été violemment percutée par le client qui la suivait.
Elle a présenté un traumatisme de la cage thoracique, occasionnant une fracture/tassement du plateau supérieur de la vertèbre T9 ainsi qu’une contusion au niveau du sternum.
Par ordonnance du 23 novembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Évreux a, sur la requête de Céline R., ordonné une expertise médicale, désignant le Docteur D. pour y procéder, et accordé à la demanderesse une provision de 1 000 euros à valoir sur la préparation de son préjudice.
L’expert a rendu son rapport le 13 juillet 2012.
Statuant par jugement réputé contradictoire rendu le 06 juin 2017 sur les assignations délivrées par Céline R. à l’encontre des sociétés CP DISTRIBUTION, PV-CP RESORTS FRANCE (devenue la SAS CENTER PARCS RESORTS suivant décision de son associé unique en date du 31 août 2013), ALLIANZ IARD et de la CPAM d’Eure-et-Loir, le tribunal de grande instance d’Evreux a :
– mis hors de cause la SA PV-CP DISTRIBUTION,
– déclaré la SAS CENTER PARCS RESORTS responsable de l’accident dont a été victime Céline R. le 11 décembre 2010,
– fixé son préjudice patrimonial à la somme de 1 024,09 euros et son préjudice extra-patrimonial à la somme de 11 063 euros,
– condamné en conséquence la SAS CENTER PARCS RESORTS à payer à Céline R. la somme de 11 087,09 euros en réparation de son préjudice corporel, provisions déduites,
– déclaré le jugement commun à la CPAM d’Eure-et-Loir,
– condamné la SAS CENTER PARCS RESORTS à payer à Céline R. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la défenderesse aux entiers dépens, en ce compris les frais de l’expertise médicale,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement à hauteur des deux tiers des condamnations prononcées.
Céline R. a interjeté un appel général de ce jugement à l’encontre de la SAS CENTER PARCS RESORTS et de la CPAM d’Eure-et-Loir, par déclaration électronique enregistrée au greffe de la cour le 17 juillet 2017.
La SAS CENTER PARCS RESORTS a constitué avocat le 11 août 2017 et interjeté appel incident.
La CPAM d’Eure-et-Loir, à laquelle l’acte d’appel et les conclusions de l’appelante principale ont été régulièrement signifiées le 06 octobre 2017, n’a pas constitué avocat.
La clôture a été fixée au 05 septembre 2018.
DEMANDES DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 janvier 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, Céline R., appelante principale, demande à la cour, au visa des articles 1147et suivants du Code civil, des articles 549 à 551, 699, 700, 902, 906, 909 et 911du Code de procédure civile, de :
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué :
– la somme de 2 463 euros, en réparation de son déficit fonctionnel temporaire et, statuant à nouveau condamner la SAS CENTER PARCS RESORTS à lui payer la somme de 10 000 euros à ce titre,
et, subsidiairement, la somme de 5 993, 75 euros,
– la somme de 342 euros, au titre du poste de préjudice d’assistance par tierce personne et, statuant à nouveau condamner la SAS CENTER PARCS RESORTS à lui payer la somme de 17 550 euros à ce titre,
et, subsidiairement, la somme de 3 325, 50 euros,
– la somme de 632, 09 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et, statuant à nouveau condamner la SAS CENTER PARCS RESORTS à lui payer la somme de 1 001, 89 euros à ce titre,
– la somme de 5 000 euros au titre du poste de préjudice des souffrances endurées et, statuant à nouveau, condamner la SAS CENTER PARCS RESORTS à lui payer la somme de 6 000 euros à ce titre,
et, subsidiairement, confirmer le jugement entrepris,
– la somme de 3 600 euros, au titre du poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent et, statuant à nouveau, condamner la SAS CENTER PARCS RESORTS à lui payer la somme de 5 000 euros,
subsidiairement, confirmer le jugement entrepris sur ce chef,
confirmer pour le surplus, le dispositif du jugement entrepris et, y ajoutant :
– condamner la SAS CENTER PARCS RESORTS à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
– la condamner aux entiers dépens de l’appel, qui seront directement recouvrés par Maître Véronique G.-B..
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 03 septembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la SAS CENTER PARCS RESORTS, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des anciens articles 1147 et 1315 du Code civil et des articles 699 et 700 du Code de procédure civile, de :
à titre principal :
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– dire qu’elle n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité,
– débouter en conséquence Céline R. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire :
– ramener les demandes de Céline R. à de plus justes proportions, les montants alloués ne pouvant excéder :
au titre des préjudices patrimoniaux temporaires : 504 euros
au titre des préjudices extra patrimoniaux temporaires : 4.245 euros
au titre des préjudices extra patrimoniaux définitifs : 2.000 euros
en tout état de cause :
– condamner Céline R. à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens, incluant les frais d’expertise judiciaire.
SUR CE :
A titre liminaire, il convient d’indiquer que les dispositions du code civil auxquelles le présent arrêt est susceptible de se référer sont celles antérieures à l’ordonnance du 10 février 2016, celle-ci n’étant applicable qu’aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.
Les dispositions non contestées du jugement, relatives à la mise hors de cause de la SA PV-CP DISTRIBUTION, seront confirmées.
Sur la responsabilité de la SAS CENTER PARCS RESORTS :
Il convient en premier lieu d’apprécier les moyens développés par la SAS CENTER PARCS à l’ appui de son appel incident, puisqu’elle remet en cause le principe de sa responsabilité dans l’accident dont a été victime Céline R..
Pour retenir la responsabilité de la SAS CENTER PARCS au visa de l’article 1147 du code civil, le tribunal a estimé qu’il était établi qu’au moment où elle a été heurtée, dans la zone de réception du toboggan immédiatement à la suite de la descente, Céline R. n’avait pas retrouvé la liberté de mouvement lui permettant de se dégager de son point de chute, de sorte que l’obligation de sécurité dont l’exploitant était tenue à son égard s’analysait en une obligation de résultat et ouvrait droit à réparation intégrale de son préjudice.
Il n’est pas contesté que Céline R. a été blessée le 11 décembre 2010 alors qu’elle utilisait un toboggan aquatique du complexe CENTER PARCS sis à VERNEUIL SUR AVRE. Aux termes de ses explications, corroborées par l’attestation rédigée par sa belle-soeur Laëtitia R., elle a emprunté le toboggan, de forme tubulaire, et a été violemment percutée à l’arrivée par une personne qui descendait derrière elle.
Il résulte de ces éléments que la configuration même de l’attraction excluait tout rôle actif de l’appelante pendant la descente, mais également au moment même de sa réception dans le bassin, et que l’arrivée dans cette zone ne peut être dissociée de la descente proprement dite, en ce que l’usager ne retrouve pas immédiatement l’autonomie de mouvement lui permettant de se dégager.
Le médecin expert a conclu que Céline R. a présenté un traumatisme thoracique avec fracture tassement de la vertèbre T9 en relation directe et certaine avec les faits, après avoir reçu sur le rachis dorsal et les épaules l’adulte qui la suivait de trop près sur le toboggan.
Dans ces circonstances, sauf à rapporter la preuve de l’existence d’une cause étrangère, la SAS CENTER PARCS, qui est tenue d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de Céline R., verra sa responsabilité contractuelle engagée.
Il importe peu à cet égard que l’intimée, qui estime à tort n’être tenue que d’une simple obligation de moyens, justifie que des consignes d’utilisation étaient affichées au départ de l’attraction, ni même que le feu situé à cet endroit ait fonctionné (ainsi que l’affirme Jean-Michel G., manager sécurité piscine présent le jour des faits) ou non (comme l’atteste Laëtitia R.) dès lors qu’elle ne démontre pas que l’accident procéderait d’une cause étrangère.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur le principe de la responsabilité de la SAS CENTER PARCS.
Sur l’indemnisation du préjudice subi par Céline R. :
Il sera rappelé que dans son rapport daté du 13 juillet 2012, le Dr D. a constaté qu’à la suite de l’accident survenu le 11 décembre 2010, Céline R.a présenté un traumatisme indirect de la cage thoracique avec une fracture du plateau dorsal supérieur ainsi qu’une contusion au niveau du sternum et qu’elle souffrait de séquelles douloureuses et fonctionnelles présentant une perspective d’amélioration, caractérisées par une discrète raideur dorsale et une limitation des mouvements rotatifs du rachis dorsal.
La date de consolidation a été fixée au 28 juin 2012, l’expert retenant dans ses conclusions :
s’agissant des préjudices subis avant consolidation :
– une incapacité temporaire totale de travail du 13 décembre 2010 au 1er février 2011,
– une absence de préjudice esthétique,
– des souffrances endurées de 3/7,
– l’arrêt des activités d’agrément du 11 décembre 2010 au 1er octobre 2011,
et, après la consolidation :
– un déficit fonctionnel permanent de 2 %,
– l’absence de préjudice esthétique,
– l’absence de dépenses de santé futures.
Les parties critiquent devant la cour l’ensemble des dispositions du jugement relatives à l’indemnisation du préjudice de Céline R..
– s’agissant des frais médicaux restés à charge :
La SAS CENTER PARCS RESORTS reproche au tribunal d’avoir fait droit à la demande de Céline R. en lui accordant la somme de 50 euros correspondant au montant de la facture d’honoraires du Dr A., chirurgien, datée du 21 février 2013 alors qu’elle ne justifie pas de ce que cette somme ne lui aurait pas été remboursée par la sécurité sociale.
Céline R. fait valoir qu’elle ne peut rapporter la preuve d’un fait négatif et ne produit, outre la facture en cause, le détail des prestations versées par la CPAM d’Eure-et-Loir que pour la période du 22 décembre 2010 au 1er février 2011.
La Cour relève qu’en ne versant pas d’attestation relative aux sommes versées par la CPAM pour des prestations effectuées en février 2013, Céline R. ne lui permet pas de s’assurer de ce que la somme de 50 euros est effectivement restée à sa charge. Au surplus, il n’est pas établi que la consultation d’un chirurgien, réalisée plus de 2 ans après l’accident et alors que Céline R. n’a du subir aucune intervention en lien avec ses lésions, soit en relation directe et certaine avec le fait dommageable.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef et Céline R. déboutée de sa demande.
– s’agissant de la perte des gains professionnels actuels :
Compte tenu des pièces justificatives produites, le tribunal a accordé de ce chef à Céline R. les sommes de 168, 86 euros pour le mois de décembre 2010 et de 463, 23 euros pour le mois de janvier 2011 (soit un total de 632, 09 euros), soulignant que le rapport d’expertise retenait un arrêt de travail entre le 13 décembre 2010 et le 1er février 2011 et qu’il ressortait des bulletins de paie produits qu’elle n’avait pas perçu de salaires pendant cette même période.
Il a estimé en revanche qu’aucune somme ne devait être allouée au titre du mois de février 2011 dans la mesure où Céline R. ne justifiait pas que les conséquences de l’accident l’aient contrainte à interrompre son activité professionnelle au delà du 1er février 2011.
Céline R. explique à cet égard que sur les 51 jours d’arrêt de travail prescrits du 13 décembre 2010 au 1er février 2011, seuls 43 ont été imputés sur les salaires de décembre et janvier, le surplus l’ayant été sur le mois suivant, de sorte que la somme de 369, 80 euros correspondant à la différence entre son salaire de référence et celui effectivement perçu lui est également due.
La SAS CENTER PARCS RESORTS a conclu à l’infirmation du jugement et au rejet des demandes de Céline R., faute pour celle-ci de produire, en plus des bulletins de salaire, les relevés de la sécurité sociale pour la période correspondante.
Il ressort des pièces produites (bulletins de salaire de novembre 2010 à février 2011 et relevés de la CPAM du 22 décembre 2010 au 1er février 2011) que c’est de façon justifiée que le premier juge n’a pas retenu la somme de 369, 80 euros réclamée par l’appelante au titre de sa perte de salaire pour le mois de février 2011. En effet, à la lecture du bulletin de salaire de décembre 2010, il apparaît que l’arrêt de travail a bien été pris en compte à partir du lundi 13 décembre , puis pendant la totalité du mois de janvier suivant, de sorte que rien ne permet d’affirmer que les retenues effectuées sur le salaire de février 2011 soient liées à l’accident survenu le 11 décembre 2010.
Les pertes de gains professionnels étant par contre parfaitement justifiées pour le surplus, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a accordé à Céline R. la somme de 632, 09 euros de ce chef.
– sur l’assistance d’une tierce personne :
Si l’expert n’a pas expressément retenu, dans ses conclusions, la nécessité de l’assistance d’une tierce personne, il ressort du rapport que Céline R. a été alitée pendant 4 semaines après l’accident, avec l’aide technique de sa mère pour la toilette et l’habillage et qu’elle a indiqué que celle-ci l’avait conduite de son domicile à son lieu de travail (7 km) pendant tout le mois de février 2011.
Rappelant que les frais de tierce personne sont fixés en fonction des besoins de la victime et que l’indemnisation de ce chef n’est pas subordonnée à la production de justificatifs ni réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille, le tribunal a accordé à Céline R. la somme de 342 euros, retenant un besoin d’une heure par jour pendant 28 jours (28 jours x 1 heure x 9 euros, soit 252 euros) et d’une demi-heure par jour pendant 20 jours (20 jours x 0,5 heure x 9 €, soit 90 euros).
Céline R. reprend les demandes formulées en première instance et soutient qu’elle a eu besoin de la présence et de l’assistance de sa mère à plein temps depuis le jour de l’accident jusqu’à la fin de son arrêt de travail, soit 51 jours représentant 11 016 euros (51 jours x 24 heures x 9 euros) puis à raison de 3 heures par jours jusqu’au 1er octobre 2011, soit 243 jours représentant 6 534 euros. Elle sollicite donc l’infirmation du jugement et la fixation de son préjudice à la somme de 17 550 euros.
Subsidiairement, elle demande que soit retenu un besoin en assistance de 2 heures 30 par jour pour la première période, soit 1 147, 50 euros (51 jours x 2, 5 heures x 9 euros) et d’une heure pour le seconde, soit 2 178 euros (242 jours x 1 heures x 9 euros).
La SAS CENTER PARCS RESORTS conclut au rejet de la demande au motif que l’expert n’a pas retenu la nécessité d’une tierce personne et que Céline R. elle même n’a jamais évoqué avoir eu besoin de la présence de sa mère 24 heures sur 24 à ses côtés.
Subsidiairement, elle offre une indemnisation égale à 504 euros maximum, représentant une aide d’une heure par jour du 11 décembre 2010 au 1er février 2011 (51 jours x 1 heure x 9 euros, soit 459 euros) et de 15 minutes pendant les 20 jours travaillés en février 2011 correspondants aux trajets domicile/travail (45 euros) et s’oppose à toute indemnisation à ce titre pour la période allant du 1er mars au 1er octobre 2011.
Quand bien même Céline R. est-elle restée allongée pendant les 4 semaines qui ont suivi l’accident, il n’est aucunement démontré qu’elle aurait eu besoin d’une assistance permanente, dès lors notamment qu’elle n’en a pas fait état lors de l’expertise médicale, pas plus que sa mère dans l’attestation rédigée le 22 août 2011. Il n’est pas établi qu’elle ait été privée de toute possibilité de se mouvoir, dès lors, comme le relève l’expert, qu’aucune prescription d’anti-coagulants ne lui a été délivrée et qu’elle ne se levait que pour le ‘strict nécessaire’, expression dont il se déduit qu’elle n’était pas dans une situation de totale dépendance.
Compte tenu de la nature de ses lésions, il est cependant certain qu’elle a eu besoin de l’aide d’un tiers, ainsi que l’a relevé l’expert, notamment pour la toilette et l’habillage. Ce soutien peut être évalué comme représentant trois heures par jour pendant le temps où Céline R. est restée alitée, soit durant 4 semaines, puis une heure par jour jusqu’au 1er février 2011, alors qu’elle a pu reprendre progressivement ses activités.
Le taux horaire de 9 euros n’est pas critiqué par les parties.
La cour estime dans ces circonstances justifiée dans son principe l’indemnisation retenue par le premier juge. Son montant sera cependant porté à la somme de 963 euros (28 jours x 3 heures x 9 euros + 23 jours x 1 heure x 9 euros).
La décision déférée sera également confirmée en ce qu’elle a retenu une aide d’une demi-heure par jour pour les trajets domicile-travail au cours du mois de février 2011, et accordé à ce titre à l’appelante la somme de 90 euros (20 jours x 0,5 heure x 9 euros).
– sur le déficit fonctionnel temporaire :
Le tribunal a considéré que jusqu’à la date de consolidation, la qualité de vie de Céline R. avait été altérée, sa vie sociale ainsi que sa capacité à se mouvoir et à faire du sport entravées par l’accident, retenant une situation d’incapacité temporaire totale du 13 décembre 2010 au 1er février 2011 (47 jours) puis une situation d’incapacité temporaire partielle au taux de 10 % pour la période comprise entre le 2 février 2011 et le 28 juin 2012 (515 jours).
Indemnisant ce préjudice sur la base de 750 euros, soit 25 euros par jour, il a été alloué la somme de 2 463 euros à Céline R. en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, incluant le préjudice temporaire d’agrément.
Soulignant en premier lieu que la date de début de son déficit fonctionnel temporaire doit être fixée au jour de l’accident, soit le 11 décembre 2010, et non le 13 comme retenu par le tribunal, Céline R. fait valoir qu’elle a subi une incapacité totale de du 11 décembre 2010 au 1erfévrier 2011. Elle soutient également que la fixation d’une incapacité partielle au taux de 10% jusqu’à la date de la consolidation ne prend pas suffisamment en compte ses douleurs, difficultés quotidiennes et impossibilité de reprendre ses activités sportives avant le 1er octobre 2011, de sorte qu’elle sollicite à titre principal la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de son déficit temporaire.
Subsidiairement, elle demande à la cour de retenir trois périodes distinctes :
– du 11 décembre 2010 au 1er février 2011 : DFT total soit 1 300 euros (52 jours x 25 euros)
– du 02 février au 30 septembre 2011 : DFT partiel soit 3 000 euros (240 jours x 25 euros x 50 %)
– du 1er octobre 2011 au 28 juin 2012 : DFT partiel soit 1 693, 75 euros (271 jours x 25 euros x 25%)
soit une somme totale de 5 993, 75 euros.
La SAS CENTER PARCS RESORTS estime pour sa part que si le rapport d’expertise retient une incapacité temporaire totale et ne reprend pas les classes communément admises, il en ressort que Céline R. a subi un déficit temporaire partiel à hauteur de 75 % pour la période d’arrêt de travail, du 13 décembre 2010 au 1er février 2011, puis à hauteur de 10% jusqu’au 1er octobre 2011, et propose de fixer son indemnisation comme suit, retenant un taux journalier de 20 euros :
– du 13 décembre 2010 au 1er février 2011 : 705 euros (47 jours x 20 euros x 75%)
– du 1er février au 1er octobre 2011 : 540 euros (9 mois x 600 euros x 10%).
L’intimée soutient en outre qu’aucune indemnisation n’est justifiée au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la période allant du 1er octobre 2011 jusqu’à la consolidation le 28 juin 2012, en l’absence de tout élément établissant le maintien d’un trouble dans les conditions d’existence de Céline R., qui avait notamment pu reprendre le sport à cette date.
Il apparaît en premier lieu que la période du déficit fonctionnel temporaire subi par Céline R. débute le 11 décembre 2010, jour de l’accident, et non le 13 décembre, premier jour de son arrêt de travail.
Ensuite, si l’expert n’a pas classifié le niveau de l’incapacité temporaire, il ressort de ses constatations et des pièces fournies par l’appelante que celle-ci pratiquait une activité physique régulière avant l’accident (abonnement aquagym de septembre à décembre 2010 pour 10 cours) et que ses proches attestent de la gêne et des douleurs qu’elle a ressenties après celui-ci, entraînant une limitation de sa vie sociale.
Le Dr D. précise qu’elle n’était médicalement pas apte à exercer ses activités d’agrément jusqu’au 1er octobre 2011, du fait de la persistance des douleurs dorsales, ayant notamment justifié ensuite 50 séances de rééducation qui ont permis une amélioration de son état. Il a fixé la date de consolidation au 28 juin 2012, date de fin de ces soins.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, par infirmation du jugement, le déficit fonctionnel temporaire subi par Céline R. sera indemnisé comme suit :
– 52 jours x 25 euros au titre du déficit temporaire fonctionnel total du 11 décembre 2010 au 1er février 2011, soit 1 300 euros,
– 240 jours x 25 euros x 25 % au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de niveau 2, du 2 février au 1er octobre 2011 soit 1 500 euros,
– 270 jours x 25 euros x 10 % au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de niveau 1, du 1er octobre 2011 au 28 juin 2012 soit 675 euros.
– sur les souffrances endurées :
Céline R. conteste le montant alloué en première instance et sollicite devant la cour une indemnité de 6 000 euros en réparation de ce poste de préjudice évalué à 3/7 par l’expert. La SAS CENTER PARCS RESORTS offre de lui régler la somme de 3 000 euros.
La cour estime que le tribunal a justement fixé à la somme de 5 000 euros la réparation du préjudice subi par l’appelante, compte tenu du traumatisme initial, des douleurs qui en ont résulté et qui ont justifié l’administration d’antalgiques puissants (notamment traitement par morphine prescrit le 7 janvier 2011) et de leur persistance jusqu’à la date de la consolidation, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
– sur le déficit fonctionnel permanent :
Les premiers juges, rappelant que le déficit fonctionnel permanent tend à indemniser la réduction définitive après consolidation du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité corporelle de la victime et que ce poste de préjudice permet la réparation des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence et sa qualité de vie, ont accordé à Céline R. la somme de 3 600 euros, compte tenu du taux de 2 % retenu par l’expert.
Céline R. sollicite devant la cour la somme de 5 000 euros, la SAS CENTER PARCS RESORTS propose une indemnisation à hauteur de 2 000 euros.
Le rapport d’expertise relève que Céline R. présente des séquelles douloureuses et fonctionnelles, susceptibles d’évolution plutôt vers une amélioration ou une stabilisation, l’appelante ayant décrit souffrir de dorsalgie lors des stations assises ou des marches prolongées, ainsi que lors des efforts de soulèvement, ce dont témoignent ses proches.
Il y a lieu dans ces circonstances, étant rappelé que Céline R., née le 02 mai 1983 était âgée de 29 ans jour de la consolidation, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il lui a accordé la somme de 3 600 euros en réparation de ce poste de préjudice.
Ainsi, le préjudice subi par Céline R. sera en conséquence indemnisé comme suit :
– préjudices patrimoniaux, 1 685, 09 euros :
632, 09 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,
1 053 euros au titre de l’assistance d’une tierce personne,
– préjudices extra-patrimoniaux, 12 075 euros :
3 475 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
5 000 euros au titre des souffrances endurées,
3 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
soit la somme totale de 13 760, 09 euros.
En l’absence de précision par les parties sur le règlement des sommes dues en vertu du jugement déféré, dont l’exécution provisoire était prononcée à hauteur des 2/3 des condamnations prononcées, la SAS CENTER PARCS RESORTS sera condamnée à payer à Céline R. la somme de 12 760, 09 euros, provision de 1 000 euros accordée au stade de l’ordonnance de référé déduite.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront confirmées.
La SAS CENTRE PARCS RESORTS sera condamnée à payer à Céline R. la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevables en leur forme l’appel principal interjeté par Céline R. ainsi que l’appel incident relevé par la SAS CENTER PARCS RESORTS, à l’encontre du jugement rendu le 06 juin 2017 par le tribunal de grande instance d’EVREUX,
Au fond :
CONFIRME le jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société SA PC-CP DISTRIBUTION et déclaré la société par actions simplifiées CENTER PARCS RESORTS responsable de l’accident dont a été victime Céline R. le 11 décembre 2010,
L’INFIRME sur l’évaluation du préjudice subi par celle-ci et statuant à nouveau :
FIXE à la somme de MILLE SIX CENT QUATRE VINGT CINQ EUROS et NEUF CENTIMES (1 685, 09) le préjudice patrimonial de Céline R. et à la somme de DOUZE MILLE SOIXANTE QUINZE EUROS (12 075) son préjudice extra-patrimonial,
CONDAMNE la SAS CENTER PARCS RESORTS à payer à Céline R. la somme de DOUZE MILLE SEPT CENT SOIXANTE EUROS et NEUF CENTIMES (12 760, 09) en réparation de son préjudice corporel, provision de 1 000 euros accordée au stade de l’ordonnance de référé déduite,
DÉCLARE l’arrêt commun à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Eure-et-Loir,
CONFIRME les dispositions du jugement déféré relatives aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS CENTER PARCS RESORTS à payer à Céline R. la somme de DEUX MILLE (2 000) EUROS en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS CENTER PARCS RESORTS aux entiers dépens de l’appel.