ALIENATION PARENTALE. REGARDS CROISES, B. Mallevaey (sous la dir.), Mare & Martin 2021

Aliénation parentale. Regards croisés

Blandine Mallevaey (sous la dir. de), Mare & Martin 2021

par Isabelle Corpart

L’enfant est loin de toujours être protégé au sein de sa famille car, s’il peut parfois subir des violences familiales ou conjugales, directes ou indirectes, il peut aussi être victime d’une aliénation parentale, thème qui est développé dans l’ouvrage écrit sous la direction de Blandine Mallevaey « Aliénation parentale. Regards croisés ».

Un enfant peut en effet être sous l’emprise de l’un de ses parents et, lorsque le couple se sépare ou est confronté à un divorce conflictuel, il arrive parfois qu’il en vienne à rejeter ou à dénigrer le parent avec lequel il ne vit pas. On s’est rendu compte, au fil du temps, que le mineur pouvait être victime de l’attitude négative du parent chez lequel était fixée sa résidence habituelle.

Dans les années 80, le psychiatre Richard A. Gardner a dégagé le syndrome de l’aliénation parentale, montrant les retombées de la manipulation d’un parent à la fois sur le parent dénigré, et partant victime, et sur le mineur malmené. Il s’agit assurément d’une violence psychologique insidieuse qui nuit au bien-être des enfants et les prive du maintien de leurs relations familiales alors que, même quand les couples se séparent, la coparentalité est maintenue (C. civ., art. 373-2), chacun des père et mère devant maintenir des relations personnelles avec ses enfants, ce qui oblige chacun d’entre eux à respecter les liens entre l’enfant et le parent avec lequel celui-ci ne vit plus au quotidien.

Dès lors, être victime d’aliénation parentale, est très perturbateur pour l’enfant. « On parle de syndrome d’aliénation parentale, le SAP, lorsqu’un parent manipule son enfant de façon à ce que l’enfant développe une grande hostilité, voire une haine, un rejet, envers l’autre parent, pouvant aboutir à refuser de le voir » (Valérie Bisogno, L’aliénation parentale : cette violence psychologique insidieuse qui abîme les enfants, 8 janv. 2020, www.paroledemamans.com). L’enfant est alors manipulé par le parent aliénant qui espère ainsi se retrouver seul aux côtés de l’enfant, en écartant toute relation avec l’autre. Il est surtout pris en otage par le parent, auteur de l’aliénation et de la manipulation, dans le cadre de ce dénigrement.

Pour y remédier, le juge aux affaires familiales peut ordonner des enquêtes sociales et médico-psychologiques dans le but que le harcèlement de l’un des parents soit repéré et qu’il soit possible de mettre fin aux préjudices psychologiques dont est victime l’enfant.

L’ouvrage dirigé par Blandine Mallevaey, qui propose des regards croisés de spécialistes psychologues, psychiatres, sociologues et juristes, tout en listant des témoignages de praticiens, aide à comprendre ce syndrome d’aliénation parentale et les graves retombées pour les relations familiales. Le fait que l’enfant rejette catégoriquement l’un de ses parents, simplement parce que l’autre parent l’a influencé de manière sournoise, insidieuse, voire haineuse, doit pouvoir être condamné. Si le juge fait le constat de cette attitude honteuse, il peut notamment modifier les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale, confier l’enfant à l’autre parent et éventuellement supprimer tout droit de visite et d’hébergement au parent aliénant en raison des dommages qu’il a fait subir à son enfant.

Pour aider l’enfant, il importe aussi de mettre en place une prise en charge psychologique avec un suivi par un professionnel de l’enfance, comme à chaque fois que l’enfant est confronté à une situation de danger au sein de sa famille. À terme, l’idée est que l’enfant puisse réhabiliter le parent victime des mensonges et des propos dégradants, mais surtout qu’il puisse renouer des liens affectifs avec lui.

Cet ouvrage qui apporte des éclaircissements sur cette notion, pas assez connue et pas suffisamment utilisée dans les dossiers relatifs aux séparations conjugales conflictuelles, insiste sur l’aspect essentiel de l’aide qu’il convient d’apporter aux jeunes victimes, à savoir la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il permet aussi de mieux comprendre ce syndrome afin de pouvoir repérer les victimes de ces troubles et aussi de bien le mettre en parallèle avec des situations de violences conjugales, notamment en cas de fausse dénonciation de violences conjugales. Assurément, il s’agit d’une forme de maltraitance difficile à repérer et donc à sanctionner.

Les auteurs montrent ensuite comment les situations d’aliénation parentale peuvent être prises en compte par le droit et la justice au cas par cas, quelles sanctions encourt un parent aliénant, auteur d’une emprise contestable et surtout, ils proposent des pistes pour bien protéger l’enfant in concreto en mettant l’accent sur la prise en compte de son intérêt. Grâce à cette analyse croisée, les retombées psychologiques pour l’enfant sont parfaitement ciblées, montrant que son épanouissement personnel est en danger, ce qui permet de comprendre qu’il est urgent de faire cesser la dictature affective qui pèse sur certains mineurs en raison du discours négatif tenu par l’un de leurs parents sur l’autre, victime de cette attitude, tout comme les enfants du couple.

 

 

 

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