Claude Lienhard
Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Professeur émérite à l’Université Haute-Alsace,
Directeur honoraire du CERDACC
et
Catherine Szwarc
Avocate spécialisée en droit du dommage corporel
I – Droit du dommage corporel
1. Edification du droit indemnitaire spécial des victimes d’attentats et d’agressions, nouvelles avancées significatives de la Cour de cassation
A quoi sert une Cour suprême ?
A faire avancer de justes causes. Les deux décisions rendues par la Chambre mixte le 25 mars 2022 sont de cette veine.
Préjudice d’angoisse de mort imminente et préjudice d’attente et d’inquiétude.
Chambre mixte – Pourvois n° 20-17.07 A LIRE ICI et 20-15.624. A LIRE ICI
Les préjudices subis par une victime doivent être prouvés et identifiés avant d’être indemnisés.
En raison de leur particularité, les préjudices « d’angoisse de mort imminente » ainsi que ceux « d’attente et d’inquiétude » doivent être indemnisés de manière spécifique. A LIRE ICI
2. Le sens et la portée des indemnisations en cas de profanation (la Croix avec AFP)
Les profanateurs d’un cimetière juif d’Alsace condamnés à verser 85 000 € aux parties civiles (la Croix avec AFP).
« Le tribunal pour enfants de Saverne a condamné cinq jeunes à verser des sommes allant de 1 250 à 3 000 € aux parties civiles après la profanation du cimetière juif de Sarre-Union en 2015. Les coupables étaient mineurs au moment des faits.
Le cimetière juif de Sarre-Union a été profané par une vingtaine de jeunes le 15 février 2015.
Les cinq profanateurs du cimetière juif de Sarre-Union (Bas-Rhin), mineurs lors des faits et déjà condamnés au pénal, devront verser au total 85 000 € de préjudice moral à une quarantaine de parties civiles. Un jugement qualifié mardi 29 mars de « signal fort » par la Licra. Dans le détail, les sommes allouées par tribunal pour enfants de Saverne aux parties civiles vont de 1 250 à 3 000 €.
Les auteurs de cette profanation, la plus grave visant un cimetière juif depuis une vingtaine d’années, étaient âgés de 15 à 17 ans au moment des faits. Ils avaient été interpellés quelques jours après les faits, en février 2015, après que l’un d’eux se fut rendu de lui-même à la gendarmerie. Les cinq mineurs avaient saccagé près de 270 tombes. Des tombeaux avaient également été ouverts et les profanateurs avaient uriné sur certaines sépultures.
Le 15 septembre 2017, ils avaient été condamnés au pénal par le tribunal pour enfants à des peines de 8 à 18 mois de prison avec sursis et à 140 heures de travaux d’intérêt général pour profanations et dégradations de sépultures « en raison de l’appartenance des personnes décédées à une religion déterminée ».
La nouvelle condamnation prononcée vendredi, cette fois au civil, « envoie un signal fort aux auteurs d’un acte antisémite sans précédent et qui n’ont pas à ce jour fait preuve de repentance ou montré le moindre remord », s’est félicitée la Licra du Bas-Rhin, partie civile dans ce dossier. »
A un moment où le plus souvent les condamnations pécuniaires sont supportées par la solidarité puisqu’elles sont garanties par des fonds dédiés, le rappel d’une dimension indemnitaire à supporter directement in fine par les auteurs et leurs ayants droit civilement responsable peut être très utile et pédagogique.
II – Droit des victimes
1. Arrêt de principe sur la notion de plainte
Quand c’est possible, ne jamais abandonner car le droit des victimes est un combat du quotidien au long cours.
Un bel exemple par cet arrêt de principe de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation sur la notion de plainte. A LIRE ICI
L’enquête va enfin être reprise dans le cadre d’une instruction.
Savoir la vérité en tout cas la rechercher est essentiel pour les victimes et un devoir de la justice.
Satisfait d’avoir pu accompagner cette famille dans ce parcours qui n’ est pas achevé, loin de là, et d’en rendre compte à nos lecteurs.
Côtes-d’Armor. (Ouest-France 21 avril)A LIRE ICI La Cour de cassation rouvre l’enquête après un accident mortel à Glomel en 2014
La Cour de cassation rouvre l’enquête après un accident mortel à Glomel en 2014.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a ordonné, ce jeudi 21 avril 2022, que l’enquête sur le décès accidentel d’une jeune automobiliste, en décembre 2014 à Glomel (Côtes-d’Armor), soit reprise après une expertise privée et un recours porté par les parents de la victime. Le dossier va être renvoyé au juge d’instruction.
21 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-82.877
Chambre criminelle – Formation restreinte hors RNSM/NA
PUBLIÉ AU BULLETIN
ECLI:FR:CCASS:2022:CR005`
Réponse de la Cour
Vu l’article 85 du code de procédure pénale :
7. Constitue une plainte, au sens de cet article, toute information portée, sans formalisme particulier, à la connaissance de l’autorité judiciaire ou d’un officier ou agent de police judiciaire, et relative à des faits susceptibles de revêtir une qualification pénale.
8. La personne qui, s’étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d’instruction, a omis de justifier du dépôt préalable d’une plainte auprès du procureur de la République ou d’un service de police judiciaire dans les conditions fixées par le deuxième alinéa du texte susvisé, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l’instruction au soutien de son appel de l’ordonnance du juge d’instruction ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable.
9. Pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile des demandeurs devant le juge d’instruction, l’arrêt attaqué énonce qu’aucune plainte n’a été déposée dans le cadre de la procédure établie par les services de gendarmerie à la suite de l’accident dans lequel leur fille est décédée et que leur courrier adressé, le 23 avril 2015, au procureur de la République ne constitue pas une plainte.
10.Les juges relèvent que, s’ils y sollicitent l’organisation d’investigations complémentaires afin que soient déterminées les circonstances exactes du décès de leur fille, ils ne déclarent pas porter plainte.
11. Ils ajoutent que la correspondance adressée par leur avocat au procureur de la République le 29 novembre 2016, laquelle a pour objet de communiquer à ce magistrat le rapport de l’expertise qu’ils ont fait réaliser et de solliciter la mise en oeuvre de réquisitions téléphoniques destinées à déterminer si M. [H], conducteur de l’autre véhicule impliqué dans l’accident, utilisait son téléphone portable au moment de la collision, ne mentionne pas que cette demande ferait suite à une plainte déposée par les intéressés.
12. Les juges ajoutent que le courrier du 23 avril 2015, que les requérants présentent comme étant une plainte préalable, n’était pas joint à leur constitution de partie civile.
13. Ils en concluent que celle-ci est irrecevable.
14. En prononçant ainsi, alors qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les demandeurs avaient entendu saisir le procureur de la République de faits constituant une infraction pénale, d’une part, et qu’ils avaient justifié devant la chambre de l’instruction du dépôt d’une plainte préalable, d’autre part, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.
2. Préjudice d’anxiété des militaires affectés à un sous-marin
Le Conseil d’État décide de reconnaitre et d’indemniser le préjudice d’anxiété d’un militaire ayant été exposé à l’amiante au cours de sa carrière. La spécificité de la situation des marins est admise à raison de la conception des vaisseaux de la Marine nationale A LIRE ICI .
III – Victimologie
1. Les dentistes maltraitants et les actes intentionnels
Extrait du remarquable compte-rendu d’audience publié par Dalloz Actualité Pierre-Antoine Souchard, journaliste, 8 avril 2022.
« Au terme de six semaines d’audience, la 6e chambre du tribunal correctionnel de Marseille a mis en délibéré au 8 septembre sa décision concernant deux dentistes, notamment renvoyés pour violences volontaires ayant entraîné des mutilations permanentes. Le ministère public a requis dix ans contre Lionel Guedj, 41 ans et cinq ans dont un avec sursis contre Jean-Claude Guedj, 71 ans, son père, et mandat de dépôt à leur encontre. Décision le 8 septembre.
Marion Chabot, l’autre voix du parquet, a expliqué pourquoi le choix des poursuites pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation permanente s’appliquait dans ce dossier. « Il y a un postulat qui ne fait plus débat, Lionel Guedj a commis des actes qui n’étaient pas médicalement justifiés », a-t-elle d’emblée martelé. Une dévitalisation de dent sans justification médicale est bien « l’ablation d’un membre et constitue une atteinte grave et irréversible. La taille des dents constitue bien une dégradation irréversible de l’organe. Dans les deux cas, c’est l’impossibilité de restauration, l’absence de retour en arrière. La mutilation n’est pas synonyme de violence, c’est un résultat ».
Pour le parquet, la problématique en question est simple : les gestes médicaux prodigués par le fils et le père ne résultent pas d’un « acte involontaire, d’une faute d’imprudence ou de négligence » mais bien « d’actes volontaires, avec une conscience du caractère non justifié, qui caractérise les violences volontaires. »
2. Le temps des plaintes
Une fois de plus on constate que c’est à la justice qu’on s’adresse pour établir les vérités et arbitrer les sanctions et réparer ce qui peut l’être. Plus que jamais cette justice sollicitée fortement doit avoir les moyens mais aussi faire preuve d’indépendance. Des réformes structurelles restent à mener quant au statut du parquet, l’égalité des armes, les délais raisonnables. Certaines relèvent du législateur, d’autres de la déontologie et reste la question politique du choix et du profil des futurs Gardes des Sceaux !
Orpea
C’était annoncé, nécessaire et inévitable.
Colonna
C’était prévisible et politique.
A LIRE ICI « Mort d’Yvan Colonna un rapport pointe des failles de l’administration pénitentiaire »
Samuel Paty
Là encore inévitable et nécessaire à la vérité.
A LIRE ICI « Samuel Paty la famille du professeur porte plainte contre l’administration » – Le Point
IV- Victimologie et guerre en Ukraine
L’actualité est dense et on retiendra entre autres : Les crimes de guerres et la difficulté des enquêtes.
A LIRE ICI « Crimes de guerre en Ukraine que peut la justice » – Le Club des Juristes
Familles et enfants.
À tous points de vue
A LIRE ICI « Guerre en Ukraine plus de la moitié des enfants ont été déplacés »
La confrontation aux images et le décodage
La CEDH et la Russie
A LIRE ICI « Pourquoi le Conseil de l’Europe a-t-il exclu la Russie » – Touteleurope.eu