Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

Non classé

EDITO : SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : LES NOURRITURES FATALES, C. Lienhard

Claude Lienhard

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel
Professeur émérite à l’Université de Haute-Alsace
Directeur honoraire du CERDACC

 

En France, il y a des aliments du quotidien qui blessent et tuent.

Pizza, chocolat, fromage et steak…

Buitoni, Kinder, mais déjà avant Lactalis et Spanghero, toutes ces défaillances graves nous interpellent quant à notre sécurité alimentaire.

La peur s’invite dans les assiettes et à table.

On passe facilement de la rubrique des faits divers à une question d’ordre public alimentaire avec enquêtes a posteriori, perquisitions et saisine de la justice spécialisée en pôles dédiés.

On regrette les contrôles administratifs préventifs trop rares et le risque aggravé par ce déficit structurel de vigilance.

On regrette la confiance souvent aveugle dans l’auto-contrôle confié aux industriels,  lequel, selon certains syndicalistes, n’est rien d’autre qu’un blanc-seing à des dissimulations d’incidents.

Certes, la production de pizza dans l’usine de Caudry a été interdite par le préfet du Nord.

Certes, une enquête pénale a  été ouverte le 22 mars pour homicide involontaire.
Élevons le débat à l’aube d’une nouvelle mandature et d’une nouvelle assemblée nationale.

La question est, ici comme ailleurs, pour les enjeux régaliens de sécurité c’est plus d’État performant et réactif. Pas besoin de cabinet de conseil pour le constater !

Faut-il rappeler les effectifs insuffisants de la DGCCRF ?

Attention aux tentations de privatisation de la sécurité alimentaire !

Voilà que surgit à nouveau le spectre des nébuleuses des pouvoirs publics dans la déclinaison des responsabilités et bien sûr la question récurrente des entreprises face au profit et à la morale.

Laissons pour clore cet éditorial, toujours écrit dans l’ombre portée de la guerre qui ravage l’Ukraine, la parole aux parents de Nolan décédé après une intoxication alimentaire.

Le récit est édifiant comme en témoigne le calvaire de Nolan après avoir mangé un steak qui l’a intoxiqué.

Mourir à 10 ans pour un steak.

Nolan se repose en paix.

Intoxiqué à l’âge de 21 mois par une bactérie contenue dans un steak haché, devenu lourdement handicapé, Nolan est finalement décédé le 14 septembre 2019. Son calvaire aura duré huit ans. Nolan est mort parce qu’un industriel de la boucherie s’est exonéré de certains contrôles sanitaires avant de livrer ses steaks surgelés à une enseigne de la grande distribution. Nolan est mort faute d’un diagnostic assez rapide, signe scandaleux d’une médecine de classe : d’hôpital en hôpital, personne n’a écouté sa mère, modeste employée alors âgée de 25 ans, alertant en vain sur l’état de son petit garçon. Sans concession ni haine, Priscilla Moittié témoigne aujourd’hui avec son parler vrai. Elle dit la douleur, le sentiment tenace de culpabilité, la colère, mais aussi, et surtout, l’amour et la joie de voir son fils sourire, et même rire, quand tous les médecins le croyaient perdu. Véritable mère-courage, elle raconte son long combat pour obtenir justice, et pour que plus jamais un fabricant de denrées alimentaires n’empoisonne un enfant sans défense.