Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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LE RISQUE ET L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE, F. Lévy

Dr Francis LEVY

C.E.S d’Hygiène, de médecine préventive et Santé publique, CES de Médecine légale

D.U de Réparation juridique du préjudice corporel ;

C.U de médecine d’urgence de catastrophe

Depuis quelques mois des nouveaux problèmes d’hygiène alimentaire font surface et traduisent un risque et une insécurité alimentaire qui se manifeste par le retrait d’un nombre conséquent de produits du marché et cela dans de nombreux pays ; ainsi que par la survenue d’intoxications de gravité variable mais pouvant entraîner des décès.

Quelques exemples récents illustrent la question.

Amérique du Nord

Retrait de:

  • Healthy Choice POWER BOWLS Korean-Style Beef, suite à du lait non conforme
  • Viana brand Veggie Cevapcici, suite à un problème lié aux amandes
  • K-Fresh Fresh Produce brand Enoki Mushroom, suite à une contamination par Listeria monocytogènes
  • Daily Harvest French Lentil & Leek Crumbles frozen product , suite à des troubles gastro-intestinaux et hépatiques avec 130 hospitalisations sur 386 signalement à la FDA.
  • READY        TO     COOK        MEAL      FOR      ONE      BACON-CHEDDAR, SMOTHERED CHICKEN, lié à un problème de non-conformité des oeufs
  • M&M Food Market brand Prime Rib Beef Burgers, lié à un problème de gluten et de blé
  • Œuf Xceptionnel (Saint-Constant, QC) rappelle le Saumon fumé en raison d’un problème de chaîne du froid.

Europe

  • En France, SCAMARK rappelle DOUCEUR DU VERGER brand DESSERT DE FRUIT POMME en raison d’un souci de niveau trop élevé de patuline, lactone qui peut provoquer des désordres gastro-intestinaux avec ulcérations, distensions et hémorragies, voire des perturbations de la fonction rénale, à plus forte dose.
  • International Store rappelle en France, Asian choice brand Wakame Salade / Seaweed salad en raison d’une contamination par le virus de l’hépatite E
  • En France, SARL IKIZDERE IYI MARKET rappelle EKONOMIK brand TAHIN HELVA PISTACHE / Tahini halvah with pistachios en raison d’une contamination par salmonelles.
  • En France, AZ Distribution rappelle ALGOTA brand Sésame Tahini en raison d’une contamination aux salmonelles
  • En France, PRODUCTION MYTILIMER rappelle la Cancalaise brand Moules de Bouchot Baie du Mont-Saint-Michel AOP en raison d’une contamination aux salmonelles.
  • En France, LE PETIT DIEU rappelle Le petit Dieu Rollot Fermier suite à une contamination par Listeria monocytogenes.
  • En France Lidl rappelle Etal du boucher brand Merguez fortes sausages lié à une contamination par salmonelles.
  • En France, DES GIRAULTS rappelle des Giraults brand oeufs en vrac pour contamination par les salmonelles
  • En France, Soléane rappelle la salade au pâté de, jambon emmental et les gnocchis ainsi que la salade norvégienne au saumon fumé pour contamination par les listeria monocytogènes
  • En France DIPA CEMOI rappelle L’authentique petit ourson guimauve lait XL en raison de l’incorporation dans les oursons en chocolat au lait de fil métallique
  • En France Intermarché rappelle le fromage Ossau Iraty au lait cru suite à une contamination par listera monocytogènes
  • En France rappelle de fromage frais La Martinerie en Corrèze pour contamination par Listéria monocytogènes.
  • En Allemagne EDEKA rappelle Gut & Günstig Frischeiwaffeln en raison de présence de corps métalliques dans les gaufres.
  • En Allemagne, BLG Kardesler GmbH et Dovgan GmbH rappellent SUNTAT Helva mit Vanillegeschmack suite à une contamination aux salmonelles.
  • Aux Pays-Bas, DekaMarkt rappelle le DekaVers Buffelmozzarella Piccolini / Buffalo mozzarella piccolini cheese en raison d’une contamination par r Listeria monocytogenes.
  • Aux Pays-Bas, Pepsico Nederland BV rappelle Duyvis Borrelnootjes Provençale / Beer nuts en raison d’un risque lié aux amandes et cachous.
  • En Espagne, rappel des fromages, produits en France, Président Rulo cabra Sainte Maure et President brand queso cabra Riblaire suite à une contamination par des métaux.
  • En Espagne rappel d’Ovopack brand Huevo entero líquido pasteurizado contaminé par des salmonelles.

Asie, Afrique et Océanie

  • En Nouvelle-Zélande, L’état avise les consommateurs d’un risque possible de contracter l’hépatite A à partir de baies congelées importées suite à une contamination de 3 personnes qui consomment régulièrement des baies congelées importées.
  • A Hong-Kong PNS FRESH INTERNATIONAL rappelle CASINO STE MAURE GOAT LOG, produit en France, suite à une contamination métallique.

Les affaires KINDER et BUITONI

On peut aussi rappeler l’affaire des KINDER SURPRISES de Ferrero. Le 2 avril 2022, la Food Standards Agency du Royaume- Uni a alerté les consommateurs sur une potentielle contamination par salmonelles dans certains lots de chocolats Kinder Surprise.

Le 8 avril, la Belgique a annoncé sa décision de retirer à Ferrero l’autorisation de fabriquer des produits alimentaires dans son usine d’Arlon, où étaient fabriqués les chocolats Kinder Surprise.

La décision, selon l’AFSCA, était due à la présence de salmonelles dans l’environnement de l’usine et au mécontentement de l’agence face au manque de transparence de la part de l’entreprise concernant son problème et aux signalements d’infections à salmonelles associées aux produits de cette usine.

En réponse Ferrero a élargi son rappel initial pour englober tous les produits fabriqués dans l’usine d’Arlon. Ce faisant, l’entreprise a également reconnu avoir eu connaissance d’un problème de contamination par salmonelles dans son usine de production depuis le 15 décembre 2021.

Selon le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC), au 15 juillet, 401 cas confirmés (n = 399) et probables (n = 2) de Salmonella Typhimurium monophasique avaient été signalés dans 13 pays membres de l’UE et au Royaume-Uni. 54 autres cas ont été signalés au Canada (n = 4), en Suisse (n = 49) et aux États-Unis (n = 1) suite à la contamination des chocolats.

Dans ce dossier ce qui interpelle est le retard pris par Ferrero pour réagir alors que l’entreprise était parfaitement informée du problème.

De la même manière l’affaire des PIZZAS BUITONI du groupe Nestlé interpelle également. Il s’agit d’une contamination par Escherichia Coli. Au total on a enregistré 75 cas dans toutes les régions de France avec 41 cas graves de syndromes hémolytiques et urémiques en particulier chez les enfants dont deux sont décédés. Le 18 mars, Nestlé a fermé deux lignes de production de son usine près de Caudry dans le Nord afin de procéder à des analyses. Les autorités sanitaires ont procédé à un rappel massif des pizzas Fraîch’Up de Buitoni mi-mars, demandant aux consommateurs de détruire ces produits s’ils y en avaient dans   leur congélateur. Le groupe Nestlé a déclaré produire entre 100 000 et 150 000 de ces pizzas par semaine.

Dans les suites de ces deux affaires l’ONG Foodwatch, a porté plainte car selon elle ces groupes agroalimentaires ont depuis le début de ces affaires minimisé les faits et manqué à leurs obligations vis-à-vis du consommateur en ne respectant pas les réglementations françaises et européennes et en négligeant les règles d’hygiène avant et après le signalement des premiers cas, mais aussi en tardant dans leurs procédures de retrait. La Justice s’est saisie de ces deux affaires.

État de la réglementation sur l’hygiène des aliments

Au plan européen, la règlementation appelé « Paquet hygiène » à la suite du livre blanc sur la sécurité alimentaire de la Commission Européenne est applicable dans tous les pays de l’UE. Elle comprend cinq textes :

  • Le règlement (CE) n°178/2002 est le texte clé du Paquet Hygiène, la Food Law, la législation alimentaire. Il édicte les principes généraux du corpus réglementaire et est applicable à tous les acteurs des filières alimentaires et de l’alimentation animale.
  • Le Règlement (CE) n°852/2004 impose un plan de maîtrise sanitaire à tous les exploitants avec les principes HACCP.
  • Le Règlement (CE) n°853/2004 spécifique à la transformation des denrées d’origine animales.
  • Le Règlement (CE) n°183/2005 définissant les exigences en matière d’hygiène des aliments pour animaux.
  • Le règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 concernant les contrôles officiels.

Plusieurs autres règlements et arrêtés complètent ces textes en particulier concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires, les exigences en matière de traçabilité, les règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d’entreposage et de transport de produits d’origine animale et denrées alimentaires et les agréments sanitaires des établissements de vente des produits alimentaires d’origine animale.

La Commission Européenne a mis en place une plateforme très complète « Food Safety » pour aider à la sécurité sanitaire.

https://food.ec.europa.eu/safety/biological-safety/food-hygiene/ guidance-platform_en

De la même manière la France a également mis en place un site internet sur les bonnes pratiques en Hygiène . https://agriculture.gouv.fr/guides-de-bonnes-pratiques-dhygiene- gbph

En plus la France depuis 2012 a mis en place le site Alim’confiance qui permet de consulter les résultats des contrôles officiels réalisés en matière de sécurité sanitaire des aliments par département. https://www.alim-confiance.gouv.fr

Au plan international

Les normes internationales sont définies dans le CODEX ALIMENTARIUS sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unis pour l’alimentation et l’agriculture et de l’Organisation mondiale de la Santé. Le codex est rédigé et révisé par la commission internationale du codex regroupant les 188 pays de l’ONU. Le Codex joue également un rôle déterminant dans le règlement des différends commerciaux dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Cependant, les normes Codex et les textes apparentés ne suppléent, ni ne proposent une alternative à la législation nationale. Depuis sa création en 1963, le système du Codex a évolué de façon ouverte, transparente et participative afin de répondre aux nouveaux défis. Le commerce international des denrées alimentaires représente 2000 milliards d’US$ par an et des milliards de tonnes d’aliments sont produits, transportés et mis sur le marché.

Qu’y-a-t’il de neuf ?

Adopté le 3 mars 2021, le nouveau règlement n°2021/382 de la Commission est venu modifier les annexes I et II du règlement n°852/2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires, afin d’introduire dans le corpus règlementaire une culture de la sécurité sanitaire des aliments pour les exploitants du secteur alimentaire en particulier pour les cuisines collectives car l’obligation concerne toutes les étapes de la chaîne alimentaire.

Lors de la dernière révision de sa norme mondiale relative aux principes généraux d’hygiène alimentaire, la Commission du Codex Alimentarius a introduit le concept de culture de la sécurité alimentaire en tant que principe général.

Ce concept et ses exigences sont donc introduits par le règlement au niveau européen.

Ce nouveau concept renforce la sécurité alimentaire en sensibilisant davantage les employés des établissements du secteur alimentaire et en améliorant leur comportement ce qui a été démontré par plusieurs publications scientifiques. »

Le nouveau règlement crée donc un chapitre VI bis à l’annexe II du règlement N°852/2004 relatif à l’obligation de mettre en place et de maintenir        une culture           de la sécurité alimentaire          (Food Safety Culture) à l’attention de tous les exploitants du secteur alimentaire. A cet effet, le règlement énumère une liste des   exigences à respecter par  l’entreprise et ses employés, en  indiquant qu’il conviendra de les adapter en fonction de la nature et de la taille de l’entreprise concernée.

Il précise également que l’exploitant doit être en mesure de rapporter la preuve du respect de ces nouvelles exigences règlementaires, sans toutefois en préciser par quels moyens (registre, procédures, etc).

La mise en place de la Food Safety Culture suppose des exploitants concernés :

  • Un engagement de la direction et de tous les employés en faveur d’une production et d’une distribution sûres des denrées alimentaires ;
  • Une capacité à jouer un rôle moteur dans la production de denrées alimentaires sûres et de faire participer tous les employés à l’application des pratiques en matière de sécurité alimentaire ;
  • Une sensibilisation de tous les employés de l’entreprise aux risques pour la sécurité alimentaire et à l’importance de la sûreté et de l’hygiène des denrées alimentaires ;
  • Une communication ouverte et claire entre tous les employés de l’entreprise, au sein d’une même activité et entre activités successives, y compris la communication des écarts et des attentes ;
  • Une disponibilité de ressources suffisantes pour assurer la manipulation sûre et hygiénique des denrées alimentaires.

En quoi consiste l’engagement de la direction des entreprises ?

Les directions doivent veiller à ce que les rôles et les responsabilités soient clairement communiqués au sein de chaque activité du secteur alimentaire ; vérifier que les contrôles sont effectués en temps utile et de manière efficace et que la documentation est à jour ; veiller à ce que le personnel bénéficie d’une formation adéquate et fasse l’objet d’une supervision appropriée ; assurer le respect des exigences réglementaires applicables ; tenir compte des évolutions concernant la science, la technologie et les meilleures pratiques.

Enfin, ce nouveau règlement introduit de nouvelles dispositions pour actualiser la gestion des allergènes avec la prise en compte de la possibilité de contamination des denrées alimentaires aux stades de leur conditionnement et de leur transport, et pas uniquement de leur production ; et mettre en place des changements relatifs aux conditions de redistribution des dons alimentaires dans le cadre de l’objectif européen de réduction du gaspillage alimentaire.

Les dispositions de ce règlement n°2021/382 sont déjà en vigueur et sont directement applicables dans les États membres de l’Union européenne.

Au total, avec le développement massif de l’alimentation collective et des plats préparés, le risque d’intoxication alimentaire augmente considérablement et devient une préoccupation majeure pour les responsables de la santé publique.

Le 24 SEPTEMBRE 2022