Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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L’EXPERTISE DES USAGES ET USAGERS DANS LES TRANSPORTS AERIENS, L. Singla

Laure Singla

PDG Juris Eco Conseil, Phd Droit international de l’environnement promotion F. Molins,
Observateur CIDCE prÚs du PNUE-GME, Expert prÚs la CA de Montpellier membre CNEJE (D-04.05/D-05/ E-03.01 / E-08), Médiateur prÚs les juridictions référencé secteur aéronautique.

Cet article est une synthĂšse d’un article qui sera publiĂ© dans le n°2021-2 de RisĂ©o

Les principes de prĂ©caution et de transparence de l’information environnementale ont permis une accessibilitĂ© sur l’information qu’on nommera bio-sĂ©curitaire. Si le Protocole de Kiev du 23 mai 2003 oblige depuis 2005 Ă  dĂ©clarer toutes Ă©missions polluantes extĂ©rieures, et si la Convention de Stockholm du 22 mai 2001 retient 21 polluants, il n’existe aucun registre de la qualitĂ© de l’air intĂ©rieur cabine, et ce malgrĂ© la problĂ©matique du fume event retenue par l’OACI et la FAA. L’expertise des usages et usagers dans le domaine aĂ©rien reste ainsi dĂ©licate. La triple proposition de rĂ©viser les conventions de Varsovie et de Chicago en y insĂ©rant une dimension environnementale, technique et sociĂ©tale, prend tout son sens. En effet, il a fallu attendre 2010 pour lire les dĂ©finitions d’accident et d’incident aĂ©rien, d’impact sĂ©curitaire du rejet de polluants pendant les vols commerciaux, et 2015 et 2020 pour lire des recommandations. Le contentieux santĂ©-sĂ©curitĂ© demeure mais n’est pas spĂ©cifique au domaine aĂ©rien ; la jurisprudence internationale foisonne ; la proposition de loi amĂ©ricaine reste en suspens. Cette culture de l’information transversale sĂ©curitaire, embryonnaire, proposĂ©e par l’AVSA a Ă©tĂ© retenue par la DSAC en 2020 dans le « Plan horizon 2023 ». L’Ă©tat de l’art en 2021 apporte un certain nombre de prĂ©conisations que l’expert se doit de dĂ©crire.

I- État de l’art et prĂ©conisations d’expert Ă  l’aune du protocole de Kiev du 23/05/2003 et de la Convention de Stockholm du 22/15/2001

La pollution de l’air intĂ©rieur cabine (fume event) est qualifiĂ©e par l’OACI et la FAA d’une « particuliĂšre gravitĂ© ». MatĂ©rialisĂ©e par des Ă©manations (fume) provenant de l’huile de refroidissement des moteurs d’avions pyrolysĂ©e, contaminant le systĂšme d’air conditionnĂ© (bleed air) de l’avion, elle reste extrĂȘmement dangereuse. Ses consĂ©quences vont des complications simples aux plus graves sur le plan respiratoire, neurologique, cardiaque, digestif, suivant la nature et la durĂ©e de l’exposition. L’absence actuelle de traitement de ce rejet par une dĂ©contamination systĂ©matique prĂ©sente, sur le plan technique comme juridique, un risque probable, grave et objectif, dont la probabilitĂ© de survenance reste un critĂšre dĂ©terminant d’apprĂ©ciation du risque sanitaire environnemental. Si ce rejet de polluants n’entre pas dans le champ du Protocole de Kiev, car intĂ©rieur et non systĂ©matique, il entrerait dans celui de la convention de Stockholm du 22 mai 2001. L’expert peut prĂ©coniser que ce rejet soit inscrit dans un registre nouveau, au regard de l’article 5.9 de la convention d’Aarhus.

  A- État de l’art en 2021 des rejets de polluants chimiques prĂ©sent dans l’air intĂ©rieur cabine

Les premiers rapports datent de 1997, la consĂ©quence de l’exposition fut qualifiĂ©e de «syndrome aĂ©rotoxique », par les Professeur Chris Winder et Dr Jean-Christophe Balouet. S’ensuivirent Ă©tudes, rapports de toxicologie et traçabilitĂ©, accord, tĂ©moignages, rapports d’Airbus, reconnaissance toxicologique du syndrome, rapports de la FAA, du BEA, de la France, de compagnies aĂ©riennes, contentieux et rapports d’expertise judiciaire, littĂ©rature scientifique, alertes SAFO, thĂšses, colloques, confĂ©rences, articles de presse spĂ©cialisĂ©e.

B- État de l’art des rapports d’expertise rendus sur les rejets de polluants chimiques prĂ©sents dans l’air intĂ©rieur cabine

Si le Protocole de Kiev oblige Ă  dĂ©clarer sur un registre en ligne toutes Ă©missions polluantes, il ne s’applique qu’aux rejets extĂ©rieurs. Les TCP (tricrĂ©sylphosphates ou phosphates de tricrĂ©syle) font partie des 21 polluants dangereux pour la santĂ© humaine retenus aujourd’hui par la Convention de Stockholm. Le rĂ©cent rapport d’enquĂȘte du BEA Ă©voque ce paradigme en retenant l’incapacitĂ© partielle du commandant de bord, du copilote et le dĂ©routement d’urgence en raison de la contamination de l’air cabine. Ce rapport note l’absence d’analyse toxicologique sur le personnel et des troubles d’ordre sĂ©curitaires graves reconnus par l’AESA et Airbus. Il fait rĂ©fĂ©rence aux Ă©tudes de ses homologues allemand (BFU) et britannique (CAA UK) mais sans Ă©voquer les rapports publiĂ©s, et il conclut en prĂ©conisant de gĂ©nĂ©raliser le recours Ă  l’utilisation de tests capillaires. Aussi l’expert peut-il prĂ©coniser une expertise toxicologique conformĂ©ment aux accords internationaux.

II État de l’art et prĂ©conisations d’expert Ă  l’aune de la convention de Palerme du 15 novembre 2000 et du Cadre d’actions de Sendai 2015-2030.

L’expert doit chiffrer les prĂ©judices, inaptitudes, manquements Ă  l’obligation de prĂ©vention. Au vu de l’enjeu sanitaire majeur, il pourrait Ă©mettre des prĂ©conisations Ă  l’aune de la convention de Palerme du 15 novembre 2000 et du Cadre d’actions de Sendai pour la rĂ©duction des risques de catastrophes 2015-2030.

A- A l’aune de la convention de Palerme du 15 novembre 2000

La situation reste prĂ©occupante, Ă  l’aune des principes de prĂ©caution, de prĂ©vention, d’information et de participation, de pollueur-payeur, de protection gĂ©nĂ©rale de la santĂ© et de l’environnement, et de retrait face Ă  l’exposition Ă  matiĂšre dangereuse. L’article L.4121-1 du Code du Travail français rappelant l’obligation de sĂ©curitĂ© de l’employeur. L’expert pourrait prĂ©coniser de se rĂ©fĂ©rer Ă  la Convention de Palerme du 15 novembre 2000 et Ă  la Convention NU A/RES/55/25 du 8 janvier 2001 contre la criminalitĂ© transnationale organisĂ©e. Il pourrait promouvoir le terme de « crime environnemental organisĂ© » dans le domaine aĂ©rien, suivant la Circulaire de l’OACI Cir344- AN/202 prĂ©citĂ©e, en se rĂ©fĂ©rant notamment au point 3.1.5 du document complĂ©mentaire OACI Doc8984 AN/895 lequel dĂ©finit l’incapacitĂ© de vol du pilote, la FAA prĂ©cisant depuis 2018 qu’une contamination peut avoir lieu sans signe visuel ni olfactif.

B- A l’aune du Cadre d’actions de Sendai

L’expert pourrait prĂ©coniser de se rĂ©fĂ©rer au cadre d’action de Sendai pour la rĂ©duction des risques de catastrophe 2015-2030. Pour promouvoir une meilleure coopĂ©ration internationale sur l’information transversale bio-sĂ©curitaire des risques et stratĂ©gies d’adaptation. L’expert pourrait suggĂ©rer de renforcer les partenariats Experts indĂ©pendants- Protection civile-UE, renforcer la reconnaissance transversale du phĂ©nomĂšne anxiogĂšne des risques par l’administration et la justice et renforcer la formation des services de l’État aux nouveaux risques environnementaux.