Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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REMISE EN CAUSE PAR LA CEDH D’UN REFUS D’INDEMNISATION POUR UN ENFANT NÉ HANDICAPÉ, I. Corpart

Isabelle Corpart,

Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace,
Membre du CERDACC

Commentaire de CEDH, 3 févr. 2022, n° 66328/14, N.M. et a. c/ France

La France est condamnée par la CEDH pour ne pas avoir indemnisé la famille d’un enfant dont le handicap n’avait pas été décelé lors du diagnostic prénatal effectué avant sa naissance à la demande de sa mère. Le Conseil d’État avait rejeté la demande d’indemnisation des charges imposées aux parents en lien avec ce handicap, appliquant la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 votée dans le cadre de l’affaire Perruche. Il est censuré par la CEDH car il a appliqué cette réforme à un enfant handicapé né avant son entrée en vigueur.

Mots-clés : Responsabilité médicale – enfant né handicapé – handicap non décelé avant la naissance – fautes médicales – demande d’indemnisation du préjudice lié aux charges découlant du handicap – suites de l’affaire Perruche – refus d’application rétroactive de la loi du 4 mars 2002.

Pour se repérer

L’arrêt rendu le 17 novembre 2000 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans l’affaire Perruche (Cass. ass. plén., 17 nov. 2000, n° 99-13.701, Juris-Data n° 2000-006884 ; JCP G 2000, II, 10438, concl. J. Sainte-Rose, rapp. P. Sargos, note Fr. Chabas ; Dr. famille 2001, n° 1, comm. 11, P. Murat ; D. 2000, n° 50, Actualité, Aperçu crit. par F. Terré ; LPA, 8 déc. 2000, p. 4, chron. fav. M. Gobert ; D. 2001, p. 232, note P. Jourdain) a suscité à l’époque de vives discussions et des débats passionnés. Les juges avaient accepté d’indemniser Nicolas Perruche, un jeune homme « né gravement handicapé en raison d’une rubéole contractée par sa mère mais non détectée durant la grossesse ». Ils avaient dès lors reconnu le droit d’un enfant né handicapé de demander réparation à la suite d’une faute médicale ayant privé sa mère de la possibilité de recourir à une interruption de grossesse, ce qui aurait permis d’éviter la naissance d’un enfant handicapé. Après les virulentes critiques soulevées par cette jurisprudence, liées au fait que cela signifiait que certaines vies ne valaient pas la peine d’être vécues (Ch. Radé, Être ou ne pas naître ? Telle n’est pas la question ! Premières réflexions après l’affaire Perruche, RCA, n° 1, janv. 2001, chron. 1 ; Viney G., Brèves remarques à propos d’un arrêt qui affecte l’image de la justice dans l’opinion, JCP 2001, I 286), le législateur a modifié le dispositif applicable, à l’occasion du vote de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ». L’article 1er de cette loi, codifié à l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles et déclaré applicable aux instances en cours, à l’exception de celles où il avait été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation, visait à mettre fin, tant à l’indemnisation du préjudice de l’enfant né handicapé, sauf lorsque le handicap a été directement causé par la faute du médecin, qu’à celui découlant pour les parents de leurs charges particulières en lien avec le handicap.

Après cette réforme, la Cour européenne des droits de l’homme a toutefois condamné la France pour violation de l’article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme en raison du caractère rétroactif du dispositif anti-Perruche mis en place par la loi de 2002 (CEDH, 6 oct. 2005, n° 11810/03, Maurice c/ France ; CEDH, 6 oct. 2005, n° 1513/03, Draon c/ France, JCP A 2006, 1021, obs. C. Gauthier ; JCP G 2006, II, 10061, note A. Zollinger ; JCP G 2005, act. 550 ; Dr. famille 2005, comm. 258, obs. Ch. Radé ; AJDA 2005. 1924, obs. M.-Ch. Montecler ; D. 2006. 1915, obs. M.-Ch. de Montecler ; RDSS 2006. 149, obs. P. Hennion-Jacquet ; RTD civ. 2005. 743, obs. J.-P. Marguénaud). Ce protocole garantit le droit de propriété, or bénéficier d’une créance liée au versement de dommages et intérêts ouvre droit à un « bien », lequel est protégé par la Convention. Pour la CEDH, une personne ne peut être privée d’une indemnisation en réparation d’une action en responsabilité, que si les juges respectent bien le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, conformément à l’article 1er de ce protocole. Dans les affaires Maurice et Draon, la CEDH a précisément considéré que les parents avaient été privés d’une valeur patrimoniale préexistante et faisant partie de leurs biens.

Beaucoup d’enfants se sont trouvés dans des situations de ce type et, dans l’affaire jugée par la CEDH le 3 février 2022 (n° 66328/14, N.M. et a. c/ France), une femme enceinte avait contacté son centre hospitalier en raison de lourds antécédents médicaux dans sa famille. Elle avait toutefois choisi de poursuivre sa grossesse après un diagnostic prénatal approfondi qui n’avait révélé aucune anomalie fœtale. Elle a mis au monde un petit garçon le 30 décembre 2001, à savoir avant la loi de 2002, le nouveau-né étant malheureusement atteint d’un handicap.

En juin 2006, après la remise d’un rapport d’expertise confirmant que des erreurs avaient été commises lors du diagnostic prénatal, pour faire face aux difficultés rencontrées, ses parents, estimant qu’une erreur médicale avait été commise lors des examens réalisés à l’occasion du diagnostic prénatal, ont engagé une action contre le service hospitalier qui avait été chargé de procéder à cet examen prénatal. Ils demandaient l’indemnisation de l’intégralité de leur préjudice et de celui de leur enfant.

Leur action n’a pas abouti car le Conseil d’État a appliqué la loi de 2002 et l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), en vertu duquel « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ». Ce texte exclut également « les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap ». En effet, saisi d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Douai confirmant le jugement de première instance favorable aux requérants, considérant que les requérants avaient engagé une instance postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, en 2014,  le Conseil d’État (CE, 31 mars 2014, n° 345812, JCP A 2014, 2334, spéc. n° 3, note H. Muscat ; JCP G 2014, 665, note A. Zollinger), a annulé l’arrêt d’appel et jugé que les requérants n’étaient pas titulaires d’un droit de créance indemnitaire constitutif d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention.

Pour le Conseil d’État (dans la mesure où les requérants avaient engagé leur instance postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, n° 2002-303, à savoir postérieurement au 7 mars 2002, il convenait de mettre en œuvre l’article L. 114-5 du CASF, ce qui conduisait à refuser d’indemniser d’une part, les préjudices de l’enfant et d’autre part, pour ses parents, les charges particulières résultant du handicap de leur enfant non détecté pendant la grossesse. Le Conseil d’État avait déjà adopté ce raisonnement dans d’autres affaires (CE, 13 mai 2011, n° 329290) et en l’espèce, appliquant la loi « anti-Perruche », il considère que les requérants ne sont pas titulaires d’un droit de créance indemnitaire, faute d’avoir engagé l’instance avant le 7 mars 2002. N’ayant obtenu des juges qu’une indemnisation de leur préjudice moral, les requérants ont alors saisi la CEDH.

Pour aller à l’essentiel

La CEDH ne suit pas le même raisonnement que le Conseil d’État qui a appliqué rétroactivement la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, loi en vertu de laquelle nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance, en l’occurrence un préjudice lié au handicap non décelé à l’occasion du diagnostic prénatal. Dans cette affaire, comme elle l’avait fait déjà dans les affaires Maurice et Draon, elle rejette l’application rétroactive de ladite loi à propos de la naissance d’un enfant handicapé, né avant ladite réforme car, selon elle, cela serait contraire à la Convention EDH et à l’article 1er de son Protocole n° 1.

En l’espèce, il y a bien eu une faute médicale lors du diagnostic, point confirmé car, « ni le centre hospitalier, ni le Gouvernement ne contestent que l’erreur de diagnostic commise lors des échographiques prénatales ait été constitutive d’une faute ayant causé un dommage ». Au vu de ces résultats, la future mère a pu effectivement penser que sa grossesse pouvait être menée à son terme normalement et que l’enfant à naître ne souffrait d’aucune anomalie. Par conséquent pour la CEDH, conformément aux principes applicables en droit français, comme « la créance en réparation prend naissance dès la survenance du dommage qui en constitue le fait générateur, les requérants pouvaient légitimement espérer pouvoir obtenir réparation de leur préjudice correspondant aux frais de prise en charge de leur enfant handicapé dès la survenance du dommage, à savoir la naissance de cet enfant ». En l’espèce, la faute des praticiens, à savoir une erreur d’interprétation des échographies effectuées était établie, de même que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi, car c’est bien à la suite du mauvais diagnostic transmis que les requérants ont pensé que leur enfant n’aurait pas de problème de santé, alors qu’ils avaient clairement manifesté leur volonté d’éviter tout risque d’un accident génétique. La famille pouvant détenir une créance d’une valeur patrimoniale dans le cadre d’une action en responsabilité pour faute, et étant titulaire d’un « bien » au sens dudit Protocole, le dommage étant survenu avant l’entrée en vigueur de la loi « anti-Perruche », elle était en droit de recevoir une indemnisation.

Pour les juges, « il n’est pas contesté que l’application au litige porté par les requérants des dispositions de l’article L. 114-5 du CASF qui ont exclu par principe l’indemnisation des frais liés à la prise en charge du handicap de leur fils constitue une ingérence s’analysant en une privation de propriété au sens de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1er du Protocole n° 1 ». Par ailleurs le dispositif transitoire prévu par la loi, ayant été abrogé par le Conseil constitutionnel en 2010 (Cons. const. n° 2010-2 QPC, 11 juin 2010), il n’y avait pas lieu d’appliquer cette loi à une naissance survenue antérieurement. Tout ceci aboutit au rejet de l’application rétroactive de la loi « anti-Perruche ».

Pour aller plus loin

Élever un enfant qui est né handicapé est source de difficulté pour sa famille qui peut tenter d’être indemnisée. Pour ce faire, il faut démontrer la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé, point qui ne soulevait aucun débat dans cette affaire. En effet, l’expertise avait révélé que le diagnostic prénatal n’avait pas été correctement effectué. En raison de problèmes génétiques au sein de sa famille, la femme enceinte avait fait effectuer une analyse qui n’avait pas abouti à la détection du handicap de l’enfant à naître. Cette situation aurait pu donner droit à une indemnisation mais la question était de savoir s’il fallait ou non tenir compte du fait que l’enfant était né avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 et de la date de démarrage de la procédure.

I – La prise en compte du handicap non décelé à la naissance depuis l’affaire Perruche et la loi « anti-Perruche »

En l’espèce, une faute médicale aurait dû ouvrir à la famille le droit d’obtenir réparation de son préjudice comme dans l’affaire Perruche, l’enfant né ayant souffert d’un handicap non décelé malgré les investigations médicales effectuées pendant la grossesse de sa mère comme dans l’affaire Perruche. Dans une autre affaire, la faute médicale était liée au fait que, au cours de l’assistance médicale à la procréation, l’équipe médicale n’avait pas tenu compte des résultats de l’analyse génétique, or, parmi les triplés nés, deux d’entre eux souffraient de graves troubles et le troisième enfant avait obtenu réparation de son préjudice moral (CAA Bordeaux, 2e ch., 4 déc. 2018, n° 16BX02831, LPA, 22 févr. 2019, n° 142g0, p.13, note I. Corpart ; JAC févr. 2019, n° 183, p. 5, note I. Corpart).

Néanmoins, si dans l’affaire Perruche, jugée le 17 novembre 2000 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, un enfant né gravement handicapé avait obtenu une indemnisation au motif qu’une erreur de diagnostic n’avait pas permis de déceler son handicap en cours de grossesse, ce qui avait privé sa mère de la possibilité de choisir d’interrompre celle-ci plutôt que de la mener à terme, le législateur est intervenu ensuite pour poser des limites. L’indemnisation liée au fait qu’un enfant été né, alors que si sa mère avait connu son handicap, elle aurait avorté avait ouvert de vives discussions (J.-L. Aubert, Indemnisation d’une existence handicapée qui, selon le choix de la mère, n’aurait pas être, D. 2001, Chron., p. 489 ; L. Aynès, Préjudice de l’enfant né handicapé : la plainte de Job devant la Cour de cassation, D. 2001, Chron., p. 492 ; Fr. Dreifus-Netter, Observations hétérodoxes sur la question du préjudice de l’enfant victime d’un handicap congénital non décelé pendant la grossesse, Médecine et droit janv.-févr. 2001, p. 1 ; Ch. Radé, Être ou ne pas naître ? Telle n’est pas la question !, préc. ; G. Viney, Brèves remarques à propos d’un arrêt qui affecte l’image de la justice dans l’opinion, JCP 2001, I 286).

Faisant évoluer le droit avec la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « anti-Perruche », le législateur pose un nouveau principe : « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance » (CASF, art. L. 114-5). Désormais, la compensation des charges découlant du handicap lié à une anomalie génétique non révélée aux parents relève de la solidarité nationale, la situation matérielle ou morale de l’intéressé donnant lieu au versement d’une prestation de compensation du handicap. Le système d’indemnisation ainsi mis en place a réduit le domaine de la responsabilité médicale susceptible d’être encourue en matière de diagnostic prénatal à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse. Néanmoins la question des enfants nés avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 a continué à soulever des débats, ce point ayant conduit la CEDH à censurer le CE, ce litige s’inscrivant dans la suite des affaires Maurice et Draon c. France (Draon c. France [GC], n° 1513/03, et Maurice c. France [GC], n° 11810/03).

II – L’application rétroactive de la loi « anti-Perruche »

Au départ, introduisant des dispositions transitoires, la loi du 4 mars 2002 avait rendu les dispositions de l’article L. 114-5 du CASF applicables aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur, soit le 7 mars 2002. L’application de la loi dans le temps a toutefois été modifiée au fil du temps.

Dans l’affaire jugée par la CEDH le 3 février 2002, les juges relèvent qu’en vertu de la décision n° 2010-2 QPC du Conseil constitutionnel, l’ensemble des dispositions transitoires qui avaient prévu l’application rétroactive de l’article L. 114-5 du CASF avaient été abrogées. En effet, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité dans le cadre d’un autre contentieux, le 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel a jugé non-conformes ces dispositions transitoires (Cons. const. 11 juin 2010, n° 2010-2 QPC, JAC, n° 106, juill. 2010, note I. Corpart ; D. 2010. 2090, note J. Sainte-Rose et Ph. Pédrot ; D. 2010. 1976, obs. I. Gallmeister, note D. Vigneau ; Dr. famille 2010, étude 34, note N. Nefussy-Venta ; RLDC 2011/80, n° 4188, obs. B. Parance ; RTD civ. 2010. 517, obs. P. Puig).

Faute de pouvoir alors appliquer la loi « anti-Perruche » pour des enfants nés handicapés avant son entrée en vigueur, il convenait de se référer aux règles de droit applicables au moment des faits et donc de permettre à la famille de bénéficier des avancées de l’affaire Perruche en étant indemnisée pour les charges liées à ce handicap.

Toutefois une polémique était née entre la Cour de cassation et le Conseil d’État, les juges ayant une opinion divergente quant à la possibilité d’appliquer l’article L. 114-5 du CASF à des faits nés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. D’un côté, dans son arrêt du 15 décembre 2011 (n° 10-27.473), la Cour de cassation avait exclu l’application de l’article L. 114-5 du CASF à des faits antérieurs au 7 mars 2002, quelle que soit la date d’introduction de l’action indemnitaire et de l’autre, le Conseil d’État dans sa décision du 13 mai 2011 (n° 329290, D. 2011. 1482, obs. S. Brondel ; RDSS 2011. 749, note D. Cristol ; RTD civ. 2012. 71, obs. P. Deumier) avait maintenu une certaine portée rétroactive à cette disposition, appliquant le texte uniquement aux actions intentées après le 7 mars 2002, même pour des naissances survenues avant cette date.

La CEDH tenant compte du fait qu’une erreur de diagnostic avait causé un dommage et retenant la date du fait générateur de la créance, censure les juges du Conseil d’État. Elle souligne que l’abrogation du dispositif transitoire à la suite de la décision du Conseil constitutionnel de juin 2010, en l’absence d’autre disposition législative prévoyant expressément un tel dispositif, laisse immédiatement place à l’application de la règle de non-rétroactivité de la loi consacrée par l’article 2 du Code civil « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif » et cela, quelle que soit la date d’introduction de l’instance.

Constatant la violation de l’article 1 du Protocole n° 1, la Cour estime « que, compte tenu des principes de droit commun français et de la jurisprudence constante en matière de responsabilité selon lesquels la créance en réparation prend naissance dès la survenance du dommage qui en constitue le fait générateur, les requérants pouvaient légitimement espérer pouvoir obtenir réparation de leur préjudice correspondant aux frais de prise en charge de leur enfant handicapé dès la survenance du dommage, à savoir la naissance de cet enfant » et que « l’application rétroactive de la loi du 4 mars 2002 avait fait perdre aux parents une valeur patrimoniale préexistante et faisant partie de leurs biens, à savoir une créance en réparation établie dont ils pouvaient légitimement espérer voir déterminer le montant conformément à la jurisprudence fixée par les plus hautes juridictions nationales ».

En conséquence, la France devra indemniser les parents de l’enfant dont le handicap ne leur a pas été révélé alors qu’ils avaient contacté une équipe médicale. Les juges français n’auraient pas dû empêcher « l’indemnisation des charges matérielles d’un handicap congénital non décelé lors des examens prénataux » en appliquant la loi « anti-Perruche » de manière rétroactive car les parents étaient effectivement titulaires d’un « bien », tel que le prévoit l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce faisant, la CEDH revient sur la délicate question de l’indemnisation liée à la naissance d’un enfant handicapé, l’affaire Perruche refaisant surface, et plus particulièrement sur l’application dans le temps de la loi du 4 mars 2002 dont on va fêter les 20 ans, rejetant une nouvelle fois son application rétroactive en raison d’une contrariété à la Convention, comme dans les affaires Maurice et Draon.