Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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LE FAUTEUIL ROULANT LIVRÉ POST MORTEM, Ph. Schultz

Philippe SCHULTZ

Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace – HDR
Membre du CERDACC

 

À propos de CA Douai, 1re ch., 1re sect., 5 décembre 2019, n° 18/01861

Mots clés : vente – contrat de consommation – livraison tardive – inexécution – exception d’inexécution – information précontractuelle – nullité – résolution

Pour se repérer

Par deux devis signés les 24 février et 23 octobre 2014, un majeur protégé, représenté par une association tutélaire, commande à la société Falcon un fauteuil roulant et ses accessoires.

Le majeur protégé décède le 15 mars 2015.

N’ayant pas été payée, la société Falcon assigne en paiement les ayants droit du défunt devant le tribunal d’instance de Lille. Le 23 février 2018, le TI constate la nullité du contrat, déclare irrecevable la demande en paiement de la société Falcon et rejette ses autres demandes.

Dans son recours devant la Cour d’appel de Douai, la société Falcon entend obtenir l’infirmation du jugement et la condamnation de deux ayants droit. À cette fin, elle soutient, d’une part, que la juridiction de première instance a fait une mauvaise appréciation des faits en retenant une exception d’inexécution à son encontre et, d’autre part, que cette prétendue exception d’inexécution ne pouvait conduire à la nullité du contrat. L’intimé soutient que la société Falcon n’établit pas que le fauteuil a été livré avant le décès du client ni que les factures établies postérieurement au décès sont effectivement dues.

La Cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 5 décembre 2019, infirme le jugement en ce qu’il a annulé le contrat, mais confirme le jugement qui a rejeté la demande de paiement parce que la société Falcon a gravement manqué à son obligation de délivrance en ne livrant pas le fauteuil dans un délai de trente jours à compter de la vente.

Pour aller à l’essentiel

Dans un contrat entre un professionnel et un particulier, il appartient au professionnel d’informer le consommateur avant la conclusion du contrat de la date à laquelle il s’engage à livrer le bien en l’absence d’exécution immédiate du contrat, par application de l’article L. 111-1 du code de la consommation.

A défaut d’indication d’un délai de livraison, l’article L. 138-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, oblige le professionnel à livrer le bien dans un délai maximal de trente jours à compter de la conclusion du contrat.

Le vendeur professionnel ayant gravement manqué à son obligation de délivrance, obligation essentielle du contrat de vente, en ne délivrant pas le fauteuil roulant dans le délai de trente jours après la conclusion du contrat, l’intimé est bien-fondé à opposer l’exception d’inexécution à son action en paiement du prix.

L’exception d’inexécution ne tend pas à remettre en cause les conditions de validité d’un contrat.

Pour aller plus loin

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai le 5 décembre 2019 permet de faire le point sur les conséquences d’un retard, voire d’une inexécution de ses obligations par le professionnel au sujet d’une vente constitutive d’un contrat de consommation.

En l’occurrence, deux contrats avaient été passés. Le premier d’un montant de 1 558 euros concernait les accessoires d’un fauteur roulant : celui-là était né d’un devis du 23 févier 2014 sur lequel figurait une signature avec un bon pour accord « sous réserve d’une modification sur la largeur de l’assise sans modification du total à payer ». Un second devis, en date du 23 octobre, portait sur le fauteuil roulant vendu pour un prix de 15 289 euros. Ce devis avait été accepté avec un bon pour accord, sans aucune réserve. Ce second devis faisait l’objet du litige dont la Cour d’appel de Douai était saisie.

Le fauteuil roulant commandé en octobre 2014 n’avait toujours pas été livré au moment où son destinataire final est décédé le 15 mars 2015. Huit jours plus tard, le professionnel émettait une facture en paiement dudit fauteuil. Les ayants droit du défunt s’opposaient au paiement en invoquant l’exception d’inexécution.

L’absence de livraison au jour du décès remplit-elle les conditions requises pour que les ayants droit puissent se prévaloir de l’exception non adimpleti contractus ? (I) Si les conditions sont remplies, quelles en sont les conséquences ? (II)

C’est à ces deux questions que répond la Cour d’appel de Douai.

I. Livraison tardive et exception d’inexécution

En l’occurrence, le contrat litigieux était un contrat de vente. En application de l’article 1604 du Code civil, ce contrat met à la charge du vendeur une obligation de délivrance. Quant à l’acheteur, l’article 1650 met à sa charge comme obligation principale celle de payer le prix au jour et au lieu convenus lors de la vente.

Par ailleurs, ce contrat était un contrat de consommation, c’est-à-dire un contrat passé entre un professionnel et un consommateur. Le vendeur du fauteuil avait sans contestation possible la qualité de professionnel en ce qu’il agissait à des fins commerciales (C. conso., art. liminaire). Au vu de l’objet du contrat, l’acheteur avait la qualité de consommateur. Au moment de la conclusion du contrat, celui-ci était défini par l’article préliminaire du Code de la consommation comme une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Le fait que le consommateur soit sous tutelle et représenté par une association tutélaire, c’est-à-dire une personne morale, ne modifie pas sa qualité de consommateur (Cass. 1re civ., 1er mars 2017 n° 16-14.157).

Enfin, il y avait lieu de relever que le contrat litigieux était conclu en octobre 2014, c’est-à-dire postérieurement au 14 juin 2014. Cette date a son importance pour un contrat de consommation. Le régime de l’ancien article L. 138-1 auquel la Cour d’appel de Douai fait référence avait été modifié par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon ». Mais, sur cette question réformée, le nouveau texte était inapplicable aux contrats conclus avant le 14 juin 2014, dont le premier devis accepté en février 2014, lequel n’était pas en cause. En revanche, il était applicable au contrat litigieux (L. n° 2014-344 du 17 mars 2014, art. 34).

Si les parties n’avaient pas convenu de date pour le paiement du prix, celui-ci devait intervenir au moment de la délivrance ( C. civ., art. 1651). Pour obtenir son paiement, le vendeur devait donc établir qu’il avait rempli son obligation de livraison. À cette fin, il s’appuyait sur une pièce mentionnant que le matériel a été livré et réceptionné le 11 février 2015 et a donné lieu à trois factures (l’une du 4 février 2015 et deux du 23 mars 2015). Or cette livraison ne concernait pas le fauteuil lui-même, mais un lot de protections contre l’incontinence et de changes complets. Ainsi, le vendeur n’établissait pas qu’il avait livré le fauteuil avant le décès de l’acheteur.  Au contraire, il apparaissait même incidemment dans ses écritures que le fauteuil restait à la disposition des héritiers dans son atelier. Et rien n’indiquait que le vendeur avait mis l’acheteur en demeure d’effectuer le retirement.

En l’état du droit prétorien antérieur à la réforme opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’exception d’inexécution pouvait être invoquée par une partie dès lors qu’on était en présence d’obligations réciproques à exécution simultanée et que l’autre partie n’exécutait pas ses obligations. Le défaut de livraison de la chose, obligation essentielle du vendeur, aurait suffi à justifier que l’acheteur invoquât l’exception d’inexécution pour ne pas avoir à acquitter le paiement du prix dès lors que, dans le silence du contrat, celui-ci devait intervenir au moment de la livraison. On était bien en présence d’obligations réciproques à exécution simultanée.

La Cour d’appel de Douai se montre même plus exigeante puisqu’elle cherche à démontrer l’existence d’un manquement grave. Il est vrai que l’appelant se fondait sur l’article 1217 du code civil, texte introductif qui présente les différents moyens ouverts à une partie lorsqu’un engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement. Et le nouvel article 1219 du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2016-131, dispose : « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre partie n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ». Ces dispositions n’étaient pas applicables au contrat litigieux. Pourtant, la Cour d’appel de Douai a cherché à caractériser de la part du vendeur un manquement grave, telle que cette condition ressort de l’article précité.

Pour ce faire, la Cour d’appel se fonde sur le droit de la consommation. En principe, parmi les informations précontractuelles devant être fournies par le professionnel au consommateur, figure le délai de livraison (C. conso., art. L. 111-1). Par ailleurs, les anciens articles L. 138-1 et L. 138-2, applicables en la cause, prévoient un mécanisme permettant au consommateur de résoudre unilatéralement le contrat lorsque ce délai n’est pas respecté. Evidemment, pour que ce mécanisme puisse être appliqué, encore faut-il que le professionnel ait indiqué un délai de livraison. Pour prévenir tout manquement du professionnel quant à l’indication de ce délai, le législateur a prévu que, par défaut, le professionnel doit exécuter le contrat dans les trente jours de sa conclusion.

Ainsi, si le professionnel ne veut pas prendre le risque de voir le contrat remis en cause à l’expiration d’un délai de trente jours lorsqu’il sait qui ne lui est pas possible de tenir ce délai légal, il a tout intérêt à mentionner un délai conventionnel de livraison. Concernant la vente d’un fauteuil roulant électrique nécessitant des ajustements spécifiques en fonction du handicap de son utilisateur, il aurait ainsi été prudent de stipuler un délai, ce qui n’a pas été fait, comme le constate la Cour d’appel de Douai. Dans le silence du contrat, le vendeur devait livrer le fauteuil dans les trente jours de la conclusion du contrat. Si la date du second devis était connue – le 23 octobre 2014, on ne connaît pas la date de son acceptation. Quoi qu’il en soit, la Cour d’appel admet que le délai de trente jours était dépassé dès lors que le fauteuil n’était toujours pas livré six mois plus tard lorsque son utilisateur potentiel est décédé.

Ce retard constitue un manquement grave à l’obligation de délivrance, obligation essentielle du contrat de vente, lequel justifie pleinement que les ayants droit de l’acheteur invoquent l’exception d’inexécution.

L’exception d’inexécution libère-t-elle pour autant les ayants droit du paiement du prix ?

II. Les conséquences de l’exception d’inexécution

Lorsque les conditions sont réunies, l’exception d’inexécution est un mécanisme permet à une partie de retarder l’exécution de ses propres obligations. L’exécution de ses obligations est seulement suspendue (F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations : Précis Dalloz, 12e éd., 2018, n° 772). Elle n’est pas libérée du paiement de sa dette. Cela signifie que si le vendeur livre le fauteuil, les conditions de l’exception s’évanouissent et l’acheteur doit en payer le prix.

Or, en l’espèce, il était mentionné que le vendeur avait mis le fauteuil à la disposition des ayants droit dans son atelier. C’est pourquoi les conditions de l’exception d’inexécution n’étaient plus véritablement réunies.

Toutefois, cette mise à disposition intervenait postérieurement au décès de celui à qui le fauteuil était destiné. Ce fauteuil ne présentant pas d’utilité pour les ayants droit, ceux-ci n’avaient aucunement l’intention d’en payer le prix.

Pour ce faire, l’exception d’inexécution est insuffisante. Il fallait anéantir la vente. Or l’exception d’inexécution n’a pas pour conséquence de remettre en cause la validité de la vente. La Cour d’appel de Douai a fort justement infirmé le jugement qui avait annulé le contrat. La nullité sanctionne le non-respect des conditions de validité du contrat. En l’occurrence, ce n’était pas la validité du contrat qui était en cause mais son exécution.

Pour autant, le fondement retenu par la juridiction nordiste afin de justifier l’inexécution conduit à s’interroger, de manière digressive, sur des éléments factuels qui ne sont pas étrangers aux conditions de validité d’un contrat. En effet, dans un contrat de consommation, l’information sur le délai de livraison est une information devant être fournie par le professionnel avant la conclusion du contrat. Un manquement à une obligation d’information précontractuelle mentionnée à l’article L. 111-1 du Code de la consommation est-il pour autant sanctionné par la nullité du contrat ? Le Code de la consommation ne le prévoit pas explicitement. Il n’envisage qu’une amende administrative (C. conso., art. L. 131-1). C’est pourquoi, la doctrine est partagée sur la question. Certains estiment que la violation de cette règle d’ordre public doit être sanctionnée par la nullité du contrat conclu (Y. Picod, Droit de la consommation : Sirey Université, 3e éd., 2015, n° 234 ; S. Piedelièvre, Droit de la consommation : Economica, Corpus Droit privé, 2e éd. 2014, n° 70).). D’autres pensent que le défaut d’une information précontractuelle visée à l’article L. 111-1 ne peut être sanctionnée par la nullité que si elle provoque un vice du consentement (G. Raymond, Droit de la consommation : LexisNexis, 3e éd., 2014 n° 443).

Toutefois, lorsqu’il s’agit du délai visé au 3e de l’article L. 111-1, la nullité ne peut être la sanction pour anéantir le contrat. En effet, le législateur a prévu un mécanisme aux articles L. 138-1 à L. 138-3, devenus les articles L. 216-1 à L. 216-3 du Code de consommation. Si à l’expiration du délai convenu ou du délai de trente jours le professionnel n’a pas exécuté ses obligations, le consommateur doit commencer par enjoindre, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au professionnel de les exécuter dans un délai raisonnable. À l’expiration de ce délai, le consommateur peut notifier, sous la même forme, sa volonté de résoudre le contrat. Dans le régime antérieur à la modification apportée par la loi consommation et qui reste applicable aux contrats conclus avant le 14 juin 2016, il était inutile de mettre préalablement en demeure le professionnel. Le droit de notifier la résolution pouvait être mis en œuvre par le consommateur si le professionnel n’avait pas exécuté ses obligations plus de sept jours après le terme convenu. Mais le consommateur devait exercer son droit dans les soixante jours de la date convenue d’exécution du contrat (C. conso., anc. art. L. 114-1). Désormais, le consommateur n’est plus contraint par ce dernier délai : mais il est évident que plus il tarde à mettre en œuvre sa faculté de résoudre unilatéralement le contrat plus le professionnel dispose du temps pour livrer effectivement le bien, rendant ainsi toute résolution unilatérale impossible. En effet, le contrat est considéré comme résolu à la réception par le professionnel de la lettre ou de l’écrit l’informant de cette résolution, à moins que le professionnel ne se soit exécuté entre-temps (C. conso., art. L. 216-2, al. 2).

En l’espèce, les parties n’ont pas recouru à ce mécanisme. Et, les éléments factuels donnent à penser qu’il était vraisemblablement trop tard pour y recourir puisque le fauteuil était mis à la disposition des ayants droit de l’acheteur par le vendeur.

Seule une résolution judiciaire pour inexécution des obligations. Elle n’était pas demandée en l’espèce. Mais on peut penser que le retard mis à exécuter le contrat au point que le fauteuil n’a pu être livré avant le décès de son destinataire était un manquement grave qui aurait justifié la résolution judiciaire du contrat. Peut-être est-ce le message subliminal envoyé par le Cour d’appel lorsqu’elle se prononce sur cette gravité au sujet de l’exception d’inexécution ?

Cour d’appel, Douai, 1re chambre, 1re section, 5 décembre 2019 – n° 18/01861

APPELANTE

SAS Facon Médical

[…]

[…]

représentée par Me Stéphan S., avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

Madame Emilie D. en sa qualité d’héritière de Monsieur Alexandre D.

demeurant […]

[…]

Caducité de la déclaration d’appel à l’égard de cette partie par ordonnance du 20 septembre 2018

L’association tutélaire Ariane prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, […]

[…]

en sa qualité de tuteur de Monsieur Raphaël D., né le 28/11/1972 à […], en qualité d’héritier de Monsieur Alexandre D.

représentée par Me Sébastien D., avocat au barreau de Lille, constitué aux lieu et place de Me David L., avocat au barreau de Lille

[…]

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 décembre 2019 (date indiquée à l’issue des débats) et signé […]

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 mars 2019

****

Alléguant que Alexandre D., décédé le 15 mars 2015, représenté de son vivant par l’AGSS de l’UDAF de Marcq-en-Baroeul, lui avait commandé un fauteuil roulant électrique d’intérieur et d’extérieur ainsi que des accessoires, la société Facon a fait assigner en paiement sa soeur Mme Emilie D. et son frère M. Raphaël D., en leurs qualité d’ayants droit du défunt, devant le tribunal d’instance de Lille.

Par jugement en date du 23 février 2018, le tribunal a :

– constaté la nullité du contrat ;

– dit la société Facon irrecevable en sa demande de paiement de la facture 232072 ;

– débouté la société Facon de toutes ses autres demandes ;

– condamné la société Facon aux dépens ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Facon a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 20 septembre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel à l’égard de Mme Emilie D..

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2018, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions, et, statuant à nouveau, de :

– condamner M. Raphaël D., en sa qualité d’héritier d’Alexandre D., représenté par l’association tutélaire Ariane et Mme Émilie D. en sa qualité d’héritière d’Alexandre D., au paiement de la somme principale de 5 187 50 euros ;

– dire que cette somme produira intérêt au taux légal à compter de la réception de la première mise en demeure soit le 29 septembre 2016 ;

– condamner solidairement M Raphaël D. en sa qualité d’héritier d’Alexandre D. représenté par l’association tutélaire Ariane, et Mme Émilie D. en sa qualité d’héritière d’Alexandre D. paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association tutélaire Ariane, représentant M. Raphaël D. en sa qualité de tuteur, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions, et « à tout le moins » de :

– juger que la société Facon n’a pas agi dans le délai de deux ans de l’article L 218-2 du code de la consommation pour obtenir le paiement de sa facture n°232 072 en date du 4 février 2015 d’un montant de 222,40 euros et la débouter de toute demande de ce chef ;

– juger qu’en l’état elle ne justifie pas de l’exigibilité de ses factures n°236 191 et n°263 193 en date du 23 mars 2015 respectivement de 598,50 euros et de 11 350,99 euros et la débouter de toute demande de ce chef ;

– la condamner aux entiers dépens de l’instance, outre au paiement de la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– à titre subsidiaire, juger que Mme Émilie D. est seule responsable de la situation d’impayé des factures de la société Facon et la condamner à la garantir et la relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son endroit au profit de cette dernière, et la condamner aux entiers dépens de l’instance, outre au paiement de la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des moyens.

Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que l’appelante soutient essentiellement que :

– Elle ne conteste pas le jugement en ce qu’il a retenu la prescription de sa demande en paiement formée au titre de la facture n°232072 ;

– La juridiction de première instance a fait une appréciation erronée des faits de l’espèce en retenant l’exception d’inexécution alors qu’elle a parfaitement exécuté la prestation prévue au contrat dans la mesure où s’agissant d’un matériel très personnalisé et spécifiquement adapté aux besoins de l’acheteur celui-ci nécessite plusieurs rendez-vous afin de finaliser son installation, de sorte que la société venderesse s’est rendue à plusieurs reprises chez son client pour ce faire, et entre chaque rendez-vous, le fauteuil rentrait à l’atelier n’a d’effectuer les réglages et adapter le kit de positionnement et le fauteuil se trouvait dans son atelier au moment du décès de l’acheteur, où elle le tient à la disposition des héritiers ;

– le tribunal d’instance a commis une erreur de droit en sanctionnant la prétendue inexécution de l’une des parties par la nullité du contrat alors que le contrat est valide ;

dans la mesure où la CPAM a pris en charge une partie du matériel, le solde est dû par les héritiers qui ont déjà réglé une partie par l’intermédiaire de leur notaire.

Pour sa part, l’association tutélaire Ariane, représentant M. Raphaël D. en sa qualité de tuteur soutient essentiellement que :

– en octobre 2014 (devis n°61954), Alexandre D. représenté par l’AGSS de l’UDAF, a commandé auprès de la société Facon un fauteuil roulant électrique et divers accessoires, ces produits ne lui ont jamais été livrés par la venderesse qui ne justifie que de la livraison le 11 février 2015 d’un lot de protections contre l’incontinence et de changes complets ;

– faute de justifier de la livraison du fauteuil roulant, la société Facon n’établit pas que ses factures du 23 mars 2015, établies après le décès de ce dernier sont effectivement dues ;

– la simple production de factures ‘ documents établis unilatéralement par le créancier, ne suffit pas à établir l’existence de l’obligation à la dette ;

– si des paiements sont intervenus, ces paiements ont été émis par des tiers au contrat dans des conditions que nul ne connaît.

MOTIVATION

Sur la recevabilité

En raison de la caducité partielle de l’appel interjeté à l’égard de Mme Emilie D. prononcée par ordonnance en date du 20 septembre 2018 du magistrat chargé de la mise en état, les demandes formées par l’appelant à l’encontre de cette dernière sont irrecevables. Il en va de même des demandes formées par l’association Ariane en sa qualité de tutrice de M. Raphaël D. alors que cette dernière ne justifie aucunement avoir fait signifier ses conclusions à l’encontre de la co-intimée non comparante.

La cour rejettera comme irrecevables les demandes formées par la société Facon et par l’association Ariane en sa qualité de tutrice de M. Raphaël D. à l’encontre de Mme Emilie D..

Sur le fond

Au vu des dispositions de l’article 12 du code procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l’obligation.

En application de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

La société Facon fonde son action en paiement sur les articles 1134, 1604 et 1217 du code civil.

En vertu de l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 1604 définit la délivrance comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.

L’article 1217 du code civil, qui a été créé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 vient consacrer la jurisprudence relative à l’exception d’inexécution. En vertu de l’exception d’inexécution, dans un contrat synallagmatique, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, peut refuser d’exécuter sa propre obligation.

Quant à la tutrice de M. Raphaël D., elle s’oppose au paiement au motif que le matériel n’a pas été livré. C’est à bon droit que le premier juge a qualifié ce moyen de défense en exception d’inexécution, laquelle est bien débattue par l’appelante au vu des fondements juridiques précités qu’elle vise. C’est à tort en revanche qu’il a prononcé la nullité du contrat sur ce fondement alors que l’exception d’inexécution ne tend pas à remettre en cause les conditions de validité du contrat, laquelle n’était d’ailleurs pas remise en cause par les ayants droit d’Alexandre D..

En l’occurrence, la société Facon produit un devis daté du 24 février 2014 d’un montant de 1 557, 9 euros portant sur une assise modulaire rigide, un bideau fessier, une butée à visser, un coussin, et un mécanisme de rabat sur lequel il est écrit « bon pour accord sous réserve de modification du devis (largeur d’assise) sans modification du total à payer » sur lequel est apposé une signature. Elle verse aux débats un second devis daté du 23 octobre 2014 d’un montant de 15 289 euros pour un fauteuil roulant. Il est indiqué « bon pour accord » et est apposé une signature différente de l’autre devis.

Devant la cour d’appel, la tutrice de M. Raphaël D. ne conteste pas que les commandes aient été valablement passées par Alexandre D. aux termes de ces deux devis. Il convient donc de déterminer si elle justifie d’une exception d’inexécution.

En l’espèce, la cour observe que dans l’exposé du litige, l’appelante affirme que « le matériel a été livré et réceptionné le 11 février 2015 (pièce n°3) et a donné lieu à trois factures :

– la facture n°232 072 du 4 février 2015 d’un montant de 222.40 euros (pièce n°4) ;

– la facture n°236191 du 23 mars 2015 d’un montant de 598,50 euros (pièce n°5) ;

– la facture n°236193 du 23 mars 2015 d’un montant de 15 289 euros (pièce n°6) »

Néanmoins, la pièce numéro 3 concerne exclusivement la livraison le 11 février 2015 d’un lot de protections contre l’incontinence et de changes complets. La société Facon ne prouve donc aucunement avoir livré à Alexandre D. le fauteuil roulant avant son décès. Par ailleurs, elle ne justifie aucunement de ses allégations selon lesquelles plusieurs rendez-vous avaient été pris avec Alexandre D. pour adapter le fauteuil roulant avant son décès pour procéder à des adaptations.

La société Facon échoue ainsi à établir tout commencement d’exécution d’une livraison du fauteuil alors même que le décès de l’acheteur est survenu le 15 mars 2015, soit plus d’un an après la première commande, et près de six mois après la seconde commande.

Or, force est de constater que les deux devis ne contiennent aucune précision quant au délai de livraison alors même que s’agissant d’un contrat conclu entre un professionnel et un particulier, il incombait à la société Facon, conformément aux dispositions de l’article L111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, d’indiquer à Alexandre D. avant qu’il ne soit lié contractuellement la date ou le délai auquel elle s’engageait à livrer le bien en l’absence d’exécution immédiate du contrat. A défaut d’indication d’un délai de livraison, l’article L138-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige oblige le professionnel à livrer au plus tard le bien dans un délai maximal de 30 jours à compter de la conclusion du contrat.

Il s’ensuit que la société Facon a gravement manqué à son obligation de délivrance en ne délivrant pas le fauteuil roulant dans le délai de trente jours après la conclusion du contrat, obligation essentielle du contrat de vente. En conséquence, l’intimé est bien-fondé à opposer à son action en paiement du prix l’exception d’inexécution, l’intervention de paiements par la mutuelle ou la CPAM étant sans incidence.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a « constaté la nullité du contrat » et confirmé pour le surplus de ses dispositions en ce qu’elles concernent l’association Ariane en sa qualité de tutrice de M. Raphaël D., les dispositions concernant Mme Emilie D. étant devenues irrévocables par suite de la caducité de l’appel à son égard.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l’équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il y a lieu de confirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles, et y ajoutant de condamner la société Facon au paiement des entiers dépens de l’appel et à payer la somme de 1 000 euros à l’association Ariane en sa qualité de tutrice de M. Raphaël D. au titre des frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les demandes formées par la société Facon et par l’association Ariane en sa qualité de tutrice de M. Raphaël D. à l’encontre de Mme Emilie D. ;

Constate que par suite de la caducité partielle de l’appel prononcée à l’égard de Mme Emilie D. les dispositions du jugement déféré la concernant sont devenues irrévocables ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a « constaté la nullité du contrat » ;

Le confirme pour le surplus de ses dispositions afférentes à l’association Ariane en sa qualité de tutrice de M. Raphaël D. ;

Y ajoutant, condamne la société Facon au paiement des entiers dépens de l’appel et à payer la somme de 1 000 euros à l’association Ariane en sa qualité de tutrice de M. Raphaël D. au titre des frais non compris dans les dépens.

Le greffier, Le président,