Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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LOIN DE LA VIE DE CHATEAU, ACCIDENT SUBI PAR UNE VISITEUSE DANS UN ESCALIER A LA CONFIGURATION DELICATE, I. Corpart

Isabelle Corpart

Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace
CERDACC

 

Commentaire de CA Nîmes, 25 avril 2019, n° 17/01583 (A LIRE ICI)

Lors d’une visite dans un château du Moyen Âge, une personne fait une chute qui entraîne une fracture de sa jambe droite. Les juges retiennent la responsabilité contractuelle du gestionnaire de ce site touristique. En effet, dans la mesure où la visiteuse ayant acquis un ticket d’entrée, elle est en droit d’exiger de son cocontractant qu’il respecte son obligation de sécurité.

 

 

Mots clefs : accident – préjudice corporel – acquisition d’un ticket d’entrée – responsabilité contractuelle – obligation de sécurité – obligation de moyens – recours contre le gestionnaire du château Moyen Âge – dangerosité d’un escalier ancien en colimaçon – absence de garde-corps – absence de signalisation à destination des visiteurs pour les avertir d’un risque de chute – absence de faute démontrée de la victime.

 

Pour se repérer

Une touriste d’origine étrangère est venue découvrir un château du Moyen Âge pendant ses vacances d’été dans le Vaucluse. Lors de sa visite, elle est malheureusement tombée dans un escalier en colimaçon aux marches de dimension inégale et non équipé d’un garde-corps sur toute sa longueur.

Victime d’une fracture à la jambe droite, elle poursuit en justice l’association « Les amis du château du Barroux », gestionnaire du site touristique pour ne pas avoir suffisamment sécurisé le cheminement des visiteurs dans ce monument historique.

Quant à elle, l’association prétend que la seule cause du préjudice subi par la victime tient au fait que celle-ci n’a pas été prudente, s’engageant dans les escaliers, simplement chaussée de petites sandalettes, alors qu’il avait plu la veille et que les escaliers étaient rendus glissants.

Les premiers juges ayant retenu la responsabilité de l’association dans l’accident survenu à la touriste, ses représentants légaux interjettent appel.

 

Pour aller à l’essentiel

A partir du moment où un touriste s’est acquitté du prix du ticket d’entrée dans un château, les parties sont engagées dans une relation contractuelle.

Un tel contrat comporte une obligation de sécurité mise à la charge du gestionnaire du site touristique. Le château datant du Moyen Âge, cela implique que des précautions particulières soient prises pour sécuriser les touristes pendant qu’ils effectuent leur visite.

Il ne s’agit toutefois que d’une obligation de moyens, aussi la visiteuse doit-elle démontrer que ce sont les manquements des gestionnaires à l’obligation de sécurité qui ont causé sa chute dans l’escalier.

La cour d’appel de Nîmes retient la responsabilité contractuelle de l’association exploitant un établissement accueillant du public. La chute s’est bien produite dans un lieu autorisé au public dans un escalier qui n’était que partiellement équipé de garde-corps, alors qu’aucune signalisation n’était en place pour alerter les visiteurs, alors que l’escalier datant de l’époque renaissance était étroit et en colimaçon avec des marches d’inégales dimensions (éléments attestés à la fois par des photographies et un constat d’huissier).

Il est aussi relevé un faible éclairage de ces marches et leur étroitesse, ce qui faute de rampe, pouvait présenter un certain danger. La configuration de l’escalier rendait effectivement peu aisée la progression des visiteurs et il aurait fallu que leur attention soit portée sur l’étroitesse des marches et sur leur dimension, de même que sur l’absence de rampe.

Les juges rejettent en revanche l’argument développé par le gestionnaire du site prétendant être exonéré en raison d’une faute de la victime. Pour eux, le simple fait de déambuler sur un site touristique avec des chaussures plates, type sandales attachées et en robe d’été ne peut pas constituer une faute alors qu’il s’agit d’une tenue vestimentaire normale en période estivale pour les vacanciers (la visite a été effectuée le 30 août 2012).

La victime n’a pas non plus commis d’imprudence puisqu’elle circulait dans un lieu accessible au public, ne faisant pas preuve d’une particulière imprudence ou inattention.

La cour d’appel ne tient pas, non plus, compte du fait qu’il avait plu la veille, ce qui avait rendu l’escalier humide et sans doute plus glissant car cela ne change rien à la dangerosité d’un escalier aussi ancien pour lequel des précautions particulières étaient à prendre.

En conséquence la touriste blessée peut prétendre à une indemnisation à la charge de l’association car ce sont bien les manquements du gestionnaire du site à son obligation de sécurité – et eux seuls – qui ont causé sa chute accidentelle et sa fracture.

 

Pour aller plus loin

 Aucune faute n’est à retenir contre la vacancière, même seulement chaussée de simples sandales plates, et la responsabilité de l’association doit être retenue pour ne pas avoir respecté ses engagements contractuels et précisément avoir manqué à son obligation de sécurité de moyens, c’est-à-dire, essentiellement ne pas avoir apposé de panneaux de signalisation et rendu les visiteurs attentifs à l’étroitesse des lieux.

Elle avait l’obligation soit de prévoir des rampes et des garde-corps, soit d’alerter spécialement les visiteurs pour qu’ils anticipent le fait que le lieu est potentiellement dangereux, en raison de l’étroitesse d’un escalier en colimaçon.

Comme la touriste n’est pas jugée en faute, elle est fondée à réclamer une indemnisation pour obtenir réparation tant de ses préjudices corporel que matériel et ce, sans qu’il y ait lieu de réduire la somme qui lui est due.

Après expertise, les juges retiennent d’abord un préjudice patrimonial temporaire, pour l’essentiel des frais liés à un séjour prolongé en France de la touriste d’origine étrangère et de sa famille du fait de son hospitalisation, des frais d’assistance à tierce personne et des pertes de gains professionnels.

Ensuite, il est fait état d’un préjudice extrapatrimonial pour les souffrances endurées, la nécessaire utilisation de béquilles et d’un fauteuil roulant, ainsi que pour le préjudice esthétique lié aux cicatrices. Le préjudice d’agrément est retenu également pour perte d’une partie des vacances, pour séparation familiale pendant l’hospitalisation et privation temporaire de qualité de vie.

Enfin, la victime se voit reconnaître un préjudice extrapatrimonial permanent (déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique définitif, préjudice d’agrément pour les activités ludiques, sportives ou culturelles que la victime ne peut pratiquer normalement et préjudice matériel essentiellement pour des frais de restauration et d’hébergement).