Nathalie ARBOUSSET
Ingénieur d’études au CERDACC
- Conseil d’Etat et les néonicotinoïdes
Par une décision du 5 juin 2025, le Conseil d’État a rejeté, en l’absence d’erreur manifeste d’appréciation, la demande du syndicat professionnel Phyteis qui demandait l’annulation des dispositions du décret du 16 décembre 2020, qui a interdit trois néonicotinoïdes, l’acétamipride, la flupyradifurone et le sulfoxaflor.
Le Conseil d’État confirme la solidité juridique et scientifique de l’interdiction française de ces trois substances, malgré l’absence de retrait européen et la contestation du secteur agrochimique. Il consacre la primauté du principe de précaution et la possibilité pour un État membre d’adopter des mesures nationales protectrices, fondées sur des risques avérés et une procédure régulière, même en l’absence d’harmonisation européenne complète.
S’agissant de la flupyradifurone, le Conseil d’Etat se réfère à l’avis rendu par l’EFSA le 24 janvier 2022 dans lequel il « n’exclut pas l’existence d’un risque plus important pour les abeilles que ceux constatés lors de précédentes évaluations opérées par l’Union européenne, notamment pour l’espèce d’abeille sauvage solitaire dite » Megachile rotundata » à propos de laquelle est évoquée une possibilité de sensibilité disproportionnée à cette substance du fait notamment de son faible poids, et souligne la limite des données scientifiques disponibles sur le sujet. »
S’agissant de l’acétamipride, le Conseil d’Etat s’appuie sur un avis rendu par l’EFSA le 24 janvier 2022 qui relève que « la possibilité d’une sensibilité « inter-espèces » élevée des oiseaux et des abeilles à l’acétamipride pourrait nécessiter un examen plus approfondi… ». Le Conseil rappelle également l’existence « d’études scientifiques faisant état de la présence de métabolites de cette substance dans le liquide cérébrospinal de la grande majorité d’une cohorte d’enfants soignés pour un cancer lymphoïde » et que, selon l’EFSA « l’acétamipride est responsable d’effets moléculaires et cellulaires pouvant conduire à des effets néfastes au niveau de l’organisme et constitue dès lors une préoccupation de neurotoxicité développementale ».
S’agissant du sulfoxaflor, le Conseil d’Etat a jugé que « la circonstance que l’usage du sulfoxaflor reste autorisé, au niveau européen, sous serres permanentes n’est pas de nature, en tant que telle, à démentir l’existence des risques pour la santé humaine ou animale ou l’environnement établie par les données et études scientifiques ayant conduit les autorités françaises à adopter le décret du 16 décembre 2020. »
- Glyphosate et cancer : les études
Une équipe de chercheurs italiens, américains et britanniques a publié, mardi 10 juin 2025 dans la revue scientifique Environmental Health, les résultats de l’étude animale la plus ambitieuse conduite à ce jour sur les effets cancérogènes du célèbre herbicide. Plus d’un millier de rats de laboratoire ont été enrôlés pendant deux ans, et soumis à différentes doses de glyphosate – toutes considérées comme sans effets par la réglementation européenne. Dans tous les groupes d’animaux ayant reçu ces petites doses quotidiennes de l’herbicide, écrivent les chercheurs, « nous avons observé une augmentation statistiquement significative, dépendante de la dose reçue, de la tendance à développer des tumeurs bénignes ou malignes sur plusieurs tissus ».
L’intérêt de cette étude c’est qu’elle porte sur un grand nombre de rats de laboratoire – plusieurs centaines, ce qui renforce la fiabilité des résultats obtenus. Ensuite, ces cobayes ont été soumis à un niveau d’exposition qui correspond à celui jugé sans risque avéré par les autorités européennes.
La transposition brute de ces résultats à l’homme serait inappropriée cependant les chercheurs estiment qu’ils concordent avec des études épidémiologiques ayant établi une corrélation dans la vie réelle entre l’exposition au glyphosate et l’apparition de cancers.
- Stocamine : Tribunal administratif de Strasbourg 17 juin 2025, le stockage la moins mauvaise solution ?
La collectivité européenne d’Alsace, des associations de protection de l’environnement et des riverains ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg en arguant, notamment, que le confinement définitif des déchets dans les anciennes galeries des Mines de Potasse d’Alsace allait porter une atteinte grave et irréversible à l’environnement, et compromettre le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain. Ils soutenaient qu’un déstockage des déchets était possible.
Par un jugement du 17 juin 2025, le tribunal a rejeté les requêtes dirigées contre l’arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prolongé, pour une durée illimitée, l’autorisation donnée à la société des Mines de Potasse d’Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs, sur le territoire de la commune de Wittelsheim.
Le tribunal a toutefois jugé qu’« il résulte de l’instruction, et notamment des nombreuses expertises convergentes, que le déstockage du bloc 15 n’est pas réalisable dans des conditions acceptables en termes de prise de risque pour le personnel et l’environnement et que les technologies robotiques envisagées par les requérants ne sont que trop rapidement esquissées, sans détails concrets sur la faisabilité d’une telle opération de déstockage par robots guidés à distance. Les outils robotiques qu’ils citent à ce titre constituent des aides à la surveillance du stockage géologique profond ou aux opérations d’exploration mais ne peuvent pas, en l’état actuel de développements de ces techniques, servir à des opérations complexes de déstockage. Au regard de la dangerosité que représente cette opération, l’hypothèse d’un déstockage du bloc 15 pouvait valablement être exclue de la présentation des solutions alternatives. De même, l’hypothèse d’une décontamination du bloc 15 émise par les requérants n’est pas assortie de précisions techniques ou scientifiques suffisantes pour en établir la faisabilité et pouvait également être exclue du champ des solutions alternatives envisageables ».
Le temps a joué en défaveur du déstockage « dans la mesure où il ne résulte pas de l’instruction qu’un déstockage soit encore possible dans une temporalité compatible avec les effets cumulés des phénomènes de convergence des galeries et de fluage du sel, le projet autorisé par la décision attaquée constitue désormais, en l’état des meilleures techniques disponibles, la mesure la plus susceptible de préserver la ressource en eau et par suite le droit des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».
Dès lors que le déstockage n’est plus possible, seul le confinement définitif, consistant notamment à construire des barrières en béton autour des blocs contenant les déchets et à remblayer les puits y donnant accès de manière à assurer une étanchéité, constitue en l’état des techniques disponibles, la mesure la plus susceptible de préserver l’environnement à court, moyen et long terme et, ainsi, le droit des générations futures.
- SMACL : Rapport sur des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux
A lire ici : https://www.calameo.com/read/004850025a4ba7413b86b