Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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ACCIDENT COLLECTIF DE PUISSEGUIN : NOUVELLES MISES EN EXAMEN ET SUPPLÉMENT D’INFORMATION, M-F. Steinlé-Feuerbach

Observations de :

Steinlé-Feuerbach Marie-France

Professeur émérite en Droit privé et Sciences criminelles à l’Université de Haute-Alsace

Directeur honoraire du CERDACC

CA Bordeaux, Chambre de l’instruction, 2 mars 2023,

N° 2021/01028, N° Inst : 5/00031, N° Parquet : 15297000001

La collision entre un car de tourisme et un ensemble routier à Puisseguin, le 23 octobre 2015, avait provoqué 43 décès et blessé 8 personnes. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux, dans son arrêt du 2 mars 2023, infirme partiellement l’ordonnance de rejet de demande d’actes et de non-lieu rendue le 14 octobre 2021 par le juge d’instruction au tribunal judiciaire de Libourne.

Mots-clefs : accident collectif – autocar – camion –collision – incendie –expertises – mises en examen – homicides et blessures involontaires – art. 121-3 al. 3 et 4, 121-2, 221-6 et 222-19 du code pénal – Règlement CEE-ONU n°34

Une violente collision entre un ensemble routier de transport de bois, composé d’un tracteur IVECO et de sa remorque, et un autocar de tourisme MERCEDES transportant 49 passagers de clubs du 3ème âge s’est produite le 23 octobre 2015 sur une route départementale près du bourg de Puisseguin. Un incendie s’est déclaré immédiatement après le choc, dégageant des fumées toxiques âcres et noirâtres qui se sont propagées à l’intérieur du car, faisant fondre le revêtement du plafond. Avec l’aide d’un automobiliste, le chauffeur du car, qui a réussi à s’extraire de son poste de conduite, est parvenu à mettre en sécurité plusieurs passagers avant l’embrasement de l’intégralité du car provoquant le décès de 41 passagers piégés à l’intérieur. Le conducteur du camion, Cyril A. et son fils âgé de trois ans sont également décédés, portant à 43 morts le bilan de cet accident dont 8 rescapés subissent, selon l’intensité de leurs brûlures ou de leurs séquelles psychologiques, des taux d’incapacité de 10 à 120 jours.

Le parquet de Libourne a été saisi et l’ordonnance du juge d’instruction au tribunal judiciaire de Libourne, rendue le 14 octobre 2021, ne retient, parmi les causes possibles de l’accident, que la vitesse excessive du chauffeur de l’ensemble routier, Cyril A., qui « a commis une faute d’imprudence en prenant ce virage à 75 km/h ; que la circonstance que la vitesse était limitée à 90 km/h sur cet axe est sans incidence dès lors que l’article R 413-17 du code de la route prévoit explicitement que les vitesses maximales autorisées… ne s’entendent que dans des conditions optimales de circulation … Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse (…) ; que dès lors que l’accident ne serait pas survenu si le tracteur IVECO avait circulé à moins de 72 km/h (…) ». Cyril A., auteur direct de l’accident, étant décédé, l’action publique à son encontre était éteinte.

Les décès et les blessures des passagers du car ayant été provoqués par les fumées dégagées par l’incendie, se pose pourtant à l’évidence la question de l’existence d’autres fautes pouvant être à l’origine du déclenchement de cet incendie, de sa propagation rapide et des difficultés d’évacuation.

Ainsi, plusieurs irrégularités susceptibles d’être en relation avec le déclenchement de l’incendie ont été relevées quant à l’installation par le garage G. d’un réservoir additionnel de gazole de marque AFHYMAT d’une contenance de 375 litres, positionné sur le châssis derrière la cabine du tracteur. Par ailleurs, le développement rapide de fumées opaques et toxiques à l’intérieur du car ainsi que les difficultés rencontrées par le chauffeur pour évacuer les passagers posaient la question de la conception du véhicule.

Les nombreuses expertises réalisées n’ont pas convaincu le juge d’instruction de l’existence d’un lien causal entre ces différents éléments et la survenance du dommage suffisant pour engager des poursuites à l’encontre des personnes morales et physiques concernées (sur le rôle et les missions des experts : K. Favro, M. Lobé Lobas, J.-P. Markhus, L’expert dans tous ses états – A la recherche d’une déontologie de l’expert : Dalloz 2016). Alors que le ministère public, par réquisitions du 4 et du 14 janvier 2021 avait procédé à des demandes d’actes supplémentaires, le juge d’instruction du tribunal judiciaire de Libourne avait par ordonnance du 14 octobre 2021 rejeté les demandes de supplément d’information, constaté l’extinction de l’action publique et ordonné un non-lieu (M.-F. Steinlé-Feuerbach, « Accident collectif de Puisseguin : non-lieu par élimination en cascade des causes (TJ de Libourne, Ordonnance de rejet de demande d’actes et de non-lieu) : JAC n° 211, nov. 2021 » https://www.jac.cerdacc.uha.fr/accident-collectif-de-puisseguin-non-lieu-par-elimination-en-cascade-des-causes-m-f-steinle-feuerbach/).

Le ministère public a immédiatement relevé appel de cette ordonnance qui bloque la chaine causale à son premier maillon, la collision. Devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux saisie de l’affaire, les parties civiles également appelantes (victimes et leurs ayants droit ainsi la Fédération Nationale de Transport des Voyageurs, la FENVAC, le Collectif des victimes de Puisseguin et la Ligue contre les violences routières) sollicitent l’infirmation partielle de l’ordonnance de non-lieu sur différents points dont celui de la responsabilité de la société de transport de bois propriétaire de la remorque, de son dirigeant et de son mécanicien ainsi que du contrôleur technique, celle du garage C. ayant installé le réservoir additionnel sur le camion, du constructeur de l’autocar et de l’entreprise de contrôle technique C. T. P.-L.

Le représentant du ministère public sollicite quant à lui l’infirmation de l’ordonnance et un complément d’information aux fins de mise en examen des sociétés C. et de la société de location de poids lourds L. P.-L. des chefs d’homicide et blessures involontaires pour avoir installé de manière non conforme un réservoir additionnel en dos de cabine du tracteur routier ainsi que celle de la Sarl A., qui avait l’usage de la remorque, pour avoir validé techniquement cet ajout.

La cour confirme que l’imprudence de conduite dont a fait preuve Cyril A. est la cause directe, principale et déterminante de la collision. Elle confirme également l’ordonnance en ce qui concerne l’absence de causalité entre cette collision et d’autres irrégularités constatées lors de l’instruction comme une insuffisance de signalétique routière, des défaillances et des désordres sur la remorque du camion ou encore le recul de la sellette de ce dernier (cf.  JAC n° 211, préc.).

En revanche, les opérations d’autopsie ayant démontré que les décès des passagers de l’autocar n’étaient pas dus à la collision mais à l’inhalation d’émanations toxiques provenant de la combustion des matériaux synthétiques composant l’habitacle de l’autocar, la cour examine deux autres maillons éventuels de la chaîne causale : le fait générateur de l’incendie des véhicules (I) et la conception de l’autocar (II).

I. Le fait générateur de l’incendie des véhicules

De nombreuses expertises avaient été diligentées afin d’établir l’origine de l’incendie (cf. JAC n° 211 préc.). La cour rappelle que les constatations faites sur les deux véhicules après l’accident ont révélé que les réservoirs latéraux de l’autocar avaient été intégralement détruits sous l’effet de la collision et de l’incendie. Il en a été de même du réservoir additionnel du tracteur IVECO alors que le réservoir latéral principal situé du côté opposé à la collision n’avait été détruit qu’en partie et renfermait encore les trois-quarts de son carburant.

La cour relève que des essais de pression ou d’écrasement effectués dans des conditions similaires à celles de l’accident démontraient que dans tous les cas les réservoirs des deux véhicules se rompaient, et souligne que « le gasoil jaillissant en quantité importante sous la forme d’une gerbe ou ”éiecta« , avant de se répandre sur la chaussée par gravité. » Elle rappelle encore que la rupture du réservoir additionnel du tracteur avait éjecté une grande quantité de gasoil qui s’était propagée « en direction de l’autocar ».

Les investigations entreprises ont permis d’établir que le réservoir additionnel qui avait été positionné par la Sarl C. sur la base d’une commande effectuée par la Sarl A. ne correspondait pas aux spécificités du constructeur et que ce réservoir, destiné au transport de matières dangereuses avait été délivré sans avoir reçu une homologation de l’U.T.A.C (Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle) seul organisme privé habilité pour l’homologation des véhicules et de leurs accessoires. Bien que ces irrégularités soient bien de nature à justifier des poursuites, le magistrat instructeur avait affirmé qu’aucune responsabilité pénale ne pouvait être engagée car « s’agissant de délits d’homicides et blessures involontaires, une mise en examen ne peut intervenir que si existent des indices graves ou concordants que ce carburant a provoqué des décès ou des blessures en alimentant l’incendie. » et, selon lui, il pouvait être déduit des différentes modélisations que le carburant contenu dans le réservoir additionnel n’avait pas provoqué l’incendie mais n’avait constitué qu’un facteur aggravant du risque d’incendie sans concourir aux décès ou blessures.

En commentant l’ordonnance de non-lieu, nous avions, avec surprise, relevé « qu’en écartant les conclusions des premiers experts, y compris ceux du BEA-TT, et en se fondant uniquement sur les expertises les plus récentes, l’ordonnance rejette l’existence d’indices suffisamment graves ou concordants pour permettre des mises en examen écartant ainsi une cause reconnue comme aggravante de l’incendie. » Nous ne pouvons donc qu’approuver les critiques formulées par la cour : « Ce raisonnement aurait pu convaincre si l’expertise avait démontré avec certitude que le réservoir additionnel situé en dos de cabine n’avait eu aucun rôle sur le déclenchement de l’incendie, dans les secondes suivant la collision, excluant de la sorte tout lien causal certain avec le dommage. »

La cour remet en cause la dernière expertise sur laquelle le magistrat instructeur s’était uniquement appuyé et, à partir des essais effectués, elle considère qu’« Un lien de causalité certain est donc établi entre l’éjection des carburants de ces deux réservoirs et l’initiation de l’incendie à l’origine d’atteintes mortelles ou des blessures de différentes intensités. »

S’agissant des fautes commises, l’arrêt d’appel relève l’absence d’homologation du réservoir additionnel, la non-conformité de celui-ci aux normes d’agrément communautaires et en conclut que ce réservoir n’aurait jamais dû être installé. Elle constate encore une méthode d’installation non-conforme. Ces non-conformités sont imputables à la société A. en ses qualités de transporteur, d’expéditeur et d’emballeur. Michel A., gérant de la société de transport routier A., s’expose donc aux sanctions prévues à l’article L. 1252-5 2° du code des transports réprimant d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’« Utiliser ou mettre en circulation par voie aérienne, ferroviaire, routière ou fluviale des matériels aménagés pour le transport des marchandises dangereuses qui n’ont pas satisfait aux visites et épreuves auxquelles ces matériels sont soumis ».

En outre, l’installation de ce réservoir avait été effectuée en violation des préconisations du constructeur IVECO ce qui mettait également en cause, à la fois Pierre C. dirigeant du garage C. et concessionnaire de la marque IVECO et la société garage C. ainsi que la société de location L. P.-L. qu’il dirigeait et qui était propriétaire du camion loué à la société de transport routier A.

Bien que l’arrêt mentionne à la fois une faute simple et une faute qualifiée, Michel A. et Pierre C., personnes physiques qui ne peuvent être présumées supporter une responsabilité pénale qu’en tant qu’auteurs indirects au sens l’article 121-3 alinéa 4 du code pénal ne doivent répondre que d’une faute qualifiée, caractérisée ou délibérée. C’est pour une qualification de faute caractérisée que l’arrêt opte finalement : « En l’état des éléments de l’information judiciaire, Michel A. et Pierre C. qui sont des professionnels, l’un en sa qualité de gérant d’une société de transport routier, le second en sa qualité de PDG de plusieurs sociétés de maintenance de poids-lourds et concessionnaires de la marque IVECO, ne pouvaient ignorer les risques d’incendie inhérents à l’installation en dos de cabine, à proximité d’un dispositif dégageant de fortes températures (dispositif de réduction catalytique), d’un réservoir additionnel de carburant liquide de grande capacité, non homologué. Ils sont en l’état des indices graves ou concordants recueillis en procédure, présumés avoir tous deux, à titre personnel et pour le compte respectivement des sociétés S.A.R.L. « A » et SAS « Garage C. » et SAS « L. P.-L. » qu’ils dirigeaient, commis une faute caractérisée ayant contribué à la création de la situation ayant permis la réalisation du dommage et exposé ainsi autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer. »

Ainsi, conformément aux réquisitions du parquet, un supplément d’information est ordonné en vue de notifier à ces deux personnes physiques et aux trois personnes morales qu’ils représentent leur mise en examen des chefs d’homicide et blessures involontaires. Précisons qu’étant donné leur qualité de représentant légal des différentes sociétés citées, les fautes de Michel A. et de Pierre C. engageront la responsabilité pénale de ces sociétés (art. 121-2 du code pénal).

Aucun indice grave et concordant n’est en revanche retenu à l’encontre du contrôleur technique et de l’entreprise C. T. P.-L. dont des parties civiles avaient contesté le non-lieu.

C’est sur demandes de parties civiles que la cour se prononce sur les éventuels manquements fautifs du constructeur de l’autocar dans la conception du véhicule.

II. La conception de l’autocar et son rôle causal éventuel

L’autocar de la marque Mercedes dans lequel se trouvaient 49 passagers de clubs du 3ème âge était sorti d’usine le 30 décembre 2010. Il avait été certifié, par la SAS Evobus France accréditée par le constructeur EvoBus Gmbh, conforme au type et à la version du prototype ayant fait l’objet d’un procès-verbal délivré le 21 décembre 2009 par le service des Mines de Montlhéry. Ce procès-verbal emporte présomption de conformité aux dispositions de l’arrêté du 2 juillet 1982 modifié, transposant en droit interne les prescriptions des Règlements CEE-ONU n° 34, 107 et 118 relatives à l’homologation des véhicules quant à la prévention des risques d’incendie, aux caractéristiques générales de construction pour le transport de passagers de plus de 8 places assises, ainsi qu’au comportement au feu et/ou à l’imperméabilité aux carburants des matériaux utilisés dans l’aménagement intérieur.

La cour se réfère au rapport du BEA-TT qui précise (http://www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_beatt_2015-014.pdf. p. 73 et s.) que l’harmonisation technique mondiale des véhicules est encadrée par un accord international fondateur qui établit à l’échelle de la planète des dispositions harmonisées garantissant un degré minimum de sécurité et que cette réglementation mondiale est transposée en France par l’arrêté du 2 juillet 1982 modifié relatif au transport en commun de personnes pour ce qui concerne la partie relative à la construction et aménagements des véhicules. Or, selon l’article 101 de cet arrêté, les vérifications techniques faites par application des dispositions ci-dessus ne peuvent avoir pour effet de supprimer ou d’atténuer, en quoi que ce soit et en aucun cas, la responsabilité des constructeurs ou des transporteurs.

Ainsi, contrairement à ce qu’avait estimé le magistrat instructeur, l’homologation de l’autocar et la conformité à la réglementation des matériaux dont il est équipé est insuffisante pour exonérer le constructeur de sa responsabilité. Ce magistrat avait ajouté que le constructeur ne pouvait être soupçonné d’avoir délibérément négligé la prise en compte d’un risque identifié d’atteinte à la sécurité.

C’est sans surprise que l’arrêt d’appel contredit cette affirmation qui a fait bénéficier le constructeur d’un non-lieu à l’issue de l’instruction. Elle s’appuie sur l’enquête et les expertises qui avaient démontré que l’un des réservoirs latéraux de l’autocar avait été directement exposé à la collision et en se rompant avait libéré une grande quantité de carburant qui s’était immédiatement enflammé au contact d’une source d’ignition. L’incendie qui en avait résulté avait fait fondre les revêtements principalement constitués de matériaux plastiques dont la combustion avait engendré les émanations toxiques dont les conséquences ont été tragiques.

Ainsi, tant l’aménagement des réservoirs latéraux que le choix des matériaux et les dispositifs d’évacuation des fumées difficiles à actionner étaient des éléments de la chaîne causale. L’ordonnance avait d’ailleurs constaté « qu’il est constant que ces éléments ont joué un rôle causal dans la survenance des décès et blessures » tout en concluant à une absence de faute.

Pour la cour, la question de ces choix faits par la société EvoBus France ou Evobus Allemagne se pose avec d’autant plus d’acuité que des dispositions normatives européennes, comme le Règlement CEE-ONU n° 34, édictées pour la prévention des risques d’incendie en cas de collision prévoient des contrôles de sécurité pour l’homologation des réservoirs liquides. Il en est notamment ainsi des dispositions relatives à « l’emplacement des réservoirs de carburant liquide pouvant avoir une incidence négative en cas de collision frontale, latérale ou arrière ». Bien que ces dispositions ne soient que facultatives, la cour estime que leur non-respect laisse présumer « que la société Evobus n’aurait pas déployé toutes les diligences requises de la part d’un professionnel avisé, afin d’assurer une sécurité maximale de ses passagers notamment en cas de collision suivie d’un incendie », contrairement à ce qu’avait affirmé le juge d’instruction.

À rebours du magistrat instructeur, la cour d’appel affirme que les personnes physiques et morales à l’origine du choix de l’installation des réservoirs sont présumées avoir contrevenu aux exigences élémentaires de prudence et de sécurité mais également réglementaires « telles qu’édictées dans le Règlement CEE-ONU n°34 relatif à l’homologation des véhicules à moteur s’agissant de la prévention des risques d’incendies et jadis prévues, avant son abrogation par la Directive 70/221/CE du 20 mars 1970 » (NB : la Directive 70/221/CE du 20 mars 1970 relative aux réservoirs de carburant liquide des véhicules à moteur, transposée en France par un arrêté du 26 décembre 1979, a fait l’objet de modifications portant adaptation au progrès technique. Le Règlement CE n° 661/2009 du 13 juillet 2009 concernant les prescriptions pour l’homologation relatives à la sécurité générale des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, composants et entités techniques distinctes qui leur sont destinés (JOUE  31 juill. 2009) prévoit l’abrogation de la Directive au 1er novembre 2014).

Au-delà, la cour déduit de l’état des éléments du dossier qu’« il n’est guère possible de déterminer si la société EvoBus France ou EvoBus Gmbh, au stade de la conception de cet autocar, est allée au-delà des exigences réglementaires pour choisir d’équiper les habitacles de ses véhicules, d’autres matériaux moins inflammables ou ignifugés, minimiser la toxicité de ceux-ci ou encore perfectionner ses dispositifs d’évacuation des fumées toxiques. »

Elle en déduit qu’il n’est pas permis, « comme avait cru devoir le faire le magistrat instructeur », d’affirmer que la société « ne pouvait se voir reprocher une faute d’imprudence ou de négligence en s’abstenant de prendre les adaptations de sécurité nécessaires à la prévention d’un risque qu’elle ne pouvait ignorer. »

Un complément d’information est par conséquence ordonné pour l’élucidation de ces différents points.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux infirme l’ordonnance du 14 octobre 2021 en ce qu’elle a rejeté tout complément d’information et avant-dire droit, ordonne un supplément d’information et commet pour y procéder le premier vice-président et la première vice-présidente au tribunal judiciaire de Bordeaux pour notifier leur mise en examen pour homicide et blessures involontaires à Michel A., à Pierre C., personnes physiques, ainsi qu’à la Sarl A. et aux sociétés Garage C., L. P.-L. pour homicide et blessures involontaires, en l’espèce pour non-respect de l’arrêté du 29 mai 2009 relatif à l’agrément des emballages destinés au transport des marchandises dangereuses par voie routière, révisé par un arrêté du 2 décembre 2014 et sanctionné par l’article L. 1252-5 2° du code des transports, et ainsi exposé autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer.

S’agissant de la société Evobus France, elle ordonne encore de procéder à toutes investigations utiles, d’identifier et faire entendre en qualité de témoin assisté les personnes responsables du bureau d’étude de la société EvoBus France ou Evobus GmBh.  Nous notons qu’elle ordonne notamment de préciser, avec le concours du BEA-TT ou de toute autre personne qualifiée en matière de législation des transports routiers, l’état de la législation nationale et européenne applicable à la date de conception de l’autocar. La cour envisage également la mise en œuvre d’une demande d’entraide européenne auprès des autorités judiciaires allemandes.

Par cet arrêt relatif à un accident collectif, les magistrats de la cour d’appel de Bordeaux affichent clairement leur volonté de sanctionner l’imprudence ou la négligence coupable et contribuent ainsi à la prévention de tels événements dramatiques.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler que le maintien de la compétence locale au détriment du pôle accident collectif de Paris avait suscité des réserves en termes de moyens et de qualité de la réponse judiciaire. La mise au point de la chambre de l’instruction de Bordeaux résonne comme une réponse girondine.