Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA SFDAS, CONFÉRENCE DE GEOFFROY BOUVET, M-F. Steinlé-Feuerbach

Les aspects juridiques actuels de la formation des pilotes de ligne

Compte-rendu par :

Marie-France Steinlé-Feuerbach

Professeur émérite en Droit privé et Sciences criminelles à l’Université de Haute-Alsace

Directeur honoraire du CERDACC

Membre de la SFDAS

L’assemblée générale de la Société Française de Droit Aérien et Spatial (SFDAS :   https://sfdas.org/), le 15 juin 2023 s’est tenue le 15 juin 2023 dans les magnifiques locaux parisiens du Cabinet DLA Piper. Xavier Delpech, Président de la SFDAS, après avoir vivement remercié Maître Vonnick Le Guillou, avocate de ce cabinet et spécialisée dans les procédures relatives à des crash aériens majeurs, pour la qualité de son accueil, cède la parole à Pascal Dupont, Secrétaire Général. Celui-ci signale une douzaine de candidatures d’adhésion, avec chacune un double parrainage, qui témoignent de l’intérêt pour la Société.  Il annonce la réunion d’une commission « drones », le 30 juin 2023, avec, outre sa propre participation, celle de Jean-Luc Hau,expert environnement,deMaître Laurent Archambault, membre du Conseil pour les drones civils, de Cassandra Rotily, également membre du Conseil pour les drones civils, responsable des départements juridique & nouvelles technologies chez Air Space Drone et membre du Cerdacc (Drones et Sécurité, Thèse en Droit public, ss. la dir. de B. Pauvert, soutenue le 7 décembre 2020 à l’Université de Haute-Alsace) ainsi que celle de Maître Benjamin Potier.

La commission « spatial » se réunira en septembre prochain et la commission « aéronef » en novembre à la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC : https://www.ecologie.gouv.fr/direction-generale-laviation-civile-dgac ) sur le thème de l’avion du futur.

L’activité scientifique redémarre et le Secrétaire Général lance un appel pour des thèmes de réflexion futurs.

Le Professeur Nicolas Balat, fait part de la rentrée solennelle du Master 2 « Parcours Droit et Mangement du Transport Aérien » de la faculté de Droit de l’université d’Aix-Marseille avec des étudiants en alternance. Claude Guibert, Président d’honneur de la SFDAS et ancien président de l’Association des Professionnels Navigants de l’Aviation (APNA : https://apna-asso.com/) présente cette association bientôt centenaire et retrace son histoire.

Une assemblée générale de la SFDAS ne saurait se concevoir sans conférence (Cf. pour l’AG de 2022 – Conférence de Benjamin Potier et Xavier Delpech « La loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne dans le domaine des transports et la réforme du régime de responsabilité du transporteur aérien interne » : JAC n° 218, juin 2022), celle de ce jour étant consacrée à la formation des pilotes. Elle est donnée par Geoffroy Bouvet, ancien pilote de ligne, membre de la SFDAS et Président de l’APNA, en collaboration avec Vincent Castillo et Sébastien Tadiello, tous les deux à la fois pilote et juriste. Il a pris les commandes de l’APNA il y a dix ans et s’était alors fixé pour objectif de moraliser les écoles qui préparent au métier de pilote de ligne.

Geoffroy Bouvet dresse un état de ces écoles de formation, avant d’aborder, avec ses co-intervenants, l’encadrement des contrats de formation du personnel navigant technique (PNP), puis de tenter d’expliquer les faillites à répétition d’organismes de formation portant agréés (ATO : https://www.ecologie.gouv.fr/organisme-formation-agree-ato).

Il apparaît, qu’actuellement, des licences de pilote de ligne peuvent ne plus rien valoir. La DGAC constate que des élèves n’ont pas été formés au niveau attendu. Il existe même des écoles sans agrément. Le conférencier n’hésite d’ailleurs pas à affirmer qu’il y a des « marchands de soupe » dont les frais de scolarité s’élèvent à 100 000 euros. En conséquence, la Compagnie Air France a demandé à l’APNA de créer une école dont l’objectif est d’aider les pilotes à trouver un emploi.

Les prérequis indispensables pour intégrer une école de pilote de ligne ne sont pas toujours exigés. Certaines écoles ouvrent même sans agrément. Est également dénoncé un financement pyramidal ; il y a eu des faillites comme celle d’Airways College pour laquelle l’APNA est intervenue, avec l’accord de la DGAC, pour une opération de sauvetage des élèves (Les Echos, 22 mars 2022 : https://www.lesechos.fr/pme-regions/nouvelle-aquitaine/lecole-de-pilotage-pft-aero-veut-faire-oublier-le-sulfureux-airways-college-1395331).

Il existe pourtant des règles applicables en la matière comme le Règlement de la Commission n° 1178/2011 du 3 novembre 2011 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l’aviation civile conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008, ou encore l’article L. 6353-4 du code du travail, relatif au contrat conclu entre la personne physique qui entreprend une formation et le dispensateur de formation, qui précise cinq points essentiels dont le non-respect implique la nullité du contrat, et devrait par conséquent entraîner le remboursement des sommes versées (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006904414).

Ainsi, selon un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 11 mars 2021 (Pôle 01, Ch. 07, n° 18/09513), s’agissant du programme de la formation, l’exigence légale d’information ne peut être respectée par le simple renvoi à un site internet. De même, une consultation sur demande au secrétariat de l’école ne peut satisfaire à l’exigence légale, « l’objectif étant que le signataire soit pleinement et correctement informé de son engagement contractuel avant la signature du contrat ». Au-delà, l’APNA recommande de vérifier les capacités cognitives des stagiaires. Parfois, les ATO ne précisent pas les titres et références des personnes chargées de la formation et certaines écoles embauchent des élèves de l’année précédente comme formateurs.

Se pose encore la question du traitement de l’échec, qu’advient-il de l’acompte versé ? L’article L.6353-5 du code du travail prévoit un délai de rétractation : « Dans le délai de dix jours à compter de la signature du contrat, le stagiaire peut se rétracter par lettre recommandée avec avis de réception. » Le délai de rétractation étant d’ordre public, il a déjà été jugé que le stagiaire ne doit pas payer à l’avance. Pourtant, il n’est pas rare qu’une clause pénale figure dans le contrat, souvent avec un montant de 20% du coût de la formation, seule la force majeure faisant échec à cette clause. Geoffroy Bouvet déplore que la code de la consommation ne puisse pas s’appliquer.

À la recherche de solutions, Sébastien Tadiello regrette encore que le droit européen de l’aéronautique n’encadre pas les contrats de formation des pilotes. Outre le code du travail, il évoque le droit commun des contrats et l’obligation de bonne foi de l’article 1104 du code civil en précisant que certains ATO jouent sur la complexité et la terminologie technique – Vincent Castillo ajoute que la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l’aviation civile internationale contient des pages d’annexe sur les abréviations (https://www.bazl.admin.ch/bazl/fr/home/themen/bases-legales/annexes-a-la-convention-de-l-organisation-internationale-de-l-av.html).

Au regard de l’article 1171 du code civil, il s’agit de contrats d’adhésion avec un déséquilibre significatif. Cependant, le stagiaire ne bénéficie pas du droit de la consommation, pour la Cour de cassation, un stagiaire en formation professionnelle n’est pas un consommateur (Civ. 1ère, 9 mars 2022, n° 21-10. 487 ; P. Caillaud, Répertoire de droit du travail, Chap. 3, sect. 3, Art. 1er, § 3, mai 2022). Il s’agit là d’un particularisme français et l’APNA propose que les dispositions du code du travail renvoient aux dispositions du code de la consommation en ce qui concerne les clauses abusives. Mais comment distinguer au cas par cas les situations qui relèveraient du droit de la consommation ? Est cité en exemple le cas du nouveau bachelier qui n’a jamais piloté.

Retour sur la mis en place de financements pyramidaux. Il a malheureusement été constaté que nombre d’ATO disposent de capitaux propres insuffisants et c’est le stagiaire qui, par l’avance de ses frais de formation, leur permet de disposer d’une trésorerie à court terme. L’élève commence par une formation théorique qui est la partie la moins onéreuse pour l’école. Les écoles en faillite font de la publicité pour avoir de nouveaux stagiaires. La DGAC ne contrôle pas les moyens financiers des ATO.

En conclusion pour l’avenir, l’idée est de mettre en place une licence d’exploitation, une grille de qualité des ATO ainsi qu’une obligation de suivi des stagiaires par la DGAC.

Xavier Delpech considère que « la formation des pilotes, c’est la loi du la jungle » et s’étonne que le bouche à oreille ne fonctionne pas mieux.

Une discussion avec la salle s’engage, notamment sur les subventions publiques dont bénéficient les stagiaires ainsi que sur l’opportunité d’appliquer le droit protecteur de la consommation, pour se poursuivre autour d’un magnifique buffet.

Toutes ces récentes modifications du droit aérien méritaient bien d’être discutées avec les deux intervenants autour de quelques boissons rafraichissantes.