Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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COMPTE-RENDU DU 19EME CONGRÈS DE L’ADERSE-MISE EN OEUVRE ET ÉVALUATION DES DÉMARCHES RESPONSABLES, B. Rolland

Blandine ROLLAND

Professeur de Droit privé à l’Université de Haute-Alsace

Directrice du CERDACC (UR 3992),

Le 19ème congrès de l’ADERSE (http://www.aderse.org/) s’est tenu à Excelia, La Rochelle, les 1er et 2 juin 2023.

Ouverture générale

Les organisateurs du Congrès, Pierre BARRET et Thibault CUENOUD, Excelia Business School, ouvrent les travaux devant une centaine de personnes réunies dans le grand amphi. Ils ont reçu 115 communications et 90 personnes communiqueront effectivement sur la Responsabilité Sociale des Universités (RSU), la Responsabilité Sociale des Territoires (RST), les approches juridiques, la comptabilité élargie …

Jocelyn HUSSER, Président de l’ADERSE, remercie au nom de l’ADERSE les organisateurs de ce Congrès. Il souligne que ce colloque vise à mettre en œuvre et à dresser des ponts entre jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs. Mais aussi un colloque permet de tisser des liens avec les entreprises, ce qui est essentiel en matière de Sciences de Gestion. Il se réjouit de cette réussite d’un premier colloque après Covid qui va réunir 115 personnes sur ces 2 jours.

Tamym ABDESSEMED, Directeur Général adjoint d’Excelia Business School prononce ensuite quelques mots d’accueil de la part de la communauté académique d’Excelia. La RSE est les relations avec les entreprises sont dans l’essence d’Excelia. Il constate la dimension « très œcuménique » des travaux et des panels proposés au cours de ces deux jours.

Jean-Pierre HELFER, Directeur de la recherche à Excelia s’exclame : « Excelia – ADERSE, le retour ! ». En effet, en 2010, le 7ème Congrès de l’ADERSE a déjà eu lieu ici à la Rochelle. Les thématiques de l’ADERSE rencontrent parfaitement les centres d’intérêt de la recherche à Excelia.

Conférence plénière d’ouverture : Comment compter ce qui compte vraiment ?

Plusieurs témoignages se succèdent.

Cécile EZVAN, Directrice de l’IRSI (Institut de la Responsabilité Sociétale par l’Innovation), Excelia, s’interroge sur les enjeux de la valeur extra-financière, les méthodes et les outils en vigueur, les difficultés et les bonnes pratiques. Le PIB a été très contesté car il ne compte pas la valeur environnementale mais il a quand même été très structurant pour l’économie. Comment donc prendre en compte la santé, l’éducation ? Un adage managérial dit qu’« On compte et on manage ce qu’on mesure ». Alors, comment faire ?

Marie LAPALLE, Responsable RSE à la MAIF indique que la MAIF a plusieurs raisons de mesurer ses impacts (motifs règlementaires d’abord en raison du jeu des directives UE). En outre la MAIF est une « entreprise à mission ». Cela permet ensuite de répondre aux parties prenantes avec des preuves tout en évitant le greenwashing. Ils ont constaté que leur empreinte carbone est essentiellement sur le poste Investisseur (placement des sommes), par rapport à Employeur (3,2 %) ou Assureur (24,5%). Cependant, ils déploient une réflexion actuelle sur leur impact en tant qu’Assureur, qui découle de la gestion des sinistres (véhicules et bâtiments assurés). Sur ce point, ils rencontrent des difficultés dans la collecte des données. Étant pionniers dans cette démarche, ils n’ont pas de retour d’expérience et d’aide.

Anne ROSTAING, Directrice générale de la Coopérative Carbone la présente comme une Société coopérative d’intérêt collectif située à La Rochelle. Un gros programme d’action a été mis en place en vue du « zéro carbone » sur le territoire local. Mais comment évaluer ces démarches ? C’est le rôle de la SCIC. Leur critère est le « CO2 Equivalent » qui prend en compte plusieurs gaz à effet de serre (GES). Ensuite la Coopérative aide les entreprises et entités à dresser leur Bilan GES. Elle aide à la plantation partout sur le territoire car cette région manque d’arbres et de forêts, en lien avec le CNPF. Elle intervient aussi en matière agricole et par ailleurs dans la rénovation immobilière. Elle développe ensuite des méthodologies de mesure du carbone sur les différents projets suivis.

Baptiste TRENY, Président fondateur de Créateur de forêt se pose les questions suivantes : Qu’est-ce qui nous rend heureux ? Faut-il toujours compter ? Ce qui compte, c’est la vie. Il se considère comme un promoteur de biodiversité. Il conçoit des projets de préservation de la bio-diversité sur des terrains dégradés (anciennes zones industrielles, polluées, objet de coupes rases, anciennes décharges …). Il protège le projet sur 99 ans par des outils juridiques et recherche des financements. Il faut alors des indicateurs pour convaincre les investisseurs privés.

Mais ces réalisations dureront-elles ? Ce qui est le plus important c’est la sensibilisation des personnes rencontrées et qui ont par exemple planté des arbres dans une démarche citoyenne. Il réfléchit donc à l’utilisation d’un nouvel indicateur « SROI » (Social Return On Investment ou Retour social sur investissement).

Yoann ALPHONSE-FELIX, Directeur industriel et Développement durable, Groupe EXCENT, a préparé un plan stratégique Cap 2030 pour son entreprise, basé sur un narratif et un imaginaire. Il se décline en plusieurs axes stratégiques. Le groupe a également fait son premier Bilan Carbone qui est marqué par des incertitudes normées par la méthodologie, il faut bien le reconnaître ! Puis il a déduit des objectifs de réduction qui sont nécessairement encadrés par les mêmes incertitudes.

Maheritsiresy IMBIKI, Chargé de mission RSE, Groupe Y Nexia appartient à un groupe d’audit et de commissariat aux comptes qui constitue « une task force anti greenwashing ». Il certifie les données de la déclaration de performance extra-financière (DPEF). Ainsi lui-même est chargé de vérifier les différents indicateurs en réclamant des preuves et des pièces aux entreprises concernées. Ce rôle d’« organisme tiers indépendant » permet de donner confiance dans les DPEF. Ce rôle comporte aussi la mission de valider ou non les trajectoires retenues par les entreprises pour le calcul de leurs objectifs. Ces éléments sont par ailleurs pris en compte pour le calcul de certaines primes versées aux dirigeants.

Il faut savoir que l’Union Européenne est en train de verdir la finance et à cet effet produit de nouvelles normes. La « taxonomie verte » européenne oblige certaines entreprises de publier des données sur la part verte de leur chiffre d’affaires. La Directive CSRD va remplacer la « Déclaration de Performance extra-financière » par un cadre beaucoup plus directif pour le reporting des entreprises. Ainsi, on assiste à un alignement des données extra-financières sur les données financières.

Maya VIE, Chargée de mission Gouvernance et Reporting, ORSE, explique que l’ORSE développe des travaux sur la comptabilité intégrée à travers des groupes de travail. L’ORSE a ainsi publié un Guide : La comptabilité intégrée, un outil de transformation de l’entreprise à la portée de tous, disponible en ligne. Traditionnellement, la comptabilité est un outil de pilotage dans les organisations et un outil d’aide à la décision. Mais la comptabilité est vue dans une logique financière. Dès lors, comment intégrer les autres paramètres, notamment sociaux et environnementaux qui sont absents de l’univers comptable ? Il convient de faire évoluer les modèles d’affaire autour de la notion de durabilité. C’est l’objet de la comptabilité intégrée. Il faut pour cela mobiliser la gouvernance, définir un périmètre, définir des indicateurs et un pilotage des données. Mais faut-il tout monétariser ? Cette méthode permet enfin de confronter deux options au regard des enjeux de durabilité afin de prendre une décision.

La comptabilité intégrée est donc un outil de transformation des modèles d’affaires et de prise de décision éclairée. Elle permet d’appréhender les évolutions règlementaires à venir (not. les futures directives) et de réorienter les flux de capitaux vers les entreprises résilientes face aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux.

Enfin une vidéo de Philippe TEISSEIRE, Directeur financier et Arnaud PREVERAUD, Directeur Communication Financière, Groupe Fleury Michon est présentée. Le groupe Fleury Michon est investi dans la démarche de gestion de la performance intégrée. Cette attitude est rendue nécessaire par la Directive CSRD et la taxonomie européenne à l’échelle 2024-2025. À ce titre, ils réfléchissent à l’utilisation de la méthode CARE dans l’appréciation de leurs capitaux. En particulier, cette méthode a été développée pour la gestion de l’eau dans une filiale de Cambrai.

Ateliers thématiques

De nombreux ateliers se sont succédés ensuite en parallèle au fil des deux journées, notamment sur la « décarbonation » de l’économie, sur Responsabilité Sociale des Universités, sur le droit, la normalisation et la RSE, sur les économies émergentes et la RSE, sur les enjeux RH de la RSE, sur la RSE, la gouvernance et les territoires, etc. Ils ont permis la présentation de 115 interventions très variées, impossibles à retracer ici.

Conférence plénière de clôture : Meet the Editors

Henri SAVALL présente la revue Recherche en Sciences de Gestion. Elle accueillera un numéro spécial pour ce colloque.

Zahir YANAT présente la Revue Management et Sciences Sociales, qu’il dirige par depuis 2012. Trois numéros spéciaux sont prévus :

– Cahier spécial sur la RSU, sous la direction de Marie STADGE et Marc BONNET

– Cahier spécial sur la décarbonation, sous la direction de Marc BONNET

– Cahier spécial sur la RSE dans les pays émergents, sous la direction de L’Hocine HOUANTI.

Thibault CUENOUD, Anne GOUJON BELGHIT, Jocelyn HUSSER présentent la Revue Vie et Sciences de l’Entreprise qu’ils codirigent. Un numéro thématique sur la Responsabilité Sociale des Territoires est au programme.

Enfin Stéphane TREBUCQ présente la Revue Recherche et cas en Sciences de Gestion qui accueille des études de cas.

Conclusion du Colloque par Jocelyn HUSSER, Président de l’ADERSE

Le colloque qui se termine est marqué par deux axes : le lien avec les praticiens et les entreprises depuis la séance introductive jusqu’aux ateliers ; le lien avec les doctorants dans les ateliers doctoraux. L’ADERSE va développer ces ateliers doctoraux tout au cours de l’année ainsi que plusieurs ateliers thématiques. Ce colloque est marqué par l’ouverture, de l’impact environnemental à la RSU et à la gouvernance. Il y a une fécondité dans les échanges en vue du prochain colloque.

Il annonce que le prochain colloque aura lieu à Bordeaux sur 3 jours, les 3, 4 et 5 avril 2024, sur le thème « RSE et coopération » sous la direction de Stéphane TREBUCQ.