Nathalie Arbousset
Ingénieur d’études au CERDACC
- La cour administrative d’appel de Douai condamne l’Etat pour les rejets atmosphériques de l’usine Métaleurop
Le 23 mai 2024, la cour administrative d’appel a condamné l’État à indemniser les riverains (51 requêtes) de l’usine Métaleurop, victimes d’une pollution aux métaux lourds, pour un montant global d’1,2 million d’euros à raison de la perte de valeur vénale de leurs biens et de leurs troubles de jouissance.
L’usine de Noyelle-Godault et de Courcelles-lès-Lens (Pas-de-Calais) a été exploitée à compter des années 1920 par la société Peñarroya pour produire du plomb et du zinc, auxquels se sont ensuite ajoutés d’autres métaux. Le site a été repris par Métaleurop Nord dans les années 1990 puis a été fermé en 2003 à la suite de la liquidation de la société.
Ce site est l’un des plus pollués de France avec des tonnes de plomb, de zinc, d’hydrocarbures, du cadmium présents sur et dans les sols. Au total, 5 communes du Pas-de-Calais sont concernées.
Une cinquantaine de riverains ont saisi le préfet afin d’obtenir en urgence des travaux de dépollution et de remise en état de leur terrain, en l’absence de réponse explicite, une décision implicite de rejet est née. Les riverains ont alors saisi le tribunal administratif de Lille qui a, à son tour, rejeté leurs requêtes. Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Douai s’est prononcée d’une part sur la demande de réaliser en urgence des travaux de dépollution et la remise en état de leur terrain puis, d’autre part, de réparer les préjudices résultant d’une exposition aux métaux lourds.
Les termes « scandale sanitaire » reviennent régulièrement pour qualifier la situation sanitaire de cette zone géographique très étendue. D’ailleurs le recensement par la cour administrative d’appel des mesures prises par l’Etat pour limiter la pollution atmosphérique tend à le confirmer. En effet, il résulte de l’arrêt « Il n’en reste pas moins qu’une étude de l’INRA met en évidence dès 1979 une pollution au plomb, au cadmium et au mercure des terrains proches de l’usine. Une étude de l’université de Lille de 1986 souligne également qu’il existe une pollution, déjà historique, en plomb, cadmium et autres particules remontant à une époque où la protection de l’environnement n’était « pas au centre des préoccupations », que le taux d’épuration des fumées est « désormais important » et que « toute amélioration supplémentaire nécessitera des capitaux extrêmement importants ». Elle fait apparaître que les sources ponctuelles de pollution atmosphérique sont nombreuses en divers points du site comme cela ressort d’une lettre du préfet du Nord-Pas-de-Calais de 1985. Un comité de pilotage auquel participaient les services de l’Etat en 1999 relève que Métaleurop Nord a fourni « de nombreux efforts en matière de réduction et de contrôle de la pollution atmosphérique » qui « ont permis de diminuer de manière significative les flux rejetés dans l’atmosphère alors que dans le même temps, l’activité a continué à croître » mais qu’une pollution atmosphérique perdure principalement à raison d’émissions diffuses « pour lesquelles peu de données sont disponibles ». En 1999, un rapport au conseil départemental d’hygiène note que l’usine compte 129 points de rejets « canalisés », donc hors la pollution diffuse, et dont seuls 19 sont équipés d’installations de traitement. Un point d’information réalisé par les services de l’Etat le 16 décembre 2002 relève que les rejets atmosphériques ont considérablement diminué depuis 1970, mais qu’en 2001 l’usine rejetait encore dans l’atmosphère 18,3 tonnes de plomb canalisé, auxquels s’ajoutent 10 à 15 tonnes de rejets diffus, 0.8 tonnes de cadmium, 26 tonnes de zinc et 6800 tonnes de dioxyde de souffre. Un rapport de la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement du 31 août 1999, adressé au conseil départemental d’hygiène, N°22DA00216 9 indique que « malgré les multiples efforts et investissements consentis sous la contrainte réglementaire, Métaleurop Nord apparaît toujours dans les recensements nationaux aux toutes premières places des pollueurs français (plomb, cadmium, zinc) ».
Il en résulte que « l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en n’exigeant pas, par les arrêtés préfectoraux encadrant l’activité de cette installation classée, une diminution plus significative des polluants atmosphériques, concernant plus de points de rejet, dont la pollution diffuse, quitte à anticiper, le cas échéant, plus largement sur les normes nationales ».
La cour reconnaît le lien de causalité entre la faute et leur préjudice résultant d’une perte de valeur de leurs biens immobiliers du fait de la pollution aux métaux lourds et des restrictions urbanistiques. Il en est de même des troubles de jouissance liés à la pollution et se traduisant par des recommandations de l’agence régionale de santé de ne pas absorber de terre, de ne pas consommer les végétaux du terrain, ou encore de procéder à un nettoyage humide régulier. On peut d’ailleurs s’interroger sur la capacité des habitants, et en particulier des jeunes enfants, à respecter à la lettre ces recommandations. D’ailleurs, une campagne de dépistage a été menée par l’Agence régionale de santé à la fin de l’année 2022 qui révèle que huit enfants sont atteints de saturnisme et 75 autres sont placés en vigilance parmi les 25 % testés. Ils résident tous dans les cinq communes du secteur de l’ancienne usine Metaleurop à Noyelles-Godault (https://www.hauts-de-france.ars.sante.fr/metaleurop-le-prefet-du-pas-de-calais-reuni-les-elus-des-communes-concernes).
- L’avis du Tribunal du droit de la mer affirme le devoir de protéger les océans
Dans son avis consultatif du 21 mai 2024, le Tribunal du droit de la mer, saisi par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international, estime que les émissions de gaz à effet de serre issues des activités humaines sont responsables de la pollution marine et les États doivent agir pour préserver ce milieu.
La juridiction internationale a en outre affirmé que « les États ont l’obligation de protéger le milieu marin des impacts du changement climatique et de l’acidification des océans ».
Par ailleurs, le Tribunal a souligné l’obligation d’aider les États en développement, en particulier les États en développement vulnérables.
- Stocamine : la Cour européenne des droits de l’homme rejette la demande de suspension des travaux
La Cour européenne des droits de l’homme a rejeté, le 21 mai 2024, la demande de l’association Alsace Nature visant à suspendre les travaux de confinement des déchets dangereux dans le site de stockage souterrain de Wittelsheim (Haut-Rhin) après épuisement des voies de recours d’urgence internes à la suite de la décision du Conseil d’État du 16 février dernier. La Cour juge en effet que les requérants n’ont pas suffisamment établi « le risque imminent d’atteinte irréparable à un droit protégé par la Convention ».
La prochaine étape judiciaire attendue est le jugement au fond des requêtes déposées au tribunal administratif de Strasbourg qui devrait statuer au second semestre de cette année.
- Décret n° 2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l’environnement en matière d’élevage et aux autorisations environnementales.
Publié au JO 11/05/2024 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049523409
Le texte s’applique aux décisions administratives prises à compter du 1er septembre 2024.
Notice : le décret adapte les règles du contentieux administratif principalement s’agissant d’ouvrages hydrauliques agricoles et d’installations d’élevage.
En matière d’ouvrages hydrauliques agricoles, le décret confie au tribunal administratif de Paris la compétence pour connaître, en premier et dernier ressort, d’une liste de décisions administratives.
En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement relatives à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, ainsi qu’à la pisciculture, aux couvoirs et à l’élevage intensif de volailles ou de porcs, le décret confie aux tribunaux administratifs une compétence en premier et dernier ressort.
Pour ces ouvrages et installations agricoles, le décret institue une cristallisation des moyens ainsi qu’une obligation de notification des recours et prévoit que le tribunal doit juger en dix mois.
Pour l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement et des installations, ouvrages, travaux, activités, le décret réduit le délai de recours des tiers de quatre mois à deux mois.