Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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CHRONIQUE DU DOMMAGE CORPOREL, DU DROIT DES VICTIMES ET VICTIMOLOGIE, C. Lienhard et C. Szwarc

 Claude Lienhard

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,

Professeur émérite de l’Université Haute-Alsace,

Directeur honoraire du CERDACC

et

Catherine Szwarc

Avocate spécialisée en droit du dommage corporel

I – Droit du dommage corporel

  1. Une matière, maintenant une discipline qui s’affirme et se densifie

Nous avions pressenti que le droit de la réparation du dommage corporel relevait à la fois d’une spécialité pour les praticiens mais aussi d’une autre dimension (A LIRE ICI). Pour Mireille Bacache, Conseiller en service extraordinaire à la Cour de cassation nous sommes maintenant à l’orée de la naissance d’une discipline (A LIRE ICI).

Un regard croisé sur nos constats est plein d’enseignements. Le tableau reste à parfaire certes. Une nouvelle touche lui a été donnée par les 15ème États généraux du dommage corporel, organisés par le Conseil National des Barreaux, le 24 novembre 2023 et dont la Gazette du Palais a rendu compte dans un numéro dédié.

2. Faire remarcher les paralysés grâce à un pont numérique

Encore une avancée pleine d’espoirs et perspectives.

II – Droit des victimes

  1. LA CEDH et le droit à réparation des harkis

Comme souvent les arrêts de la CEDH recèlent, une fois encore, de véritables avancées. Cette fois, elles concernent à juste titre les harkis et leurs conditions de vie indignes. La dignité est un curseur et une boussole au visa de l’article 3 de la convention (A LIRE ICI).

A LIRE AUSSI CEDH-lindemnisation-accordée-aux-enfants-de-harkis-pour-leurs-conditions-de-vie-dans-les-camps-était-insuffisante-Actu-1.

A LIRE Camps d’accueil pour harkis : la CEDH condamne la France pour
des conditions de vie indignes

2.   Prothèses de sport et principe de libre disposition

Par cet arrêt du 4 avril 2024, la Cour de cassation rappelle que l’assureur ne peut imposer à la victime, au titre des dépenses de santé futures, des modalités de payement sous forme de rente qui oblige la victime à attendre un achat futur.

Cass., Civ 2., 4 avril 2024, n°22-19.307 A LIRE ICI

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

4. Le principe susvisé exclut le contrôle de l’utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition.

5. Pour statuer comme il l’a fait sur l’indemnisation au titre des prothèses de bain, de course, de plongée et de surf, l’arrêt retient qu’au regard des pièces produites et notamment des factures d’achat acquittées du 10 octobre 2019, M. [V] n’établissant pas en avoir disposé antérieurement, le renouvellement tous les dix ans est envisageable pour la première fois en 2029, à compter du premier renouvellement effectif de ces matériels, sur la base d’un euro de rente viager pour un homme de 48 ans, quand bien même la date de consolidation a été fixée au 10 janvier 2017.

6. En statuant ainsi, alors que l’indemnité allouée au titre de ces prothèses doit être évaluée en fonction des besoins de la victime, déterminés à la date de consolidation, et ne peut être subordonnée à la justification des dépenses correspondantes, la cour d’appel a violé le principe susvisé.

3. Postes de préjudices réservés, la Cour d’appel ne peut débouter la victime

Le droit processuel doit être maitrisé par tous les acteurs du procès. Il est plein de finesse. Et, pourvoi après pourvoi, la Cour de cassation le rappelle, ici au visa de l’article 4 du code de procédure civile. Lorsqu’aucune demande d’indemnisation n’est faite sur certains postes, aucun débouté n’est possible.

Si la victime a juste demandé que certains des postes de préjudices soient réservés, la cour ne peut prendre l’initiative de modifier l’objet du litige.

Cass., Civ 2., 4 avril 2024, n°22-13.280b A LIRE ICI

Vu l’article 4 du code de procédure civile :

14. Selon ce texte, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

15. Pour rejeter, d’abord, la demande de M. [H] au titre des dépenses de santé actuelles, l’arrêt énonce que celui-ci ne formule aucune demande chiffrée, se contentant de la mention « réservé », en indiquant que la caisse n’a pas fourni de décompte.

16. Pour rejeter, ensuite, la demande de M. [H] au titre des dépenses de santé futures, l’arrêt énonce que celui-ci affirme avoir encore besoin de soins mais qu’il ne le justifie pas, se contentant de la mention « réservé » en indiquant que le poste ne peut être chiffré à ce jour.

17. Pour rejeter, enfin, la demande de M. [H] au titre de l’incidence professionnelle, l’arrêt énonce que rien ne permet de comprendre l’impossibilité de chiffrer un tel préjudice, étant rappelé que M. [H] ne travaillait pas au moment de l’accident, qu’il avait effectué des missions d’intérim comme cariste-magasinier et qu’il était titulaire d’un CAP de carrosserie.

18. L’arrêt en déduit qu’aucune indemnisation de ces chefs de préjudice ne sera allouée.

19. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d’appel, M. [H] avait sollicité que les postes des dépenses de santé actuelles, des dépenses de santé futures et de l’incidence professionnelle soient réservés et n’avait ainsi présenté aucune demande d’indemnisation de ces chefs, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé.

III. Victimologie

Voilà une rubrique toujours riche d’approches foisonnantes.

  1. Du coté mémoriel

Le calendrier nous rappelle :

Le 27 mars 2002, la tuerie de Nanterre :

A LIRE ICI

Le 24 mars 1999, l’incendie du tunnel du Mont-Blanc :

A LIRE ICI

A LIRE ICI

Le 24 mars 2015, le crash de la Germanwings :

A LIRE ICI

2.Du côté des crimes de masse et de la CPI

Le 28 février 2024, la Chambre de première instance IX de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour »), composée des juges Bertram Schmitt, Peter Kovács et Chang-ho Chung, a rendu en audience publique son ordonnance de réparation aux victimes dans l’affaire Le Procureur c. Dominic Ongwen (A LIRE ICI). La Chambre a fixé la responsabilité financière de M. Ongwen à 52 429 000 EUR et a ordonné des réparations collectives communautaires axées sur la réhabilitation et des mesures symboliques/de satisfaction, comprenant des programmes de réhabilitation collective, ainsi qu’une indemnité symbolique de 750 € pour toutes les victimes éligibles, ainsi que d’autres mesures symboliques communautaires (A LIRE ICI ).