Claude Lienhard
Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Professeur émérite de l’Université Haute-Alsace,
Directeur honoraire du CERDACC
et
Catherine Szwarc
Avocate spécialisée en droit du dommage corporel
I – Droit du dommage corporel
- La portée de l’expertise
Conseil d’État, 5ème chambre, 02/01/2024, 466788, https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048807439
C’est encore une fois le Conseil d’État qui vient préciser la portée pour le juge des conclusions d’un rapport d’expertise. En l’occurrence une expertiser obtenue en matière d’accidents médicaux devant la CCIAM. La discussion concernait un taux de perte de chance retenu par le rapport. Le juge peut tout à fait s’en écarter mais doit motiver son choix.
« 2. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que pour ramener de 80% à 50% le taux de perte de chance pour le jeune A… d’éviter les séquelles dont il reste atteint, la cour administrative d’appel de Versailles s’est bornée à reprendre les constats des experts diligentés par la commission régionale de conciliation et indemnisation d’Ile-de-France, alors que ceux-ci, mettant en évidence la constitution de lésions cérébrales durant la phase de travail de Mme C… lors de son hospitalisation, concluaient à un taux de perte de chance de 80% pour le jeune A… d’éviter les séquelles dont il reste atteint. Si la cour n’était pas liée par les conclusions des experts quant au taux de perte de chance retenu, elle ne pouvait, sans entacher son arrêt d’insuffisance de motivation, s’abstenir d’indiquer les motifs l’ayant conduite à retenir un taux différent.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que la CPAM du Calvados et les consorts C… sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles qu’ils attaquent en tant qu’il rejette le surplus des conclusions de M. et Mme C… et ramène à 190 716,13 euros la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à indemniser la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure. »
2. Le chien d’assistance
Pour compenser au mieux le handicap et approcher la réparation intégrale le recours à un chien d’assistance est une approche très pertinente.
Elle doit être envisagée si nécessaire et contribue aussi largement à l’équilibre psychique. Rappelons au passage que ces chiens formés et éduqués bénéficient d’un statut protecteur.
II – Droit des victimes
- La partie civile forcée à comparaitre ?
Cour de cassation – Chambre criminelle — 4 avril 2024 – n° 22-80.417, n° 22-82.169 et autres A LIRE ICI
Par un arrêt du 4 avril 2024 la Chambre criminelle vient apporter des précisions à cette question dont la réponse participe à l’équilibre du procès pénal.
« 1. La Convention européenne des droits de l’homme prévoit que toute personne accusée d’une infraction a le droit notamment d’interroger ou faire interroger les témoins à charge.
Il peut arriver qu’une personne soit poursuivie sans avoir été confrontée auparavant avec la personne qui l’a mise en cause et qui s’est constituée partie civile. Que doit faire le juge si la personne poursuivie demande à interroger cette partie civile qui est absente à l’audience ?
Le juge ne peut pas contraindre la partie civile à comparaitre, mais il doit tenter d’obtenir qu’elle se présente volontairement, en ordonnant sa comparution personnelle, éventuellement par visioconférence.
En cas de refus, il doit vérifier que l’absence de la partie civile est justifiée par un motif légitime, si nécessaire en ordonnant une expertise médicale. »
2. CIVI et charge de la preuve
Civ. 2e, 4 avr. 2024, FS-B, n° 22-15.457 (/document/civ-2e-4-avr-2024-fs-b-n-22-15457) A LIRE ICI
La Cour de cassation, rappelle classiquement que la charge de la preuve de l’existence de faits présentant le caractère matériel d’une infraction pèse sur la personne ayant saisi une CIVI afin d’obtenir indemnisation. Mais elle vient préciser fort opportunément que cette charge probatoire doit être adaptée au regard de « la spécificité de l’infraction de traite des êtres humains et des obligations particulières incombant à la France à l’égard des victimes de tels faits. »
Cette précision qui est un allégement probatoire audacieux aux fondements originaux comme le relève Nathan Allix dans son commentaire au Dalloz Actualité mérite d’être approuvé.
Cette avancée s’inscrit pleinement dans l’esprit qui a présidé à la création des CIVI.
« Résumé :
Lorsqu’elle est saisie d’une requête en réparation des dommages causés par des faits de traite des êtres humains, une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) ou la cour d’appel saisie de l’appel de sa décision, ne peuvent rejeter la demande d’indemnisation au motif de l’absence d’enquête pénale préalable. Afin de respecter l’obligation procédurale incombant à la France en vertu de l’article 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la CIVI ou la cour d’appel ne peuvent faire peser sur la seule victime la charge de la preuve d’établir la matérialité́ des faits de traite des êtres humains dont elle se déclare, de façon plausible, avoir été victime, mais doivent, en cas d’insuffisance de preuve, soit solliciter de plus amples informations auprès du représentant du ministère public, partie jointe à l’instance se déroulant devant elles, soit mettre en oeuvre les pouvoirs d’enquête civile dont elles disposent aux termes de l’article 706-6 du code de procédure pénale. »
III. Victimologie
- Du côté de la rue d’Aubagne
Chacun a encore en mémoire le drame de la rue d’Aubagne à Marseille qui a provoqué la mort de 8 personnes le 5 novembre 2018. A LIRE ICI
Les quatre mis en examen seront jugés en octobre 2024.
A côté du processus judiciaire, ce lieu désigné et nommé par la catastrophe possède une histoire antérieure que l’écrivain aixois Vincent Quivy nous rappelle dans son ouvrage « Rue d’Aubagne, Marseille »
A cela se rajoute un projet d’endroit mémoriel et de lieu de vie présenté par le Maire des 1er et 7ième arrondissements.
2. Assurance et risque climatique
Le rapport « Adapter le système assurantiel français face à l’évolution des risques climatiques », co-écrit par Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet et Myriam Mérad a été rendu public le 2 avril 2024. Il contient trente-sept propositions organisées en neuf objectifs, dont le but est de réagencer la responsabilité des différents acteurs que sont les pouvoirs publics, les assureurs, les collectivités locales et les assurés eux-mêmes dans l’assurance, l’adaptation, la prévention et l’atténuation des risques climatiques. A LIRE ICI