Isabelle CORPART
Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace,
Membre du CERDACC (UR 3992)
Commentaire de C. cass., civ. 2ème, 10 octobre 2024, n° 23-12.120. A LIRE ICI
Mots-clés : Accident de la circulation – Assurance de responsabilité – Cours de conduite – Élève conducteur – Faute de conduite – Indemnisation du préjudice subi par la victime –Qualité de conducteur – Usage d’une motocyclette – Responsabilité civile.
L’arrêt rendu le 10 octobre 2024 par la 2e chambre civile de la Cour de cassation (« Accident de la circulation (auto-école) : faute d’un élève conducteur », obs. sous Cass. civ. 2ème 10 oct. 2024 : D. 2024 p. 1774) aborde les conséquences d’un accident subi par une personne, installée sur sa motocyclette, qui dispensait des cours de conduite à deux élèves qui la suivait, l’une en motocyclette et l’autre en voiture. Il fallait apporter des précisions car cette victime monitrice d’auto-école a été percutée de face par un camion, mais également blessée par une autre motocyclette utilisée par une de ses élèves qui la pilotait. Malheureusement, pendant des leçons de conduite, des accidents plus ou moins graves peuvent se produire et il faut rechercher le responsable du dommage, même si les élèves en phase d’apprentissage sont considérés comme des tiers.
Pour se repérer
Un moniteur d’auto-école a été victime d’un accident de la circulation en étant installé sur sa motocyclette, pendant qu’il dispensait un cours de conduite à deux de ses élèves, l’une utilisant aussi une motocyclette et l’autre une automobile. Un camion assuré par la société Axa France IARD l’a percuté alors qu’il arrivait en sens inverse, toutefois après ce choc initial, son élève qui conduisait la motocyclette appartenant à la société d’auto-école et assurée par la société Allianz IARD, l’a également blessé car elle a roulé sur sa cheville. Après ce drame, la victime a assigné la société Axa en vue d’obtenir une indemnisation de son préjudice. Dès lors « la société Axa a attrait la société Allianz à la procédure afin qu’elle la garantisse de toutes les condamnations prononcées à son encontre ».
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu le 8 décembre 2022 un arrêt qui a été critiqué, par la société Axa, raison pour laquelle un pourvoi en cassation a été déposé, car elle a été déboutée de son recours subrogatoire à l’égard de la société Allianz.
Pour aller à l’essentiel
Les élèves d’un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres sont des tiers par rapport à leur moniteur lourdement blessé. En effet conformément à l’article L. 211-1 du Code des assurances « les élèves d’un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur agréé, en cours de formation ou d’examen, sont considérés comme des tiers« .
Ils sont bien toutefois des conducteurs quand ils ont la maîtrise de l’engin qu’ils pilotent, ce qui est le cas de la jeune femme seule au volant de la motocyclette de l’auto-école, raison pour laquelle l’assureur de l’auto-école doit être sollicité. Puisque son engin avait roulé sur la cheville de la victime qui avait chuté de sa moto car elle avait été heurtée par un véhicule, cette élève était responsable d’une faute de conduite lors de cet accident conformément à l’article R. 412-12 du Code de la route. Surtout les dommages causés devaient être couverts par l’assurance garantissant la responsabilité lors d’un accident causé par le véhicule d’un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur agréé, même s’il est utilisé par un élève conducteur. Il fallait donc que la victime soit indemnisée intégralement de ses préjudices par l’assureur du véhicule de l’auto-école, toutefois pour statuer sur le recours en contribution à cette dette, il fallait rechercher si l’élève avait commis une faute de conduite.
Les juges de la Cour de cassation condamnent la cour d’appel qui a estimé qu’une élève qui prenait un cours pour apprendre à maîtriser son véhicule ne pouvait pas se voir reprocher une faute de conduite. En excluant par principe la faute de l’élève conducteur et en déboutant la société Axa de son recours en contribution à la dette formé à l’encontre de la société Allianz, les juges du fond ont violé les articles L. 211-1 du Code des assurances ainsi que les articles 1240 et 1346 du Code civil, raison pour laquelle c’est un arrêt de cassation qui a été rendu. Toutefois cela n’entraine pas « cassation des chefs de dispositif condamnant la société Axa aux entiers dépens d’appel ». Néanmoins dans cette affaire la Cour de cassation a condamné la société Allianz aux dépens.
Pour aller plus loin,
Puisque l’élève installée sur la motocyclette de l’auto-école était seule à la piloter, elle en avait une maîtrise complète. Dès lors dans la mesure où elle avait la qualité de conductrice, lors de l’accident de son moniteur, sa responsabilité pouvait être recherchée, car il ne fallait pas affirmer comme l’ont fait les juges du fond qu’étant élève de l’auto-école qui prenait un cours de conduite aucune faute de conduite ne pouvait lui être reprochée. Effectivement elle avait bien été fautive.
En outre l’assureur de ces véhicules terrestres devait intervenir, raison pour laquelle on pouvait en déduire que la cour d’appel avait violé les articles L. 211-1 du Code des assurances ainsi que les articles 1240 et 1346 du Code civil, parce que les juges avaient noté que l’assureur du véhicule à l’origine de l’accident obligé d’indemniser la victime pouvait être déchargé de tout ou partie de cette dette d’indemnisation en exerçant une action récursoire contre l’assureur de l’auto-école, puisque la motocyclette avait commis le second dommage subi par la victime en précisant toutefois que c’était possible « uniquement en démontrant une faute du moniteur ou de l’auto-école ».
Comme cette élève avait bien la maîtrise de l’engin qu’elle pilotait, elle était conductrice puisque la qualité de conducteur est déterminée par le contrôle effectif du véhicule. Elle était donc responsable de la blessure causée sur la cheville du moniteur de l’établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres dont elle était membre, mais surtout l’assureur de son engin devait contribuer au dédommagement de la victime.
Il est important de rappeler que le conducteur d’un véhicule, même s’il s’agit d’une motocyclette est responsable des infractions qu’il commet lors de la conduite de cet engin. En outre, il n’est pas indispensable d’être propriétaire de ce véhicule, car il suffit d’en être le conducteur. Toutefois, il ne faut pas oublier de rappeler que le plus souvent lors d’un accident de conduite en auto-école c’est le moniteur qui est jugé responsable conformément aux dispositions du Code de assurances puisque l’élève en phase d’apprentissage est considéré comme un tiers, sachant que la personne qui prend des cours de conduite ne peut pas être responsable d’un accident de la route avec une voiture d’auto-école, même si c’est elle qui est au volant au moment de l’accident. Dans cette affaire, l’élève a bien été jugée fautive, même s’il est vrai qu’un accident de la route est une situation que redoutent de nombreux apprentis conducteurs durant leur formation. Lors de ce cours de conduite, le moniteur de conduite ne pouvait pas être tenu pour responsable puisque c’était lui la victime.