Claude LIENHARD
Avocat spécialisé de dommage corporel
Professeur émérite de l’Université de Haute-Alsace
Directeur honoraire du CERDACC
Décidément, l’actualité est riche pour la victimologie.
Au point d’y consacrer cet éditorial.
C’est d’abord l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire L. et autres contre la France en date du 24 avril 2025. (A LIRE )
La Cour a conclu à plusieurs violations de la Convention et jugé que les autorités d’enquête et les juridictions internes françaises avaient failli à protéger de manière adéquate des requérantes qui dénonçaient des actes de viol alors qu’elles n’étaient âgées que de treize, quatorze et seize ans au moment des faits (A LIRE).
Cette importante décision largement relayée par les médias est remarquable, car les juges de Strasbourg condamnent pour la première fois la France pour, « victimisation secondaire », c’est-à-dire un comportement humiliant envers les victimes dans le cadre de la procédure judiciaire. (A LIRE )
Ce qui est mis en évidence ici, c’est le traitement sexiste des plaintes pour viol, mais plus largement à l’évidence, les atteintes à la dignité des victimes.
L’impact de cette décision et de sa motivation est considérable, car la Cour européenne s’est emparée de la notion de victimisation secondaire de la Convention d’Istanbul du 11 mai 2021 et des directives de l’Union européenne.
L’arrêt va bien au-delà du cas d’espèce, il est signifiant erga omnes.
La France et l’institution judiciaire devront désormais anticiper de tels reproches et se prémunir de nouvelles mises en cause.
La notion de victimisation secondaire dans l’ordre interne est de nature à s’inscrire dans la responsabilité pour le fonctionnement défectueux du service public (article L141-1 du code de l’organisation judiciaire). A LIRE ICI
La France doit d’autant plus être attentive aux conséquences de cette condamnation au moment où le juge français Mathias Guyomar a été élu président de la CEDH, la victimologie doit être innervée de l’institution judiciaire, en termes de savoir et de savoir-faire, tout comme la criminologie.
Par un étrange concours de circonstances, mais qui ne relève peut-être pas du hasard, la victimisation secondaire s’est justement invitée sous la plume du tribunal correctionnel de Paris, qui a condamné, le 13 mai 2025 Gérard Depardieu des agressions sexuelles commises en 2021 sur le tournage d’un film.
Dans la motivation de la décision sur l’action civile, on relèvera que, « s’agissant des parties civiles, le tribunal considère qu’elles ont été exposées à une dureté excessive des débats de rencontre allant au-delà des contraintes et des désagréments strictement nécessaires à la manifestation de la vérité, au respect du principe du contradictoire et à l’exercice légitime des droits de la défense ».
C’est peu dire que cette motivation a suscité moultes commentaires et aussi des critiques et, a minima, fait l’objet de débats qui sont loin d’être clos.
La dynamique de la reconnaissance est lancée.
Et peut se résumer ainsi : la CEDH, Gérard et les autres….., à suivre……