Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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ENVIRONNEMENT, ETHIQUE ET CARE, COMPTE-RENDU, B. Rolland

Compte-rendu des 6èmes « Rendez-vous du risque », Mulhouse, 20 mars 2024

Le programme

Blandine Rolland

Professeur de droit à l’Université de Haute-Alsace

Directrice du CERDACC (UR 3992)

La 6ème édition des « Rendez-vous du risque » qui ont été initiés en 2019 par Dariusz Piatek et Julie Mattiussi, s’est tenue à Mulhouse, sur le Campus de la Fonderie, le mercredi 20 mars 2024. Pour cette édition, la direction scientifique revient à Dariusz Piatek et à Valentine Erné-Heintz. Le public est nombreux (étudiants, enseignants-chercheurs, avocats et professionnels). Une bonne partie est présente sur le Campus et les autres y assistent en visioconférence.

Valentine ERNE-HEINTZ (Professeure des Universités en Economie à l’Université de Haute-Alsace – CERDACC) présente un rapport introductif qui pose les termes et les enjeux du sujet. Elle fait appel à des auteurs variés (De Hans Jonas à Tronto, Papermann, Laugier) et relève les liens entre les questions environnementales et les approches éthiques ou dites de care.

Florence RUDOLF (Professeure de sociologie à l’INSA de Strasbourg) traite de « Care, développement durable et crise climatique ». Elle expose en profondeur les notions telles que le risque, l’aléa, la vulnérabilité, la résilience. « Le care est un essentialisme », apparu dans les années 1980. C’est une attention portée aux autres et apparaît comme une vertu plutôt féminine qui s’ancre dans les relations de soins et de maternage. Mais le « prendre soin » n’est pas exclusivement « genré » et peut se décliner dans des figures héroïques (le capitaine qui quitte le bateau en dernier). L’éthique du care est un rempart contre une stratégie de résilience à courte vue. En effet, elle permet de prendre soin de soi, des autres humains et non humains. On quitte la logique de la résistance dans un cadre territorial pour aller vers une stratégie de résilience en intégrant aussi les non humains et la nature.

Emilie GAILLARD (Maître de conférences en droit privé – HDR à l’Université de Nouvelle Calédonie) réfléchit ensuite sur l’« Ethique et droit(s) transgénérationnels : vers un retour aux sources du care ». Le care vient remplir un angle mort dans les relations inter-humaines en redonnant une vivacité à la dignité de la personne. Notamment, le care permet d’avoir une approche trans-générationnelle et d’assurer la prise en compte des générations futures. En outre, les savoirs ancestraux sont désormais considérés. On revient aux sources du care qui consiste à prendre soin de la terre avec le droit. Cela suppose une empathie de la vulnérabilité. Le care devient trans-spatial (il s’intéresse aux autres peuples du monde, aux peuples autochtones), trans-temporel (il s’intéresse aux générations futures et au temps long) et trans-espèces. Elle conclut en se demandant comment on peut assurer une transposition des lois de la nature qui sont immuables, à travers le droit.

Sandie LACROIX DE SOUSA (Maître de conférences en droit privé – HDR à l’Université d’Orléans) présente « La gestion des risques environnementaux par la personne morale : le succès en demi-teinte de la Convention judiciaire d’intérêt public environnementale ». Elle commence à brosser une large fresque de la prise en compte de l’environnement en droit des affaires, depuis la loi NRE de 2001 en matière de reporting des sociétés cotées, en passant par la loi PACTE et la consécration des enjeux environnementaux au cœur de la gestion des sociétés, et jusqu’aux directives récentes sur le reporting et la vigilance. Dans ce cadre, le care se rapproche de la compliance, entendue comme une dynamique et non comme une conformité pure et simple. Elle prend ensuite l’illustration de la convention judiciaire d’intérêt public environnementale créée en 2020. Elle déplore leur faible efficacité à travers les seize décisions dont on dispose.

Enfin Nathalie DION (Maître de conférences en droit privé – HDR à l’Université d’Orléans) aborde la question du care à travers « La vulnérabilité : point de vue ». Elle évoque le visage de diverses personnes fragiles ou vulnérables. La vulnérabilité des personnes est aménagée par des mesures de protection variées. Mais demain, la vulnérabilité peut s’exprimer aussi au regard du droit. On parlera ici de la vulnérabilité sociale mais aussi la vulnérabilité du vivant voire du risque d’un « futur vulnérable ».

Il revient ensuite à Blandine ROLLAND (Professeur de droit privé à l’UHA – Directrice du CERDACC (UR 3992)) de présenter un rapport conclusif. Après avoir remercié les intervenants, le public et les organisateurs, elle reprend les éléments essentiels du débat. Le care s’exprime sans doute d’une manière plus évidente à travers la question de la vulnérabilité des personnes voire des infrastructures. Mais cet après-midi a permis de prendre conscience que le care peut aussi présenter beaucoup de développements en matière environnementale en introduisant la notion de générations futures. Bien des champs restent encore à explorer, par exemple les liens entre care et responsabilité sociale des entreprises et des organisations.

Toutes ces interventions seront à retrouver in extenso dans le prochain numéro de RISEO !