INSTRUCTION DE L’ACCIDENT COLLECTIF DE PUISSEGUIN : RETOUR A LA CASE DEPART, M-F. Steinlé-Feuerbach

Marie-France STEINLE-FEUERBACH

Professeur émérite à l’Université de Haute-Alsace

Membre fondateur et Directeur honoraire du CERDACC (UR 3992)

 

Commentaire de CA Bordeaux, Chambre de l’instruction, 19 juin 2025, n° 2024/1602

 

Dix ans après que la violente collision d’un car de tourisme transportant 47 personnes d’un club du 3ème âge et leur accompagnatrice avec un ensemble routier à Puisseguin (Gironde) ait provoqué le décès de 43 personnes et des blessures à 8 passagers, l’arrêt d’appel rendu le 19 juin 2025 par la chambre de l’instruction de la cour de Bordeaux, statuant en chambre du conseil, met définitivement fin à l’instruction en estimant qu’il n’existe pas de  charges suffisantes à l’encontre des personnes mises en examen en exécution du supplément d’information précédemment ordonné.

 

Mots-clefs : accident collectif – autocar – camion – collision – expertises– incendie – mises en examen – homicides et blessures involontaires – réservoir d’essence additionnel

 

Les circonstances de ce tragique accident méritent d’être rappelées.

Le 23 octobre 2015 à 7h28, de nuit, dans une courbe sans réelle visibilité située dans un endroit boisé de la départementale D17, survint une violente collision entre un ensemble routier de transport de bois, constitué d’un tracteur de marque Iveco et sa remorque, avec un autocar Mercedes Benz, transportant 49 personnes. Au volant de l’ensemble routier se trouvait Cyril A., âgé de 31 ans, salarié et associé de la société de transport routier A. dirigée par son père, accompagné de son fils Théo, âgé de 3 ans. Cyril A. et son fils décèdent dans l’accident.

L’autocar était conduit à une allure modérée par David D., âgé de 39 ans, salarié de la société de transport public de voyageurs Vincent M. Alors qu’il entamait la courbe en descente, il avait vu arriver en sa direction, sur sa voie de circulation, un camion en portefeuille, il avait alors freiné et orienté son véhicule le plus à droite de sa voie de circulation. Si un choc frontal a ainsi pu être évité, le camion a cependant heurté la partie avant gauche de l’autocar au niveau de la cabine de pilotage alors que le bus était quasiment à l’arrêt.

Deux secondes après le choc, David D. avait entendu un bruit d’embrasement et avait vu des flammes surgir devant son pare-brise. Après avoir réussi à s’extraire de son poste de conduite, il avait déverrouillé les portes avant et centrales de son véhicule. Il avait réussi à mettre en sécurité plusieurs passagers et, avec l’aide d’un automobiliste, tenté d’évacuer d’autres passagers mais, en a été empêché par les fumées qui s’étaient rapidement répandues dans le car, faisant fondre le revêtement de son plafond.

Arrivés sur les lieux à 7h50, les secours ont dénombré 43 morts : outre Cyril A. et son fils, ainsi que 41 passagers de l’autocar regroupés devant la sortie centrale obstruée, intoxiqués par les fumées et cernés par les flammes. Les 8 rescapés ont subi selon l’intensité de leurs brûlures ou de leurs séquelles psychologiques, des taux d’incapacité de 10 à 120 jours.

Le parcours processuel par étapes de l’instruction de cette affaire (I) a trouvé son épilogue le 19 juin 2025, devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux statuant en chambre du conseil (II).

 

I.- Les étapes processuelles de l’instruction

Cette affaire qui mérite indéniablement la qualification d’accident collectif présentant avec cette catégorie de catastrophes « un dénominateur commun découlant d’une causalité complexe, qu’elle soit technique, scientifique ou humaine » (Lienhard (C.), « Pour un droit des catastrophes » : Recueil Dalloz 1995 p. 91) ainsi qu’une technicité qui peut se révéler déroutante pour les magistrats instructeurs. Ces caractéristiques ont justifié la création de pôles spécialisés, par la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles qui inséra un titre trente-troisième au sein du code de procédure pénale intitulé « De la procédure applicable en cas d’accident collectif » (L. n° 2011-1862, 13 déc. 2011, JO 14 déc. 2011 ; art. 706-176 et s. C. pr. pén. ; Gallois (A.), « Les juridictions pénales spécialisées en matière d’accidents collectifs » : Procédures n° 10, oct. 2011, alerte 46 ; Potaskin (T.), « La poursuite du processus de spécialisation de la justice pénale » : D. 2012. 452 ; Lacroix (C.), « Des pôles spécialisés dans les accidents collectifs » : JAC n° 119, déc. 2011). Il faudra pourtant attendre que la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée prévoit que les juridictions localement compétentes se voient dessaisies au profit des pôles, un nouvel article 43-1 étant inséré dans le code de procédure pénale aux termes duquel : « Lorsque le ministère public près le tribunal judiciaire dispose, en application du présent code, d’une compétence spécialisée et concurrente qui s’étend aux ressorts d’autres tribunaux judiciaires, spécialisés ou non, cette compétence s’exerce de façon prioritaire sur celle des parquets près ces tribunaux tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement. Lorsqu’il décide d’exercer sa compétence, les parquets près ces tribunaux se dessaisissent sans délai à son profit. » (Raschel (L.), « Réflexions sur les pôles accidents collectifs » : AJ Pénal 2020 p. 222 ; Lacroix (C.), « Accidents collectifs et catastrophes : des avancées sous le sapin de Noël » : JAC n° 203, janv. 2021 ).

A la date de l’accident de Puisseguin, la saisine des pôles n’était donc que facultative puisqu’elle ne s’effectuait qu’après un dialogue entre le parquet local et le pôle spécialisé compétent (Raschel (L.), « Le pôle accidents collectifs du parquet de Paris : quel traitement pénal pour les catastrophes ? » : D. 2019 p. 576). Le parquet de Libourne n’ayant pas souhaité se dessaisir de cette affaire, notamment à la demande des victimes, tant l’enquête que l’instruction ont été menées localement. Une information judiciaire était ouverte le 16 novembre 2015.

S’il n’y a eu aucun doute quant à la cause directe et immédiate de l’accident, à savoir la faute de conduite du chauffeur du camion, auteur direct de l’accident au sens de l’article 121-3 du code pénal, son décès mettait fin à l’action publique à son encontre. Se posait inévitablement la question d’autres auteurs potentiels, personnes physiques auteurs indirects ou personnes morales, susceptibles d’être mises en examen pour homicide et blessures involontaires.

Il apparaissait clairement que ce n’est pas la collision, en elle-même, qui a été fatale aux passagers décédés. Ainsi, selon le témoignage du chauffeur du car, David D., une passagère gisait hagarde sur le tableau de bord, et il avait réussi à l’évacuer après avoir aidé d’autres passagers à s’extraire. Il appartenait dès lors au juge d’instruction du tribunal judiciaire de Libourne de se prononcer sur l’existence d’autres causes potentielles en lien avec la catastrophe. Le 14 octobre 2021, il rendait une ordonnance de demande de rejet d’actes et de non-lieu (A) contre laquelle un appel a été formé, le même jour, par le procureur de la République, suivi par celui de parties civiles (victimes et leurs ayants droit ainsi que la Fédération Nationale de Transport des Voyageurs, la FENVAC, le Collectif des victimes de Puisseguin et la Ligue contre les violences routières). Par un arrêt du 2 mars 2023, la chambre de l’instruction a infirmé cette ordonnance, et avant-dire droit, a ordonné un supplément d’information (B).

 

A.- L’ordonnance de non-lieu du 14 octobre 2021

La première instruction a été jalonnée d’expertises relatives aux causes de l’incendie, né immédiatement après par le choc, celles-ci se concentrant principalement sur le rôle joué par un réservoir additionnel de gazole de marque Afhymat, d’une contenance de 375 litres, qui avait été installé sur le châssis derrière la cabine du tracteur IVECO, sans l’aval du constructeur, lequel n’autorisait pas la pose de réservoirs à carburant en dos de cabine. Pour le BEA-TT, « le réservoir additionnel du tracteur routier qui était installé au dos de la cabine de conduite (…), et qui s’est rompu sous le choc, a joué un rôle majeur dans le déclenchement de cet incendie. » Néanmoins, malgré des fautes relevées dans cette installation, le juge d’instruction, la jugeant conforme à la réglementation, en conclut « qu’aucune responsabilité ne saurait dès lors être engagée au titre de la conception de ce réservoir. »

Par ailleurs, s’agissant de l’autocar, les matériaux l’équipant ont conduit à la propagation rapide des fumées toxiques. Toutefois, le véhicule étant bien conforme à la règlementation alors en vigueur, aucune faute ne pouvait être reprochée à son constructeur.

Au terme de l’information judiciaire, cette première instruction a donc débouché sur un « non-lieu par élimination en cascade des causes » (Steinlé-Feuerbach (M.-F.) JAC n° 211, nov. 2021 ).

 

B.- L’arrêt du 2 mars 2023

L’arrêt du 19 juin 2025 reprend, point par point, le supplément d’information ordonné par l’arrêt du 2 mars 2023, qui avait infirmé l’ordonnance rendue le 14 octobre 2021 (Cf. Steinlé-Feuerbach (M.-F.), « Accident collectif de Puisseguin : nouvelles mises en examen et supplément d’information » : JAC n° 225, mars 2023). Ce supplément d’information, ainsi que les mises en examen pour homicide et blessures involontaires, est relatif à la fois au réservoir additionnel installé sur le camion et, à la demande des parties civiles, aux éventuels manquements fautifs du constructeur de l’autocar dans la conception du véhicule.

S’agissant du réservoir additionnel, Michel A., gérant de la société de transport routier A, est mis en examen pour avoir mis en circulation sur le tracteur loué à sa société, un réservoir qui n’a pas satisfait aux visites et épreuves auxquelles ces matériaux sont soumis en vertu de l’arrêté du 29 mai 2009 relatif à l’agrément des « emballages » destinés au transport des matières dangereuses par voie routière – dit arrêté « T.M.D. » révisé par un arrêté du 2 décembre 2014 et sanctionné par l’article L. 1252-5 2° du code des transports réprimant d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’« Utiliser ou mettre en circulation par voie aérienne, ferroviaire, routière ou fluviale des matériels aménagés pour le transport des marchandises dangereuses qui n’ont pas satisfait aux visites et épreuves auxquelles ces matériels sont soumis ».

Cet arrêté T.M.D. est à l’évidence le parfait exemple d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par le règlement. La mise en examen de Michel A. pour homicide et blessures d’imprudence est dès lors justifiée ainsi que celle de la S.A.R.L. A. dont il est le représentant, pour avoir utilisé et mis en circulation le tracteur IVECO avec ce réservoir additionnel.

Il en de même pour Pierre C. dirigeant du garage C. et concessionnaire de la marque IVECO, d’avoir validé une commande et fait installer le réservoir additionnel en dos de cabine du véhicule tracteur loué par sa société, en contradiction avec les préconisations du constructeur de la marque, et n’ayant pas satisfait aux exigences de l’arrêté « T.M.D. ». S’ensuit logiquement la mise en examen des personnes morales dont il est le dirigeant, les S.AS.U. « Garage C. », « L. P.- L.».

Un commercial de la SAS Garage C., Yann B., sera entendu en qualité de témoin assisté quant aux circonstances à l’origine du bon de commande pour la fabrication et l’installation du réservoir additionnel.

En ce qui concerne l’autocar, des compléments d’information ont trait au choix de l’implantation des réservoirs de carburant en position avant droite et gauche de l’autocar Mercedes Benz Tourismo, choix qui se trouve être contraire aux dispositions du règlement  ECE-ONU n° 34 relatif aux préconisations relatives à la prévention des risques d’incendie dans les véhicules terrestres avant son abrogation par la Directive 70/221/CE du 20 mars 1970, ainsi qu’à la conception et à l’aménagement des équipements intérieurs et au choix des matériaux employés (NB : la Directive 70/221/CE du 20 mars 1970 relative aux réservoirs de carburant liquide des véhicules à moteur, transposée en France par un arrêté du 26 décembre 1979, a fait l’objet de modifications portant adaptation au progrès technique. Le Règlement CE n° 661/2009 du 13 juillet 2009 concernant les prescriptions pour l’homologation relatives à la sécurité générale des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, composants et entités techniques distinctes qui leur sont destinés (JOUE  31 juill. 2009) prévoit l’abrogation de la Directive au 1er novembre 2014).

Par ailleurs, se pose la question de l’application à l’époque de la conception et de la réception de l’autocar du dispositif anti-encastrement « Front Collision Guard » ayant pour objet de réduire les déformations de structure en cas de collision frontale.

Pour ce faire, toutes investigations utiles sont diligentées auprès de la société « EvoBus France », représentant en France de la société allemande du Groupe Daimler, afin de déterminer avec certitude la date de conception et le site d’assemblage du prototype du véhicule, l’énumération des essais auquel il a été soumis avant son homologation en respect des dispositions réglementaires nationales ou communautaires alors applicables. Il s’agit aussi de déterminer le pays de fabrication du véhicule impliqué dans l’accident.

S’ajoutent à ces différents points des questionnements de nature strictement juridique, quant à la législation allemande.

 

II.- Suite et fin de l’instruction devant la chambre de Bordeaux

Le supplément d’information demandé par l’arrêt du 2 mars 2024 est parvenu l’année suivante à la chambre de l’instruction. Selon l’arrêt de 2025, « Les expertises diligentées ont mis en évidence que la faute de conduite de Cyril A. a été la cause certaine, directe et immédiate de l’accident, ce qui n’est contesté par aucune des parties appelantes. Le débat juridique se porte désormais sur la caractérisation d’une responsabilité pouvant découler d’une faute indirectement en lien avec le dommage, ayant créé ou contribué à créer la situation dommageable : le fait générateur de l’incendie des véhicules, et celui de la propagation des fumées toxiques ».

En ce qui concerne les charges relatives à Michel A., Pierre C. et les sociétés qu’ils représentent, le supplément d’information n’a pas modifié la position du parquet, ni celle de la chambre de l’instruction. En revanche, s’agissant de l’autocar, à la fois le parquet et la chambre de l’instruction ont été convaincus de l’inutilité d’une mise en examen.

 

A.- L’ajout du réservoir additionnel du camion

Dans ses réquisitions, le parquet général reprend son argumentation et retient la responsabilité de Michel A., Pierre C. et des sociétés qu’ils représentent en précisant que ce n’est pas le réservoir additionnel, homologué ou non, qui est en cause, mais le lieu de son installation en lien de causalité indirecte avec le dommage. Il rappelle que le montage « dos arrière cabine » est contraire à la réglementation et ordonne le renvoi devant le tribunal correctionnel de Libourne.

Afin de confirmer le lien de causalité entre le positionnement du réservoir et les dommages, il fallait cependant savoir si la rupture du réservoir avait participé au déclenchement de l’incendie et aux très hautes températures qu’il a dégagées ou encore s’il avait aggravé la propagation de l’incendie dans les minutes qui ont suivi le départ de feu.

Le complément d’expertise consistant en 21 simulations, 18 de 2mn et 3 de 5mn, révèle que « toutes on établit qu’au regard des quantités de carburant présentes dans les réservoirs Mercedes et additionnel Afhymat, le réservoir additionnel n’a pas eu un impact significatif sur les effets de l’incendie subi par les passagers de l’autocar dans les premiers instants qui ont suivi la collision des deux véhicules. »

La chambre de l’instruction reprend la totalité de la réponse des experts selon laquelle « dans tous les cas simulés, des conditions totalement incompatibles avec l’évacuation des passagers et à leur survie dans l’habitacle de l’autocar sont atteintes en moins d’une minute. Elles peuvent avoir des intensités différentes, mais elles ont pu néanmoins être atteintes avec l’inflammation du seul carburant contenu dans les réservoirs de l’autocar Mercedes, à savoir au moins dans un premier temps : 167 litres.

L’emballement de l’incendie en termes de prises de feu successives, des éléments constitutifs de celui-ci, n’intervient qu’après un délai supérieur aux 120 secondes des premières 18 simulations considérées. Cet emballement de l’incendie, qui est alors le résultat de la combustion du carburant répandu sur la chaussée par les deux véhicules et donc nettement postérieur au dépassement des conditions de tenabilité au sein de l’autocar. »

Cette analyse est confortée par les témoignages des rescapés.

L’arrêt précise encore qu’à l’époque de l’ajout du réservoir ne faisait pas partie des modifications structurelles, ce n’est qu’à partir de 2022 que des directives ont été données par la société Iveco, ajoutant l’adjonction d’un réservoir additionnel comme élément nécessaire à porter à sa connaissance.

Dès lors, aucune faute pénale ne peut être retenue, ni dans le choix de l’emplacement, ni dans la conception et la structure du réservoir additionnel. L’arrêt du 19 juin 2025 confirme le non-lieu à suivre à l’égard des personnes mises en examen.

 

B.- La conformité de l’autocar confirmée

Selon le témoignage du responsable du service de développement et en particulier du service des essais au sein de la société Evobus Gmbh, le prototype Mercedes Benz Tourismo a été soumis à une cinquantaine de tests d’homologation. Les réservoirs en particulier ont fait l’objet d’une série de tests selon les textes en vigueur au moment de la mise en circulation du véhicule. L’emplacement du réservoir va au-delà des exigences de la directive 70/221/CE. Les équipements intérieurs correspondent tous au règlement 118/CE/ONU, lequel n’est par ailleurs pas applicable au véhicule accidenté. Sur le dispositif anti-encastrement, celui-ci est uniquement destiné à protéger le conducteur en cas de choc frontal.

Dans ses réquisitions du 10 avril 2025, le parquet général, en ce qui concerne le constructeur de l’autocar, requiert la confirmation du non-lieu, car l’information judicaire a établi que le véhicule, mis en circulation le 13 janvier 2011, n’a subi aucune modification depuis et qu’il a été certifié en sortie d’usine en 2010. Il était conforme à toutes les normes édictées par l’arrêté du 2 juillet 1982. Le parquet général estime que « les investigations entreprises n’ont pas établi de faute de négligence ou d’imprudence dans le choix des matériaux par rapport aux prescriptions réglementaires qui constituent les diligences normales à effectuer de la part du constructeur de l’autocar ». Il ajoute que les dispositifs d’évacuation des passagers étaient bien présents, mais peu utilisables en raison de la localisation du foyer primaire de l’incendie et de l’âge des passagers.

Avant de se prononcer sur la faute indirectement en lien avec le dommage, ayant créé ou contribué à créer la situation dommageable relevant d’un manquement reproché à la société EvoBus GmbH, devenue Daimler Bus GmbH, une obligation de sécurité ou de la délivrance d’un produit défectueux, le présent arrêt donne une leçon de droit en rappelant que « Certes, l’exacte observation de la réglementation applicable à une activité n’épuise pas le devoir de prévoyance et de précaution des décideurs au sens des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, mais toutefois il est nécessaire de démontrer l’existence de fautes d’imprudence ou de négligence, lesquelles s’apprécient en fonction des diligences normales à effectuer et ne s’assignent pas la faute civile. La loi du 10 juillet 2000 ayant à ce titre clairement dissocié les deux fautes.» (Steinlé-Feuerbach (M.-F.) « Faute civile et faute pénale : les compléments apportés par la Cour de cassation à la loi du 10 juillet 2000 (Civ. 1ère, 30 janv. 2001» :  JAC n° 13, avril 2001 ).

Il estime qu’en ce qui concerne l’emplacement du réservoir, la société est allée au double de ce qui était préconisé. En ce qui concerne la force de l’impact et ses effets sur la résistance des réservoirs, la reconstitution de la collision démontre qu’il ne s’agissait pas d’un simple accrochage, mais d’un choc violent dont les données particulières ne pouvaient pas être intégrées dans les tests et essais effectués par le constructeur.

Par ailleurs, les diligences normales ont bien été respectées : « les investigations entreprises n’ont pas établi de faute de négligence ou d’imprudence dans le choix des matériaux d’autocar par rapport aux prescriptions réglementaires qui constituent les diligences normales à effectuer de la part du constructeur d’autocar, si bien qu’aucune faute d’imprudence ou de négligence ne peut être reprochée au constructeur sur ce point. »

Au final, « Il ressort de la procédure, du supplément d’information et des explications des parties qu’aucune faute simple ou qualifiée tant dans le choix de la conception et de l’emplacement des réservoirs sur l’autocar, que dans celui de ses revêtements intérieurs et de ses équipements ne peut être reprochée au constructeur. Aucune charge suffisante ne pouvant être retenue à son encontre. »

L’arrêt du 19 juin 2025 décide en conséquence qu’il convient de confirmer l’ordonnance de non-lieu à suivre.

En conclusion, la chambre de l’instruction, statuant en chambre du conseil, « dit qu’il n’existe pas de charges suffisantes à l’encontre des personnes mises en examen en exécution du supplément d’information d’avoir commis les faits, objet de l’information judiciaire. »

Comme il fallait s’y attendre, le collectif des victimes a annoncé un pourvoi en cassation, on rappellera que sont aussi intervenues, aux côtés des victimes, la Ligue contre la violence routière ainsi que la FENVAC.

La recevabilité des pourvois formés par les parties civiles en cas d’arrêt de non-lieu émanant de la chambre de l’instruction, longtemps refusée (Lacroix (C.), « L’accès à la chambre criminelle de la Cour de cassation par les parties civiles : de la nécessité de modifier l’article 575 du Code de procédure pénale » :  Dr. pén. fév. 2007, Étude 2) est permise depuis l’abrogation de l’article 575 du code de procédure pénale (QPC 23 juillet 2010, Lacroix (C.), « Les parties civiles à l’assaut de la chambre criminelle de la Cour de cassation » :  D. 2010, n°34).

Reste à souhaiter que la juridiction suprême soit à même d’apprécier dans un océan de technicité et complexité, l’essentiel des qualifications pénales en cause.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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