Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

Non classé

VERS UNE NOUVELLE PRÉVENTION DES RISQUES LIÉS AUX BRUITS, I. Corpart

Isabelle CORPART,

Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace

Membre du CERDACC

Commentaire de la proposition de loi n° 919 visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés par Madame Nathalie Delattre, au Sénat le 4 septembre 2023.

Mots clés : risques liés aux bruits – bruits de voisinage – perturbations sonores – troubles auditifs – sports mécaniques.

Beaucoup de règlementations visant les bruits de voisinage ont déjà été mises en place car de nombreuses personnes souffrent d’être confrontées à des perturbations sonores et il est essentiel de réduire ces risques. Il peut y avoir du bruit en lien avec des entreprises, des chantiers, des déplacements automobiles, des livraisons, des activités sportives, des évènements au cœur des familles, des fêtes et en particulier celles de Noël. En effet en 2021, en Suisse, une personne a eu des difficultés avec ses voisins car ils ont porté plainte contre elle parce qu’elle avait allumé ses décorations de Noël trop tôt (site bienpublic.com, 23 nov. 2021). Précisément, dans cette commune du Nord de la Suisse, il est interdit d’illuminer sa maison avant le premier jour de l’Avent ni après le 6 janvier. Tel n’est pas le cas en France mais il faut veiller à ne pas démarrer dans sa cour des musiques de Noël de manière trop forte car trop de bruit peut conduire à des actions pour troubles du voisinage et nuisances sonores. De même le soir du réveillon on peut être condamné pour tapage nocturne. Il faut toutefois que les forces de l’ordre constatent que les bruits sont soit répétitifs, soit intensifs, soit durables dans le temps.

Un guide d’informations pratiques a aussi été réalisé en 2021 par le Centre d’information sur le bruit (CidB) avec le soutien du ministère des Solidarités et de la Santé en vue d’aider les maires et les collectivités à bien gérer les bruits de voisinage (https://guide-sons-amplifies.bruit.fr/ ). Le maire doit en effet être soutenu car, au titre de ses pouvoirs de police, il est le principal acteur de la maîtrise des bruits de voisinage, pilier de la lutte contre les nuisances sonores. Il doit veiller à ce que l’occupation des immeubles soit paisible, que les lieux diffusant des sons amplifiés soient contrôlés et qu’il n’y ait pas de tapage nocturne. Il est compétent pour « réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique » (CGCT, art. L. 2212-2).

Améliorer la lutte contre le bruit permet de mieux prévenir les risques. Sanctionner les auteurs de bruits de comportement, d’activités ou de chantiers permet aussi de réduire le nombre de personnes victimes de ces troubles.

Beaucoup de personnes se déclarent gênées par le bruit, ce désagrément pouvant entraîner du stress et conduire à des problèmes de santé portant atteinte à la qualité de vie. Il est vrai que les niveaux sonores élevés ont des effets parfois redoutables sur le système auditif. Les nuisances sonores peuvent déclencher un état de stress qui entraîne rapidement une augmentation du rythme cardiaque et de la tension artérielle, voire des troubles gastro-intestinaux. Il est donc essentiel d’éviter que le bruit s’installe car il peut porter atteinte à la santé des habitants et il perturbe la tranquillité publique.

Les bruits de voisinage ne visent toutefois pas l’ensemble des bruits produits par les voisins car conformément à l’article R. 1336-4 du Code de la santé publique, il s’agit de tous les bruits et nuisances sonores ne faisant pas l’objet d’une réglementation spécifique. Selon cet article, « Les dispositions des articles R. 1336-5 à R. 1336-11 s’appliquent à tous les bruits de voisinage à l’exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent, des aéronefs, des activités et installations particulières de la défense nationale, des installations nucléaires de base, des installations classées pour la protection de l’environnement ainsi que des ouvrages des réseaux publics et privés de transport et de distribution de l’énergie électrique soumis à la réglementation prévue à l’article 19 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie. Lorsqu’ils proviennent de leur propre activité ou de leurs propres installations, sont également exclus les bruits perçus à l’intérieur des mines, des carrières, de leurs dépendances et des établissements mentionnés aux articles L. 4111-1 et L. 4111-3 du code du travail à l’exclusion de ceux exerçant une activité définie à l’article R. 1336-1 ». On parle de bruits de voisinage en cas de bruits liés au comportement d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité (CSP, art. R. 1336-5) ou provenant de certaines activités professionnelles, sportives, culturelles ou de loisir (CSP, art. R. 1336-6 à 9) ainsi que de chantiers (CSP, art. R. 1336-10).

Pour faire avancer les choses, l’arrêté du 17 avril 2023 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés pris en application des articles R. 1336-1 à R. 1336-16 du code de la santé publique et des articles R. 571-25 à R. 571-27 du code de l’environnement (Arrêté NOR : TREP2211743A, JO, 26 avr. 2023) a été adopté pour mettre en application le décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés (JO, 9 août 2023), texte qui a complété la réglementation sur le bruit de voisinage et le bruit des activités par de nouvelles exigences concernant les activités utilisant des sons amplifiés. Cet arrêté qui précise les modalités de protection de l’audition du public dans les lieux diffusant des sons amplifiés à des niveaux sonores élevé tente de réduire les risques auditifs. Dans le but de prévenir les risques liés aux bruits, il a notamment renforcé les exigences pour les lieux de musique amplifiés et les festivals. Il a été prévu en outre que pour tout lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, accueillant à titre habituel des activités de diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés, une étude d’impact des nuisances sonores (EINS), dont il fixe le contenu, doit être établie en tenant compte des conditions représentatives du fonctionnement du lieu concerné et de l’installation de sonorisation.

Afin de mieux protéger les populations contre les risques liés aux bruits générés par l’ensemble des activités humaines et plus particulièrement contre les nuisances sonores produites par des comportements souvent illicites et agressifs, une nouvelle proposition de loi a été déposée au Sénat, le 4 septembre 2023, sous le numéro 919 (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-919.html). Il en ressort que le décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits a fait basculer l’ensemble des activités des sports mécaniques dans le droit commun des simples bruits de voisinage et qu’il était jugé important de réaménager les règles qui régissent, en la matière, les fédérations de sports mécaniques et les gérants des circuits automobiles. Il a effectivement été noté dans l’exposé des motifs de la proposition de loi que « les fédérations sportives délégataires (Fédération Française de Motocyclisme et Fédération Française du Sport Automobile) représentant le groupement des sports mécaniques sont extrêmement préoccupées de l’insécurité juridique dans laquelle a été placée leur filière suite à la prise de ce décret ».

Si la protection des populations contre les risques liés aux bruits générés par l’ensemble des activités humaines est essentielle, la proposition de loi vise les acteurs des sports mécaniques car il ressort de l’article L. 131-16 du Code du sport que les fédérations sportives ont bien le pouvoir d’édicter les règles techniques relatives à leur discipline. Elles ont toutefois été visées par le décret qui dans le but de préserver la tranquillité du voisinage a imposé aux évènements sportifs de sports mécaniques de se conformer aux règles prévues par l’article R. 1336-6 du Code de la santé publique lequel fixe d’importantes limites en matière de bruit. Les sports mécaniques ayant été placés dans le droit commun des bruits de voisinage, cela les soumet à un dispositif d’infractions pénales plaçant de nombreux circuits et activités dans l’incapacité de respecter la règle. L’auteur de la proposition de loi a relevé que « les circuits de sport mécanique se trouvent soumis à des règles disproportionnées, voire parfois inapplicables, les fragilisant juridiquement et mettant en péril l’avenir des sports mécaniques en France ». Certes il importe de limiter les risques liés aux bruits mais il sera dommage que la tradition française forte dans les sports mécaniques disparaisse, d’autant que les sports mécaniques sont « un terrain propice à l’innovation technologique ».

En vue d’assurer la pérennité des activités de sports mécaniques et de leur écosystème, la proposition de loi n° 919 visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés envisage de compléter l’article L. 571-6 du Code de l’environnement, qui prévoit que les activités bruyantes peuvent être soumises à des prescriptions générales, voire à une procédure d’autorisation. Elle propose d’ajouter l’article L. 566-6-1 mentionnant que « Par dérogation à l’article L. 571-6, les sports mécaniques sont soumis à des prescriptions particulières permettant de concilier la pratique de ces activités sportives avec la protection de la tranquillité du voisinage et de la santé humaine » et qu’un « décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale d’examen des circuits de vitesse, précise les modalités d’application du présent article, en particulier les valeurs limites pouvant être atteintes par l’émergence du bruit issu des activités de sports mécaniques ainsi que les mesures de prévention des risques pour la santé humaine ».

Certes il importe de protéger la tranquillité publique dans le cadre des perturbations sonores, mais il faut concilier la pratique de certaines activités avec les mesures à prendre pour lutter contre les bruits et tenter de réduire les risques encourus en luttant contre les nuisances sonores. En effet, s’il est vrai que le bruit constitue une nuisance très présente dans la vie quotidienne des français et les troubles auditifs peuvent avoir de lourdes retombées mais il peut aussi y avoir des risques à censurer ou bloquer des activités auxquelles participent les habitants ou dont ils profitent.