Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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RESPONSABILITÉ EN CAS DE CHUTE DANS UN PARC DE STATIONNEMENT, I. Corpart

Isabelle Corpart

Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace

Membre du CERDACC

Commentaire de Cass. 2e civ., 21 décembre 2023, n° 21-22.239

Mots-clés : Chute – Demande d’indemnisation – Parking – Responsabilité contractuelle ou extracontractuelle – Véhicule terrestre à moteur – Victime –

Les conducteurs ne sont pas à l’abri d’un accident ou d’un accrochage avec un autre véhicule, même dans un parking. Il en va aussi pour les personnes qui étaient installées dans leur voiture. Dans cette affaire, un passager a été victime d’un accident dans un parc de stationnement parce que la victime a chuté. Mais la responsabilité de l’exploitant du parking n’a pas été engagée par les juges du fond. Le 21 décembre 2023, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Bastia, les juges ayant débouté de sa demande d’indemnisation la personne qui était tombée alors qu’elle marchait dans un parc de stationnement souterrain.

Pour se repérer

Alors qu’elle marchait dans un parc de stationnement souterrain, après être sortie d’une voiture garée à cet endroit, une femme est tombée et s’est gravement blessée. Pour être indemnisée, elle a assigné en responsabilité l’exploitant du parking ainsi que son assureur, mais elle a été déboutée de ses demandes liées à sa chute par la cour d’appel de Bastia du 7 juillet 2021 (n° 19/01065) parce que ce n’était pas elle qui conduisait le véhicule qui avait été stationné sur ce parking.

En effet, il n’y a de contrat qu’entre l’exploitant et le conducteur de la voiture garée. Toutefois en tant que passagère de ce véhicule, la demanderesse a bien été piétonne utilisatrice de ce parc de stationnement, raison pour laquelle elle estime que la responsabilité de l’exploitant des lieux doit être reconnue, si bien qu’elle s’est pourvue en cassation pour obtenir une indemnisation.

Pour aller à l’essentiel

Par un arrêt de la 2ème chambre civile, rendu le 21 décembre 2023 (https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048769024?init=true&page=1&query=21-22.239&searchField=ALL&tab_selection=all Pourvoi n° 21-22.239, FS-B : D. 2024 p. 8 ; BERLAUD (C.) « Chute dans un parking : nature de la responsabilité et effet de l’application de la jurisprudence nouvelle » : Gaz. Pal. 16 janv. 2024 p. 34), les juges de la Cour de cassation ont engagé la responsabilité de l’exploitant du parking, en l’occurrence de la société qui a mis à disposition un espace pour que les véhicules puissent être stationnés. Ils ont dès lors censuré l’arrêt d’appel parce que les juges du fond ont mal tenu compte de la nature de la responsabilité de cet exploitant. Les juges de la cour d’appel ont eu tort de débouter la demanderesse de sa demande d’indemnisation. En effet, il est indispensable que toute victime soit prise en compte en cas de chute survenue sur ce parking et que la responsabilité de la société soit engagée. Il faut toutefois opérer des distinctions entre la mise en œuvre de la responsabilité civile contractuelle lorsque c’est le conducteur qui est victime car c’est lui qui a contracté avec l’exploitant du parc de stationnement et l’application de la responsabilité extracontractuelle pour toute victime tiers par rapport à ce contrat de stationnement, ce qui est le cas pour les passagers de la voiture garée sur le parking.

Dès lors, pour le conducteur du véhicule on peut engager la responsabilité contractuelle (chute due à de l’huile sur le sol d’un conducteur qui marchait sur le parking pour retourner s’installer dans sa voiture : Cass. 1re civ., 5 février 2020, n° 18-25.625, mais dans cette affaire l’exploitant n’a pas été jugé responsable car il n’a pas commis de faute). Pour ses passagers, la responsabilité extracontractuelle prévaut ce que les juges du fond n’ont pas fait en l’espèce, raison pour laquelle ils ont été censurés par la deuxième chambre de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 décembre 2023 (n° 21-22239).

En effet, la responsabilité de l’exploitant du parking doit être retenue pour tout piéton qui s’est blessé en tombant sur place et, dans cette affaire, le fondement de l’action de la passagère qui est tombée et s’est blessée est de nature extracontractuelle si bien qu’elle doit être indemnisée.

Pour aller plus loin

Sur un parking, tous les piétons qui sortent d’un véhicule qui se gare doivent être protégés et soutenus en cas de chute, de même que ceux qui se déplacent sur le terrain pour revenir ensuite s’installer dans leur voiture. Toutefois, il importe de préciser la nature de la responsabilité de la société qui exploite le parc de stationnement. Selon les cas, cette responsabilité peut être contractuelle ou extracontractuelle.

Dans cette affaire, les juges ont confirmé la protection de l’ensemble des piétons qui se déplacent sur un parking après être sortis de la voiture stationnée en ce lieu. En effet, la société qui gère le parc de stationnement doit s’assurer que tous les piétons qui sont arrivés en voiture puissent profiter ensuite de voies de circulation non dangereuses dans cet espace. Il faut surtout noter qu’il ne s’agit pas uniquement des conducteurs, personnes qui ont conclu un contrat avec la société pour se garer mais aussi des passagers du véhicule. Puisque ces derniers sont des tiers au contrat de stationnement, il convient alors de mettre en application le régime de responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle et non pas contractuelle.

Il fallait donc que les juges du fond appliquent soit l’article 1231-1 du Code civil (ancien article 1147 du Code civil) soit les articles 1240, 1241 et 1242 du présent code publiés (anciens articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil). Tous ces textes peuvent conduire à la mise en œuvre de la responsabilité de l’exploitant du parc de stationnement sur lequel une personne a été victime d’une chute après être sortie de la voiture qui a été garée. En conséquence, ce ne sont pas seulement les conducteurs qui peuvent être indemnisés mais aussi les personnes considérées comme des tiers au contrat de stationnement, à savoir les personnes qui étaient installées dans le véhicule garé.

En effet, la société qui a installé un espace de stationnement doit bien organiser les voies de circulation sur ce terrain afin de protéger l’ensemble des piétons qui étaient installés dans le véhicule parqué, à savoir les passagers de même que les chauffeurs. L’exploitant est soumis à une obligation de sécurité pour les personnes qui ont contracté avec lui, raison pour laquelle la victime conductrice d’un véhicule peut utiliser la voie de la responsabilité civile contractuelle. Cependant ce n’est pas parce que ses passagers ne sont pas concernés par cette obligation et qu’ils ne peuvent donc pas agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle, qu’il faut les priver d’une indemnisation. Dans cette affaire, il fallait donc utiliser la piste juridique de la responsabilité extracontractuelle puisque la victime est un tiers au contrat de stationnement, mais qu’il n’est pas pertinent de la priver du droit à un procès équitable.

Un renvoi a été fait par la Cour de cassation à la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui va probablement prendre en compte la chute de la demanderesse puisque la mise à disposition d’un espace de stationnement doit prévoir une bonne organisation des voies de circulation pour tous les piétons ayant quitté leur voiture. Si ces piétons se blessent car ils sont victimes d’une chute sur ce terrain et qu’il ne s’agit pas des conducteurs, il faut leur accorder le droit de bénéficier de la responsabilité extracontractuelle de l’exploitant. En l’espèce, la femme qui a chuté est un tiers par rapport au contrat puisque ce n’est pas elle qui conduisait le véhicule, mais qui était passagère, raison pour laquelle elle ne peut pas utiliser la voie de la responsabilité civile contractuelle. Toutefois il serait injuste et contraire à la loi de ne pas lui accorder de dommages et intérêts sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle.

Cette affaire permet de rappeler que les victimes d’une chute sur un parking se voient soumettre des régimes de responsabilité différents selon qu’elles conduisent ou non le véhicule garé, mais que les risques encourus doivent être pris en considération pour toutes ces personnes.

La responsabilité du gestionnaire de ce parking est donc envisageable distinctement pour les conducteurs et les passagers, toutes les victimes d’accidents corporels devant néanmoins être protégées et percevoir des dommages et intérêts quand leur chute a été provoquée par l’installation du parc de stationnement.