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Par les étudiants du Master 2 de Droit, parcours « Professions Juridiques et Judiciaires » de l’Université de Haute-Alsace
Sophie HILDENBRAND et Silvain VERNAZ, organisateur de la conférence
La prescription de l’action publique est différente de la prescription de la peine. La prescription de l’action publique empêche les poursuites pénales après l’écoulement d’un certain délai. Elle est prévue par l’article 6 du Code de procédure pénale. La prescription n’est pas une institution neutre, la notion de risques lui est consubstantielle. Le risque désigne la probabilité de survenance d’un fait considéré comme un mal ou un dommage. La prescription est un outil de politique criminelle et un outil de (dé)criminalisation, de sorte qu’il faut trouver un équilibre entre risque d’excès de clémence et risque d’excès de sévérité.
I. – La prescription et le risque d’impunité
La prescription de l’action publique provient du droit romain et a été consacrée en droit français avec la Révolution française. Jusqu’en 2017, la prescription était de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits, 1 an pour les contraventions. Le délai court à compter de la commission de l’infraction.
Plusieurs arguments expliquent l’acceptation du législateur de laisser impunis certains auteurs du fait du simple passage du temps.
A- Les fondements subjectifs
Les fondements subjectifs qui expliquent la prescription trouvent leur origine dans l’auteur de l’infraction. On considérait que l’auteur vivait déjà dans la peur d’être poursuivi, sans doute submergé de remords et que le temps était de nature à l’amender. Ici, la prescription a un effet de prévention générale négatif.
B- Les fondements procéduraux
S’agissant des fondements procéduraux, la prescription permettrait de surmonter les difficultés concernant la perte de la preuve au fur et à mesure du temps. La culpabilité serait plus compliquée à prouver avec le temps pour le ministère public. Ainsi, avec le temps il y aurait une augmentation du risque d’erreur judiciaire. La prescription est un mécanisme de régulation de la procédure pénale : sanction de la négligence des autorités de poursuites et permet d’accélérer la procédure. Elle garantit l’économie de la procédure, les autorités pourraient se concentrer sur les infractions les plus graves.
C- Les fondements sociologiques
Enfin, des arguments sociologiques peuvent être soulevés. Avec le temps, l’infraction est oubliée et donc il n’y aurait plus de raison de poursuivre l’auteur. Poursuivre l’auteur au-delà de la prescription reviendrait ainsi à rompre la paix sociale.
Ainsi, ces justifications ont longtemps expliqué l’existence de règles favorables au mis en cause et ont largement contribué à faire de la prescription de l’action publique un facteur d’impunité. On considérait que les aspects positifs de la prescription justifiaient ce risque mais ce paradigme a évolué au cours du XX ème siècle.
II. – La prescription et le risque de sa disparition
Au cours du XXème siècle, la prescription a connu de nombreuses métamorphoses. Ce n’est plus un outil de clémence, elle devient un outil au service de la répression. De nombreux mécanismes réduisant son effet sont mis en place. Le cumul de ces nombreux mécanismes permet de montrer que la prescription est en danger.
A. – Les mécanismes permettant l’allongement de la prescription
En 1964, les crimes contre l’humanité commis durant la deuxième guerre mondiale deviennent imprescriptibles. En 1994, cette imprescriptibilité concerne désormais tous les crimes contre l’humanité.
La réforme des délais de prescription de 2007 a largement étendu les délais de prescription de droit commun. De plus, de nombreux délais spéciaux ont vu le jour au fur et à mesure et rendent complexe la lisibilité du droit. Selon la lettre de l’article, la règle est toujours la même : la commission de l’infraction. Cependant, des exceptions sont nées. Ainsi, pour les infractions commises sur les mineurs, le point de départ commence à courir seulement aux 18 ans de la victime.
Ensuite, la jurisprudence a créé la théorie des infractions clandestines, qui permet de reporter le point de départ de la prescription au jour où elle est découverte et qu’ainsi l’action publique peut se déclencher. Le juge a élargi la liste des actes qui permettent l’interruption du délai de prescription, notamment les actes d’enquête. La suspension de la prescription est une création de la jurisprudence qui permet le gel de la prescription lorsqu’un obstacle empêche les poursuites et l’enquête.
Dans le cadre des infractions sexuelles commises sur des mineurs, lorsqu’une première infraction est couverte par la prescription, la découverte d’une deuxième infraction non-prescrite permet de faire lever la prescription qui pèse sur la première infraction.
Par ces différents mécanismes, si la prescription n’est pas atteinte en droit, elle risque une disparition dans les faits.
B. – Comment expliquer le risque de disparition de la prescription ?
Les différents fondements traditionnels évoqués précédemment ont perdu de leur valeur.
On ne peut pas compter uniquement sur le temps qui passe pour espérer le rachat d’un individu. Au contraire, l’absence de réponse pénale peut le conforter dans son schéma criminel.
Tous les fondements procéduraux ont perdu de leur vigueur. En effet, toutes les preuves ne s’effacent pas avec le temps, certaines, au contraire, apparaissent avec l’écoulement du temps. De même, la mémoire ne s’efface pas automatiquement avec le temps. Les différentes avancées technologiques ont beaucoup battu en brèche ces fondements.
Enfin, l’argument du pardon est moins accepté par la société. De même, l’oubli n’est plus possible. Avec le développement des politiques criminelles sécuritaires, la prescription apparait plus comme une atteinte à l’ordre public qu’une protection de cet ordre.
III. – L’équilibre des risques : pour un renouveau de la prescription
Face à ce constat du risque de la disparition de la prescription, il est nécessaire de parvenir à trouver un équilibre entre clémence et sévérité. Pour ce faire, il convient de se baser sur une théorie de droit allemand.
Deux approches peuvent être mises en avant : une approche matérielle et une approche procédurale. L’approche matérielle de la prescription inspirée du droit allemand se fonde sur l’idée d’une baisse de l’intensité de l’illicéité de l’infraction au fil du temps. Cette approche n’étant pas suffisante, la théorie a été complétée par une approche procédurale permettant de trouver le quantum idéal de prescription. La prescription permet de porter plus rapidement connaissance aux autorités des infractions qui ont été commises afin que les auteurs soient jugés dans un délai raisonnable. Par ailleurs, pour certaines infractions graves il paraît nécessaire que la prescription soit infinie car la décroissance de l’illicéité ne peut pas être assez faible pour que la prescription s’impose.
Des propositions de réforme de la prescription peuvent être mises en avant. Cette réforme permettrait de trouver un équilibre entre le risque d’impunité que créé la prescription et le risque de la disparition complète de la prescription.