Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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BRÈVES, N. Arbousset

Nathalie Arbousset

Ingénieur d’études au CERDACC

Le service Copernicus de l’Union Eurpéenne sur le changement climatique a publié le 22 avril 2024, conjointement avec l’Organisation météorologique mondiale des Nations unies, le rapport annuel sur l’état du climat en Europe. Se lon le site de cet organisme, le Service Copernicus concernant le changement climatique (C3S) aide la société en fournissant des informations faisant foi sur le climat passé, présent et futur en Europe et dans le reste du monde. Il est l’un des six services d’informations thématiques fournis par le programme d’observation de la terre Copernicus de l’Union européenne (https://www.copernicus.eu/fr/services/changement-climatique).

L’année 2023 a été très contrastée en Europe, avec des sécheresses et des inondations exceptionnelles. En effet, on a connu des températures supérieures à la moyenne 11 mois sur 12, des mers et des océans dont les températures ne cessent d’augmenter, des incendies de végétation massifs, en Grèce notamment. En même temps, l’année 2023 est marquée par des précipitations importantes, de 7 % supérieurs à la moyenne, entrainant des inondations dévastatrices et répétitives comme dans le Pas-de-Calais. Les débits des rivières européennes ont même atteint des records en décembre.

Le rapport évalue tant les conséquences économiques qu’humaines du changement climatique. En effet,80% des pertes économiques sont liées aux catastrophes naturelles. De manière plus généralement, les pertes liées aux événements climatiques sont estimées à plus de 13 milliards d’euros et ont fait de nombreuses victimes.

  • La CEDH, 9 avril 2024, condamne la Suisse pour son inaction face au réchauffement climatique

Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné, le 9 avril 2024, un pays, la Suisse, pour son inaction climatique. Le recours avait été exercé par une association (Aînées pour la protection du climat), composée de 2 500 femmes suisses toutes âgées de plus de 65 ans. Elle dénonçait les manquements des autorités suisses à atténuer les effets du changement climatique qui ont des conséquences négatives sur les conditions de vie et la santé.

Plus précisément, la CEDH a jugé qu’il y avait eu violation des articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme, qui assurent respectivement le droit à plaider sa cause devant un tribunal et le respect de la vie privée et familiale. Rappelons que la CEDH ne comporte pas de dispositions explicites sur l’environnement ou le climat.

Selon l’arrêt rendu par la CEDH, la Confédération helvétique a manqué à ses obligations, « faute d’avoir agi en temps utile et de manière appropriée et cohérente » pour protéger ces citoyennes des conséquences du changement climatique. La Cour relève de « graves lacunes », de la Suisse, notamment parce qu’elle n’a pas quantifié les limites nationales applicables aux gaz à effet de serre, responsables de la hausse moyenne des températures.

Afin d’éviter de transformer la requête devant la CEDH en une actio populis, la Cour a souligné la spécificité du contentieux climatique pour justifier que la requête de l’association soit considérée comme recevable. Elle entend ainsi limiter la recevabilité des requêtes introduites devant elle aux victimes personnellement et directement touchées par les manquements « Les considérations particulières liées au changement climatique plaident pour que l’on reconnaisse aux associations la possibilité, sous certaines conditions, d’avoir qualité pour représenter devant la Cour les adhérents dont elles allèguent qu’ils ont été ou seront touchés dans leurs droits », et la Cour d’ajouter « la nature particulière du changement climatique, sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière, et la nécessité de favoriser la répartition intergénérationnelle de l’effort dans ce domaine (paragraphe 489 ci‑dessus) militent également en faveur de l’octroi aux associations de la qualité pour agir dans les affaires climatiques portées devant la Cour ».

Si le sens de l’arrêt est largement approuvé, il n’en demeure pas moins que se pose la question de sa portée. En effet, La Cour a maintes fois souligné que ses arrêts ont un caractère déclaratoire pour l’essentiel et qu’en général il appartient, au premier chef, à l’État en cause, sous le contrôle du Comité des Ministres, de choisir les moyens à utiliser pour s’acquitter de son obligation au regard de l’article 46 de la Convention, pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l’arrêt de la Cour (CEDH 29 mai 2019 Ilgar Mammadov c Azerbaidjan, no15172/13). Vraisemblablement, va s’établir un dialogue entre le Conseil de l’Europe, le Conseil des ministres et le gouvernement suisse.

  • Proposition de loi sur les polluants éternels

La guerre contre le PFAS semble engagée. Une proposition de loi visant à interdire les polluants éternels déposée par Nicolas Thierry a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 4 avril 2024 avec 186 voix pour et aucune contre, mais 27 abstentions. L’article principal du texte prévoit d’interdire la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d’habillement contenant des PFAS, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. Les ustensiles de cuisine, comme les poêles antiadhésives ont finalement été exclus de cette loi.  (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/alt/proteger_population_risques_pfas). Cette proposition est concomitante à un rapport parlementaire réalisé à la demande du gouvernement, publié en janvier 2024, qui recommandait de « faire cesser urgemment les rejets industriels » contenant des polluants éternels, « sans attendre de restriction européenne ». En 2023, l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) avait publié un projet d’interdiction allant dans le sens d’une restriction large des PFAS.

Dès le début du mois d’avril, le gouvernement a mis en marche un plan d’actions contre les PFAS en édictant un plan interministériel. Il  s’organise autour de cinq axes (https://www.ecologie.gouv.fr/plan-interministeriel-sur-pfas-gouvernement-se-mobilise-repondre-aux-enjeux-sanitaires-et) : 
–  Développer des méthodes de mesure des émissions, des contaminations de l’environnement et de l’imprégnation des humains et des autres organismes vivants; 
– Disposer de scénarios robustes d’évaluation d’exposition des organismes (humains et autres organismes vivants) prenant en compte les multiples voies (ingestion, inhalation, contact cutané) et sources d’exposition aux polluants ubiquitaires que sont les PFAS ;  
– Renforcer les dispositifs de surveillance des émissions; 
– Réduire les risques liés à l’exposition aux PFAS ; innover en associant les acteurs économiques et soutenir la recherche;
-Améliorer l’information auprès de la population, pour mieux agir : le gouvernement se mobilise pour répondre aux enjeux sanitaires et environnementaux

De quoi s’agit-il exactement ? Les PFAS sont des substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées autrement dit des molécules composées d’atomes de carbone et de fluor qui n’existent pas à l’état naturel et qui sont chimiquement très stables et capables de résister à de très hautes températures. C’est la raison pour laquelle on les retrouve notamment dans les poêles traitées au téflon, ainsi que dans le matériel médical comme les produits de traitement des plaies (bandages, bandes, agrafes chirurgicales), les cathéters, certaines lentilles ophtalmiques ou intraoculaires, les médicaments et leurs conditionnements, les emballages alimentaires, les batteries, les pompes à chaleur, les panneaux solaires.

Ces PFAS génèrent une pollution dans l’air, la terre mais aussi dans l’eau. Ces dernières années, on a découvert que des PFAS s’étaient infiltrés dans l’eau potable à travers le monde. Cela signifie que les personnes qui consomment régulièrement de l’eau contaminée risquent de développer des maladies.

La réglementation stricte des utilisations de PFAS a pour but de limiter leurs effets délétères. Le mieux serait d’arrêter de les utiliser. D’ailleurs, la recherche scientifique à toute sa place dans ce contexte puisque pour sortir totalement des PFAS il faut trouver des solutions de remplacement à ces molécules en recourant à des substances moins dangereuses. Reste aussi à élaborer des procédés techniques capables de dépolluer l’environnement de tous ces composés chimiques.