Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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GARANTIES DES DROITS HUMAINS ET LIBERTES FONDAMENTALES : UNE LECTURE POUR L’EFFECTIVITE DU DROIT A L’ENVIRONNEMENT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, J. Malundama Mbongo

Justin MALUNDAMA MBONGO

Doctorant en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Haute-Alsace

Membre de CERDACC

Les droits humains interagissent entre eux. Chaque droit concourt à l’épanouissement intégral de l’homme. Aucun droit n’est au-dessus de l’autre. Le droit à la vie est présenté comme le plus important du fait qu’en l’absence de vie, l’exercice et la jouissance des autres droits humains et libertés fondamentales deviennent pratiquement impossibles. Dans l’affaire Communauté autochtone Yakye Axa contre Paraguay, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a constaté une violation du droit à la vie en affirmant que « lorsque le droit à la vie n’est pas respecté, tous les autres droits disparaissent parce que la personne, qui en a le droit, cesse d’exister. Ce droit comprend essentiellement non seulement le droit de tout être humain de ne pas être arbitrairement privé de sa vie, mais aussi le droit que des conditions qui entravent ou empêchent l’accès à une existence décente ne soient pas générées » (CIADH, Arrêt, 17 juin 2005, Communauté autochtone Yakye Axa c. Paraguay, Série C, n°125, § 161).

Le droit à l’environnement protège l’homme, son milieu de vie et ce qui l’entoure (Stone Ch., cité par Prieur M., Cohendet M.-A., Makowiak J., Delzangles H. et Steichen P., Droit de l’environnement, Collection Précis, Dalloz, 8e éd., 2019, p. 66). Ce droit est pré-existentiel par le fait qu’il a d’abord fallu l’existence d’un environnement propice à la vie avant toute reconnaissance de la personnalité juridique dans le chef d’un individu et de tout déroulement du cycle vital (Coste R. et Ribaut J.-P., Les nouveaux horizons de l’écologie, Dans le sillage de Rio, Colloque organisé par Pax Christi, Paris, Ed. du Centurion, 1993, p. 27). Cela est bien vérifiable puisque malgré sa reconnaissance juridique tardive, le droit à l’environnement se manifeste comme un « droit omniprésent », c’est-à-dire, il apparait implicitement dans les autres droits humains et libertés fondamentales. Il se manifeste également comme un « droit souche » du fait que dans ses volets matériel et procédural (Dejeant-Pons M., Pallemaerts M. et Fioravanti S., Droits de l’homme et environnement, Recueil d’instruments et autres textes internationaux concernant les droits individuels et collectifs en matière d’environnement dans le cadre international et européen, Ed. du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2002, pp. 10-44), font partie intégrante de ses composantes les autres droits humains et libertés fondamentales. Malgré l’extension du droit à l’environnement sur les autres droits fondamentaux, il est déplorable de constater qu’en République Démocratique du Congo (RDC), cela ne concourt pas à l’effectivité de sa mise en œuvre, quand bien même la jouissance des autres droits ne semble pas poser problème auprès de certains individus.  

L’étude s’intéresse à l’analyse de l’omniprésence du droit à l’environnement par rapport aux droits humains et libertés fondamentales reconnus dans la Constitution en vue de son application effective en RDC. Ainsi, le premier point va aborder le droit à l’environnement dans quelques droits humains (I) et le deuxième, le droit à l’environnement dans les libertés fondamentales en République Démocratique du Congo (II).

I.DROIT A L’ENVIRONNEMENT AU REGARD DE QUELQUES DROITS HUMAINS EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Ce point va traiter du droit à l’environnement au regard de certains droits civils et politiques (A), au regard de certains droits économiques, sociaux et culturels (B) et enfin au regard de certains autres droits collectifs (C).

A- Droit à l’environnement et les droits civils et politiques

Les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la RDC et la constitution congolaise garantissent des droits à tout individu. Le droit à l’environnement n’est pas explicitement reconnu dans toutes les dispositions mais il influe sur les autres droits fondamentaux (Knox J.H., Principes-cadres relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement, Les principales obligations en matière des droits de l’Homme liées à la jouissance d’un environnement sûr, propre, sain et durable, NU, Nairobi, 2018, p. 3-22). Ainsi, l’article 11 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 dispose que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l’environnement, il n’y a pas de discrimination concernant sa jouissance. L’homme doit vivre dans un environnement qui garantit sa dignité. La liberté de la personne ne peut remettre en cause la jouissance du droit à l’environnement des autres et même de la concernée.

L’article 16 de la Constitution de la République Démocratique du Congo dispose que toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique ainsi qu’au libre développement de sa personnalité. Il résulte de cette disposition que la vie doit se découler dans la jouissance d’un environnement convenable. En aucun cas l’intégrité physique de l’homme ne peut être remise en cause par un environnement inapproprié. L’homme doit vivre dans un environnement lui permettant de se développer librement.

En vertu de l’article 18 de la Constitution de la RDC, toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. En matière d’entrave au droit à l’environnement, la personne suspectée doit être informée des faits qui lui sont reprochés et ce, dans la langue de son choix. Conformément à l’article 19 de la Constitution congolaise, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent. Le droit de la défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix. Dans les affaires relatives au droit à l’environnement, le droit à un juge doit être garanti. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, « pour être concret et effectif, le droit d’accès à un tribunal supposait non seulement l’existence d’un recours mais encore un système cohérent ménageant au justiciable la jouissance d’une possibilité claire de contester dans son droit » (CEDH, Arrêt, 16 décembre 1992, Geouffre de la Pradelle c. France, Requête n° 12964/87). Toutes les garanties à un procès équitable doivent être appliquées de manière stricte. A ces propos, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a conclu à la violation par la Tanzanie du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, la procédure pénale qui visait les requérants étant restée pendante depuis près de dix ans (CADHP, Arrêt, 18 mars 2016, Wilfred Onyango Nganyi et 9 autres c. République-Unie de Tanzanie, § 90 à 94).

L’article 21 de la Constitution du Congo garantit à tous le droit de former un recours contre un jugement. Le droit à l’environnement étant justiciable, le droit au recours en la matière doit être assuré. Le non-respect de ce droit peut faire condamner l’Etat devant les instances supranationales après qu’un individu l’aurait exercé en vain sur le plan interne. Ce droit lui permet aussi de porter sa cause devant les juridictions régionales et internationales après avoir épuisé les voies de recours internes. La Cour européenne des droits de l’homme a déclaré une requête irrecevable pour non épuisement des voies de recours internes dans l’affaire opposant De Ciantis à l’Italie (CEDH, Arrêt du 26 mars 2012, De Ciantis c. Italie, Requête n° 39386/10).

En vertu de l’article 24 de la Constitution du 18 février 2006, toute personne a droit à l’information. La liberté de la presse, la liberté d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties. La mise à la disposition du public de la vraie information par tous les moyens et procédés concernant le droit à l’environnement est une obligation internationale de la part de l’Etat. L’article 28 de la constitution de la République Démocratique du Congo dispose que nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. En vertu de cette disposition, personne ne peut donner l’ordre ou exécuter un ordre allant à l’encontre de la garantie du droit à l’environnement.

L’article 29 de la Constitution de la RDC garantit l’inviolabilité du domicile. Dans le contexte de la jouissance d’un environnement sain, ce droit exige une vie paisible de la personne dans son principal établissement. Ceci implique la joie de vivre tranquillement dans un endroit permettant l’équilibre psychologique, la respiration de l’air pur, un vécu quotidien exempt des pollutions, nuisances sonores et troubles de jouissance et l’accès aux biens facilitant une vie agréable. L’article 31 de la constitution du Congo précise que toute personne a droit au respect de sa vie privée. Ainsi, en aucun cas une structure ou un individu peut entreprendre une activité de nature à incommoder la jouissance du droit à un environnement sain des autres. Dans l’affaire Lopez-Ostra contre Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les atteintes graves à l’environnement peuvent généralement affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale et à compromettre sa santé (CEDH, Arrêt, 9 décembre 1994, Lopez-Ostra c. Espagne, n° 16798/90). De même, dans l’affaire Tatar contre Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a soutenu que les Etats ont l’obligation positive d’adopter des mesures raisonnables et adéquates capables de protéger les droits des particuliers au respect de leur vie privée et de leur domicile et les permettant de jouir d’un environnement sain et convenable (CEDH, Arrêt, 27 janvier 2009, Tatar c. Roumanie, n° 67021/01). L’article 33 de la constitution de la RDC reconnait le droit d’asile. Lorsqu’un étranger, qui a quitté son pays à cause de la violation grave de son droit à l’environnement et son état d’origine n’a pu le lui garantir, se présente devant le service compétent pour solliciter le droit d’asile, l’Etat congolais peut le lui accorder, même si cette condition n’est pas encore universellement admise en la matière.  

B- Droit à l’environnement et les droits économiques, sociaux et culturels

L’article 34 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour dispose que la propriété privée est sacrée. L’Etat garantit le droit à la propriété individuelle ou collective acquis conformément à la loi ou à la coutume. Dans la jouissance du droit à l’environnement, il ne peut être procédé aux manœuvres tendant à détruire les écosystèmes ou empêchant la jouissance paisible et favorable à la santé sur une propriété d’autrui. Ainsi, en aucun cas un individu peut entreprendre une initiative qui puisse bouleverser la jouissance paisible du droit de propriété. Dans l’affaire Social and Economic Rights Action Center contre Nigeria, le plaignant en revendiquant que l’administration par l’Etat d’un consortium d’exploitation de pétrole portait de graves atteintes à l’environnement et causait des problèmes de santé auprès de la population Ogoni, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a confirmé les violations des articles 14, 16, 21 et 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et a demandé au Gouvernement nigérian d’assurer une compensation adéquate aux victimes, de procéder au nettoyage total des terres et rivières polluées, d’assurer à l’avenir qu’une évaluation de l’impact social et écologique des opérations pétrolières soit menée (Com ADHP, Com 155/96 (2001), Social and Economic Rights Action Center c. Nigeria).

L’article 35 de la Constitution congolaise soutient que l’Etat garantit le droit à l’initiative privée tant aux nationaux qu’aux étrangers. Ce droit ne peut être exercé que dans le respect du droit à l’environnement. Les activités de l’entrepreneur ou de l’investisseur doivent respecter le milieu naturel, minimiser le taux de pollution et diminuer les nuisances à un niveau tolérable. Dans l’affaire Bacila contre Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a soutenu que le maintien d’une activité économique ne peut emporter sur le droit des personnes de jouir d’un environnement sain et propice à leur santé (CEDH, Arrêt, 30 mars 2010, Bacila c. Roumanie, n° 19234/04).

L’article 36 de la Constitution de la République Démocratique du Congo précise que l’Etat garantit le droit au travail, la protection contre le chômage et une rémunération équitable et satisfaisante assurant au travailleur ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine. Dans le cadre de la jouissance du droit à l’environnement, l’environnement du travail doit être propice à l’épanouissement de l’homme, exempt des pollutions, des nuisances et des risques pour sa vie. Les fruits du travail doivent permettre au travailleur de mener une vie convenable et satisfaisante et ce, de manière durable. L’Etat doit veiller sur les employeurs de sorte que le travailleur soit à l’abri des besoins minima. L’article 39 de la constitution du Congo garantit le droit de grève. En effet, tout agent de l’Etat ou tout travailleur peut exercer son droit de grève dès lors que son droit à l’environnement n’est pas professionnellement assuré et ce, dans ses aspects matériel comme procédural (BORN C.-H. et HAUMONT (F.), « Le droit à la protection d’un environnement sain », 2019, https://www.researchgate.net/publication/291349859, pp. 1435-1442).

L’article 42 de la Constitution de la RDC donne obligation aux pouvoirs publics de protéger la jeunesse contre toute atteinte à sa santé, à son éducation et à son développement intégral et l’article 43 de la même constitution renforce que toute personne a droit à l’éducation scolaire. Etant l’avenir de la nation, l’Etat doit garantir à tout jeune la jouissance du droit à l’environnement. Cela est à mesure de pallier aux phénomènes d’enfants de la rue, mal nourris, désespérés et bandits. Dans le domaine de l’éducation, les programmes d’enseignements doivent insérer des cours relatifs au droit à l’environnement pour les enfants et adultes.

L’article 46 de la Constitution du Congo garantit le droit à la culture, la liberté de création intellectuelle et artistique, et celle de la recherche scientifique et technologique. En effet, la culture dont il s’agit ici est celle notamment qui a en son sein des pratiques respectueuses du droit à l’environnement. Dans l’affaire Commission africaine des droits de l’homme et des peuples contre République du Kenya, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuplesaestimé qu’il existe une situation d’extrême gravité et d’urgence et un risque de dommages irréparables à la communauté Ogiek en raison de la violation des droits qui lui sont garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, entre autres, la jouissance de leurs droits culturels et la protection de leurs valeurs traditionnelles (CADHP,Ordonnance, 15 mars 2013, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. République du Kenya, RJCA, Vol. 1, 2006-2016, p. 203, § 20, 22 et 23). Toute création doit avoir un impact sur la jouissance du droit à l’environnement, soit en transformant les choses qui remettent en cause une vie convenable en biens de valeur, soit en utilisant rationnellement les éléments de la nature pour l’épanouissement de l’homme et l’amélioration de sa santé.

En vertu de l’article 47 de la Constitution de la RDC, le droit à la santé et à la sécurité alimentaire est garanti. L’article 48 de la constitution congolaise garantit le droit à un logement décent, le droit d’accès à l’eau potable et à l’énergie électrique. Ces deux dispositions contiennent quelques composantes matérielles du droit à l’environnement. Au fait, personne ne peut prétendre jouir d’un environnement sain tant que sa santé, sa sécurité alimentaire, son logement décent, son accès à l’eau potable et à l’énergie électrique ne lui sont pas assurés et ne font pas partie de ses acquis.

C- Droit à l’environnement et les autres droits collectifs

L’article 53 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour dispose que « toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral ». C’est la seule disposition de la constitution qui consacre le droit à l’environnement. Elle a le mérite d’avoir reconnu à tout Congolais ce droit même si elle n’a pas explicité son contenu. Le silence du constituant trouve notamment une réponse dans la théorie de l’omniprésence de ce droit dans les autres prérogatives et de son rôle incontournable dans les autres droits fondamentaux. Aussi, il savait bien que le législateur devait y apporter, même de manière implicite, des amples détails. En effet, ce droit garantit, sur le plan matériel, la jouissance des droits fondamentaux de l’individu et la protection et la préservation du milieu naturel et de la diversité biologique. Sur le plan procédural, il garantit l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

L’article 50 de la Constitution de la République Démocratique du Congo affirme que l’Etat protège les droits et les intérêts légitimes des Congolais qui se trouvent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Cette protection doit s’étendre dans la jouissance du droit à l’environnement. L’Etat doit favoriser auprès de tout Congolais une vie couronnée de bonheur. Le niveau de développement ne peut être pris pour prétexte afin de se soustraire de ce devoir. L’Etat a contracté des obligations internationales pour garantir le droit à l’environnement à sa population ; la bonne gouvernance, le fait de privilégier l’intérêt général, la vraie démocratie, la volonté politique et le partage équitable des revenus sont à mesure de booster un niveau de vie acceptable pour tous. C’est dans ce sens que l’article 58 de la constitution congolaise soutient que tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement.

Conformément à l’article 52 de la Constitution du 18 février 2006, tous les Congolais ont droit à la paix et à la sécurité tant sur le plan national qu’international. En effet, jouir du droit à l’environnement c’est, entre autres, vivre dans la paix et la sécurité. Tant que l’Etat n’assurera pas la paix et la sécurité, le droit à l’environnement demeure un rêve. L’article 59 de la constitution de la RDC dispose que tous les Congolais ont le droit de jouir du patrimoine commun de l’humanité. L’Etat a le devoir d’en faciliter la jouissance. Cette disposition exhorte l’Etat à exploiter le patrimoine commun de l’humanité, dans le respect de l’environnement, afin que les fruits de cette opération renforcent le niveau de vie de sa population, ce qui assure la jouissance de leur droit à l’environnement.

II- DROIT A L’ENVIRONNEMENT AU REGARD DES LIBERTÉS FONDAMENTALES EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

En RDC, la liberté individuelle est garantie. D’ailleurs, c’est la règle, le contraire n’est que l’exception. Les dispositions se rapportant aux libertés fondamentales ne sont pas nombreuses par rapport à celles relatives aux droits humains.

Le présent point va examiner le droit à l’environnement et la liberté d’expression (A), le droit à l’environnement et la liberté de manifestation et d’association (B) et le droit à l’environnement et la liberté de pensée, de conscience et de religion (C).

A- Droit à l’environnement et la liberté d’expression

L’article 23 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour dispose que toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image. Toute personne est libre de s’exprimer sur les affaires relatives au droit à l’environnement. Ainsi, l’individu ou un groupe d’individus peut s’organiser pour défendre son droit à la jouissance d’un environnement sain. Il peut également s’insurger contre tout comportement de nature à remettre en cause ledit droit. Dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza contre République du Rwanda, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a ordonné la réparation, ayant constaté que l’emprisonnement de la requérante avait violé son droit à la liberté d’expression (CADHP,Arrêt, 7 décembre 2018, Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, RJCA, Vol. 2, 2017-2018, p. 220, § 74).

En effet, la liberté d’expression environnementale n’épargne personne : l’Etat, les dirigeants, les sociétés et les citoyens peuvent subir des allégations même outrageantes dans le cadre de revendication du droit à l’environnement. Il n’est pas impossible que les victimes des propos violents saisissent la justice pour que les présumés auteurs de ces actes répondent pénalement et/ou civilement. Dans le cas d’espèce, la police, les parquets, les cours et tribunaux doivent être les plus larges possibles pour culpabiliser les dénonciateurs de la violation du droit à l’environnement. La loi doit être interprétée en faveur des défenseurs du droit à l’environnement contre les victimes. Cette logique relève de l’équité environnementale. Dans l’affaire Bladet Tromso et Stensaas contre Norvège, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation du droit à la liberté d’expression du fait qu’un journaliste avait été condamné pour avoir diffusé des informations approximatives sur la cruauté de la chasse aux phoques (CEDH, Arrêt, 20 mai 1999, Bladet Tromso et Stensaas c. Norvège, n°21980/93).

B- Droit à l’environnement et la liberté de manifestation et d’association

L’article 25 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour garantit la liberté des réunions pacifiques et sans armées. L’Article 26 de la Constitution du Congo renchérit que la liberté de manifestation est garantie. Toute manifestation, sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente. L’article 27 de la Constitution de la République Démocratique du Congo renforce que tout Congolais a le droit d’adresser individuellement ou collectivement une pétition à l’autorité publique. Ces trois dispositions de la constitution garantissent la liberté de manifestation lorsque son droit à l’environnement est compromis par l’Etat ou n’importe quelle structure. Lors des manifestations, on peut y trouver des dérapages. Les instances saisies, pour ce faire, doivent développer le sens du bien-être environnemental.

Sur ce, les débordements allant dans le sens de pousser les pouvoirs publics ou les structures attaquées à s’investir dans la garantie ou la restauration du droit à l’environnement ne doivent pas être réprimés. Les services compétents sont juste appelés à maîtriser les délinquants. L’Etat ou la structure ayant subi la grogne sociale due à la violation de la jouissance du droit à l’environnement ne peut se venger contre les manifestants ni se prévaloir d’un droit à réparation. Il n’est question que de s’assumer et de se contenter de sa propre turpitude.

Ainsi, dans l’affaire Vides Aizsardzibas Klubs (VAK) contre Lettonie, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation de l’article 10 par le fait qu’une association de protection de défense de l’environnement avait été condamnée à verser des dommages et intérêts à la présidente du Conseil municipal d’une commune lettonne pour l’avoir publiquement accusée sans preuves suffisantes d’être à l’origine d’un programme de constructions illégales qui avait menacé la préservation de la zone de dunes littorales du Golfe de Riga. La Cour a, en effet, estimé qu’une telle condamnation était injustifiée parce que la participation d’une association spécialisée dans la protection de l’environnement est si essentielle pour une société démocratique que son rôle est similaire à celui de la presse qualifiée de chien de garde de la démocratie par la jurisprudence européenne (CEDH, Arrêt, 27 mai 2004, Vides Aizsardzibas Klubs (VAK) c. Lettonie, n°57829/00). Ce genre de décisions trouvent leur justification dans le raisonnement juridique environnemental. En effet, le droit de l’environnement n’est pas seulement un droit de protection de l’environnement mais surtout un droit pour la protection de l’environnement (Cinotti B., Landel J.-F., Agoguet D., Atzenhoffer D. et Delbos V., Une justice pour l’environnement, Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, Rapport final, Paris, CGEDD-IGJ, 2019, p. 15). Tout doit être interprété impérativement au profit de la mise en œuvre effective du droit à l’environnement.

Par ailleurs, dans l’affaire Fredin contre Suède, la Cour européenne des droits de l’homme affirme qu’elle n’ignore pas que « la société d’aujourd’hui se soucie sans cesse davantage de préserver l’environnement » (CEDH, Arrêt, 23 février 1994, Fredin c. Suède, (n° 2) – 18928/91, § 48). Aussi, dans l’affaire Yasar contre Roumanie, la même cour a estimé que la confiscation d’un navire utilisé pour y pêcher illégalement était justifié par les exigences d’intérêt général de prévenir les activités menaçant gravement ses ressources biologiques (CEDH, Arrêt, 26 novembre 2019, Yasar c. Roumanie, n°64863/13).

En cas de pétition à l’autorité publique concernant le droit à l’environnement, cette dernière est obligée de répondre dans un délai raisonnable et ce, de façon plausible et satisfaisante. La réponse de l’autorité doit être suivie des actes concrets de nature à assurer la jouissance du droit à l’environnement. Au cas contraire, la population est en même d’exiger la démission de l’autorité. Et comme il n’est pas évident de s’attendre à une telle décision, la population doit développer et intensifier des moyens de pression pour la contraindre de quitter ses fonctions. In spicie, il est strictement prohibé de recourir aux pratiques tendant à dissuader ou à décourager les manifestants.

L’article 37 de la Constitution de la République Démocratique du Congo dispose que l’Etat garantit la liberté d’association. Il collabore avec les associations contribuant au développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à leur éducation. Cette collaboration peut revêtir la forme d’une subvention. L’article 38 de la Constitution du Congo ajoute que la liberté syndicale est reconnue et garantie. Ces deux dispositions constitutionnelles interpellent notamment la population à créer des associations pour défendre le droit à l’environnement. L’Etat doit financièrement accompagner ces associations dans leur noble mission. Il doit aussi les encourager en facilitant leurs activités et en accordant une priorité à leurs démarches. Dans l’affaire Costel Popa contre Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation du droit à la liberté d’association parce que le refus d’enregistrer une association à vocation environnementale ne pouvait être justifié par aucun besoin social impérieux (CEDH, Arrêt, 26 avril 2016, Costel Popa c. Roumanie, n°47558/10). Leurs activités menées même à l’encontre des pouvoirs publics ne doivent rencontrer des résistances. De même, lorsque ces associations saisissent les instances judiciaires pour défendre les aspects inhérents au droit à l’environnement, certaines exigences procédurales doivent être bannies pour l’instauration d’une société écologiquement viable. En l’espèce, le juge d’appel ou de cassation ne peut prendre le non-respect de certaines formalités pour irrégularités pour reformer ou casser la décision attaquée.

C- Droit à l’environnement et la liberté de pensée, de conscience et de religion

L’article 22 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour dispose que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. En matière de la jouissance du droit à l’environnement, toute personne est libre de penser comment elle peut jouir effectivement de son droit à l’environnement. Aussi, la liberté de conscience qui résulte du droit à l’environnement est celle positive, c’est-à-dire, qui fait agir l’individu à la sauvegarde d’un environnement sain. Dès lors que cette conscience, négative, est de nature à compromettre le bien-être écologique, la contrainte étatique et même citoyenne doit être exercée sur le récalcitrant. De même, la liberté de religion dont le constituant fait, entre autres, allusion est celle qui prône et qui pousse à pratiquer les valeurs garantissant le droit à l’environnement. Cependant, les pratiques religieuses tendant à remettre en cause la jouissance du droit à l’environnement doivent être abandonnées.  

La jouissance des droits humains et des libertés fondamentales doit devenir le reflet de la mise en œuvre effective du droit à l’environnement en RDC en vue d’une planète écologiquement viable et d’une garantie du bien-être environnemental des générations présentes et futures. C’est ainsi que la Cour internationale de justice affirme que « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir » (CIJ, Avis consultatif, 08 juillet 1996, Affaire de la licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, Rec., 1996, pp. 241-242, § 29). Pour ce faire, l’implication sans faille de l’Etat et de l’appareil judiciaire, la conscience et le contrôle citoyens sont indispensables. En outre, chacun est appelé à réfléchir et à voir les choses dans l’esprit environnemental : tout pour l’environnement et contre toute entrave au droit à l’environnement.