Isabelle Corpart
Maître de conférences à l’Université de Haute Alsace
CERDACC
Retour sur un sondage visant le traitement des violences conjugales, proposé par le Collectif international vaincre les injustices faites aux femmes (CIVIFF) Vous êtes une femme et vous avez été victime de violences conjugales – 22 mars 2017
L’auteur de l’ouvrage « Violences conjugales, plus jamais ça ! », (Caroline Guesnier, Les Editions du Net, 2017) s’est lancée dans le combat contre ce qui a été dès 2010, la « grande cause nationale » en France, après avoir vu elle-même sa vie basculer et avoir dû supporter les agissements de son agresseur.
En s’exprimant publiquement, elle a voulu se donner les moyens pour que soit entendue la détresse des femmes, victimes comme elle, mais restant trop souvent dans l’ombre, pour qu’elles puissent en finir avec l’enfer familiale et être reconnues en tant que telles.
Pour pouvoir poursuivre son combat et recueillir des données objectives, elle a lancé un sondage sur les réseaux sociaux.
En effet, dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales et en particulier contre celles faites aux femmes dans la sphère domestique, il est important de pouvoir appuyer les réflexions sur des arguments statistiques et avoir des retours sur des dossiers concrets.
Pouvaient seules remplir ce questionnaire les personnes de sexe féminin et ayant déjà été victimes de violences conjugales.
Sur la base des 90 réponses reçues par le CIVIFF, il est inquiétant de relever que malgré les informations délivrées en la matière et l’accompagnement proposé aux victimes, peu de femmes ont choisi de déposer plainte (17 %), alors même que plus de la moitié d’entre elles détenaient un certificat médical mentionnant une ITT (54.7 %).
Lorsque des plaintes ont été déposées, 36.5 % seulement ont conduit à un procès.
Il est décevant aussi de noter que lorsque des sanctions ont pu être prises, les violences n’ont quasiment jamais cessé après la décision pénale (86.8 %), qu’il s’agisse de violences morales, psychologiques, économiques, physiques ou sexuelles.
Peu de ces femmes ont bénéficié des protections prévues par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 (74.1 % n’ayant vu prononcer ni une injonction d’éloignement du conjoint violent ni une interdiction d’entrer en contact avec elles).
S’agissant des enfants du couple, leur sort semble modérément pris en compte car dans 44.4 % seulement des cas, la résidence principale s’est trouvée accordée à la mère avec droit de visite et d’hébergement classiques et dans 11.1 % des dossiers, avec visite en lieu médiatisé pour le parent réputé violent.
En revanche de nombreuses mesures d’AEMO (aide éducative en milieu ouvert) ont été prises par le juge des enfants (59%) et des MJIE (mesure judiciaire d’investigation éducative) (25.6%).
Dans le suivi de leurs dossiers, ces femmes victimes expriment de la déception, de la colère, de l’incompréhension, faisant apparaître l’urgence à améliorer la collaboration entre les victimes et les éducateurs ou assistants des services sociaux.
De plus nombre d’entre elles se plaignent même d’avoir vécu des violences policières ou émanant des services de gendarmerie (55.2 %), sans compter leur ressenti d’avoir vécu des violences en justice, durant l’instruction ou le procès.
En fin de compte, ce qui est gravissime c’est que 57.3 % des femmes ayant répondu à ce questionnaire ont le sentiment de ne pas avoir été reconnues en tant que victimes de violences conjugales.
Cela permet de mesurer les efforts qui restent à faire en ce domaine, beaucoup trop de victimes n’étant pas soutenues et regrettant même de s’être signalées aux autorités.