Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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QUAND L’ÉTAT D’URGENCE LIÉ AU COVID-19 TOUCHE LES FAMILLES, I. Corpart

Isabelle Corpart

Maître de conférences en droit privé à l’Université de Haute-Alsace
Membre du CERDACC

 

A jour le 30 mars 2020

 

Commentaire de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et de ses textes d’accompagnement A LIRE ICI

La France étant durement touchée par une catastrophe sanitaire inédite, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JO 24 mars 2020) institue un état d’urgence pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi, soit jusqu’au 25 mai (art. 4 de la loi). Différentes dispositions du texte (et autres décrets ou ordonnances) visent la sphère familiale et la santé des membres de la famille tout en posant de nouvelles obligations.

Mots-clefs : Catastrophe sanitaire – épidémie de covid-12 – état d’urgence – menaces sanitaires – mesures d’adaptation – mineurs et majeurs vulnérables – confinement – maintien des relations familiales – nouvelle organisation familiale – obligations liées à la crise sanitaire – mesures de protection – opérations funéraires.

La loi du 23 mars 2020 précise les contours de l’état d’urgence sanitaire et habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances[1] pour faire face aux conséquences de la propagation du virus covid-19. En effet, le Gouvernement s’est vu autoriser à prendre toutes les mesures d’adaptation nécessaires par voie d’ordonnance (art. 3 de la loi) (ces ordonnances devront être ratifiées dans un délai de trois mois à compter de leur publication).

Plusieurs de ces textes sont applicables dans la sphère familiale. Les relations familiales se compliquent lorsque certains membres sont confinés loin des autres.

Toutefois ce confinement étant salutaire, il faut réfléchir aux moyens de l’organiser le mieux possible pour protéger parents et enfants, de nombreuses dispositions de la loi visant les mineurs, sans oublier d’autres membres de la famille que leur état de santé fragilise.

I – Du côté des mineurs, personnes vulnérables en raison de leur âge

Pour tenter d’endiguer la propagation de l’épidémie, des mesures de confinement sont mises en place. Elles visent les familles et plus particulièrement les enfants qu’il faut spécialement protéger. Privés de sorties, de visites et d’école, les mineurs subissent le confinement, d’autant qu’ils peuvent peiner à garder des liens avec leurs deux parents.

Leur situation est toutefois bien plus préoccupante lorsqu’ils se trouvent dans des situations familiales qui justifient qu’ils soient confiés à des tiers ou que des mesures d’assistance éducative soient programmées.

A. Les retombées du confinement pour les mineurs

Le Premier ministre s’est vu autorisé à prendre des mesures restrictives de liberté (CSP, art. L. 3131-15, 2°, art. 1er de la loi)[2]. Les personnes sont ainsi privées de la liberté d’aller et venir et de sortir de leur domicile mais une exception vise le cercle familial. Elles pourront le faire pour des besoins familiaux, sous réserve de le mentionner clairement sur les autorisations de déplacement, à signer en les datant et en mentionnant les heures de sortie.

Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (JO 24 mars 2020 A LIRE ICI) prévoit en effet des exceptions aux règles de confinement et d’interdiction de déplacement hors du domicile pour permettre des déplacements pour motifs familial impérieux, notamment liés à la garde d’enfant (art. 4).

Le décret (art. 5) prévoit même une dérogation à l’interdiction des déplacements de personnes par transport commercial aérien lorsque les voyages sont justifiés par des motifs impérieux d’ordre personnel ou familial, ce qui pourrait servir à des parents séparés dont l’un réside en France mais l’autre à l’étranger et qui veulent rester proches de leurs enfants ou qui ont un enfant malade qu’ils ont besoin d’accompagner.

Outre les sorties programmées pour divertir les enfants et échapper quelques instants au confinement, la question des déplacements est essentielle quand les parents n’habitent pas avec leurs enfants.

Tel peut être le cas pour des parents séparés, pour lesquels le choix de l’alternance des résidences a été fait ou qui bénéficient régulièrement d’un droit de visite et d’hébergement, mais aussi pour des parents admis à exercer un droit de visite à des enfants placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance ou encore hospitalisés.

Les parents ont aussi été invités à garder leurs enfants à la maison eu égard la fermeture des établissements accueillant du public, mesure qui là encore a pu être valablement prise par le Premier ministre dans le cadre de la crise sanitaire (CSP, art. L. 3131-15, 5°).

Écoles et crèches étant fermées (décret du 23 mars 2020, art. 9) (exception faite pour les crèches accueillant jusqu’à dix enfants), ainsi que les établissements d’éveil, les centres de vacances et les centres de loisir sans hébergement (décret du 23 mars 2020, art. 8), les familles ont dû rapidement trouver des solutions. Des parents se sont notamment organisés avec leur employeur pour garder leurs enfants à la maison et faire du télétravail ou être placé en arrêt de travail indemnisé (sans délai de carence)[3]. Encore fallait-il que le parent fournisse une attestation dans laquelle il s’engage à être le seul à demander le bénéfice de cet arrêt de travail.

Dans ce contexte difficile, il est apparu aussi au législateur qu’il fallait avoir une vision d’ensemble sur les familles, en particulier quand les parents font partie des personnes qui sont réquisitionnées pour le salut de tous, soignants ou autres professionnels. En effet, pour eux, la fermeture des écoles et des établissements pour jeunes enfants a posé problème ils se sont retrouvés sans solution pour faire garder leurs enfants.

Pour y remédier, la loi a ouvert plusieurs pistes (art. 11, I, 4°, de la loi).

Un premier élargissement vise les assistants maternels agréés qui sont autorisés à accueillir à leur domicile, temporairement, un nombre plus important d’enfants pour satisfaire davantage de demandes parentales (CASF, art. L. 421-4 ; ordonnance n° 2020-310 du 25 mars 2020 portant dispositions temporaires relatives aux assistants maternels et aux disponibilités d’accueil des jeunes enfants, JO du 26 mars A LIRE ICI ).

Face à cette crise sanitaire de grande ampleur, l’ordonnance offre à tous les assistants maternels le droit d’accueillir jusqu’à six enfants concomitamment, alors qu’en principe, seuls ceux qui disposent d’un agrément pour la garde de quatre enfants peuvent y prétendre (CASF, art. L. 421-4). Ils pourront ainsi s’occuper de leurs enfants confinés et des mineurs qu’ils gardent et aussi accueillir des fratries de personnels soignants pour leur permettre d’effectuer leur mission.

Parallèlement des mesures sont prises pour faciliter la circulation des informations concernant les places disponibles afin d’aider les familles à trouver une solution d’accueil pour leurs jeunes enfants. Il s’agit de permettre aux parents de pouvoir aller travailler dès lors que l’activité professionnelle est maintenue dans leur secteur. Tout doit être fait pour leur faciliter l’accessibilité des services d’accueil.

Un service unique d’information des familles est ainsi mis en place pour que les parents d’enfants de moins de trois ans exerçant une profession reconnue indispensable à la gestion de la crise liée à l’épidémie de covid-19, aient connaissance en temps réel des places libérées dans les crèches ou au domicile des assistants maternels (site internet mis à disposition par la Caisse nationale des allocations familiales).

Plus précisément, un accueil spécifique pour les enfants de moins de seize ans dont les parents sont indispensables à la gestion de la crise sanitaire doit également être assuré (décret du 23 mars 2020, art. 9, II).

Le confinement peut aussi nuire à la qualité des relations familiales. Beaucoup s’inquiètent en effet d’une augmentation des violences conjugales et intrafamiliales[4] liée au repli forcé chez soi dû à l’épidémie. Pour y remédier, il a été prévu que le traitement judiciaire des affaires de violences intrafamiliales doit continuer d’être assuré par les juridictions, notamment pour ordonner l’éviction du conjoint violent et des permanences sont assurées dans les tribunaux pour enfants afin de protéger les enfants exposés à des situations de danger. Les forces de l’ordre peuvent toujours être mobilisées, les écoutants du 3919 pour les violences conjugales (numéro à joindre pour obtenir des secours) sont confinés avec du matériel permettant de mettre en place une écoute à distance, de même que ceux du 119 pour l’enfance en danger, qui doivent prioriser les appels des enfants.

D’autres mesures sont aussi liées au confinement dans les prisons et, pour éviter la propagation de l’épidémie, le Gouvernement a pu également revoir par voie d’ordonnance (art. 11, 2°, e, de la loi) les mesures de placement ou autres mesures éducatives visant les jeunes délinquants.

Plus largement, c’est tout le domaine de la protection de l’enfance qui peut se trouver affecté par l’état d’urgence lié au covid-19.

B. Le renforcement des mesures de protection des mineurs accueillis hors de leur domicile

Pour les mineurs qui doivent être protégés et placés dans des structures, des mesures d’assouplissement sont également prévues au regard de la situation particulière (art. 11, I, 5° de la loi).

Normalement si elle n’y est pas autorisée en vertu d’une disposition relative à l’accueil des mineurs, toute personne physique ou toute personne morale de droit privé qui désire héberger ou recevoir des mineurs de manière habituelle, collectivement, à titre gratuit ou onéreux, doit préalablement en faire la déclaration au président du conseil départemental (CASF, art. L. 321-1). Un encadrement plutôt strict est prévu en ce domaine, mais la loi, en réaction à l’épidémie, permet de ne pas exiger les mêmes autorisations pour prendre en charge des mineurs dans l’urgence (en accueillant par exemple des enfants ne relevant pas de leur zone d’intervention) et également dispenser des prestations à l’intention des familles.

Les professionnels de la protection de l’enfance ont alerté les autorités publiques pour rappeler que, pour eux aussi, des mesures de sauvegarde sont essentielles, même si leur mission n’est pas jugée prioritaire. Comment penser renvoyer dans leurs familles les enfants placés auprès des services de l’Aide sociale à l’enfance ou pris en charge par des associations ou délaisser les mineurs qui sont suivis en milieu ouvert ! Les professionnels demandent des moyens pour pouvoir continuer leur activité et il est indispensable qu’ils soient entendus. Il faut parvenir à combiner les exigences liées à la crise sanitaire avec la nécessaire protection des mineurs car c’est la sécurité de ces enfants qui est en jeu[5].

On peut noter d’ores et déjà que les mesures d’assistance éducative en place seront maintenues, même si la durée pour laquelle elles étaient prévues est écoulée, tant que le confinement imposé empêchera de revoir le dispositif (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période[6], JO du 26 mars A LIRE ICI ).

La protection doit aussi dépasser la fin de la minorité. Si des mineurs émancipés ou des majeurs de moins de vingt et un an ont été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance et éprouvent des difficultés d’insertion sociale, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants (CASF, art. L. 222-5), la loi prévoit encore de ne pas mettre fin dans l’immédiat aux mesures mises en place (art. 18 de la loi).

Comme après d’autres périodes de confinement ou de diverses pannes généralisées (électricité, chauffage), on notera peut-être un baby-boom. Cette suite quelque peu inattendue du confinement sera peut-être endiguée en raison de diverses mesures en matière de santé. En effet, il a été annoncé que les pharmaciens sont en droit de renouveler les pilules contraceptives sur présentation d’une ordonnance périmée et de délivrer des pilules contraceptives d’urgence, même à des personnes non pourvues d’ordonnances (annonce du Gouvernement du 23 mars 2020). On notera aussi que les IVG font partie des opérations d’urgence qui ne peuvent pas être reportées.

Tous les mineurs sont concernés par le dispositif lié à l’état d’urgence mais certains majeurs voient aussi leur situation changer, indépendamment du confinement qui est imposé à tous, mais parce que leur état de santé les rend fragilise face à la crise sanitaire.

 

II – Du côté des majeurs, personnes vulnérables en raison de leur âge, de leur maladie ou de leur handicap

À l’occasion de cette crise sanitaire, l’attention doit être portée particulièrement sur les personnes âgées, malades ou handicapées car elles peuvent en souffrir doublement.

Il ne faut pas que ce public fragile se retrouve au contact du virus et il importe de mettre rapidement en place des mesures de barrage, en organisant sa protection, même envers son proche entourage.

Toutefois, il faut aussi maintenir des liens familiaux afin que ces personnes ne se sentent pas isolées et l’accompagnement des personnes vulnérables fait partie des préconisations essentielles en temps de crise, sachant que la solidarité a aussi un rôle important à jouer.

A. Des mesures protectrices essentielles

Le plus grave bien sûr serait que les personnes vulnérables soient contaminées par le virus, aussi de sages dispositions ont été prises pour limiter les contacts avec l’extérieur, y compris avec les autres membres de leur famille.

Parmi les premières mesures, il a fallu songer à la fermeture des maisons de retraite. Cette disposition a été souvent mal acceptée par des parents privés de contacts avec leurs aînés mais, devant la multiplication des décès, on mesure combien ces précautions étaient salutaires. Leur interdire de sortir ou d’avoir des visites est certes une entrave à leur liberté, mais cette décision se justifie pleinement dans un contexte de pandémie[7].

En effet, pour assurer la protection des parents âgés mais aussi des autres résidents des maisons de retraite, la liberté d’aller et venir des personnes est réglementée.

Pour lutter contre la propagation du coronavirus, d’une part, les visites dans les EHPAD sont temporairement suspendues, les familles ne pouvant plus venir à la rencontre de leurs proches ; d’autre part, la plupart des établissements ont restreint la circulation des résidents dans les établissements : ces derniers sont confinés dans leur chambre, devant y prendre leurs repas et ne pouvant pas sortir pour leur promenade quotidienne. Ces mesures pourraient toutefois être levées par le directeur de l’établissement sur la base des préconisations de l’Agence régionale de santé.

Le législateur a également conscience que la situation exceptionnelle que traverse notre pays doit conduire à revoir des exigences procédurales. À ce titre, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (JO du 26 mars) permet de prolonger les mesures de protection mises en place. Les actions en justice ou autres démarches qui devaient être effectuées dans un certain délai pourront être intentées plus tard, à la fin du confinement, l’ordonnance prorogeant certains délais. Des autorisations, des agréments, des mesures d’accompagnement mais aussi des mesures de protection seront, de fait, prolongés dans le temps. Il en ira ainsi, par exemple, des mesures à destination des majeurs protégés (les dossiers des curatelles et des tutelles devant faire l’objet de réexamen régulièrement) et des mesures prises dans le cadre de l’ordonnance de protection au bénéfice des victimes de violences conjugales.

B. Des dispositifs d’accompagnement entre soutien et solidarité

Pour autant, en période de crise, il faut aussi que les personnes les plus fragiles puissent compter sur leur entourage si elles ne sont pas placées dans des établissements de soins ou pour personne âgée et il est essentiel de rompre leur isolement. Différentes mesures œuvrent en ce sens et il est possible de se munir d’une autorisation de déplacement dans le but de venir porter secours à des personnes vulnérables. Particulièrement fragiles, elles peuvent avoir besoin de soins, d’apports alimentaires, de réconfort.

L’article 4 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (JO du 24 mars) autorise effectivement, à titre exceptionnel, des déplacements pour motifs familial impérieux et pour porter assistance à des personnes vulnérables, sous réserve d’être dûment muni du document permettant de justifier que l’on se trouve dans un cas ouvrant dérogation au confinement.

Pour maintenir un lien avec les familles, malgré la suspension des visites, le personnel des EHPAD peut aussi les aider à communiquer par téléphone, faire suivre régulièrement des nouvelles ou déposer des informations sur les réseaux sociaux (de nombreux établissements ont ainsi ouvert une page facebook pour informer les proches, en particulier lorsque le virus sévit dans la maison de retraite).

Le législateur a conscience qu’il est indispensable de pouvoir continuer à assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes en situation de handicap et des personnes âgées vivant à leur domicile ou dans un établissement ou service social et médico-social, ainsi que des majeurs protégés et des personnes en situation de pauvreté (art. 11, I, 5° de la loi).

Des adaptations des dispositifs existants sont nécessaires au vu de la crise sanitaire (ordonnance n° 2020-313 du 24 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux, JO du 26 mars A LIRE ICI ). Les établissements ou les services sociaux et médico-sociaux se voient accorder le droit de revoir leurs modes d’organisation et de fonctionnement afin de les assouplir, dans le but de prendre en charge des publics qui ne figurent pas dans leurs protocoles habituels.

Ainsi, de nombreux assouplissements sont pensés visant à adapter les conditions d’ouverture des établissements mais aussi les conditions de prolongation de droits et à assurer la sauvegarde des bénéficiaires de minimas sociaux et de diverses prestations. Il importe le cas échéant que ces établissements adaptent les prestations qu’ils offrent (ainsi faut-il organiser des accompagnements à domicile si les structures d’accueil pour personnes en situation de handicap sont complètes).

Dans tous les cas, les établissements doivent toutefois s’assurer que leurs conditions de sécurité restent suffisantes.

Toutes ces dérogations ont pour but de permettre l’accès aux soins et le maintien de leurs droits à des personnes fragilisées par la crise sanitaire.

D’autres exceptions présentent une évidence certaine car, s’il faut continuer de se soigner et de s’alimenter, il importe malheureusement aussi d’organiser des funérailles.

En la matière, différents accompagnements visent en effet les familles, en particulier lorsqu’elles vivent le drame de perdre un proche dans une période de confinement et de propagation d’un virulent virus.

Il est certes bien compliqué de procéder aux obsèques lorsque le nombre de morts ne cesse de croître et que les rassemblements de personnes sont interdits.

Dans un premier temps, une dérogation a été prévue pour permettre aux familles d’accompagner leurs morts dans ces instants ultimes.

En effet, les établissements proposant des services funéraires sont listés dans l’annexe du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (JO du 24 mars) qui recense les lieux recevant du public mais non visés par son article 8, I : texte qui interdit à nombre d’établissements d’accueillir encore du public pour éviter la propagation du virus. En revanche, les familles ne peuvent pas prévoir les obsèques à leur convenance car, si les lieux de culte peuvent rester ouverts, les cérémonies funéraires sont limitées à vingt personnes (art. 8, IV).

Dans un second temps, afin d’accompagner au mieux les défunts vers leur dernière demeure, c’est le décret n° 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de covid-19 (JO du 28 mars A LIRE ICI ) qui a prévu des dérogations[8], dans le cadre de la crise épidémique.

Face au nombre de décès, il fallait s’assurer que les cadavres pourraient tous être pris en charge. En conséquence, face à une situation exceptionnelle et pour pouvoir répondre aux demandes de toutes les familles, les habilitations des opérateurs funéraires sont prorogées jusqu’au 31 décembre 2020 (art. 7 du décret) [9].

Il importait également de fluidifier les démarches et d’éviter la saturation des services funéraires en assouplissant les obligations imposées aux familles et aux acteurs de la chaîne funéraire.

D’abord, alors que le transport des cadavres obéit à de strictes règles pour des raisons d’hygiène et de salubrité publique, des déclarations devant être adressées aux maires (CGCT, art. R. 2213-7 pour les transports avant mise en bière, et R. 2213-21 pour les transports après mise en bière) et des véhicules spécialement dédiés aux funérailles devant être utilisés, des dérogations sont introduites par le décret en vue de faciliter le transport, avant et après mise en bière.

D’une part, le transport des défunts pourra être réalisé exceptionnellement sans déclaration préalable (art. 2 du décret). La régularisation sera faite dans le mois suivant la fin de l’état d’urgence par des déclarations adressées aux maires.

D’autre part, les opérateurs funéraires pourront utiliser tout véhicule (acquis ou loué) pour acheminer les corps vers un cimetière ou un crematorium (art. 6 du décret). Ils devront adresser une attestation de conformité du véhicule au préfet dans le mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Ensuite, face aux circonstances exceptionnelles, les délais d’inhumation ou de crémation ont dû être assouplis (CGCT, art. R. 2213-33 et R. 2213-35). En principe, ils doivent être strictement respectés, sauf accord préalable du préfet mais, par dérogation, familles et opérateurs funéraires se voient offrir un délai supplémentaire de vingt et un jours, voire davantage en fonction des mesures fixées localement par le préfet au vu de la situation de la population (pour tout ou partie d’un département, art. 3 du décret).

De plus, face à l’urgence, les autorisations de fermeture de cercueil peuvent être transmises par l’officier d’état civil à l’opérateur funéraire de manière dématérialisée (art. 4 du décret, dérogeant à CGCT, art. R. 2213-17). Il est même prévu que les opérateurs funéraires procèdent à la fermeture des cercueils sans cette autorisation lorsque l’inhumation ou la crémation doit intervenir dans les douze heures (la mairie doit en être avertie dans les quarante-huit heures). Toujours pour ne pas retarder les opérations funéraires, le maire peut également transmettre aux services chargés des funérailles les autorisations d’inhumation ou de crémation (art. 5 du décret, dérogeant à CGCT, art. R. 2213-31 et R. 2213-34).

Enfin, face au nombre croissant de morts, les familles se voient autorisées de mettre en attente des cercueils hermétiquement fermés dans des dépositoires (art. 8 du décret modifiant CGCT, art. 2213-29), pour une durée maximale de six mois, au terme de laquelle le corps devra être inhumé.

[1] Art. 38 de la Constitution.

[2] Le Premier ministre a pu également assortir ces interdictions et obligations de sanctions pénales (CSP, art. L. 3136-1).

[3] Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19, J0 du 10 mars.

[4] Voir en ce sens le communiqué du ministre de l’Intérieur, de la ministre de la Justice, de la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et du secrétaire d’État en charge de l’enfance du 25 mars 2020 : « le Gouvernement (est) pleinement mobilisé contre les violences conjugales et intrafamiliales ».

[5] Ces professionnels de l’enfance doivent bénéficier aussi d’un équipement de protection et leurs enfants doivent être pris en charge afin qu’ils puissent mener à bien leur mission, sachant qu’ils ont une obligation de continuité d’activité. On notera que le personnel éducatif de la protection de l’enfance bénéficie du régime de garde d’enfants mais les éducateurs spécialisés ont été oubliés dans le décret du 23 mars 2020.

[6] En cas de suspension, un décret doit déterminer les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels le cours des délais reprend, eu égard à des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé ou de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et surtout de protection de l’enfance et de la jeunesse.

[7] Dans le même esprit, des visites dans des établissements de soins ou des parloirs dans des prisons ont pu être suspendus.

[8] Prévues jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois, à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (art. 1er du décret).

[9] Voir aussi art. 3 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (JO du 26 mars).