Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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ACCIDENTS COLLECTIFS ET CATASTROPHES : DES AVANCEES PROCEDURALES SOUS LE SAPIN DE NOËL, C. Lacroix

LACROIX Caroline

Maître de conférences HDR en droit privé & sciences criminelles, Université Évry-val d’Essonne – Paris Saclay,
Membre du Centre Léon Duguit,
Membre associé du CERDACC

 

Les catastrophes et accidents collectifs s’inscrivent dans un mouvement de juridicisation pénale (Dir° C. Lacroix, M.F. Steinlé-Feuerbach, La judiciarisation des grandes catastrophes – Approche comparée du recours à la justice pour la gestion des grandes catastrophes (de type accidents aériens ou ferroviaires), Dalloz, coll. Thème & commentaire, mai 2015) se traduisant essentiellement par un droit processuel dédié (C. Lacroix, Le traitement judiciaire des accidents collectifs : hier, aujourd’hui et demain. Questions de procédure pénale, in Mélanges en l’honneur du professeur Cl. Lienhard, Université et prétoire. éd. L’Harmattan, coll. Droit privé et sciences criminelles, 2020, p. 147). La procédure pénale en matière de catastrophes s’enrichit ainsi au gré des réformes menées. Concernant les accidents collectifs, la juridicisation débute avec la loi du 8 février 1995 introduisant un article 2-15 dans le code de procédure pénale qui autorisa les associations de victimes d’accidents collectifs à se constituer partie civile (F. Le Gunehec, « Commentaires des dispositions pénales de la loi du 8 février 1995 : réformettes, réformes d’ampleur et occasions manquées ; Première partie : la procédure préparatoire. », JCP G 1995, I, 3862 ; C. Lienhard, « Le droit pour les associations de défense des victimes d’accidents collectifs de se porter partie civile », D. 1996, chron., p. 312.). Cette spécificité du droit processuel au cours de l’instruction fut ensuite renforcée par la loi dite « Perben II » du 9 mars 2004. En premier lieu, dès lors qu’une association de défense des victimes d’accident collectif existe, le législateur admet une information collective par le biais de cette dernière (Art. 90-1 al. 3 C.P.P.). En second lieu, la loi permet aux fédérations d’associations d’accidents collectifs de se constituer partie civile (C. Lienhard, « Encore un nouveau partenaire pour le procès pénal : les associations de défense- Le droit pour les fédérations d’association de défense des victimes d’accident collectif de se porter partie civile », JAC n°44.)

De manière plus spectaculaire, la juridicisation s’est traduite par l’instauration d’un corps de magistrats expérimentés et spécialisés. La justice pénale est dotée de juridictions spécialisées en cas de catastrophes sanitaires et en cas d’accidents collectifs. Concernant les premières, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (art. 33- art. 706-2 C. pr. pén.) donna naissance aux « pôles santé » (Pascal Gand, Les pôles de santé publique, une organisation adaptée aux contentieux en matière de sécurité sanitaire ? RDSS 2013 p.813). Pour les secondes, ce fut la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles qui insère un titre trente-troisième au sein du code de procédure pénale intitulé « De la procédure applicable en cas d’accident collectif » (L. n° 2011-1862, 13 déc. 2011, JO 14 Déc. 2011 ; articles 706-176 et s. C. pr. pén.; A. Gallois, Les juridictions pénales spécialisées en matière d’accidents collectifs, Procédures n° 10, oct. 2011, alerte 46 ; T. Potaskin, La poursuite du processus de spécialisation de la justice pénale, D. 2012. 452 ; C. Lacroix, JAC n° 119, déc. 2011). Les tribunaux judiciaires de Paris et Marseille ont été désignés dans les deux cas pour accueillir ces pôles (décret n° 2004-984 du 16 sept. 2004 en matière de santé publique et décret n° 2014-1634 du 26 décembre 2014 en matière d’accidents collectifs.).

Adoptée à quelques heures du réveillon de Noël, la loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée poursuit ce mouvement. Elle contient en son titre 2, intitulé « dispositions relatives à la justice pénale spécialisée », quatre articles renforçant la spécificité de la procédure pénale en matière des catastrophes et d’accident collectifs. Ces dispositions consolident d’une part les règles de compétence et de poursuites, d’autre part, étayent les droits des victimes notamment concernant leur participation au procès.

I- Des règles de compétences et de poursuites consolidées

Si la justice pénale est dotée de juridictions spécialisées en cas d’accidents collectifs et de catastrophe sanitaire, cette compétence n’est pas une compétence directe et nationale. La loi nouvelle opère un véritable « « renforcement de la compétence des pôles » (L. Raschel, Réflexions sur les pôles accidents collectifs, AJ Pénal 2020 p.222) en mettant en place une action prioritaire des pôles (A).

Plus singulièrement en matière d’accidents collectifs, le pôle est saisi lors de catastrophes survenues à l’étranger. Qu’une catastrophe se produise à l’étranger n’exclut pas la présence de nombreuses victimes françaises. En témoignent, par exemple, la catastrophe aérienne de Charm El Cheikh, le 3 janvier 2004, qui comptait parmi les 148 passagers, 135 français ou le crash d’un biréacteur de la Compagnie charter Colombienne West Caribbean Airways à Maracaibo au Venezuela, le 6 Août 2005, qui a provoqué la mort de 152 passagers Martiniquais, lors du vol retour pour Fort de France. Tel fut aussi le cas de la plus grande catastrophe maritime civile au regard du nombre des victimes qu’elle a provoqué : le naufrage du Joola Le 26 septembre 2002. Le navire battant pavillon sénégalais, chavirait dans les eaux internationales de l’océan atlantique, au large des côtes de la République de Gambie, alors qu’il effectuait la liaison Ziguinchor- Dakar, causant la mort d’au moins 1863 personnes dont 19 de nationalité française. (C. Lacroix, De Charybde en Scylla : le naufrage du Joola in « Risque, Accidents et Catastrophes – Liber amicorum en l’honneur de Madame le Professeur M.-F. Steinlé-Feuerbach », éd. L’Harmattan, 2015, p 273). La loi assouplit également les conditions relatives à la compétence passive de ces juridictions, facilitant ainsi la poursuite et la répression de faits majeurs ayant fait des victimes françaises à l’étranger (B).

A- La priorisation de l’action des pôles

Les pôles santé publique et accidents collectifs ont vocation à connaître, sur des critères communs, des « affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité » et pour des infractions déterminées limitativement par la loi (art. 706-176 C. pr. Pén. pour les accidents collectifs et art. 706-2 en matière sanitaire). De manière spécifique, il faut ajouter pour les pôles accident collectifs, le critère tenant la pluralité de victimes. Cette compétence s’étend aux infractions connexes. Ces mêmes infractions qui ne sont pas d’une grande complexité restent de la compétence des juridictions ordinaires. La compétence des pôles a été conçue comme une compétence concurrente de celles des juridictions de droit commun et cela sur toute l’étendue de leur ressort. Il s’agit d’une compétence complémentaire et subsidiaire. Les pôles ne bénéficient pas d’un droit d’évocation leur permettant de se saisir spontanément et n’ont aucun droit de préemption sur les dossiers. Une procédure de dessaisissement au profit d’une juridiction pôle est prévue (art. 706-178 à 706-180 C. pr. Pén pour accidents collectifs et 706-2 pour le pôle santé).  Si comme le relève les acteurs de ces pôles « la saisine du pôle fait fréquemment consensus » (L. Raschel préc.; v. également pour un exemple de dessaisissement du juge d’instruction au profit de la juridiction spécialisée en matière sanitaire: Crim. 21 juill. 2005, no 05-84.530, D. 2005. IR 2408; JCP 2005. IV. 3139), il est apparu opportun au législateur de fluidifier les relations entre parquets (exposé des motifs de la loi).

Dans une telle perspective, le mécanisme de désistement est écarté par la loi du 24 décembre qui insère un nouvel article 43-1 dans le code de procédure pénale ainsi rédigé : « Lorsque le ministère public près le tribunal judiciaire dispose, en application du présent code, d’une compétence spécialisée et concurrente qui s’étend aux ressorts d’autres tribunaux judiciaires, spécialisés ou non, cette compétence s’exerce de façon prioritaire sur celle des parquets près ces tribunaux tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement. Lorsqu’il décide d’exercer sa compétence, les parquets près ces tribunaux se dessaisissent sans délai à son profit. ». Cette disposition reprend une proposition formulée par le procureur général près la Cour de cassation, M. François Molins, dans un rapport sur le traitement de la criminalité organisée et financière remis en juillet 2019. Il préconisait alors la mise en place d’un droit d’évocation au bénéfice des parquets spécialisés.

L’exercice prioritaire de compétence est limité dans son application. Il ne peut être mis en oeuvre que tant que l’action publique n’a pas déjà été mise en mouvement. Dans le cas contraire, la procédure de dessaisissement doit être appliquée.

 

B- La facilitation de la compétence française pour des faits commis à l’étranger

La loi du 24 décembre ne conditionne plus la compétence personnelle passive des pôles à la nécessité d’une plainte de la victime facilitant ainsi leur action. Dans l’hypothèse d’une catastrophe se déroulant à l’étranger, la compétence des pôles accidents et santé publique ne sera plus soumise qu’à l’article 113-7 et à la nécessité requête du ministère public. Cet article n’était pas présent dans le texte initial. Il est issu d’un amendement du Gouvernement lors de l’examen du texte devant l’Assemblée Nationale.

La dimension internationale de la catastrophe, sa survenance à l’étranger constitue l’une des hypothèses privilégiées de saisine d’un pôle spécialisé. Il en fut ainsi par exemple du crash du Rio-Paris ou dernièrement lors de la double explosion au port de Beyrouth. Dans cette hypothèse, la compétence des pôles est soumise, comme toutes les juridictions pénales, aux dispositions de l’article 113-7 du code pénal au terme duquel « la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction ».

La nationalité française de la victime, ou d’une seule d’entre elles en cas de pluralité, constitue un critère rattachement objectif permettant d’admettre la compétence personnelle passive en matière de catastrophe extra loci. La Chambre criminelle, avec constance et fermeté (D. Brach-Thiel, rép. Pén. V°Compétence internationale), n’admet que la seule victime directe de l’infraction, de nationalité française, pour fonder la compétence personnelle passive (Crim. 31 janv. 2001 ; Crim. 21 janv. 2009 ; Crim. 6 nov. 2013), excluant de la notion de victime les ayants droit français d’une victime directe de nationalité étrangère. La chambre criminelle avait eu l’occasion de rappeler, dans le cadre de la catastrophe aérienne de la compagnie Kenya Airways, que les juridictions judiciaires françaises qui, à la suite de l’accident d’un aéronef d’une compagnie étrangère qui s’est abîmé en mer en dehors du territoire français, sont saisies des plaintes de victimes et familles de victimes, doivent, au regard des prescriptions combinées des articles 113-7 du code pénal et 689 du code de procédure pénale, vérifier que les victimes directes de l’accident étaient, au moment des faits, de nationalité française, pour faire jouer la compétence personnelle passive propre à engager leur compétence (Crim. 6 nov. 2013, n°13-84.317, Dalloz actualité, 5 déc. 2013, obs. Le Drevo; Gaz. Pal. 9-11 févr. 2014, p. 29, obs. Dreyer, RSC 2014 p. 346, obs. Mayaud ; JAC n°139, déc. 2013, obs. C. Lacroix.). Les tentatives d’infléchir la position des juges du quai de l’Horloge tant par le recours aux normes internationales et européennes (Crim. 21 janv. 2009, préc. ; Crim. 8 nov. 2016) que par le biais du mécanisme de la QPC (crim. 12-06-2018, n° 17-86.640, AJ Pénal 2018 p.421, Victime par ricochet et compétence passive des juridictions françaises : la QPC n’a pas prospéré, note C. Lacroix) ont toutes échouées.

Antérieurement à la loi du 24 décembre, la difficulté pouvait résulter dans les conditions imposées par l’article 113-8 du code pénal. En effet, le code exige que « la poursuite des délits ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d’une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis ». La compétence des juridictions françaises est soumise, en vertu du droit commun, à l’existence d’une plainte préalable d’une victime française ou des ayants-droits d’une victime française. Une telle exigence disparait à l’avenir. L’article 7 de la loi introduit un nouvel article 113-8-1 au sein du code pénal qui dispose que « La plainte ou la dénonciation mentionnées à l’article 113-8 ne sont pas nécessaires lorsque la poursuite est exercée devant une juridiction pénale disposant, en application des dispositions du code de procédure pénale, d’une compétence territoriale concurrente et spécialisée s’étendant sur le ressort de plusieurs tribunaux judiciaires ou sur l’ensemble du territoire. »

La dispense de plainte ou de dénonciation préalable pour la poursuite par les parquets spécialisés des pôles écarte la difficulté soulevée lors de l’affaire de la Kenya airways relative à la portée du désistement des plaintes avec constitution de partie civile et de la combinaison de l’article 113-8 du code pénal, lequel prévoit que la plainte de la victime ou la dénonciation officielle sont une condition nécessaire de la poursuite dans les cas prévus à l’article 113-7, et l’article 6 alinéa 3 du code de procédure pénale relatif à l’extinction de l’action publique en cas de retrait de plainte.  Dans cette affaire, la chambre de l’instruction avait pu admettre que le désistement de certaines des parties civiles comme équivoque au motif qu’il ne visait pas expressément le réquisitoire supplétif pris du chef d’homicide involontaire. Une telle interprétation paraît hasardeuse dans la mesure où les juges relèvent parallèlement que les parties civiles ont pu se désister de leur constitution de partie civile, ayant été indemnisées de leur préjudice par l’assureur responsabilité de la Kenya Airways. Saisie, La chambre criminelle (Crim. 6 nov. 2013, préc.) « Sans le dire ouvertement, (…) semble adhérer à la portée extinctive du désistement des parties civiles sur l’action publique » (Y. Mayaud, RSC 2014. 346) rejoignant la majorité de la doctrine laquelle estime que le retrait de plainte paralyse l’action publique (CI. Lombois, Droit pénal international, 2e éd., 1979, n° 303 ; A. Huet et R. Koering-Joulin, J-CL Intern., fasc. 403-20, 1995, n° 31 ; A. Fournier, Rép. Pén, V° Compétence internationale, 1996, n° 144. Pour une opinion contraire tendant à admettre « une possible continuation des poursuites malgré un retrait de plainte », D. Brach- Thiel, Rép. Pén, V° compétence internationale, n°186 et s.).

 

II- Les droits des victimes de catastrophes étayés

La loi relative au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée a fait l’objet de deux amendements déposés par le gouvernement ayant pour finalité commune de faciliter l’accès des parties civiles aux audiences de ces juridictions et de mieux garantir la place des victimes dans les grands procès (C. Lacroix, La place des victimes dans les « grands procès », AJ pénal, janv. 2021, p. 18), lorsque sont impliquées un nombre très important de victimes, notamment dans les procès en matière de terrorisme, de santé publique, ou d’accidents collectifs tant pour les procès à l’étranger (A) qu’en France ( B). La mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs est liée à la notion de procès relevant d’une juridiction pénale spécialisée.

A- L’octroi d’une aide du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions pour assister aux procès à l’étranger

L’accès des victimes françaises au procès à l’étranger peut se révéler complexe, voire onéreux. Certains procès de catastrophes à l’étranger ont permis d’imaginer d’autres modalités permettant aux victimes d’assister aux audiences L’une d’elles consiste à prévoir, en France, une retransmission du procès et les modalités pratiques associées (traduction en temps réel notamment). Le procès de Banyolès (en 1998, un catamaran de promenade avec 141 personnes à bord chavirait sur le lac de Banyolès en Espagne provoquant la mort de 21 retraités français et des blessures graves à 31 personnes) a fait l’objet d’un traitement spécial par les justices française et espagnole qui ont organisé pour les familles des victimes françaises une liaison directe avec le tribunal de Gérone dans trois palais de justice en France (Pour une description des modalités d’organisation de ce procès : JAC n°32, interview du mois). Dernièrement, concernant le procès de l’attentat commis au musée du Bardo en Tunisie le 18 mars 2015, où quarante-huit victimes françaises ont été blessées et quatre sont décédées, les magistrats tunisiens ont autorisé la diffusion non interactive audio et vidéo du procès dans une salle d’audience de la cour d’appel de Paris afin d’éviter le déplacement des parties civiles à Tunis.

A l’avenir, la loi facilite l’accès des victimes françaises lors des grands procès à l’étranger par le biais d’une aide financière octroyée notamment aux victimes d’actes de terrorisme, de crimes contre l’humanité ou d’infractions en matière de santé publique ou d’accidents collectifs. Le texte intègre ainsi un article 706-14-2 au sein du code de procédure pénale disposant que « toute personne physique ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non, commis à l’étranger, susceptibles de relever de la compétence d’une juridiction pénale disposant, en application des dispositions du présent code, d’une compétence territoriale concurrente et spécialisée s’étendant sur le ressort de plusieurs tribunaux judiciaires ou sur l’ensemble du territoire, peut, lorsque ces faits présentent le caractère matériel d’une infraction et répondent aux conditions prévues à l’article 706-3 du présent code ou à l’article L. 126-1 du code des assurances, obtenir du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions une aide financière au titre des frais de voyage, de l’indemnité de comparution et de l’indemnité journalière de séjour pour répondre à une convocation à l’audience de jugement d’un procès pénal tenu à l’étranger, selon des modalités et conditions prévues par voie réglementaire ».

Dans les cas où ces faits seraient jugés par une juridiction étrangère, la victime, qui serait tenue de se déplacer à l’étranger pour pouvoir assister au procès, pourra obtenir du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions une aide financière au titre des frais de voyage, de l’indemnité de comparution et de l’indemnité journalière de séjour, de la même façon que si le procès s’était tenu en France. L’octroi de cette aide est conditionné par deux éléments : les faits présentent le caractère matériel d’une infraction et répondent aux conditions prévues à l’article 706-3 du code de procédure pénale ou à l’article L. 126-1 du code des assurances. Le renvoi aux conditions de l’article 706-3 du code de procédure pénale relatif à l’indemnisation des victimes d’infractions et L. 126-1 du code des assurances relatif aux victimes de terrorisme signifie que pourront bénéficier de cette aide, toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire de nationalité française.

B- La possibilité de retransmission sonore aux parties civiles dans les procès de grande ampleur

Le texte insère enfin  un nouvel article 802-3 dans le code de procédure pénale selon lequel « en cas de procès relevant d’une juridiction pénale disposant, en application des dispositions du présent code, d’une compétence territoriale concurrente et spécialisée s’étendant sur le ressort de plusieurs tribunaux judiciaires ou sur l’ensemble du territoire, le premier président de la cour d’appel peut décider, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, en raison de la disproportion entre d’une part les capacités d’accueil physique de la juridiction et, d’autre part, le nombre des parties civiles, que le déroulement de l’audience fera l’objet, selon des modalités précisées par arrêté du ministre de la Justice, d’une captation sonore permettant sa diffusion en différé, par un moyen de télécommunication garantissant la confidentialité de la transmission, aux parties civiles qui en ont fait la demande. Le président de la juridiction pénale peut toutefois ordonner l’interdiction de la diffusion de tout ou partie des débats, afin de garantir leur sérénité ou de prévenir un trouble à l’ordre public ».

L’exposé des motifs de l’amendement souligne que ces modifications, qui répondent à des demandes de chefs de la cour d’appel de Paris et du tribunal judiciaire de Paris, permettront, au regard de l’importance du nombre de parties civiles, notamment, dans des procès en matière de santé publique ou de terrorisme, d’une éventuelle retransmission sonore du procès aux parties civiles, en différé mais dans un bref délai, ne pouvant excéder quelques heures, par un système de code d’accès. Les victimes disposeraient ainsi d’un accès personnalisé aux audiences, sans devoir, tout au long d’un procès pouvant durer plusieurs semaines ou plusieurs mois, se déplacer dans les salles d’audience. La participation aux audiences par le biais d’un moyen de télécommunication reste à la discrétion des victimes. Écouter un enregistrement sonore diffusé, en léger différé, ne peut être imposé aux parties civiles. Cette nécessité de l’accord des parties civiles fait écho au débat sur le recours à la visioconférence et à l’inconstitutionnalité des dispositions prises pendant la période de l’état d’urgence sanitaire prononcée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 janvier 2021, en matière correctionnelle, sans l’accord des partie (Déc. N°2020-872 QPC 15 janvier 2021).

Si la solution imaginée pour juguler le nombre des victimes permet de résoudre pour partie les difficultés liées aux capacités d’accueil des juridictions, il n’est pas certain qu’elle rencontre l’adhésion des victimes.  Il sera opportun d’évaluer le dispositif après les premières expériences menées.

Signalons enfin que le fait d’enregistrer cette captation ou de la diffuser à des tiers est puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.