Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

Non classé

DROIT DU DOMMAGE CORPOREL, PREJUDICE D’AFFECTION DE LA BELLE FAMILLE, Cl. Lienhard et C. Szwarc

Claude Lienhard,
Professeur des universités
Avocat spécialiste en droit du dommage corporel

et

Catherine Szwarc,
Avocate spécialiste en droit du dommage corporel

 

Cour d’Appel Douai 6ème Chambre n° 248/2018 – 19 avril 2018- sur appel d’un jugement du Tribunal Correctionnel de Dunkerque, 1ère chambre, du 6 octobre 2016

Ce sont  encore malheureusement des violences routières qui ont permis à la Cour d’appel de Douai, par un arrêt du 19 avril 2018, de rappeler quelques principes fondamentaux du droit de la réparation au regard ici du préjudice d’affection de la famille par alliance à savoir la perte d’un gendre et d’un beau-frère dans une famille particulièrement unie.

Le Premier Juge avait en effet  exclu du cercle parental présumé les beaux-parents, les beaux-frères et les belles-sœurs estimant qu’ils devaient rapporter la preuve de liens affectifs privilégiés.

Le Premier Juge avait ensuite  estimé que les attestations et les photos montrant des réunions de famille et de bonne entente ne suffisaient pas à justifier lesdits liens.

Enfin dans une posture morale, il avait été souligné que la douleur morale serait dévalorisée au point de l’abaisser au rang d’un objet de commercialisation.

La Cour d’Appel de Douai pose très clairement d’autres règles plus conforme au principe de réparation intégrale à savoir :

  • le préjudice d’affection dont il est sollicité réparation correspond au préjudice moral subi par les proches à la suite du décès de la victime directe.
  • l’existence d’un lien de sang ou d’alliance permet d’emblée de dédommager le premier cercle parental de la victime à savoir ses ascendants, descendants et collatéraux
  • il appartient aux membres de la belle famille de rapporter la preuve de liens affectifs spécifiques les unissant au défunt

D’un point de vue probatoire, la Cour rappelle qu’avaient été versés aux débats des témoignages de voisins et amis selon lesquels la victime décédée fréquentait régulièrement l’exploitation agricole de ses beaux-parents, venait bricoler et jardiner, participait aux événements festifs, randonnées à pieds et à vélo avec ses beaux-frères et belles-sœurs.

Les photographies produites montrent également la bonne entente et l’esprit de famille qui régnaient entre tous dans la mesure où la victime n’hésitait pas à réunir ses deux familles lors de célébrations.

De l’ensemble de ces éléments et pièces, il ressort que l’harmonie et le lien familial ont été détruits par l’accident de la circulation routière de survenance imprévisible et brutale découlant d’une faute pénale.

Dès lors les appelants justifiant de leurs liens affectifs privilégiés sont fondés à obtenir réparation intégrale de leurs préjudices personnels directs et certains découlant du décès.

Le préjudice d’affection est fixé comme suit :

  • à hauteur de 3 000 € pour chacun des beaux-parents
  • à hauteur de 2 000 € pour chacun des beaux-frères et belles-sœurs

A propos de quantum, on rappellera le coût de l’insécurité routière (cf. C. Chabot, le coût des accidents de la circulation, in Revue pondération Janvier-Février-Mars 2018)

Le coût des accidents corporels objectivés par la notion de valeur tutélaire de la vie humaine :

  • 11,3 milliards d’euros au titre de la mortalité
  • 22,0 milliards d’euros au titre des hospitalisations
  • 3,8 milliards d’euros pour les blessés légers
  • 1,1 milliard d’euros au titre des dégâts matériels lors des accidents corporels

On ne peut dés lors que déplorer que les assureurs s’inscrivent comme dans le cas soumis à la Cour d’Appel dans une stratégie de déni du préjudice des membres de la belle famille contraignant à un parcours judiciaire éprouvant