LA CONSOLIDATION JURIDIQUE DE L’ORGANISATION TERRITORIALE DE L’AIDE AUX VICTIMES, I. Sadowski

Isabelle SADOWSKI
Directrice Juridique et de la Coordination de l’Aide aux Victimes
France Victimes

 

Une trilogie de nouveaux textes relatifs aux Comités Locaux d’Aide aux Victimes (CLAV), adoptée très récemment, vient renforcer l’opérationnalité de la déclinaison territoriale de la politique publique d’aide aux victimes.

Ont ainsi été adoptés :

            – Un décret n° 2018-329 du 3 mai 2018 relatif aux Comités Locaux d’Aide aux Victimes ;

            – Un arrêté  du 7 mai 2018 relatif aux modalités de fonctionnement de l’Espace d’Information et d’Accompagnement (EIA) ;

            – Une circulaire relative à l’application du décret n° 2016-1056 du 3 août 2016 modifié portant création des comités locaux d’aide aux victimes et des espaces d’information et d’accompagnement des victimes d’actes de terrorisme.

 I- Le CLAV, déclinaison locale de la politique publique d’aide aux victimes

Le décret du 3 mai 2018 relatif aux CLAV vient se substituer à celui du 25 avril 2017, lui-même venant à la suite du décret du 3 août 2016 ayant créé les comités dans leur forme originaire (décret n° 2016-1056 du 3 août 2016 qui avait institué les CLSV – Comités Locaux de Suivi des Victimes -, lesquels concernaient dans un premier temps exclusivement les victimes d’actes de terrorisme).

Il a vocation à clarifier le dispositif, à en améliorer la lisibilité et l’efficacité et à tirer les conséquences des attributions renforcées du ministre de la Justice en matière d’aide aux victimes (article 1er du décret du 24 mai 2017 relatif aux attributions du Garde des Sceaux, ministre de la Justice).

Ce décret réaffirme en premier lieu le champ de compétence des CLAV tel que posé par le décret du 25 avril 2017, à savoir l’ensemble des victimes d’infractions pénales, d’actes de terrorisme, d’accidents collectifs et d’événements climatiques majeurs.

De manière générale, deux idées-phare doivent guider les travaux du CLAV :

            – STRUCTURER l’aide aux victimes sur le département,

            – ANTICIPER la survenance d’un événement collectif sur ce même territoire.

Elles se traduisent par 6 grandes missions dévolues au CLAV :

            – veiller à la structuration, à la coordination, à la mise en œuvre et à l’amélioration des dispositifs locaux d’aide aux victimes, notamment d’infractions pénales ainsi que d’actes de terrorisme, d’accidents collectifs et de catastrophes naturelles ;

            – veiller à l’articulation de ces dispositifs avec l’organisation de la prise en charge sanitaire mise en place par l’Agence Régionale de Santé ou, en outre-mer, par l’établissement accomplissant les mêmes missions ;

            – élaborer et assurer l’évaluation d’un schéma local de l’aide aux victimes qui présente les dispositifs locaux, généraux et spécialisés d’aide aux victimes, établir une évaluation des moyens et de l’organisation territoriale de l’aide aux victimes et dégager des priorités d’action ;

            – assurer la transmission des données relatives au suivi des victimes d’actes de terrorisme, des victimes d’accidents collectifs et des sinistrés d’événements climatiques majeurs, au ministre chargé de l’aide aux victimes et au délégué interministériel à l’aide aux victimes, à l’exception des données de santé ;

            – élaborer et actualiser régulièrement un annuaire des acteurs compétents pour la mise en œuvre des droits accordés aux victimes ;

            – susciter et encourager les initiatives en matière d’aide aux victimes dans le département, en formulant en ce sens toute proposition d’amélioration de la prise en charge des victimes à la DIAV ;

            – identifier les locaux susceptibles d’accueillir les victimes d’actes de terrorisme ou d’accidents collectifs et leur proches, notamment dans ceux du centre d’accueil des familles et ceux de l’espace d’information et d’accompagnement.

À titre principal, les principales modifications actées dans le décret du 3 mai 2018 ont trait à la composition des CLAV :

            – une co-présidence des CLAV Préfets / procureurs de la République des chefs-lieux de département est instituée ;

            – le Magistrat de la cour d’appel, Délégué à la Politique Associative et à l’Accès au Droit (MDPAAD), intègre expressément le CLAV.

Par ailleurs, est prévu qu’un Espace d’Information et d’Accompagnement (EIA) devra être recherché, identifié et institué, en cas d’attentat sur le département ou d’un nombre important de victimes issu du département, afin de constituer un « guichet unique » des différents professionnels, afin d’éviter aux victimes une dispersion des démarches qu’elles auront à effectuer.

Les modalités de fonctionnement EIA sont désormais fixées par arrêté du Garde des Sceaux.

II- Une anticipation généralisée de lieux de prise en charge de victimes d’attentats

L’arrêté du 7 mai 2018 relatif aux modalités de fonctionnement de l’EIA des victimes d’actes de terrorisme est basé sur les dispositions déjà existantes, sur les retours d’expériences et les chartes de fonctionnement des EIA d’ores-et-déjà ouverts (Paris, Nice, Quimper, Carcassonne).

Cet arrêté définit aussi le positionnement du CLAV par rapport à l’EIA, et systématise la rédaction d’une charte de fonctionnement en cas d’ouverture d’un EIA.

Pour rappel, l’EIA est une structure limitée dans le temps, qui succède au temps de l’urgence, et qui a vocation à prendre place dans la phase post-crise, selon l’instruction interministérielle sur la prise en charge des victimes d’actes de terrorisme du 10 novembre 2017.

L’EIA est ouvert sur décision conjointe du préfet de département et du procureur de la République territorialement compétents, après avis du CLAV, en cas d’attentat ; il fermera selon le même mode opératoire, lorsque le nombre de victimes résidant dans le département concerné et la nature de leur accompagnement ne justifient plus l’ouverture d’un tel espace.

La principale nouveauté instaurée par cet arrêté concerne la définition des missions des acteurs dans le fonctionnement de l’EIA :

            – d’une part, est créé un co-pilotage du dispositif, assuré par le MDPAAD et le préfet, ou son représentant, en charge des aspects structurels et logistiques du dispositif : localisation, validation de la composition, financement, anticipation des évolutions de la structure etc ;

            – d’autre part, l’association d’aide aux victimes conventionnée par la cour d’appel territorialement compétente et désignée par le premier président et le procureur général près cette même cour, compte tenu de la prise en charge globale et pluridisciplinaire qu’elle est en mesure d’assurer aux victimes, aura un rôle d’animation et de coordination partenariale dans la prise en charge des victimes au sein de l’EIA.

III- Une dynamisation concrète du déploiement des CLAV au travers la circulaire du 22 mai 2018

Dans le prolongement du décret du 3 mai 2018 relatif aux CLAV et de l’arrêté du 7 mai 2018 consacré au fonctionnement de l’EIA, la circulaire du 22 mai 2018 présente plus précisément les conditions de création et d’animation des CLAV et encourage à la définition d’une stratégie territoriale en matière d’aide aux victimes.

Elle actualise et remplace la circulaire du 17 octobre 2016 relative aux Comités Locaux de Suivi des Victimes de terrorisme (CLSV).

Élaborée par la Délégation Interministérielle à l’Aide aux victimes (DIAV), elle a été signée par 3 ministres : Justice, Intérieur, Solidarités et Santé, ce qui illustre de façon prégnante le caractère interministériel de prise en compte de la thématique de l’aide aux victimes.

Ce texte indique notamment que tous les CLAV devront être créés et installés au cours de l’année 2018, en ce sens où ils contribuent largement à « diffuser une culture commune de la prise en charge et de l’aide aux victimes ».

La circulaire, par référence au décret du 3 mai 2018, donne des précisions quant aux membres composant le CLAV, qui se divisent en 4 grandes catégories :

            – les membres de droit : services de l’État, collectivités territoriales, Président du Conseil Départemental de l’Accès au Droit, MDPAAD, Directeur de l’ARS (Agence Régionale de Santé), Pôle Emploi, organismes locaux d’assurance maladie et organismes locaux débiteurs des prestations familiales, le cas échéant, autres procureurs de la République des ressorts compris dans le département, Barreaux du département, Associations d’Aide aux Victimes locales conventionnées (majoritairement fédérées par France Victimes).

            – les membres présents sur les questions de terrorisme : Fonds de Garantie des victimes d’actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI), Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ONAC-VG), correspondants territoriaux d’associations de victimes de terrorisme (FENVAC – Fédération Nationale des Victimes d’Attentats et d’Accidents Collectifs – et AFVT – Association Française des Victimes du Terrorisme -).

            – les membres présents s’agissant des accidents collectifs et des événements climatiques majeurs : le coordonnateur national, lorsqu’il a été procédé à une telle désignation par le Premier ministre, les compagnies d’assurance et, le cas échéant, la Fédération Française de l’Assurance, les correspondants territoriaux d’associations de victimes d’accidents collectifs (FENVAC).

            – les personnes qualifiées : la liste n’est pas exhaustive ; en fonction des points inscrits à l’ordre du jour, pourra être conviée au CLAV toute personnalité qualifiée dans le domaine de l’aide aux victimes, ou toute personne extérieure ayant une connaissance spécifique ou un intérêt particulier concernant les sujets abordés.

Le CLAV pourra par ailleurs fonctionner sous 2 formats :

            – en formation plénière, avec une réunion au moins une fois par an, sur convocation du préfet ;

            – via un comité de suivi technique, en cas d’événement dramatique qui serait survenu sur le département, et qui réunira les organismes et administrations directement concernés par la prise en charge des victimes. Piloté par le référent en charge du secrétariat du CLAV (service de la Préfecture ou du procureur de la République), il veillera à l’accompagnement effectif de toutes les victimes de l’événement ainsi que de leurs proches, et abordera spécifiquement leurs situations individuelles.

La circulaire dresse également un focus plus particulier sur les sujets suivants :

            – les schémas départementaux, tâches prioritaires des CLAV, qui devront être élaborés et transmis à la DIAV d’ici juin 2019 : la circulaire préconise la mise en place d’un groupe de travail pluridisciplinaire sur cette question, qui dressera un état des lieux approfondi et transversal, puis une analyse de l’existant, en vue de définir, via ce schéma départemental, une structuration cohérente et lisible de l’offre en faveur des victimes ;

            – les différents partenariats à impulser via les CLAV (impliquant largement les Associations d’Aide aux Victimes), en vue de permettre une prise en charge la plus adaptée possible à l’égard des victimes ;

            – les EIA : en adéquation avec l’arrêté du 7 mai 2018, est précisé qu’en cas d’ouverture d’un EIA, sa direction incombera au préfet et au MDPAAD, tandis que l’AAV sera chargée de son animation et de sa coordination. Une charte de fonctionnement sera rédigée pour chaque EIA, régissant ses modalités d’organisation et de fonctionnement.

Enfin, cette circulaire est accompagnée de 4 annexes, à visée très pratique, destinées à aider à la mise en place des CLAV et à impulser leurs travaux :

            – un modèle d’arrêté portant création d’un CLAV ;

            – une proposition de trame de schéma départemental ;

            – une trame de tableau de bord permettant le suivi de l’activité d’un EIA ;

            – un modèle de charte relative à l’EIA.

Cette circulaire sera prochainement publiée sur Légifrance (circulaires.gouv.fr) et aux bulletins officiels des ministères de la Justice et de l’Intérieur.

Ces nouveaux textes doivent véritablement favoriser la mise en œuvre d’une politique d’aide aux victimes cohérente et coordonnée sur le plan territorial. On saluera le caractère généraliste des CLAV, dévolu aux victimes de tout type d’infraction, avec, en parallèle, une indispensable adaptation des dispositifs en cas d’attentats, au travers notamment des EIA.

L’objectif est une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, gageons de l’effectivité de ce dispositif dans un an, avec un bilan qui, espérons-le, constatera un déploiement généralisé des CLAV sur tous les départements.

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