L’ASSOCIATION SPORTIVE ET LES CLAUSES ABUSIVES, Ph. SCHULTZ

 Philippe SCHULTZ

Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace – HDR
Membre du CERDACC

 

Mots clés : Association sportive – clause abusive – clause réputée non écrite – consommateur – professionnel – non professionnel – pratique restrictive – indemnisation.

 

 Pour se repérer

Une association sportive – l’association Cap Charenton – conclut un contrat de location de longue durée avec la société Holding Lease France (HLF) portant sur du matériel de reprographie dont elle prend livraison le 15 décembre 2011. Il est convenu un règlement de 21 loyers trimestriels de 2 380 euros. Dès le 19 décembre 2011, la société HLF vend ce matériel la SA BNP Paribas Lease Group (SA BNP) et lui transfère les droits nés du contrat de location conclu avec l’association sportive.

Le 1er avril, l’association cesse de payer ses loyers.

Après une mise en demeure restée vaine, l’établissement de crédit constate la résolution de la convention en application d’une clause contractuelle et demande la restitution du matériel et le règlement des sommes restant dues, à savoir environ 50 000 euros.

Si le matériel est restitué rapidement par l’association, celle-ci se refuse à payer le solde des loyers et des pénalités prévues au contrat, ce qui conduit la SA BNP à assigner l’association en paiement en novembre 2014.

En avril 2016, une procédure de redressement judiciaire étant ouverte à l’encontre de l’association par le TGI de Créteil, la banque déclare environ 50 000 euros au passif de l’association.

Devant le TGI, la créance du loueur est fixée 5 700 euros. Celui déclare aussi non-écrites deux clauses abusives du contrat de location. Cette décision provoque l’appel de la SA BNP.

En défense, l’association demande la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré abusives et réputées non-écrites en application de l’article L. 132-1 du code de la Consommation une clause sur l’absence de garantie du bailleur et une autre relative à la résiliation du contrat. À titre subsidiaire, elle demande l’annulation de la clause de résiliation sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce et, pour le moins, une condamnation pour pratique restrictive de la SA BNP au paiement d’une somme de 43 900 euros à compenser avec celle que cette dernière lui réclame. Enfin, elle demande la requalification en clause pénale d’une autre clause relative au montant de l’indemnité à verser en cas de résiliation et sa révision, car elle serait excessive.

Dans sa décision du 19 juillet 2019, la Cour d’appel de Paris ne suivra pas l’argumentation de l’association. Tout d’abord, elle considère que le contrat étant passé dans le cadre de son activité, l’association doit être considérée comme un professionnel ne pouvant se prévaloir des dispositions du Code de la consommation. Pour ce qui est de l’article L. 442-6 du Code de commerce, c’est le caractère ponctuel de sa relation avec la BNP qui conduit la Cour à écarter ce texte. Enfin, comme la clause requalifiée en clause pénale n’est pas jugée excessive, la Cour d’appel condamne l’association à verser une indemnité de résiliation de 44500 euros.

Pour aller à l’essentiel

1) En prenant en location un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité, l’association sportive a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle, peu important que l’objet de l’association, à savoir la pratique d’activités sportives, soit étrangère à la conclusion d’un contrat de location longue durée si bien qu’en sa qualité de professionnel, elle ne peut se prévaloir des dispositions protectrices de l’article L. 132-1 du Code de la consommation en matière de clauses abusives (devenu l’article L. 212-1).

2) L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce – dans sa version applicable aux faits de l’espèce – relatif au déséquilibre significatif subi par « un partenaire commercial » est inapplicable à la relation commerciale ponctuelle qui a été conclue entre une association et un loueur de matériel de reprographie.

Pour aller plus loin

La décision de la Cour d’appel de Paris du 19 juillet 2019 attire l’attention en ce qu’elle refuse à une association sportive de se prévaloir des dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives. Elle illustre incidemment les difficultés nées par une définition malheureuse du non-professionnel adoptée par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017.

Si l’expression clause abusive est expressément utilisée en droit de la consommation, les caractéristiques de telles clauses, à savoir qu’elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, se retrouvent dans d’autres textes. Il en est ainsi d’une pratique restrictive de la concurrence visée à l’ancien article L. 442-6, I, 2°, devenu, depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, l’article L. 442-1, I, 2°. En raison de cette similitude, on ne s’étonnera pas que l’association ait fondé à titre subsidiaire son action sur cette disposition du Code de commerce.

Enfin, la notion de clause créant un « déséquilibre significatif   » apparaît désormais en droit commun des contrat au travers du nouvel article 1171 du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations et modifié par la loi n°2018-287 du 20 avril 2018. Ces dispositions n’étaient pas applicables à l’espèce puisque le contrat litigieux était conclu avant le 1er octobre 2016.

Dans sa décision du 19 juillet 2019, la Cour d’appel de Paris écarte tant l’application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation que celle de l’article L. 442-6 du Code de la consommation, non pas parce que les clauses litigieuses ne seraient pas « abusives », mais parce que l’association ne revêt pas les qualités requises par ces textes pour s’en prévaloir. Au regard de l’article L. 132-1, elle dénie à l’association sportive la qualité de consommateur et la considère comme un professionnel afin d’éluder le Code de la consommation. Ce faisant, elle lui dénie incidemment la qualité de non professionnel (I). En ce qui concerne l’application du Code de commerce, c’est la qualité de partenaire commercial qui fait défaut à l’association sportive pour se prévaloir de l’article L. 442-6 (II).

I. L’association sportive : un non-professionnel oublié

En application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable en la cause, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Le domaine d’application de cette réglementation concerne d’abord le pur contrat de consommation, c’est-à-dire le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur.

Lors de l’adoption du Code de la consommation en 1993, aucune définition du consommateur ou du professionnel n’a été donnée. Il a fallu attendre la loi Hamon (Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation) pour voir une première définition du consommateur introduite dans un article préliminaire du Code de la consommation. En raison des maladresses de la définition (Ph. Schultz, Les mesures renforçant la protection des consommateurs dans les contrats de consommation en général : La Gazette du Palais, 20/24 avril 2014, pp. 11 à 14), celle-ci a été modifiée par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation. Le consommateur est désormais défini par l’article liminaire comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

La nature de personne physique du consommateur conduit inévitablement à dénier aux associations déclarées – ou inscrites en Alsace-Moselle – la qualité de consommateur, comme l’a expressément reconnu la Cour d’appel de Paris dans l’arrêt rapporté.

Pour autant, si l’association n’est pas un consommateur, peut-on suivre cette juridiction lorsqu’elle la qualifie de professionnel ? La loi Consommation ne le définissait pas. C’est l’ordonnance du 14 mars 2016 qui a introduit une définition du professionnel dans le Code de la consommation, en miroir à celle du consommateur. Le professionnel est « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. ».

Les professionnels pouvant être tant des personnes physiques que des personnes morales, l’association peut être qualifiée de professionnelle. Mais encore faut-il que cette personne morale agisse à des fins qui entrent dans le cadre de l’une des activités économiques décrites par le texte. En l’occurrence, la Cour d’appel de Paris qualifie l’association de professionnelle en considérant simplement qu’elle avait agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle même si l’objet de l’association consistant en la pratique d’activités sportives est étrangère à la conclusion d’un contrat de location de longue durée.

Cette analyse qui conduit à retenir la qualification de professionnel est éminemment contestable. En effet, pour avoir une telle qualité, il faut avoir l’une des activités économiques énumérées : une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Or les associations sportives définies par les articles L. 121-1 et suivants du Code du sport ne répondent pas à cette exigence. L’activité sportive n’est pas, en principe, une activité économique. Ce n’est que lorsqu’une association participe habituellement à l’organisation de manifestations sportives payantes qui lui procurent des recettes dépassant 1 200 000 euros ou qu’elle verse plus de 800 000 euros de rémunérations qu’elle atteint un professionnalisme tel qu’elle doit mettre en place une société commerciale pour la gestion de ces activités (C. sport, art. L. 122-1 et R. 122-1). Dans ce cas, la société commerciale de gestion est un professionnel. En revanche, l’association sportive ne peut pas être qualifiée de professionnel, au sens du Code de la consommation.

Si l’association n’est ni un consommateur ni un professionnel, ne s’agit-il pas alors d’un non-professionnel ? Cette notion, propre au droit français, est utilisée dans divers textes du Code la consommation en vue d’étendre à des personnes morales certaines dispositions spécifiques protégeant les consommateurs, personnes physiques. Il en est ainsi notamment des dispositions relatives aux clauses abusives. L’article L. 132-1 mentionnait expressément le non-professionnel aux côtés du consommateur. Si depuis la recodification du Code de la consommation, celui-ci n’est plus visé dans l’article L. 212-1, l’article L. 212-2 ajoute que les dispositions du premier texte sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels.

La notion de non-professionnel a été, dans un premier temps, définie par l’ordonnance du 14 mars 2016. Cette première définition reprenait à s’y méprendre celle du consommateur si ce n’est que le non-professionnel était une personne morale. Ainsi, une association sportive laquelle, par hypothèse n’a pas d’activité économique, est par hypothèse une personne morale qui agit à des fins n’entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Au vu de cette définition initiale, une association sportive devait nécessairement se voir reconnaître la qualité de non-professionnel et pouvait se prévaloir du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat conclu avec un professionnel – qualité indéniablement reconnue à une société commerciale, telle la SA BNP.

Mais, cette première définition a été réécrite par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017. Désormais, le non-professionnel est, comme dirait Monsieur de La Palice, « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». Cette définition obscurcit incontestablement le concept. Que sont des fins professionnelles pour une personne morale ? Si on conçoit aisément qu’une personne morale peut développer une activité économique, on conçoit plus difficilement qu’elle puisse exercer une profession, tant l’expression est associée aux personnes physiques. Même pour les sociétés civiles « professionnelles », la loi déclare que leur objet est l’exercice en commun de la profession de leurs membres (Loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, art. 1er). Les professionnels sont avant tout les membres : la société est l’outil qui permet l’exercice en commun de cette profession.

En admettant qu’une personne morale puisse avoir une profession, elle sera traitée comme un non-professionnel, au sens du droit de la consommation, lorsqu’elle n’agit pas à des fins professionnelles. Cette séparation a un sens pour une personne physique qui à côté de sa vie professionnelle a une vie privée. Mais pareille distinction est saugrenue s’agissant d’une personne morale. Celle-ci ne peut agir que dans le cadre de son objet statutaire, c’est-à-dire l’activité décrite dans les statuts. Elle n’a pas une existence sociale et une existence extra-sociale. Si l’on considère, comme le fait la Cour d’appel, qu’une association qui agit dans le cadre de son activité agit à des fins professionnelles, toute personne morale devient nécessairement un professionnel puisque qu’elle ne peut agir que dans les limites de son objet. Le non-professionnel deviendrait l’Arlésienne de notre droit de la consommation. La solution est d’autant plus contestable que, en l’espèce, la juridiction parisienne relève expressément qu’il importe peu que l’objet sportif de l’association soit étranger à la conclusion d’un contrat de location de longue durée. Cet objet avait tout à voir : si cet objet n’est pas un objet « professionnel », comment peut-on prétendre que l’association agissait à des fins professionnelless ?

Si la décision est contestable sur cette qualité, en revanche, elle s’inscrit dans une jurisprudence bien établie en ce qui concerne la notion de partenaire commercial.

II. L’association sportive : un partenaire commercial obsolète

De manière subsidiaire, l’association entendait obtenir l’annulation de certaines clauses en se fondant sur l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, un texte décrivant diverses pratiques restrictives de la concurrence. Aux termes de la disposition, « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Tout d’abord, on peut relever que la disposition ne permettait aucunement d’annuler une clause « abusive ». Seul l’engagement de la responsabilité d’un commerçant ou artisan était envisagée. La demande d’annulation de l’association était ainsi vouée à l’échec. C’est pourquoi, l’association demandait aussi une condamnation de la BNP au versement de dommage-intérêts en ce qu’elle aurait été soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif dans le contrat de location de longue durée. Pour cela, encore fallait-il, comme le mentionne l’article L. 442-6 que l’association ait la qualité de partenaire commercial.

La notion de partenaire commercial s’entend généralement de relations contractuelles durables. C’est pourquoi, plusieurs arrêts ont été amenés à écarter pareille qualité lorsque les relations se limitaient à quelques contrats ponctuels (CA Lyon, 10 mai 2012, n° 10/08302. – CA Aix-en-Provence, 20 juin 2013, n° 12/07275.– CA Douai, 3 juill. 2014, n° 13/04060). L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 juillet 2019 s’inscrit dans ce mouvement jurisprudentiel en refusant de reconnaître une telle qualité à l’association puisque la relation se limitait à un seul contrat.

Cette jurisprudence devrait vraisemblablement perdre de son intérêt avec la modification des contours de la pratique restrictive en question.  Depuis, l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, cette pratique est décrite dans l’article L. 442-1, I, 2° qui est ainsi rédigé : «  Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services […] de soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. ». L’exigence d’un partenariat commercial a totalement disparu. Désormais tout cocontractant d’un producteur, distributeur ou prestataire de service peut se fonder sur ce texte pour engager la responsabilité de l’auteur de la pratique restrictive.

Outre la réparation du préjudice, la victime peut aussi obtenir judiciairement la cessation de la pratique restrictive. Mais surtout, en application de l’article L. 442-4, la victime peut désormais faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indus (C. com, art. L. 442-4). On relèvera que, en droit de la concurrence, les clauses ne sont pas réputées non écrites, mais sont nulles. Cela oblige ainsi la victime à exercer une action en nullité qui, en l’absence de règle particulière, est soumise à la prescription quinquennale applicable en droit commercial (C. com., art. L. 110-4). À cette fin, certaines juridictions se sont vu attribuer une compétence exclusive (C. com., art. L. 442-4, III et Annexe 4-2-1).

Pour échapper à la prescription de l’action en nullité d’une clause « abusive », il convient alors plutôt de se placer sur le terrain du droit commun lorsque le contrat est un contrat d’adhésion. Dans un tel contrat, « toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. » (C. civ., art. 1171, al. 1er). Le caractère « non écrit » de la clause peut être constaté à tout moment.

CA Paris, Pôle 5, 10e ch., 19 juillet 2019, n° 18/08051

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG n° 14/10162

APPELANTE

SA BNP PARIBAS LEASE GROUP […]

INTIMES

ASSOCIATION CERCLE ATHLÉTIQUE DE PARIS CHARENTON (CAP CHARENTON) […]

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

L’association Cap Charenton a souscrit auprès de la société Holding Lease France (ci après dénommée HLF), un contrat de location longue durée portant sur du matériel de reprographie dont elle a pris livraison le 15 décembre 2011. Ce contrat prévoyait le règlement de 21 loyers trimestriels d’un montant de 2 380 euros HT.

Par acte sous seing privé en date du 19 décembre 2011, la société HLF a cédé à la SA BNP Paribas Lease Group la propriété de l’équipement et transféré les droits résultant du contrat de location conclu avec la locataire.

L’association Cap Charenton avant cessé de régler les loyers à compter du 1er avril 2013, la société Eurorecx dûment mandatée à cet effet par la société BNP Paribas Lease Group lui a adressé une mise en demeure datée du 13 août 2013 de lui régler sous huitaine la somme de 5 919,45 euros TTC.

L’association Cap Charenton n’ayant pas déféré à cette mise en demeure, la société Eurorecx a constaté, dans un courrier du 4 septembre 2013, la résiliation du contrat et a demandé la restitution du matériel mis à disposition ainsi que le règlement des sommes dues.

Le matériel a été restitué à la bailleresse par l’association Cap Charenton mais les arriérés locatifs demeurant non régularisés la société Eurorecx a de nouveau mise en demeure l’association Cap Charenton de lui régler sous huitaine la somme de 49 539,25 euros TTC par courrier recommandé du 24 avril 2014, resté sans suite.

Par acte d’huissier du 4 novembre 2014, la société BNP Paribas Lease Group a assigné en paiement l’association Cap Charenton.

Par jugement du 14 avril 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a mis l’association Cap Charenton en redressement judiciaire et a désigné maître T. P. en qualité d’administrateur judiciaire et Maître Gilles P. en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier recommandé avec AR du 11 juillet 2016, la SA BNP Paribas Lease Group a déclaré sa créance au passif de l’association Cap Charenton pour un montant total de 50 349,05 euros TTC auprés de maitre P., ès qualités.

Suivants actes d’huissier signifiés les 14 et 15 septembre 2016, la SA BNP Paribas Lease Group a assigné en intervention forcée maître P. et maitre T. P., ès qualités .

* * *

Vu le jugement prononcé le 23 février 2018 par le tribunal de grande instance de Créteil qui a :

  • Déclaré la SA BNP Paribas Lease Group recevable en son action ;
  • Débouté l’association Cap Charenton de sa demande de nullité du contrat ;
  • Fixé au passif de l’association Cap Charenton la créance de la SA BNP Paribas lease Group à hauteur de la somme de 5 692,96 euros TTC au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 04 septembre 2013 ;
  • Dit qu’en application de l’article1154 du code civil (1343- 2 nouveau) les intérêts échus depuis plus d’un an seront capitalisés et produiront à leur tour des intérêts ;
  • Rejeté la demande de délais de paiement ;
  • Dit n’y ayoir lieu a indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
  • Condamné l’association Cap Charenton aux dépens de l’instance ;
  • Ordonné l’exécution provisoire ;
  • Rejeté le surplus des demandes.

Vu l’appel de la société BNP Paribas Lease Group le 07 avril 2018,

Vu les conclusion signifiées le 3 janvier 2019 la société BNP Paribas Lease Group,

Vu les conclusions signifiées le 12 avril 2019 par l’association Cap Charenton et par maître P., ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de l’association Cap Charenton,

La société BNP Paribas Lease Group demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :

Déclarer la société BNP Paribas Lease Group recevable et bien fondée en son appel,

Débouter l’association Cap Charenton de l’ensemble de ses demandes,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* débouté l’association Cap Charenton de sa demande de nullité du contrat ;

* fixé au passif de l’association Cap Charenton la créance de la société BNP Paribas Lease Group à hauteur de la somme de 5 692,96 euros TTC au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 04 septembre 2013 ;

* dit qu’en application des dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil, les intérêts échus depuis plus d’une année seront capitalisés et produiront à leur tour des intérêts ;

* rejeté la demande de délais de paiement ;

* condamné l’association Cap Charenton aux dépens de première instance ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* n’a pas constaté que la résiliation du contrat de location n T0218046 est intervenue de

plein droit le 04 septembre 2013,

* a débouté la société BNP Paribas Lease Group de sa demande d’admission au passif de l’association Cap Charenton des créances suivantes :

– 36 652 euros HT soit 43 835,79 euros TTC au titre de l’indemnité de résiliation,

– 726,59 euros au titre des intérêts au taux légal,

– 64,01 euros au titre des frais d’assignation,

– 19,20 euros au titre du timbre de plaidoiries.

Statuant à nouveau,

Constater la résiliation de plein droit du contrat de location n T0218046 est intervenue le 04 septembre 2013,

En conséquence,

Fixer et admettre au passif de l’association Cap Charenton la créance de la société BNP Paribas Lease Group à hauteur des sommes supplémentaires suivantes :

– 36 652 euros HT soit 43 835,79 euros TTC au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter du 04 septembre 2013, date de la mise en demeure,

– 726,59 euros au titre des intérêts au taux légal,

– 64,01 euros de frais d’assignation,

– 19,20 euros de timbre plaidoirie.

Y ajoutant,

Condamner l’association Cap Charenton et maître P., ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de l’association Cap Charenton à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner l’association Cap Charenton et maître P., ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de l’association Cap Charenton aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris- Versailles

L’association Cap Charenton et maître P., ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de l’association Cap Charenton demandent à la cour de statuer ainsi qu’il suit :

Dire l’association Cap Charenton recevable en l’ensemble de ses demandes,

Prendre acte de ce que, dans le cadre du plan de redressement homologué par le tribunal de grande instance de Créteil par jugement du 17 juillet 2017, la société BNP Paribas Lease Group a accepté l’option n 2 qui était proposé aux créanciers, à savoir un remboursement de 100 % du montant de la créance par elle sollicitée avec un remboursement sur dix années,

Débouter la société BNP Paribas Lease Group de l’ensemble de ses demandes ;

En conséquence :

A/ In limine litis :

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société BNP Paribas Lease Group était recevable en son action et, statuant de nouveau, dire et juger que la société BNP Paribas Lease Group BNP est irrecevable en son action en ce qu’elle ne justifie pas de sa qualité à agir ;

B/ A titre principal :

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que les contrats litigieux n’étaient pas entachés de nullité et, statuant à nouveau, dire et juger que les contrats de locations longue durée conclu entre l’Association Cap Charenton et la société HLF au droits de laquelle vient la société BNP Paribas Lease Group sont entachés de nullité;

C/ A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que l’Association Cap Charenton devait être considéré comme un consommateur au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que les clauses 7 « Absence de garantie du Bailleur » et 14 « Résiliation du Contrat » sont abusives et réputées non-écrites ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que l’Association Cap Charenton sera tenue au seul paiement des loyers restant dus jusqu’au jour de la résiliation du contrat,

Soit la somme de 5 692,96 euros ;

D/ A titre infiniment subsidiaire :

Dire que la clause 11 du contrat litigieux est une clause abusive au sens de l’article L.442-6, I, 2 du Code de commerce et, en conséquence, déclarer nulle et non écrite la clause de résiliation litigieuse figurant au contrat de prêt ou, subsidiairement, condamner la société BNP Paribas Lease Group a payer à la l’Association Cap Charenton une somme de 43 835,79 euros de dommages et intérêts eu égard au caractère abusif de ladite clause et de prononcer la compensation entre cette somme et celle réclamée par la demanderesse ;

E/ A titre infiniment plus subsidiaire :

Requalifier la clause 11, clause de résiliation, du contrat de location en clause pénale ;

Constater le caractère excessif du montant réclamée par la société BNP Paribas Lease Group au titre de cette clause pénale et en réviser le montant à la somme de 1 euros symbolique ;

F/ En tout état de cause :

Condamner la société BNP Paribas Lease Group à payer à l’association Cap Charenton une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du cpc ainsi qu’à la prise en charge des entiers dépens de l’instance.

SUR CE,

  1. a) Sur la qualité à agir de la société BNP Paribas Lease Group

Considérant que, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont justement écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société BNP Paribas Lease Group ; qu’il convient juste d’ajouter que la société appelante verse aux débats l’acte de cession du 19 décembre 2011 par lequel elle a acheté à la société HLF le matériel ayant fait l’objet du contrat de location longue durée conclu entre la société HLF et l’association Cap Charenton ainsi que la facture du même jour d’un montant TTC de 52 498,71 euros; que la référence au contrat de location est suffisamment précise pour qu’il n’existe aucune incertitude sur l’identification du matériel nonobstant l’absence de reprise des références exactes du matériel dans l’acte de cession et la facture ; que le moyen ainsi soulevé par l’intimée doit être rejeté ;

  1. b) Sur le prétendu défaut de qualité à agir des signataires des contrats

Considérant que, par de justes motif que la cour adopte, les premiers juges ont également écarté ce moyen en relevant que le signataire du contrat de location était le président du comité directeur de l’association avec apposition du tampon humide de l’association ; que la société HLF n’était dès lors pas tenue de vérifier les limites des pouvoirs de la personne avec laquelle elle contractait ; qu’en outre aucun obstacle n’a accompagné la remise du RIB et l’autorisation de prélèvement signée dans les mêmes conditions, les loyers ayant été prélevés pendant 2 années et un trimestre ; que ce moyen soulevé par l’intimée doit également être rejeté ;

  1. c) Sur la demande de résiliation du contrat

Considérant que l’association Cap Charenton demande à la cour de confirmer le jugement qui a retenu sa qualité de consommateur et a dites abusives les clauses 7 et 14 des conditions générales du contrat de location en application de l’article L.132-1 du code de la consommation ;

Considérant que l’article 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l’espèce dispose que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Considérant que l’association Cap Charenton n’a pas conclu en qualité de consommateur puisque cette qualité s’entend d’une personne physique ; qu’en prenant en location un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité elle a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle ; que contrairement à ce que soutient l’intimée, il importe peu que l’objet de l’association, en l’espèce la pratique d’activités sportives, soit étrangère à la conclusion d’un contrat de location longue durée ; que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a dit que l’association présentait la qualité de personne morale non professionnelle ; qu’en sa qualité de professionnelle elle n’est pas éligible aux dispositions protectrices de l’article 132-1 du code de la consommation dont le contenu a été ci-dessus rappelé ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de se prononcer sur le grief se rapportant au caractère abusif des stipulations du contrat relatives à l’indemnité de résiliation ;

Considérant , à titre subsidiaire, que l’association demande à la cour de constater le caractère abusif de la clause 11 du contrat afférente à l’indemnité de résiliation sur le fondement de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce ;

Mais considérant que cet article, relatif au déséquilibre significatif subi par « un partenaire commercial », est inapplicable à la relation commerciale ponctuelle qui a été conclu entre l’association Cap Charenton et la société HLF aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Lease Group en décembre 2015 ;

Considérant, à titre infiniment subsidiaire, que l’association Cap Charenton demande à la cour de requalifier en clause pénale soumise à révision la clause de résiliation figurant au contrat ; que cette clause qui figure à l’article 14.3 et non à l’article 11 comme indiqué par erreur par l’intimée stipule que , en cas de résiliation du contrat pour quelque cause que ce soit, le locataire versera outre les loyers échus impayés :

* une indemnité égale à la somme des loyers restant à courir jusqu’au terme du contrat,

* les frais et honoraires de recouvrement,

* ‘à titre de pénalité pour inexécution du contrat’ ,une somme égale à 10% du montant hors taxe de l’indemnité de résiliation,

Considérant que, selon l’intimée, la clause de résiliation ainsi rédigée remplirait les caractéristiques de la clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil et présenterait un montant excessif devant être réduit à 1 euro ;

Mais considérant que la société soutient que l’indemnité de résiliation telle que calculée à l’article 14.3 du contrat ne présente pas un montant excessif ;

Considérant en effet que la société BNP Paribas Lease Group a acquis le matériel d’une valeur de 52 498,71euros ; que si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme la société BNP Paribas Lease Group aurait perçu la somme de 60 437,51 euros ; que seules les 5 premiers loyers ont été réglés pour un montant de 14 770,07 euros ; que l’indemnité de résiliation réclamée est présentée comme suit :

– loyers HT restant dus du 1er octobre 2013 au 1er janvier 2017 : 33 320 euros,

– pénalité de 10 % : 3 332 euros,

– total HT : 36 652 euros,

Total TTC : 43 835,79 euros,

A déduire, prix de revente : – 216 euros,

Solde : 43 619,79 euros.

Considérant que ce montant n’apparaît pas excessif puisque l’indemnité de résiliation représente pour partie l’amortissement des sommes avancées par le bailleur et pour partie le préjudice financier constitué par le manque à gagner causé par l’inexécution du contrat ;

Considérant qu’il se déduit de ce qui précède qu’il convient de constater la résiliation de plein droit du contrat de location au 4 septembre 2013, date de la mise en demeure reprenant la clause résolutoire ; que la créance de la société BNP Paribas Lease Group au passif de l’association Cap Charenton doit être fixée à hauteur de 43 619,79 euros et 726,59 euros d’intérêts échus au jour de l’ouverture de la procédure collective soit au total 44 562,38 euros ;

Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a admis au passif de l’association Cap Charenton la créance de la SA BNP Paribas lease Group à hauteur de la somme de 5 692,96 euros TTC au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2013 au 14 avril 2016 , date du jugement d’ouverture de la procédure collective qui suspend le cours des intérêts ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la SA BNP Paribas Lease Group de sa demande d’indemnité de résiliation ;

Statuant de nouveau de ce chef :

CONSTATE la résiliation de plein droit du contrat de location au 4 septembre 2013 ;

FIXE la créance de la SA BNP Paribas Lease Group au passif de l’association Cap Charenton à hauteur de la somme de 44 562,38 euros au titre de l’indemnité de résiliation ;

RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure collective suspend le cours des intérêts ;

CONDAMNE l’association Cap Charenton et maître P. , ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de l’association Cap Charenton, à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes ;

ORDONNE l’emploi des dépens en frais privilégies de procédure collective et accorde à la Selarl Lexavoué Paris-Versailles le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

BURBAN E. LOOS

 

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