Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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CHRONIQUE DU DOMMAGE CORPOREL, DU DROIT DES VICTIMES ET VICTIMOLOGIE, C. Lienhard et C. Szwarc

Claude Lienhard

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Professeur émérite à l’Université Haute-Alsace,
Directeur honoraire du CERDACC

et

Catherine Szwarc

Avocate spécialisée en droit du dommage corporel


Les temps sont tristes, encore une disparition  

« Décès de Françoise Rudetzki,

célèbre porte-parole des victimes

d’attentats »

 « Elle-même grièvement blessée lors de l’attentat du grand

Véfour. Elle avait créé la première association de défense des

victimes d’acte de terrorisme »

 

Françoise Rudetzki était une grande figure et une inlassable combattante du droit des victimes, soucieuse d’efficacité, courageuse et éprise d’humanité.

Qu’il nous soit permis de nous rappeler qu’elle avait accepté de participer au colloque organisé par l’Association Défense et Réparation du Dommage Corporel (Aderdoc) le vendredi 9 mars 2018, à Montpellier,  sur la thématique  : « Après l’attentat, aider et défendre les victimes ». Grâce à elle notamment, une fois de plus, nous avions pu faire passer les messages essentiels à la bientraitance des victimes.

Elle nous manquera ………..

 

I – Droit du dommage corporel

 1- La question des barèmes

La décision était attendue en matière de droit du licenciement A LIRE ICI.

Le barème « Macron »  a été validé .

Dont acte !

Il est probable que la question, certes autrement posée, resurgira en droit du dommage corporel.

Les enjeux sont différents tout comme les acteurs concernés au regard du principe de réparation intégrale.

Soyons néanmoins vigilants mais surtout actifs sur tous les fronts doctrinaux, jurisprudentiels, avec les associations de victimes, les médecins de recours mais aussi avec les futurs législateurs souvent si loin des réalités et avec les médias qui doivent être bien éclairés sur le contenu d’une vraie et juste réparation,  laquelle ne se limite pas à des chiffres.


2- Préjudice d’anxiété

La prescription quadriennale de l’action en réparation du préjudice d’anxiété d’un travailleur exposé à l’amiante court à compter de la publication du dernier de la série des arrêtés étendant la période d’inscription de l’établissement sur la liste de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA).

Telle est la clarification opérée par le Conseil d’État dans un avis bienvenu du 19 avril.

CE 19 avr. 2022, n° 457560 A LIRE ICI

 3-Infections nosocomiales

Par un arrêt du 6 avril 2022, la Cour de cassation a estimé que « doit être regardée […] comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge dun patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf sil est établi quelle a une autre origine que la prise en charge ».

La Cour de cassation reprend dans les mêmes termes la définition de l’infection nosocomiale qui avait été dégagée par le Conseil d’État dans un arrêt important du 23 mars 2018.

Cette harmonisation est la bienvenue.

Civ. 1ère, 6 avr. 2022, F-B, n° 20-18.513 A LIRE ICI

4- Tierce personne autonomie de l’assistance avant consolidation

Voilà encore une utile précision que nous donne l’arrêt de la deuxième chambre civile du 16 décembre 2021 :

Enoncé du moyen

14. M. [P] fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande au titre du préjudice relatif à l’assistance pour tierce personne, alors « que si l’assistance par tierce personne implique nécessairement un déficit fonctionnel dès lors que la victime est tenue de recourir à un tiers pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, un déficit fonctionnel temporaire se traduit par la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, de sorte qu’il s’agit de deux préjudices patrimoniaux distincts ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que l’assistance par tierce personne n’est pas un préjudice distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire ; qu’en statuant ainsi, la cour a violé l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

15. Les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que la victime d’un accident du travail causé par la faute inexcusable puisse demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

16. Le poste de préjudice lié à l’assistance d’une tierce personne à titre temporaire, qui indemnise la perte d’autonomie de la victime la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans tout ou partie des actes de la vie quotidienne jusqu’à la date de consolidation ne se confond pas avec le déficit fonctionnel temporaire.

17. Pour débouter M. [P] de sa demande au titre de l’assistance par une tierce personne à titre temporaire, l’arrêt retient qu’il ressort du rapport établi par M. [O], docteur, que M. [P] a connu d’importantes difficultés à accomplir les actes usuels de la vie courante tels que le ménage, le repassage et la cuisine, mais que toutefois, ces constatations ne démontrent pas l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire.

18. En statuant ainsi, alors qu’elle relevait que la victime connaissait d’importantes difficultés à accomplir les actes usuels de la vie courante, faisant ainsi ressortir l’existence d’un besoin en aide humaine pour la réalisation de certains actes, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte et le principe susvisés.

Civ. 2ème,16 décembre 2021-Légifrance n°20-14.233 A LIRE ICI

II – Droit des victimes

 1- Cold case, c’est parti !

Sur les 240 affaires identifiées initialement comme pouvant entrer dans sa définition, une petite douzaine est déjà dans le cabinet de la juge d’instruction, ou entre les mains du parquet. Cette bonne initiative est à suivre. A LIRE ICI

2- Le prix des larmes

Voilà un livre d’enquête utile, efficace et bien documenté concernant l’indemnisation des victimes d’attentats et les difficultés nombreuses. Le rôle du FGTI est aussi questionné à juste titre.

 « Combien vaut une vie détruite par le terrorisme ?

Combien pour la perte d’un proche ? Combien pour des crises d’angoisse ? Ou pour un traumatisme tel qu’il empêche de reprendre le travail ?

Durant deux ans, Mathieu Delahousse a exploré la façon dont s’estiment en France les vies brisées par les attentats. Seul à suivre les audiences du nouveau juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme,  et recueillant la parole de dizaines de rescapés, il nous fait découvrir le roman noir de ces procédures nécessaires, mais toujours insatisfaisantes. Nos dispositifs pour les victimes du terrorisme sont les meilleurs au monde, mais des comptes d’apothicaire engendrent des malaises infinis. Des malentendus terribles s’exacerbent. Des courages insoupçonnés s’éveillent, tandis que des profiteurs n’hésitent plus à se glisser parmi les réelles victimes… Heureusement que des juges viennent remettre un peu d’ordre dans ces procédures qui semblent trop souvent inspirées à la fois de Kafka et de Courteline. »

III – Victimologie

1.La pollution responsable de 9 millions de décès par an

Il faut en être conscient de l’ampleur du phénomène. A LIRE ICI

Cet article du Monde résume bien les problématiques. Nous savons !

 

2.Le contrôle technique des « deux roues »

Un progrès évident en termes de sécurité et réponse cinglante du juge administratif aux ultimes tentatives de tergiversation des pouvoirs publics A LIRE ICI.

Le communiqué du Conseil d’État rappelle bien les enjeux de sécurité A LIRE ICI  :

 « (extrait)Il ressort des éléments transmis par les requérants qu’en France, un usager de deux-roues motorisés a 22 fois plus de risques d’être victime d’un accident mortel qu’un usager de véhicule léger. Ce risque est moindre dans les États ayant déjà mis en place le contrôle technique (16 fois en Allemagne, 17 fois en Espagne).

IV- Victimologie et guerre en Ukraine

 Voilà désormais déjà le temps des premiers procès. Il faut veiller à ce que la justice, dans le sillage direct de la guerre, soit impartiale et équitable au sens des standards de la CEDH.