Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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LA COVID-19 : UNE FAILLITE DE LA POLITIQUE SANITAIRE EN FRANCE, A. Le Hyaric

Docteur Alain Le Hyaric

Médecin de Santé publique

Paris, le 01/10/2020

Il s’agit d’une tribune du Collectif « Soignants, pour une politique sanitaire juste et proportionnée », sur les faillites du système de Santé révélées par la politique sanitaire incertaine, ambiguë, variable depuis plusieurs mois.
Si vous voulez faire partie des signataires vous pouvez le signaler dès à présent en précisant vos noms, professions, qualités et titres éventuels ?
alain.lehyaric@laposte.net

« La santé n’a pas de prix mais elle a un coût », s’alarmaient dans les jours d’avant, les Gouvernements soucieux de réduire le nombre de lits d’hospitalisation. Dans le cadre de l’ONDAM (Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie) défini annuellement par le Parlement, l’utilisation du PMSI (Programme de Médicalisation du Système d’Information) de la T2A (Tarification à l’activité) ont permis depuis 2005 aux Ministres de la Santé successifs en moins de 15 ans avec les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) conclus avec les établissements de supprimer 69 000 lits d’hospitalisation complète (données au 31 décembre 2017), soit 12% de la capacité d’accueil du secteur public, diminution non compensable par le développement du secteur ambulatoire. Les catastrophes sanitaires se succèdent ! Ces contrats nous promettaient pourtant une prise en charge adéquate et égale des patients, des pathologies sur tous les territoires, une gouvernance, une planification hospitalière idéale, la perspective de distribution des recettes selon les coûts et spécificités de chaque établissement.

Avant l’été : les restrictions drastiques du nombre de lits d’hospitalisation complète, la non-considération des professionnels de santé se détournant de plus en plus nombreux des emplois de ce secteur ont conduit, à une contre-performance inédite de l’ensemble de la chaine des soins dans la détection, la prise en charge des patients atteint de la Covid-19. La fermeture de nombreuses unités de soins pour hospitalisations de longues durées (- 60,45%) et leurs transformations en Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) moins médicalisés apparait responsable de la surmortalité indue, observée, avec parfois plus de 50% des résidents de maisons de retraites ou d’établissements sanitaires et sociaux. Liée à une prise en charge locale inadaptée, voire inexistante de patients lors des formes graves ou compliquées de la Covid-19,  au 7 mai 2020, plus de la moitié des décès liés au coronavirus comptabilisés par Santé Publique France (25 987), soit 13 000, concernent de fait des personnes hébergées en maisons de retraite et établissements médicaux sociaux, de plus parmi les 12 958 décès Covid-19 enregistrés à l’hôpital 3 428 sont des résidents venus de ces établissements.  Tests, masques, transferts ou soins locaux auraient manqués, défaillances pour lesquelles de nombreuses familles ont déjà porté plaintes.

La capacité d’accueil des unités de réanimation et de surveillance continue même si elle n’avait pas diminué entre 2013 (10 724 lits) et 2018 (11 264) selon la Drees et la SAE, insuffisante, n’a pas permis d’accueillir tous les patients présentant une ou des défaillances vitales.  Au prix du report des interventions chirurgicales, de l’arrêt des consultations et de la fermeture des hospitalisations partielles de jour, de l’élasticité, de l’adaptabilité professionnelle des personnels soignants les directions des établissements ont pu déployer des lits supplémentaires et absorber des milliers de patients atteints de formes graves du Covid-19. A l’acmé de la crise 4 260 lits de salles de réveils et de surveillances continues, au détriment d’autres prises en charge sont rapidement convertis en lits de réanimation. L’entière population française est alors mise en confinement, interdite de déplacement au-delà de 100 kms, mise en chômage partiel ou télétravail, les écoles, salles de sports et de spectacles sont fermés. Les avions ne circulent plus et les trains sont quasiment vides.

Eté 2020 : une période de déconfinement à partir du 22 juin et la levée de nombreuses restrictions sauf pour certains clusters détectés. Les autorités sanitaires parlent de ‘cluster » ou de « foyer de ‘contamination » lorsqu’on dénombre au moins 3 cas confirmés ou supposés de contamination à la covid-19 sur une période de 7 jours et que ces personnes appartiennent à la même communauté ou ont participé au même rassemblement de personnes, qu’ils se connaissent ou non.

Septembre 2020, au retour des congés d’été, le Ministère de la Santé et des Solidarités qui a lancé depuis l’été des opérations de tests et dépistages massifs et le conseil de défense invoquent une dégradation de la situation sanitaire. Les départements sont classés en zone rouge quand le taux d’incidence, c’est-à-dire de nouveaux cas est supérieur à 50 pour 100 000 habitants (ou 30/100 000 si département limitrophe d’une zone déjà rouge). Le Ministre de la Santé annonce mercredi 23 de nouvelles restrictions aux libertés publiques, individuelles et privées, aux droits au travail et aux loisirs de nombreux citoyens, auprès de dirigeants d’entreprise, d’associations, des complexes sportifs, … dans certains territoires bars et cafetiers devront fermer dès 22 heures. Cette gestion autoritaire du Conseil de défense avec pour critère principal retenu le nombre de tests positifs diffusé quotidiennement (6.2% le 24 septembre) exponentiellement en augmentation (on trouve ce que l’on cherche !) est contestée par de nombreux universitaires, scientifiques et médecins puisque cet indicateur ne reflète pas et de loin à une quantification exacte du taux ou du nombre de malades ou de contagieux. Nombreux professionnels sont septiques vis-à-vis du bien-fondé des mesures coercitives, affirmant grâce aux chiffres officiels publiés fin de l’été par l’INSEE que la courbe de mortalité en France, début septembre n’est pas bien plus importante que les années précédentes. Chaque mois 51 000 français décèdent soit 1680 décès par jour, avec selon ce même organisme public un taux de mortalité globale pour le premier semestre 2020 qui serait stable depuis dix ans. Ils constatent une baisse de virulence liée à une mutation probable de la Covid, puisque seulement 30 décès sont signalés le 9 septembre contre 1 438 le 14 avril 2020. Un taux faible de mortalité à 0.04% pour la population globale (peu glorieux donnant une 15e place pour la France) et un taux de létalité à 11,7% des sujets atteints sont également un argument de poids pour considérer comme disproportionnées ces mesures drastiques qui de toute façon ne feront pas disparaitre à jamais des virus qui circulent depuis des siècles, voire des millénaires.  Certains pays ont laissé leurs populations non fragiles, sans masque, attraper la Covid-19, car les porteurs sains (parmi les personnes testées positives en France du 7 au 13 septembre 42% sont asymptomatiques) ou confirmés par un symptôme sont susceptibles de renforcer l’immunité collective et de constituer une barrière de protection lors des ré infestations ultérieures. D’une longue lignée de virus respiratoires, 100 000 morts en France de la grippe en 1958, et 32 000 en 1969, la Covid 19 aura inévitablement une descendance !

Ces chiffres contestables ont conduit les autorités à des décisions administratives qui semblent pour nombreux citoyens disproportionnées, éventuellement contreproductives. Dans une lettre ouverte au Président de la République, au premier Ministre et Ministre de l’intérieur, des policiers indignés se plaignent eux aussi des décrets et arrêtés rendant obligatoire le port du masque (ffp1 dit chirurgicaux) dans l’espace public mais aussi dans leurs locaux professionnels. Ils revendiquent la liberté pour chaque concitoyen de porter un masque ou non et s’insurgent contre l’insupportable obligation d’harceler la population sans masque à coup de 135 euros d’amendes.

Ces effets économiques pervers non prévus et réactions de nombreux citoyens porteront ils le glas d’une gestion hospitalière inadéquate ?

Ces nouvelles mesures ont-elles été déclenchées par la crainte et le souvenir d’un nouveau remake morbide aggravé lié à un sous équipement chronique des établissements de soins qui en août 2003 tua 15 000 personnes, le plus souvent également des personnes âgées dépendantes ?  Les capacités et moyens de soins apparaissent à de nombreux hospitaliers toujours insuffisants en cas de crise voire en échec complet pour assurer la protection des sujets les plus fragiles.  Le Ministère de la Santé dans son plan Ségur présenté en juillet n’a prévu avec des mesures sur les salaires que l’ouverture ou la réouverture de 4 000 lits « à la demande », la sortie du tout T2A et le développement accéléré de la télésanté, cela semble dès maintenant un cautère pour assurer la sécurité sanitaire du pays et la prise en charge des populations à risques face à des risques infectieux ponctuelles renouvelables ou face à d’autres risques sanitaires. Il est urgent à notre avis de penser une autre évaluation des prises en charge, un autre accompagnement, une autre gouvernance nationale des établissements de santé et de leurs personnels, en souhaitant d’autres outils et méthodes intégrant les valeurs humaines, sociétales, la libre entreprise, la responsabilité et liberté individuelle de chacun, chacune.