Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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CRASH DES COMORES : CONDAMNATION DE LA COMPAGNIE YEMENIA AIRWAYS, M-F. Steinlé-Feuerbach

Marie-France Steinlé-Feuerbach

Professeur émérite en Droit privé et Sciences criminelles à l’Université de Haute-Alsace

Directeur honoraire du CERDACC

Observations sous :

Tribunal judiciaire de Paris 31e chambre correctionnelle, 14 septembre 2022

La chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris vient, treize ans après la catastrophe, de rendre son jugement dans l’affaire du crash d’un avion de la compagnie Yemenia Airways survenu le 29 juin 2009 au large des Comores. Elle juge la compagnie coupable des délits d’homicides et blessures involontaires et la condamne à une peine d’amende de 225 000 euros. S’agissant des intérêts civils, la chambre correctionnelle va à l’encontre de la jurisprudence de la Chambre criminelle en se déclarant compétente pour connaître des actions indemnitaires de l’association française des victimes AFCVA et de la FENVAC.

Mots-clés : accident collectif à l’étranger – crash aérien – pôle accidents collectifs de Paris – homicides et blessures involontaires – articles 121-2, 121-3, 131-38, 131-39, 221-7 du code pénal –  intérêts civils – article 2-15 du code de procédure pénale – conventions de Varsovie et Montréal.

Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, un Airbus A 310 de la compagnie Yemenia Airways effectuant un vol au départ de Sanaa, capitale du Yémen, s’abimait en mer au nord de l’aéroport de Moroni des Comores. L’avion disparaissait des écrans radars le 29 juin à 22h50 heure locale (le 30 juin 2009 à 1h53 en temps universel coordonné). Outre 11 membres d’équipage, l’avion transportaient 153 passagers dont 65 de nationalité française. Une seule survivante, Bahia B. de nationalité française, alors âgée de douze ans, avait été retrouvée plusieurs heures après le crash, dérivant accrochée à un débris de l’avion.

Fondée en 1961, la compagnie n’était pas autorisée à embarquer des passagers depuis la France mais pouvait effectuer des vols entre Paris ou Marseille vers Sanaa, les passagers embarquant ensuite à destination de Moroni, capitale des Comores.

L’Airbus A 310, sorti d’usine en 1990, et appartenant à la société américaine IFLC, était loué à la Yemenia depuis le 1er décembre 1999. Le jugement précise qu’à la date de l’accident, l’appareil disposait d’un certificat de navigabilité et était bien assuré. Le commandant de bord et le copilote disposaient de leur licence, respectivement depuis février 2006 et janvier 2004 ; par équivalence, ils disposaient également de licences françaises. Leur temps de repos avant le vol a été estimé suffisant.

L’aéroport de Moroni comporte une piste 02 permettant une approche aux instruments ainsi qu’une piste 20 pour laquelle seule une approche en visuel est possible. En raison d’un vent important au moment de l’accident, un atterrissage sur la piste 02 n’était pas envisageable.

Comme le souligne le tribunal, la compétence des juridictions françaises est liée au fait que 65 passagers étaient de nationalité française (art. 113-7 et 113-11 CP, art. 689 et 693 CP). Par ailleurs, initialement débutée au tribunal de Bobigny, l’instruction se poursuivait au tribunal de Paris, compétent pour connaître des accidents collectifs (Pour davantage de précisions sur les compétences en cas d’accident collectif et l’évolution de la législation relative aux pôles accidents collectifs cf. le colloque organisé au tribunal de Paris, Y. Badore et L. Raschel (coord.), Accidents collectifs : quel traitement judiciaire, Journal Spécial des Sociétés, 23 nov. 2019, n° 84 ; L. Raschel , « Réflexions sur les pôles accidents collectifs : AJ Pénal 2020 p. 222).

A l’issue de l’instruction, seule la compagnie Yemenia Airways est renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris, prévenue des chefs d’homicide involontaire, également de blessures involontaires sur la personne de la passagère survivante. Parmi les parties civiles, on peut dénombrer plus de 1000 personnes physiques ainsi que trois personnes morales : l’association des familles des victimes de la catastrophe aérienne du Yemenia Airways du 29 juin 2009 (AFVCA), dont le siège social est à Marseille, la FENVAC et le Collectif des familles du crash de l’A310 de Yemenia, dont le siège social est situé à Moroni.

Le tribunal déduit la culpabilité de la compagnie d’un faisceau d’indices (I) et s’affranchit de la jurisprudence de la Chambre criminelle en se déclarant compétente pour statuer sur les demandes indemnitaires des personnes morales françaises (II).

I. La preuve de la culpabilité par un faisceau d’indices

Le tribunal expose de manière claire et pédagogique les éléments pris en compte pour caractériser l’infraction. Il en est ainsi de la définition de la définition de l’infraction : « Les délits d’homicides involontaires et de blessures involontaires se concrétisent par un dommage subi par les victimes alors même que l’auteur de l’infraction ne l’a pas souhaité. La caractérisation de ces délits suppose que soit démontrée l’existence d’une faute, d’un lien de causalité et d’un dommage ». Le tribunal ajoute que, « s’agissant d’une personne morale, une faute simple de négligence ou d’imprudence peut caractériser sa culpabilité » en précisant que « L’imprudence d’un acte ne doit pas s’apprécier d’après son résultat mais uniquement au regard de l’obligation de diligence qui s’impose à tous. »

Il appartient bien évidemment au tribunal à établir les comportements susceptibles de caractériser l’imprudence. Alors que pour les accidents aériens les juges sont fréquemment confrontés à des difficultés techniques, avec des expertises parfois contradictoires, le tribunal de Paris se heurte à celles inhérentes à la réalisation d’investigations à l’étranger et regrette que la coopération internationale ait été « largement infructueuse lors de l’enquête ». C’est donc à un faisceau d’indices qu’il a recours pour apprécier les éléments probatoires, ce faisceau étant constitué « des éléments qui, analysés de façon isolés, ne constitueraient pas une preuve suffisante mais dont le cumul permet d’établir une éventuelle culpabilité. »

Procédant par élimination et en se fondant sur l’enregistrement des paramètres de vol et l’analyse des débris, le tribunal élimine les hypothèses de l’envoi d’un missile, de foudre ou d’incendie. L’étude de l’enregistrement des paramètres de vol lui permet également d’écarter une défaillance technique de l’avion.

Analysant le déroulement des quinze dernières minutes de vol à partir des données de l’enregistrement des paramètres de vol, des conversations enregistrées dans le cockpit et celles enregistrées depuis la tour de contrôle, le tribunal considère que l’accident a été causé par plusieurs erreurs de pilotage dont il établit la liste :

« – une mauvaise configuration de l’avion, à peu près satisfaisante initialement puis tout à fait inadaptée au moment de la perte de contrôle,

– une mauvaise maîtrise des automatismes provoquant des réductions et accélérations successives des réacteurs certes éventuellement déstabilisantes, mais dont l’amplitude, dans la phase finale, était tout à fait à l’intérieur des limites permises.

– une vitesse inadaptée de l’avion dans la phase finale, notoirement inférieure à la vitesse d’évolution prescrite dans la configuration choisie et même en dessous de la vitesse la plus basse autorisée en vol»

L’accumulation d’erreurs a été relevée par la commission d’enquête et deux collègues d’experts.

Les fautes des pilotes ne peuvent cependant entraîner la condamnation de la compagnie que s’il est établi qu’elles sont dues à des erreurs de cette dernière. La formation des pilotes est tout d’abord étudiée et s’il s’avère qu’elle a été rigoureuse et de qualité mais que la formation initiale du copilote, qui exerçait une autre profession jusqu’à l’âge de 38 ans a été « laborieuse » et particulièrement longue. Des fragilités avaient été constatées par les formateurs. Lors de l’audience la carrière du copilote a été qualifiée d’atypique par les experts. Le commandant de bord, quant à lui, n’avait pas effectué entre 2007 et 2009 un certain nombre d’exercices correspondant aux manœuvres en cas d’atterrissage sur la piste 20.

Par ailleurs, les vents du Sud étant fréquents entre juin et novembre, un atterrissage de nuit sur la piste 20 était prévisible. Le tribunal en déduit que, compte-tenu du faible nombre de pilotes au sein de la compagnie, celle-ci aurait pu adapter leurs affectations en fonction de la spécificité des vols.

En outre, il s’avère que les pilotes ont hésité entre les deux pistes, espérant pouvoir éviter la piste 20 dont ils savaient que les feux d’obstacle ne fonctionnaient pas. La compagnie ne pouvait ignorer le non fonctionnement des feux, cette situation perdurant depuis six mois.

Pour le tribunal, la compagnie « a ainsi fait le choix de la passivité et a privilégié ses impératifs commerciaux, la période estivale étant celle où ses passagers venant de France étaient les plus nombreux (…), il en conclut que « ces deux imprudences que sont l’affectation du co-pilote (…) sur ce vol spécifique malgré ses fragilités et le maintien de vols de nuit à cette période de l’année malgré la défaillance des équipements de l’aéroport dont elle avait connaissance pour les feux de seuil de piste, ou aurait pu avoir connaissance pour les feux d’obstacle si elle avait accompli les diligences normalement attendues par une compagnie aérienne, sont en lien certain avec l’accident, en ce que si ces décisions n’avaient pas été prises l’accident ne se serait pas produit. »

Les blessures relevées sur les corps retrouvés ainsi que les multiples fractures présentées par la passagère rescapée sont le signe de la violence du choc de l’appareil avec la surface de l’eau, le dommage est donc incontestablement la conséquence directe de l’accident.

Après avoir établi l’élément matériel des délits d’homicides involontaires et de la contravention de blessures involontaires le tribunal se penche sur l’imputabilité des infractions à la compagnie Yemenia Airways en application de l’article 121-2 du code pénal lequel exige l’identification d’un organe ou d’un représentant ayant agi pour le compte de la personne morale. La Chambre criminelle, après quelques hésitations, exige cette identification, tout en affichant récemment une certaine souplesse (E. Dreyer, « Quasi-présomption d’intervention de l’organe ou du représentant (Crim. 15 fév. 2022, n° 21-82.165) » : Gaz. Pal. 10 mai 2022 p. 36). Le tribunal se conforme à cette exigence et, en l’absence de délégation de pouvoir, estime que la décision d’affectation des pilotes suppose d’être prise par une personne ayant un pouvoir de gestion et de décision et que la programmation des vols de jour ou de nuit sur une ligne régulière comme Sanaa-Moroni, dernière étape de trajets effectués depuis la France, constitue une décision particulièrement stratégique pour la compagnie. Dès lors, ces décisions ont été prises à un niveau hiérarchique tel qu’elles engageaient la responsabilité de la compagnie. Les fautes ont bien été commises pour le compte de celle-ci.

Dès lors, le président de la compagnie à la date de l’accident, représentant de celle-ci, a engagé la responsabilité pénale de Yemenia Airways. La compagnie Yemenia Airways est déclarée coupable des délits d’homicides involontaires et de la contravention de blessures involontaires.

Il n’est peut-être pas sans intérêt de relever que la compagnie, au motif de la situation conflictuelle du Yémen, n’était pas représentée physiquement à l’audience. Les familles des victimes ont fortement déploré cette absence.

Avant de se prononcer sur la peine, le tribunal énonce que « le trouble causé à l’ordre public est immense. » Il ajoute que « Les imprudences commises démontrent de la part de la compagnie une culture de la sécurité et de la responsabilité défaillante alors qu’elle avait en charge la vie des 152 personnes transportées. De telles attitudes alimentent un sentiment d’insécurité dans le domaine du transport aérien ».

C’est donc à la peine maximale de 225 000 euros d’amende (art. 131-38 CP) que la compagnie est condamnée.

Il importe de souligner que le tribunal, comme il désormais d’usage dans les procès de catastrophes, avait permis à la survivante et à tous les proches de s’exprimer longuement et de rendre compte in concreto de l’effet dévastateur de l’accident, accentué par la longueur du parcours judiciaire jusqu’à la phase de jugement  dont tous les acteurs se sont accordés à souligner la parfaire organisation. 

II. Les demandes indemnitaires et le droit conventionnel

Rappelons tout d’abord que l’indemnisation des passagers victimes d’un accident aérien lors d’un transport international, ainsi que celle de leurs ayants-droit,  relève du droit conventionnel, à savoir la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, modifiée par plusieurs protocoles, ou la convention de Montréal adoptée le 28 mai 1999, entrée en vigueur en France le 28 juin 2004. Sans développer davantage la responsabilité du transporteur aérien (M.-F. Steinlé-Feuerbach, « Les trajectoires de l’obligation de sécurité du transporteur aérien de personnes » : RISEO 2010-2, p. 5) précisons que la convention de Varsovie s’applique toujours aux transports effectués entre États non signataires de la convention de Montréal ainsi qu’aux trajets effectués entre un pays signataire et un pays non signataire. Or, il existe une différence de situation criante entre les vols soumis à la convention de Varsovie et ceux soumis à celle de Montréal. En ce qui concerne le crash de la Yemenia, l’inégalité de traitement des victimes se retrouve dans l’ordonnance de référé rendue le 30 avril 2010 par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence saisi par des ayants droit de personnes décédées dans le crash des Comores. Faisant une application exacte du droit conventionnel, l’ordonnance souligne que pour les passagers décédés « certains d’entre eux restent soumis à la convention de Varsovie dans la mesure où ce contrat (le contrat de transport) n’a pas pour point de départ et pour point de destination un aéroport situé sur le territoire d’un état ayant ratifié la convention de Montréal».  En revanche, la convention de Montréal retrouve son empire pour les passagers qui devaient effectuer un trajet au départ de Paris CDG, avec des escales à Sanaa et Moroni puis un retour vers Paris CDG.

En France, plusieurs décisions ont déjà été rendues concernant les intérêts civils en application de la convention de Montréal (Cf. not. Civ. 1ère. 15 janvier 2014, n° 11-24.522). Au-delà, un accord conventionnel a pu être trouvé avec la compagnie.

Le tribunal ne s’estime compétent que pour les victimes de nationalité française et déclare irrecevables les constitutions de parties agissant en qualité d’ayant droit des victimes comoriennes. Il rejette également les constitutions de parties civiles ne pouvant justifier leur qualité d’ayant droit des 65 victimes françaises.

Pour les ayants droit des victimes françaises, la juridiction parisienne constate que certaines des parties civiles ont été indemnisées par la compagnie suivant un protocole de 2014 et qu’elles ne formulent aucune demande, leur constitution de partie civile n’intervenant qu’au soutien de l’action publique. Pour les autres parties civiles dont l’action est recevable et ayant formulé une demande indemnitaire, le tribunal se déclare incompétent en raison du régime juridique dérogatoire du droit conventionnel et les renvoie à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront. Il signale que plusieurs actions ont été engagées devant la juridiction aixoise, compétente en application du droit conventionnel. Le tribunal correctionnel se conforme ainsi à jurisprudence de la Chambre criminelle laquelle considère depuis des dizaines d’années que le droit conventionnel exclut la compétence des juridictions pénales en la matière (M. de Juglart et E. du Pontavice : JCP 1970, II, 16353, note sous Crim. 3 déc. 1969 ; M.-F. Steinlé-Feuerbach, note ss. Cour d’appel du Grand-Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, 29 janv. 2013 : RFDA 2013, p. 315).

S’agissant des demandes des associations, le tribunal se fonde sur l’article 2-15 du code de procédure pénale dont le premier alinéa permet à toute association régulièrement déclarée ayant pour objet statutaire la défense des victimes d’un accident survenu dans les transports collectifs et regroupant plusieurs de ces victimes, si elle a été agréée à cette fin, d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne cet accident lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée (loi n° 95-125 du 8 février 1995 ; C. Lienhard, « Le droit pour les associations de défense des victimes d’accidents collectifs de se porter partie civile » : D. 1996, 74). Ultérieurement (loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011), la même possibilité a été offerte à toute fédération d’associations, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et inscrite auprès du ministère de la justice. En appliquant strictement le texte le tribunal déclare irrecevable la constitution de partie civile de l’association comorienne, non déclarée en préfecture et non agrée par le ministère de la justice.

En revanche, elle accueille favorablement les demandes de l’AFVCA et de la FENVAC, lesquelles remplissent à l’évidence les conditions posées par l’article 2-15.

Il restait à déterminer les préjudices de ces deux personnes morales. La compagnie Air Yemenia avait soulevé l’incompétence matérielle du tribunal en application des conventions de Varsovie du 12 octobre 1929 et de Montréal du 28 mai 1999 ce qui fournit à la juridiction l’occasion d’un raisonnement intéressant quant au champ d’application du droit conventionnel. Ce raisonnement va à l’encontre de la position de la Chambre criminelle, laquelle, dans un arrêt récent (Crim., 8 sept. 2020, n° 18-82.150) approuve la cour d’appel qui s’était déclarée incompétente pour statuer sur les intérêts civils de la FENVAC et l’a renvoyée à se pourvoir devant une juridiction civile. La Fédération est ainsi traitée de la même manière que les passagers sous le prétexte que « l’action en responsabilité du transporteur aérien et de ses préposés échappe à la compétence matérielle des juridictions répressives » (M.-F. Steinlé-Feuerbach, « La Chambre criminelle et les accidents aériens » : JAC n° 200). Pourtant, la FENVAC ne se trouvait pas dans l’avion !!!

Dans une autre affaire, le crash de Phuket, le  tribunal correctionnel de Paris n’avait pas hésité à accorder des indemnités à la FENVAC sans s’interroger sur sa compétence (M.-F. Steinlé-Feuerbach, « Crash de Phuket : condamnation(s) du dirigeant de la compagnie aérienne (trib. corr. Paris, 3 sept. 2019 et trib. corr. Paris 12 oct. 2020), JAC n° 203, janv. 2021). Le jugement du 14 septembre 2022 a le mérite de se positionner clairement sur ce point.

D’une analyse fine du droit conventionnel le tribunal déduit que celui-ci « ne s’applique qu’à l’occasion du contrat passé entre un passager et un transporteur aérien » et ne concerne pas les actions en responsabilité engagées par une association pour la réparation de son préjudice. Il ajoute encore qu’une « association dispose d’une personnalité juridique distincte de ses membres et n’est pas cocontractante d’un transporteur aérien. ». Nous ne pouvons qu’approuver ce raisonnement qui conduit le tribunal, avec une logique imparable, à se déclarer compétent pour connaître des demandes indemnitaires formées par l’AFCVA et la FENVAC à l’encontre de la compagnie aérienne Yemenia Airways.

S’agissant de l’AFCVA, le tribunal rejette la demande d’indemnisation du préjudice moral car l’association ayant été créée après l’accident, ce préjudice n’a été ressenti que pas les membres de l’association et non par celle-ci mais condamne la compagnie à verser à l’association quarante mille euros en  réparation de son préjudice matériel, dix-mille euros au titre des frais supportés pendant la procédure pénale ainsi que la somme d’un million d’euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Statuant ainsi, le tribunal reconnait l’utilité et l’effectivité du rôle de l’association ad hoc née de la seule occurrence de l’accident aérien. Là encore, l’audience pénale a permis in concreto à la juridiction de jugement d’apprécier la densité et la pertinence de l’engagement associatif dédié qui a contribué à souder la collectivité des victimes appartenant ici la communauté comorienne établies à Marseille, à Paris et aux Comores.

La FENVAC se voit attribuer dix mille euros en réparation de son objet statutaire. Contrairement à l’AFCVA, la FENVAC a été créée avant l’accident. Le tribunal rappelle son objet qui est  « d’aider les associations adhérentes à réaliser un ou plusieurs de leurs objectifs dans le but général d’obtenir plus de solidarité, de vérité et de justice pour les victimes d’accidents collectifs ou de catastrophes de quelque nature que ce soit et de contribuer à améliorer la sécurité pour tous. » Le tribunal ajoute : « Elle contribue également aux réflexions et études avec les pouvoirs publics pour garantir la sécurité des transports et mieux accompagner les victimes. Chaque nouvelle catastrophe rappelle la nécessité d’une culture renforcée de la sécurité au sein des sociétés de transports de personnes. » Cette appréciation de l’utilité de la Fédération n’est pas sans rappeler les éloges qui lui avaient déjà été adressés pour son investissement auprès des victimes du crash de Phuket.

La compagnie aérienne devra encore lui verser vingt-mille euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Sans surprise, dès la décision rendue, la compagnie aérienne a informé de son intention d’interjeter appel.