URGENCE SANITAIRE ET DROIT DES SOCIETES, P. Schultz

Philippe SCHULTZ

Maître de conférences HDR à l’Université de Haute-Alsace
Membre du C.E.R.D.A.C.C.

 

A jour le 30 mars 2020

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement à adopter diverses ordonnances à fin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19. Ces ordonnances peuvent avoir un effet rétroactif à la date du 12 mars 2020. Certaines autorisations intéressent directement le domaine du droit des sociétés. Ainsi, aux termes de la loi d’habilitation, peuvent être adoptées par ordonnance : « 2° Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure :

f) Simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales ;

g) Simplifiant, précisant et adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adaptant les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes.»

En un temps record, vingt-cinq ordonnances ont été présentées au Conseil des ministres du 25 mars et publiées au Journal officiel du 26 mars. Elles ne couvrent pas encore toutes les habilitations. D’autres ordonnances doivent suivre : ainsi le 28 mars sont parues au Jour officiel cinq autres ordonnances. Dans le domaine du droit des sociétés, les ordonnances adoptées en application de l’article 11, 2°, f et g sont déjà parues au JO du 26 mars 2020. Il s’agit de :

À quelles problématiques les sociétés étaient-elles plus particulièrement confrontées ?

Depuis l’arrêté du 14 mars 2020, les rassemblements de plus de 100 personnes étaient interdits, voire les rassemblements de plus de 50 personnes dans certains départements, tel le Haut-Rhin, en application d’un arrêté préfectoral. L’interdiction a été reprise par l’article 7 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire adopté en application de la loi n° 2020-290. Par ailleurs, en raison des mesures de confinement, les autorisations de sortie sont limitées. Certes, les trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et les déplacements professionnels insusceptibles d’être différés restent autorisés (D. n° 2020-293 du 23 mars 2020, art. 3). Mais se déplacer pour assister à une assemblée de société ou de toute autre personne morale ne relève pas de cette dérogation, puisqu’exercer des droits d’associés, n’est pas une activité professionnelle (V. cependant pour les associés de SNC : Cass. 2e civ. 11 octobre 2005, n° 04-30437 : Bull. civ., II, n° 245).

Or le fonctionnement des sociétés suppose que des délibérations puissent être adoptées. Même s’il existe des modes alternatifs de prises de décisions collectives à la réunion d’une assemblée ou d’un conseil, ceux-ci ne sont pas toujours autorisés ou sont soumis à conditions. Ainsi, dans les SARL, si les associés peuvent délibérer pour consultation écrite ou en assemblée tenue par visioconférence, ces dispositifs ne sont pas autorisés lorsqu’il s’agit d’approuver les comptes annuels (C. com., art. L. 223-27). C’est à ce premier type de difficulté que l’ordonnance n° 2020-321 entend répondre (I).

L’approbation des comptes annuels soulève un autre type de problèmes. Dans les sociétés commerciales, celle-ci doit être faite dans les six mois de la clôture de l’exercice, à peine de sanction pénale (V. au sujet des SARL : C. com., art. L. 241-5 ; des SA : C. com., art. L. 242-10). Pour les sociétés dont l’exercice est clos depuis le 30 septembre 2019, la date limite d’approbation des comptes se situe alors dans la période d’urgence sanitaire si bien que l’approbation ne pouvait se réaliser dans le respect des règles ordinaires. L’ordonnance 2020-321 a permis de simplifier ces règles. Encore fallait-il que les sociétés disposent du temps pour les mettre en œuvre. C’est à cette seconde problématique que répond l’ordonnance n° 2020-318 (II).

I. Urgence sanitaire et réunion des organes sociaux

Domaine d’application. L’ordonnance n° 2020-321 a été adoptée pour régler les difficultés de réunion des sociétés et de divers groupements. Son champ d’application dépasse ainsi le cadre des sociétés au sens strict. L’article 1er de l’ordonnance énumère de manière non limitative les groupements concernés : sociétés civiles ou commerciales, masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers, coopératives, mutuelles et leurs unions, GIE, GEIE, associations et fondations. Il importe peu que ces structures soient ou non dotées de la personnalité morale (le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 cite notamment les sociétés en participation).

Concernant les délibérations, l’article 11 précise que l’ordonnance est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction. En visant les assemblées sans distinction, le texte intéresse tant les assemblées générales, ordinaires ou extraordinaires, que les assemblées spéciales de sociétés, de GIE ou d’associations, ainsi que les assemblées de masse d’obligataires, par exemple. Ce sont aussi les règles relatives aux réunions des organes collégiaux qui connaissent des aménagements. Toutefois, ces mesures dérogatoires sont limitées dans le temps : l’ordonnance ne s’applique qu’aux assemblées et réunions tenues entre 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020.

Le titre II est consacré aux aménagements relatifs aux assemblées (A), le titre III à ceux applicables aux réunions des organes collégiaux (B). Tous ces aménagements tendent à assurer la sécurité juridique des décisions qui sont prises lors de ces réunions organisées dans des conditions extraordinaires.

A. Urgence sanitaire et assemblées de groupements

Préparation de l’assemblée. Dans le cadre de la préparation de l’assemblée, la dématérialisation est privilégiée. Ainsi, dans les sociétés cotées, les titulaires d’actions inscrites à un compte nominatif doivent, en principe, être convoqué par lettre ordinaire (C. com., art. R. 225-68). L’irrégularité de la convocation peut conduire à la nullité de l’assemblée (C. com., art. L. 225-104). Pour éviter cette conséquence, l’article 2 de l’ordonnance énonce qu’aucune nullité de l’assemblée n’est encourue du seul fait qu’une convocation n’a pas pu être réalisée par voie postale en raison de circonstances extérieures à la société.

Par ailleurs, pour ce qui est des documents que les membres d’une assemblée peuvent exiger du groupement avant la tenue de l’assemblée, la transmission peut se faire par voie électronique pourvu que le demandeur fournisse son adresse électronique (Ord. n° 2020-321, art. 3). Cette possibilité était déjà prévue pour les assemblées générales de sociétés anonymes (C. com., art. R. 225-88). Mais elle suppose que la société sollicite au préalable le consentement des intéressés qui peuvent à tout moment y revenir pour demander un envoi postal (C. com., art. R. 225-63). Dans les autres sociétés, cette faculté n’existe pas. Durant la période d’application de cette ordonnance, la communication des informations par voie électronique est généralisée à tous les groupements, même si ce mode de communication n’est pas prévu par la loi ou les statuts en temps ordinaire. La seule exigence tient au fait que le demandeur ait mentionné dans sa demande son adresse électronique, condition nécessairement remplie si la demande est elle-même faite par voie électronique. Mais il n’est pas nécessaire que celui-ci ait donné expressément son consentement à l’envoi sous forme électronique. Durant cette période, il ne peut davantage exiger un envoi par service postal. Grâce à cette mesure, si le défaut d’information permet toujours d’agir en nullité, en revanche, la forme de transmission de l’information ne constitue plus provisoirement une cause de nullité.

Toutefois, cette transmission électronique ne concerne que les documents à adresser aux membres dans le cadre d’une assemblée. Elle ne concerne pas les documents qui doivent leur être adressés dans le cadre d’une consultation écrite. Dans ce cas, l’envoi se fait selon les règles ordinaires, à savoir un envoi par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (par ex., pour la SARL : C. com., art. R. 223-22 ; pour la société civile D. n° 78-704 du 3 juillet 1978, art. 42).

Assemblée en visioconférence. Les mesures de confinement et les interdictions de rassemblements empêchent la tenue d’assemblées sous la forme présentielle. La solution est de recourir à une assemblée par conférence téléphonique ou audiovisuelle. En application de l’article 4 de l’ordonnance, c’est l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou, sur délégation de cet organe, le représentant légal qui a le pouvoir de décider d’organiser une assemblée sous une forme dématérialisée. Cette option n’est ouverte que si l’assemblée est convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires. À ce jour, l’interdiction des rassemblements prévue par l’article 7 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 doit, dans une configuration très optimiste, prendre fin au 15 avril. Bien que l’ordonnance a vocation à s’appliquer aux assemblées réunies jusqu’au 31 juillet 2020, cette mesure ne pourra plus jouer à l’expiration de l’interdiction de réunion.

En cas de recours à une assemblée en conférence à distance, il est aussi prévu que l’organe compétent peut décider que les membres assistant à l’assemblée tenue à distance sont pris en compte dans le quorum et dans la majorité, nonobstant toutes dispositions légales ou statutaires contraires (Ord. n° 2020-321, art. 5, I). Cette faculté ouverte à l’auteur de la convocation n’est pas très heureuse : il aurait été préférable de prévoir que la décision de tenir une assemblée en audio ou visioconférence emporte de plein droit prise en compte des membres présents à distance dans le calcul du quorum et de la majorité. En effet, faute pour l’auteur de la convocation de prendre une décision sur les modalités du calcul du quorum et de la majorité, les délibérations adoptées dans une telle assemblée sont sujettes à contestation en justice dans les organisations où la visioconférence n’est pas déjà prévue dans les statuts.

Concernant les moyens techniques à employer, ils doivent permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations. Il n’y a que pour les assemblées générales de sociétés anonymes ou pour la masse des obligataires où existent déjà des prescriptions réglementaires plus précises que celles-ci doivent être respectées (Ord. n° 2020-321, art. 5, II). L’information sur la date et l’heure de l’assemblée et les modalités d’exercer leur droit de vote est fournie aux membres par tout moyen (Ord. n° 2020-321, art. 4, al. 3).

La possibilité de recourir à la tenue d’une assemblée par conférence téléphonique ou audiovisuelle existe quel que soit l’objet de la délibération (Ord. n° 2020-321, art. 5, III). Les dispositions légales ou statutaires interdisant cette forme de décision pour l’approbation des comptes sont ainsi écartées.

Les délibérations adoptées par des assemblées tenues en conférence téléphonique ou en visioconférence répondant à ces conditions sont régulièrement prises (Ord. n° 2020-321, art. 4, al. 2). La sécurité juridique des délibérations adoptées dans des conditions extraordinaires est ainsi assurée.

Consultations écrites. Les décisions collectives des groupements peuvent être prises sous d’autres formes que l’assemblée. Dans certaines sociétés, il est possible d’adopter des décisions par voie de consultation écrite. Dans ce cas, les règles de confinement ne sont pas un obstacle à l’adoption d’une décision collective.

Cette possibilité existe expressément dans les sociétés civiles (C. civ., art. 1846), les sociétés en nom collectif C. com., art. L. 221-6, al. 2) et dans les sociétés à responsabilité limitée (C. com., art. L. 223-27). Depuis 2017, elle permet aussi l’adoption de décisions collectives par la masse des obligataires (C. com., art. L. 228-46-1). Toutefois, en temps ordinaire, cette possibilité est subordonnée soit à une clause statuaire pour les décisions d’associés, soit à une stipulation du contrat d’émission pour les décisions de la masse.

L’article 6 de l’ordonnance 2020-321 permet de recourir à ce procédé sans qu’une clause ne le prévoit et pour toute décision, y compris celles que la loi ou les statuts interdit de prendre sous cette forme, telle l’approbation des comptes des sociétés commerciales. Il est à noter que, dans l’urgence de la rédaction de l’ordonnance, l’article 6 vise « les décisions des assemblées [pouvant] être prises par voie de consultation écrite ». Or, pour être précis, une consultation écrite n’est pas une décision d’assemblée, mais une décision collective des membres.

Cette option n’est ouverte que dans les sociétés où la loi permet en temps normal l’adoption de décisions collectives sous cette forme. Cela exclut les sociétés par actions pour lesquelles la loi ne prévoit pas cette faculté. Il en va même ainsi, semble-t-il, pour les SAS puisque, même si ce mode de décision collective n’est pas interdit, la loi ne le prévoit pas expressément : elle ne fait que renvoyer aux statuts pour déterminer les formes de prises de décisions collectives des associés (C. com., art. L. 227-9).

En revanche, il n’est pas dérogé aux formes de la consultation écrite : celle-ci doit se faire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (par ex., pour la SARL : C. com., art. R. 223-22 ; pour la société civile D. n°78-704 du 3 juillet 1978, art. 42). La forme électronique n’est pas autorisée. Peut-être cette faculté sera-t-elle ouverte par un décret venant en préciser les modalités (Ord. n° 2020-321, art. 10) ?

Contrairement au régime prévu pour les assemblées en visioconférence, l’utilisation de la consultation écrite n’est pas limitée aux délibérations devant être adoptées durant la période d’interdiction des rassemblements. Ainsi, jusqu’au 30 juillet 2020, des décisions collectives pourront être valablement adoptées sous cette forme.

Cas particulier des assemblées déjà convoquées. Enfin, l’article 7 règle une question soulevée par la rétroactivité de l’ordonnance n° 2020-231 au 12 mars 2020. Qu’en est-il des assemblées convoquées avant que l’organe de convocation ne décide de recourir à la visioconférence ou à l’audioconférence parce que l’assemblée doit être réunie en un lieu dans lequel les rassemblements sont interdits pour des raisons sanitaires ? Dans ce cas, l’auteur de la convocation doit informer les membres par tout moyen au moins trois jours avant la date de l’assemblée de sa décision de modifier la forme de l’assemblée. Cette ne nécessite pas une nouvelle convocation et ne constitue pas une irrégularité de convocation susceptible d’entraîner la nullité de l’assemblée.

Conformément à l’article 11 de l’ordonnance, cette sécurisation ne concerne que les assemblées convoquées depuis le 12 mars 2020. Rien n’est prévu pour les assemblées devant se tenir en période d’interdiction des rassemblements et qui auraient été convoquées antérieurement au 12 mars. Dans ce cas, il n’y a guère d’autres options que de procéder à une nouvelle convocation d’une assemblée qui, cette fois, se tiendra à distance.

B. Urgence sanitaire et réunion d’organes collégiaux

Réunion en visioconférence. Les recettes tendant à pallier l’interdiction des rassemblements sont aussi appliquées aux décisions devant être prises par les organes collégiaux de direction, d’administration et de surveillance. La première d’entre elle est le recours aux réunions par conférence téléphonique ou audiovisuelle.

Ce moyen est déjà autorisé pour les réunions de conseil d’administration ou du conseil de surveillance de sociétés anonymes (C. com., art. L. art. L. 225-37 et art. L. 228-82). Mais il suppose que le règlement intérieur l’ait expressément prévu. De surcroît, il est interdit pour certaines délibérations et les statuts peuvent conférer aux membres de l’organe un droit d’opposition. Tous ces obstacles sont levés par l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-321 qui permet de réputer présents tous les membres qui assistent à une réunion par téléphone ou visioconférence. Le quorum peut être ainsi atteint et la délibération valablement adoptée quel qu’en soit l’objet, y compris l’arrêté des comptes annuels.

Consultation écrite. Le second moyen est l’utilisation de la consultation écrite. Ce mode de décision a été récemment ouvert dans les conseils d’administration et de surveillance des sociétés anonymes par la loi Soilihi (L. n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés). Mais cette faculté n’est ouverte que pour des décisions très limitées dont l’objet est déterminé par la loi (C. com., art. L. art. L. 225-37 et art. L. 228-82).

Autres groupements. Ces modes alternatifs de décisions d’organes collégiaux ne concernent pas seulement les sociétés anonymes. Ils peuvent être utilisés, au moins jusqu’à 31 juillet 2020, pour les organes collégiaux de direction, d’administration ou de surveillance d’autres groupements pour lesquels la loi ou les statuts n’a rien prévu de tel.

Ces modes de consultations sont particulièrement utiles à un moment où de nombreuses sociétés commerciales doivent arrêter leurs comptes afin de respecter les délais légaux. Respecter certains délais légaux face à l’urgence sanitaire a nécessité l’adoption d’autres mesures.

II. Urgence sanitaire et délais en matière comptable

Domaine d’application L’ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l’épidémie de covid-19 vient prolonger les délais imposés par la loi pour établir certains documents comptables (A) ou pour les présenter à un organe de contrôle (B).

A. Urgence sanitaire et délai d’établissement des comptes

Etablissement de documents comptables et du rapport du liquidateur. Dans les sociétés commerciales, il incombe aux organes de gestion d’établir les comptes annuels et un rapport de gestion (C. com., art. L. 232-1). Si dans certaines sociétés le manquement à cette obligation est pénalement sanctionné (C. com., art. L. 241-4, pour les SARL ; C. com., art. L. 242-8, pour les SA), aucun délai n’est légalement prévu pour établir ces documents, ce qui n’est pas sans soulever des difficultés pour déterminer le moment auquel l’infraction d’omission est constituée. C’est par rapport aux dates auxquelles ces documents doivent être présentés à d’autres organes ou à un tiers que la consommation de l’infraction peut être appréciée.

Cette situation concerne les sociétés in bonis. Au contraire, lorsque la société est soumise à une liquidation amiable, le liquidateur a l’obligation de respecter un délai de trois mois à compter de la clôture de l’exercice pour établir les comptes annuels et le rapport sur les opérations de liquidation (C. com., art. L. 237-25). Du moins, le respect de ce délai s’impose au liquidateur s’il s’agit d’une liquidation amiable sur décision judiciaire (C. com., art. L. 237-14). Si, depuis 2012, le non-respect de ce délai n’est plus assorti d’une sanction pénale, il existe tout de même une injonction de faire sous astreinte pour obliger le liquidateur à produire ces documents (C. com., art. L. 238-2).

En vertu de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-318, ce délai est prorogé de deux mois lorsqu’il s’agit d’exercices clos depuis le 31 décembre 2019 et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, soit, en théorie, jusqu’au 23 juin 2020.

Établissement des documents comptables particuliers. Certaines sociétés commerciales sont tenues d’établir des documents comptables particuliers : une situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement et un plan de financement prévisionnel (C. com., art. L. 232-2). Ces obligations concernent les sociétés qui à la clôture d’un exercice social, comptent trois cents salariés ou plus ou dont le montant net du chiffre d’affaires, à la même époque, est égal ou supérieur à 18 000 000 euros (C. com., art. R. 232-2). Certains documents doivent être établis semestriellement, d’autres annuellement (C. com., art. R. 232-3). Ces documents doivent être tantôt établi dans les 4 mois de la clôture de l’exercice ou du semestre et pour les documents prévisionnels dans les 4 mois de l’ouverture de l’exercice ou du semestre.

Tous ces délais sont prorogés de deux mois par l’article 4 de l’ordonnance 2020-318. Du moins, il en est ainsi pour les documents relatifs aux comptes ou aux semestres clôturés entre le 30 novembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire soit, théoriquement, jusqu’au 23 juin 2020.

B. Urgence sanitaire et délai de présentation des comptes

Présentation des comptes au conseil de surveillance. Dans les sociétés anonymes dotées d’un conseil de surveillance, le directoire a l’obligation de présenter au conseil de surveillance les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés ainsi que les rapports afférant à ces comptes dans les trois mois de la clôture de l’exercice (C. com., art. L. 225-68). Le délai de présentation est prorogé de trois mois pour les exercices clos entre le 31 décembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Approbation des comptes annuels. Les comptes annuels et les comptes consolidés des sociétés commerciales doivent être soumis à l’approbation des associés dans les six mois de la clôture de l’exercice (C., com., art. L. 221-7, pour la SNC ; art. L. 223-26, pour la SARL ;  art. L. 225-100 pour les SA et SCA). Dans certaines sociétés, ce sont les statuts qui peuvent le prévoir. On songe aux sociétés par actions simplifiées pour lesquelles la loi ne prévoit pas de délai.

Les délais pour convoquer l’assemblée et pour faire approuver des documents sont prorogés de trois mois lorsqu’il s’agit de sociétés clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (ord. n° 2020-318, art. 3).

Exception. Tant pour la présentation des comptes au conseil de surveillance que pour leur approbation par l’assemblée, la prorogation ne s’applique pas aux organisations qui ont un commissaires aux comptes si celui-ci a émis son rapport avant le 12 mars 2020 (ord. 2020-318, art. 1, I et 3, I).

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