Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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RAPPEL DES RISQUES ENCOURUS EN CAS DE TRAVAIL DURANT LE GRAND FROID, I. Corpart

Isabelle Corpart,

Maître de conférences émérite en droit privé de l’Université de Haute-Alsace,

Membre du CERDACC

Pour tenir compte des risques liés aux vagues de froid, le ministre du Travail a rédigé l’instruction interministérielle DGS/VSS2/DGOS/DGCS/DGT/DGSCGC/DIHAL/2023/157 du 29 novembre 2023 relative à la prévention et la gestion des impacts sanitaires et sociaux liés aux vagues de froid 2023/2024, publiée au Bulletin officiel santé du 15 décembre 2023 (https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/instruction_relative_a_la_prevention_et_la_gestion_des_impacts_sanitaires_et_sociaux_lies_aux_vagues_de_froid_-_2023-2024.pdf) En effet, il ressort de ces travaux que l’exposition au grand froid peut nuire aux professionnels (I) et qu’il faut faire le nécessaire pour prévenir ces risques (II) parce que les employeurs doivent faire face aux vagues de froid hivernales dans le cadre de leur obligation de sécurité.

Mots-clefs : Instruction interministérielle – Vagues de froid – Risques sanitaires et sociaux – Risques professionnels – Mesures de protection – Obligation de sécurité des employeurs – Responsabilité des employeurs liée aux conditions météorologiques

I – La prise en compte de l’exposition au grand froid

Pour faire avancer les mesures protectrices, le ministre du Travail a mentionné dans son instruction interministérielle du 29 novembre 2023, la situation vécue par de nombreux salariés trop exposés au grand froid (A) et étant victimes de lourdes retombées (B). Ce faisant, il a abrogé et remplacé l’instruction n° DGS/VSS2/DGOS/DGCS/DGT/DGSCGC/DIHAL/2021/224 du 4 novembre 2021 relative à la prévention et la gestion des impacts sanitaires et sociaux liés aux vagues de froid 2021-2022 (https://sante.gouv.fr/fichiers/bo/2021/2021.23.sante.pdf).

A. Les situations d’exposition aux vagues de froid

Il ressort de l’instruction interministérielle que de nombreuses situations professionnelles exposent les salariés au froid, ce qui leur cause des risques de santé, mais aussi des accidents. Sensible aux difficultés vécues par certains salariés, le ministre du Travail a mis l’accent sur les secteurs dans lesquels un travail est à effectuer à l’extérieur, raison pour laquelle la période hivernale peut les empêcher de bien travailler. En effet, de nombreux métiers conduisent à travailler en extérieur une partie de la journée, voire toute la journée et ces basses températures peuvent amener les salariés à être victimes du froid, du gel, ce qui peut nuire à leur santé, mais aussi conduire à augmenter le nombre d’accidents du travail.

Pour le ministre, les activités les plus exposées à ces drames sont le bâtiment et travaux publics (BTP), le commerce de détail, l’agroalimentaire et l’industrie des transports. De plus, quand les salariés doivent utiliser un véhicule dans le cadre professionnel, les baisses de température peuvent avoir des retombées sur la circulation routière et causer des accidents.

B. Les risques encourus durant les vagues de froid

La santé des salariés est parfois gravement affectée par leur exposition au froid pendant leur temps de travail. Il ressort de ces travaux que les salariés non suffisamment protégés risquent une hypothermie (baisse de la température corporelle qui peut conduire à des frissons, de la fatigue, des confusions ou une perte de connaissance) et pire encore des douleurs d’intensité variable ou des gelures lesquelles peuvent entraîner des troubles musculo-squelettiques ou des crampes en fonction de la sensibilité de la personne. Il est parfois aussi question de diminution de l’irrigation sanguine des doigts, qui se traduit par leur pâleur.

Le manque de repos suffisant peut avoir de lourdes retombées et engendrer des risques plus ou moins graves en milieu professionnel. En effet, certains salariés ont été victimes de coma, voire sont décédés.

II – La prévention des risques du travail en extérieur par temps froid

Face aux conditions météorologiques hivernales, de nombreux salariés ont souffert car ils ne bénéficiaient pas de modes protecteurs efficaces. Il ressort de l’instruction interministérielle que des précautions sont à prendre durant le travail en période de grand froid, notamment en période hivernale (A). Il faut rappeler aux employeurs quel est leur rôle et quelles sont les retombées pour eux (B) en leur conseillant diverses améliorations durant la vie professionnelle de leurs salariés (C).

A. Les différents modes de prévention bénéficiant aux salariés

La santé des salariés et leur sécurité pendant leur temps de travail sont des mesures essentielles, raison pour laquelle il importe que des précautions soient prises pour les protéger et les sécuriser.

En vue d’aider les salariés et d’éviter qu’ils soient victimes, il faudrait que leur employeur fasse le nécessaire pour planifier le travail qui est à effectuer en dehors des bâtiments, qu’il limite le travail en zone froide en prévoyant des périodes de pause adaptées à la température et prévues dans des lieux chauffés, en offrant des boissons chaudes à leurs employés. Dans certains cas, il convient de prévoir des dispositifs localisés de chauffage et de mettre en place des protections individuelles adaptées en lien notamment avec des habits épais, des gants, des bonnets et si besoin des vestes supplémentaires et des chaussures antidérapantes. En outre, il est recommandé aux patrons de prévoir des locaux chauffés pour accueillir les salariés pendant les pauses, d’isoler les surfaces métalliques et d’installer des matériaux spécifiques sur les sols afin d’éviter les risques de glissade.

B. La mise en place de la responsabilité de l’employeur

Le Code du travail a introduit de nombreuses mesures pour assurer la santé et la sécurité au travail (art. R. 4121-1 à R. 4823-6). Les employeurs peuvent être pénalisés s’ils ne respectent pas leurs obligations pour l’utilisation des lieux de travail. Il ressort de l’instruction interministérielle que les salariés sont très souvent victimes des baisses de la température en France, alors que leur employeur est responsable de leur sécurité et du maintien de leur bonne santé. Il importe donc que les chefs d’entreprise soient plus vigilants.

Pour limiter les risques subis par le personnel, mais aussi réduire la mise en œuvre de la responsabilité du chef d’entreprise, il ressort de l’instruction interministérielle du 29 novembre 2023 qu’il faut mieux former le personnel sur les risques liés au froid et les informer des mesures à prendre.

C. L’aménagement des postes de travail

Il ressort des réflexions du ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion qu’il est essentiel d’éviter le travail isolé afin de permettre aux collègues d’alerter les secours rapidement en cas de besoin et d’accélérer la prise en charge en sanitaire des salariés rendus malades par la météo. En outre, si la personne travaille seule, il est rassurant de mettre en place un système d’alarme en cas d’immobilité prolongée du travailleur.

L’installation de dispositifs localisés de chauffage pour les postes très exposés au froid est aussi essentielle.

Les employeurs ont également intérêt de planifier le travail qui doit être effectué en dehors des bâtiments en fonction des conditions météorologiques et en tenant compte des contraintes physiques supportées par les travailleurs, ainsi que de leur état de santé.

Le ministre du Travail rappelle dans l’instruction interministérielle qu’il faut tenir compte de l’article R. 4225-1 du Code du travail sur l’aménagement des postes de travail extérieurs et notamment la protection des salariés contre les conditions atmosphériques (issu du Décret n° 2008-244 du 7 mars 2008). Conformément à l’article R. 4213-7 de ce code, les équipements et caractéristiques des locaux de travail sont conçus de manière à permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs. Il faut par ailleurs adapter les locaux de travaux à la température (Article R. 4213-8), le chauffage devant fonctionner de nature à maintenir une température convenable (Article R. 4223-13). Enfin l’employeur doit tenir compte de l’avis du médecin du travail et du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail pour décider des dispositions à mettre en place dans le but d’assurer la protection de ses salariés contre le froid et les intempéries (Article R. 4223-15).

Pour que l’employeur aide son personnel, il ressort de l’instruction interministérielle qu’il doit éviter ou limiter le temps de travail au froid. Cela permet que le travail soit mieux effectué et que les employés n’encourent pas de risques en lien avec la température hivernale.

L’hiver est loin d’être fini et il importe que les personnes qui travaillent soient rapidement aidées et que les employeurs comprennent mieux quelles mesures peuvent les soutenir tout en leur permettant d’effectuer leurs missions professionnelles, puisque les vagues de froid peuvent les rendre très vulnérables et qu’il faut lutter contre tous ces risques sanitaires, sociaux et professionnels liés à la période hivernale.