Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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CHRONIQUE DU DOMMAGE CORPOREL, DU DROIT DES VICTIMES ET VICTIMOLOGIE, C. Lienhard et C. Szwarc

 Claude Lienhard

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,

Professeur émérite de l’Université Haute-Alsace,

Directeur honoraire du CERDACC

et

Catherine Szwarc

Avocate spécialisée en droit du dommage corporel

I – Droit du dommage corporel

1.La réparation au quotidien : implant et parole

Toute nouvelle avancée technologique peut avoir des prolongements intéressants dans l’optique d’approcher la réparation intégrale.
Désormais, il est envisageable de retrouver la parole grâce à des implants.

2.Encore un revirement d’importance

L’arrêt du 6 juillet 2023 de la deuxième chambre civile est à nouveau une avancée essentielle. La pension d’invalidité ne s’impute plus sur le DPF. A LIRE ICI

6 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.283

Sur le sixième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

20. M. [S] fait grief à l’arrêt de limiter à la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l’assureur à payer les intérêts au double du taux légal sur le total du montant des sommes en capital qui lui ont été allouées, avant déduction de la provision, et de la créance de l’organisme social, soit 920 839,60 euros, alors « qu’une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime ; qu’en jugeant que la circonstance qu’« au cours des mois de juin à novembre 2016, des discussions ont lieu de manière fondée entre la MAIF et la société Pacifica, assureur de M. [S], en raison des fautes de conduite qui étaient opposées à ce dernier, à savoir une conduite sous l’empire d’un état alcoolique et un défaut de port de ceinture de sécurité » et que « la procédure pénale a ainsi été communiquée à la MAIF en juin 2016 » dispensaient l’assureur de formuler une offre d’indemnisation provisionnelle complète et suffisante, dans un délai de huit mois à compter de l’accident, la cour d’appel a violé l’article L. 211-9 du code des assurances ».
Motivation

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :

21. En application du premier de ces textes, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu, dans un délai maximum de huit mois à compter de l’accident, de présenter une offre d’indemnité à la victime qui subit une atteinte à sa personne. En application du deuxième, lorsque l’offre n’a pas été faite dans ce délai, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

22. Pour limiter à la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l’assureur à payer les intérêts au double du taux légal sur la somme allouée en capital à la victime, l’arrêt énonce qu’il ressort des lettres produites que, au cours des mois de juin à novembre 2016, des discussions ont eu lieu entre l’assureur et la société Pacifica, en raison des fautes de conduite opposées à M. [S] et relève que la procédure pénale a ainsi été communiquée à l’assureur en juin 2016.

23. Il en déduit que, en raison de ces circonstances particulières non imputables à l’assureur, il ne peut être retenu le caractère tardif de son offre provisionnelle du 9 février 2017.

24. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations qu’une offre provisionnelle n’avait pas été faite par l’assureur dans les huit mois de l’accident, la cour d’appel, qui n’a caractérisé aucune des causes de suspension prévues aux articles R. 211-29 et suivants du code des assurances, a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d’office

25. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l’article L. 341-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

26. Il résulte du second de ces textes que le recours des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

27. Selon le premier, l’assuré a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c’est-à-dire le mettant hors d’état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu’il exerçait avant la date de l’interruption de travail suivie d’invalidité ou la date de la constatation médicale de l’invalidité si celle-ci résulte de l’usure prématurée de l’organisme.

28. La Cour de cassation juge, depuis 2013, que cette pension indemnise, d’une part, les préjudices de pertes de gains professionnels et d’incidence professionnelle, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 13 juin 2013, n° 12-10.145 Bull. II, n°125 ; 2e Civ., 29 mars 2018, pourvoi n° 17-15.260, Bull. 2018, II, n° 66 ; 2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.242).

29. Cette jurisprudence, qui se justifiait par le souhait d’éviter des situations de double indemnisation du préjudice, se conciliait imparfaitement, ainsi qu’une partie de la doctrine a pu le relever, avec les modalités selon lesquelles cette pension est calculée. En effet, selon les articles R. 341-4 et suivants du code de la sécurité sociale, elle est déterminée, de manière forfaitaire, en fonction du salaire annuel moyen de l’assuré et de la catégorie d’invalidité qui lui a été reconnue.

30. La Cour de cassation, qui décidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d’incidence professionnelle ainsi que celui du déficit fonctionnel permanent (notamment 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155), a remis en cause sa jurisprudence par deux arrêts rendus en assemblée plénière qui ont jugé que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, publiés).

31. Le calcul de la rente accident du travail se fait, comme pour la pension d’invalidité, sur une base forfaitaire, de sorte qu’une distinction entre les modalités de recours des tiers payeurs selon qu’il s’agit de l’une ou l’autre prestation ne se justifie pas.

32. L’ensemble de ces considérations conduit à juger, désormais, que la pension d’invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

33. Pour fixer l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent à la somme de 140 048,13 euros, l’arrêt énonce qu’il est constant que, en application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la pension d’invalidité servie par l’organisme social s’impute, même si celui-ci n’exerce pas son recours, sur les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent.

34. Il ajoute que le premier juge a justement évalué ce poste de préjudice à la somme de 196 000 euros, soit 147 000 euros après application du droit à indemnisation de 75 % et que le reliquat de la pension d’invalidité de 6 951,87 euros, après imputation sur le poste de la perte de gains professionnels futurs, devra être déduit de la somme fixée au titre du déficit fonctionnel permanent.

35. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes et le principe susvisés.

II – Droit des victimes

 1. Un guichet unique

Voilà une ancienne idée qui fait maintenant l’objet d’une concertation. Après tout, pourquoi pas ? À suivre attentivement.

A LIRE ICI

2. La dignité

Nous aimons lire Cynthia Fleury. Ses analyses sont souvent en résonance avec nos approches sur la vulnérabilité et le care. La clinique de la dignité trouvera toute sa place dans nos bibliothèques.

3. Droit du dommage corporel Saison 2

La deuxième édition de l’ouvrage de Christophe Quézel-Ambrunaz, sobrement intitulé le droit du dommage corporel, ouvrage maintenant de référence, parfaitement actualisé, dans notre matière en plein mouvement, est simplement incontournable.

4.L’indemnisation des victimes d’essais nucléaires

À l’occasion de la Journée internationale contre les essais nucléaires, célébrée chaque 29 août, France 24 se penche sur cette épineuse et récurrente question. Encore un combat des victimes dans la durée qui n’honore pas la France.

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5. Dommage corporel et droit matrimonial

FR3 publie cette information qui ne surprend pas forcément les spécialistes de la réparation du dommage corporel. Il faut toujours être attentif à l’articulation du droit du dommage corporel et du droit matrimonial voire des situations des différentes conjugalités (concubinage, pacs et mariage). La finalisation des indemnisations laisse peu de place aux insécurités.

« Paraplégique depuis le drame de

Pourtalès à Strasbourg, elle devra peut être

céder une partie de son

dédommagement à son ex-mari »

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6. Pôle des accidents collectifs

L’incendie dramatique du gîte de Wintzenheim du 9 août 2023 dans sa dimension processuelle est venue souligner l’omniprésence dans le paysage judiciaire du pôle spécialisé parisien en matière d’accidents collectifs. Et de rappeler au passage que Colmar en raison de la présence du Cerdacc aurait pu être éligible à un autre choix.

 III – Victimologie

  1. Les algues vertes

Le cinéma est un vecteur très fort pour dénoncer les scandales et contourner l’omerta. Le film « Les algues vertes » en est une nouvelle illustration.

2. L’antidouleur tueur

Les séries comme le cinéma sont un autre vecteur de prise de conscience.

L’antidouleur qui tue est un scandale sanitaire qui a causé la mort plus de 300 000 personnes.

« Painkiller » sur Netfix mérite le détour.

3. Du côté du climat

Les contentieux climatiques se développent à juste titre à l’échelle planétaire.
La question de la victime climatique émerge fortement : statut, besoins, aides, responsabilités.

Un important chantier ……

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4. Beyrouth

La justice des catastrophes reste bien souvent un rapport de force et elle peut être entravée. L’enquête sur l’explosion meurtrière du 4 août 2020 en fournit un nouvel exemple.

5. Thérapie pour les victimes, chien et surf

Encore deux exemples réconfortants de démarches innovantes qui peuvent mener sur la route de la résilience.

Ici des militaires blessés souffrant de stress post-traumatique et des chiens maltraités et abandonnés cheminent ensemble. Il ne faut jamais désespérer de l’humanité. Un très beau documentaire sur belles aventures humaines.

Ailleurs, une école de surf propose des cours à des personnes vulnérables souffrant d’addiction et de stress-post-traumatique. Plus scientifiquement ce sont des compléments thérapeutiques, dénommés thérapies marines, sur la santé mentale.

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