Claude Lienhard
Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Professeur Ă©mĂ©rite de lâUniversitĂ© Haute-Alsace,
Directeur honoraire du CERDACC
et
Catherine Szwarc
Avocate spécialisée en droit du dommage corporel
I â Droit du dommage corporel
1.La réparation au quotidien : implant et parole
Toute nouvelle avancĂ©e technologique peut avoir des prolongements intĂ©ressants dans lâoptique dâapprocher la rĂ©paration intĂ©grale.
DĂ©sormais, il est envisageable de retrouver la parole grĂące Ă des implants.
2.Encore un revirement dâimportance
LâarrĂȘt du 6 juillet 2023 de la deuxiĂšme chambre civile est Ă nouveau une avancĂ©e essentielle. La pension dâinvaliditĂ© ne sâimpute plus sur le DPF. A LIRE ICI
6 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.283
Sur le sixiĂšme moyen, pris en sa deuxiĂšme branche
Enoncé du moyen
20. M. [S] fait grief Ă l’arrĂȘt de limiter Ă la pĂ©riode du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l’assureur Ă payer les intĂ©rĂȘts au double du taux lĂ©gal sur le total du montant des sommes en capital qui lui ont Ă©tĂ© allouĂ©es, avant dĂ©duction de la provision, et de la crĂ©ance de l’organisme social, soit 920 839,60 euros, alors « qu’une offre d’indemnitĂ© doit ĂȘtre faite Ă la victime qui a subi une atteinte Ă sa personne dans le dĂ©lai maximum de huit mois Ă compter de l’accident ; que cette offre peut avoir un caractĂšre provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, Ă©tĂ© informĂ© de la consolidation de l’Ă©tat de la victime ; qu’en jugeant que la circonstance qu’« au cours des mois de juin Ă novembre 2016, des discussions ont lieu de maniĂšre fondĂ©e entre la MAIF et la sociĂ©tĂ© Pacifica, assureur de M. [S], en raison des fautes de conduite qui Ă©taient opposĂ©es Ă ce dernier, Ă savoir une conduite sous l’empire d’un Ă©tat alcoolique et un dĂ©faut de port de ceinture de sĂ©curitĂ© » et que « la procĂ©dure pĂ©nale a ainsi Ă©tĂ© communiquĂ©e Ă la MAIF en juin 2016 » dispensaient l’assureur de formuler une offre d’indemnisation provisionnelle complĂšte et suffisante, dans un dĂ©lai de huit mois Ă compter de l’accident, la cour d’appel a violĂ© l’article L. 211-9 du code des assurances ».
Motivation
RĂ©ponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
21. En application du premier de ces textes, l’assureur qui garantit la responsabilitĂ© civile du fait d’un vĂ©hicule terrestre Ă moteur est tenu, dans un dĂ©lai maximum de huit mois Ă compter de l’accident, de prĂ©senter une offre d’indemnitĂ© Ă la victime qui subit une atteinte Ă sa personne. En application du deuxiĂšme, lorsque l’offre n’a pas Ă©tĂ© faite dans ce dĂ©lai, le montant de l’indemnitĂ© offerte par l’assureur ou allouĂ©e par le juge Ă la victime produit intĂ©rĂȘts de plein droit au double du taux de l’intĂ©rĂȘt lĂ©gal Ă compter de l’expiration du dĂ©lai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu dĂ©finitif.
22. Pour limiter Ă la pĂ©riode du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l’assureur Ă payer les intĂ©rĂȘts au double du taux lĂ©gal sur la somme allouĂ©e en capital Ă la victime, l’arrĂȘt Ă©nonce qu’il ressort des lettres produites que, au cours des mois de juin Ă novembre 2016, des discussions ont eu lieu entre l’assureur et la sociĂ©tĂ© Pacifica, en raison des fautes de conduite opposĂ©es Ă M. [S] et relĂšve que la procĂ©dure pĂ©nale a ainsi Ă©tĂ© communiquĂ©e Ă l’assureur en juin 2016.
23. Il en dĂ©duit que, en raison de ces circonstances particuliĂšres non imputables Ă l’assureur, il ne peut ĂȘtre retenu le caractĂšre tardif de son offre provisionnelle du 9 fĂ©vrier 2017.
24. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations qu’une offre provisionnelle n’avait pas Ă©tĂ© faite par l’assureur dans les huit mois de l’accident, la cour d’appel, qui n’a caractĂ©risĂ© aucune des causes de suspension prĂ©vues aux articles R. 211-29 et suivants du code des assurances, a violĂ© les textes susvisĂ©s.
Et sur le moyen relevĂ© d’office
25. AprĂšs avis donnĂ© aux parties conformĂ©ment Ă l’article 1015 du code de procĂ©dure civile, il est fait application de l’article 620, alinĂ©a 2, du mĂȘme code.
Vu l’article L. 341-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de la loi n° 2019-1446 du 24 dĂ©cembre 2019, l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la rĂ©paration intĂ©grale sans perte ni profit pour la victime :
26. Il rĂ©sulte du second de ces textes que le recours des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnitĂ©s qui rĂ©parent des prĂ©judices qu’elles ont pris en charge, Ă l’exclusion des prĂ©judices Ă caractĂšre personnel.
27. Selon le premier, l’assurĂ© a droit Ă une pension d’invaliditĂ© lorsqu’il prĂ©sente une invaliditĂ© rĂ©duisant dans des proportions dĂ©terminĂ©es, sa capacitĂ© de travail ou de gain, c’est-Ă -dire le mettant hors d’Ă©tat de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supĂ©rieur Ă une fraction de la rĂ©munĂ©ration normale perçue dans la mĂȘme rĂ©gion par des travailleurs de la mĂȘme catĂ©gorie, dans la profession qu’il exerçait avant la date de l’interruption de travail suivie d’invaliditĂ© ou la date de la constatation mĂ©dicale de l’invaliditĂ© si celle-ci rĂ©sulte de l’usure prĂ©maturĂ©e de l’organisme.
28. La Cour de cassation juge, depuis 2013, que cette pension indemnise, d’une part, les prĂ©judices de pertes de gains professionnels et d’incidence professionnelle, d’autre part, le dĂ©ficit fonctionnel permanent (2e Civ., 13 juin 2013, n° 12-10.145 Bull. II, n°125 ; 2e Civ., 29 mars 2018, pourvoi n° 17-15.260, Bull. 2018, II, n° 66 ; 2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.242).
29. Cette jurisprudence, qui se justifiait par le souhait d’Ă©viter des situations de double indemnisation du prĂ©judice, se conciliait imparfaitement, ainsi qu’une partie de la doctrine a pu le relever, avec les modalitĂ©s selon lesquelles cette pension est calculĂ©e. En effet, selon les articles R. 341-4 et suivants du code de la sĂ©curitĂ© sociale, elle est dĂ©terminĂ©e, de maniĂšre forfaitaire, en fonction du salaire annuel moyen de l’assurĂ© et de la catĂ©gorie d’invaliditĂ© qui lui a Ă©tĂ© reconnue.
30. La Cour de cassation, qui dĂ©cidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d’incidence professionnelle ainsi que celui du dĂ©ficit fonctionnel permanent (notamment 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155), a remis en cause sa jurisprudence par deux arrĂȘts rendus en assemblĂ©e plĂ©niĂšre qui ont jugĂ© que la rente versĂ©e Ă la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne rĂ©pare pas le dĂ©ficit fonctionnel permanent (Ass. plĂ©n., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et Ass. plĂ©n., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, publiĂ©s).
31. Le calcul de la rente accident du travail se fait, comme pour la pension d’invaliditĂ©, sur une base forfaitaire, de sorte qu’une distinction entre les modalitĂ©s de recours des tiers payeurs selon qu’il s’agit de l’une ou l’autre prestation ne se justifie pas.
32. L’ensemble de ces considĂ©rations conduit Ă juger, dĂ©sormais, que la pension d’invaliditĂ© ne rĂ©pare pas le dĂ©ficit fonctionnel permanent.
33. Pour fixer l’indemnisation du dĂ©ficit fonctionnel permanent Ă la somme de 140 048,13 euros, l’arrĂȘt Ă©nonce qu’il est constant que, en application du principe de la rĂ©paration intĂ©grale sans perte ni profit pour la victime, la pension d’invaliditĂ© servie par l’organisme social s’impute, mĂȘme si celui-ci n’exerce pas son recours, sur les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le dĂ©ficit fonctionnel permanent.
34. Il ajoute que le premier juge a justement Ă©valuĂ© ce poste de prĂ©judice Ă la somme de 196 000 euros, soit 147 000 euros aprĂšs application du droit Ă indemnisation de 75 % et que le reliquat de la pension d’invaliditĂ© de 6 951,87 euros, aprĂšs imputation sur le poste de la perte de gains professionnels futurs, devra ĂȘtre dĂ©duit de la somme fixĂ©e au titre du dĂ©ficit fonctionnel permanent.
35. En statuant ainsi, la cour d’appel a violĂ© les textes et le principe susvisĂ©s.
II â Droit des victimes
1. Un guichet unique
VoilĂ une ancienne idĂ©e qui fait maintenant lâobjet dâune concertation. AprĂšs tout, pourquoi pas ? Ă suivre attentivement.
2. La dignité
Nous aimons lire Cynthia Fleury. Ses analyses sont souvent en résonance avec nos approches sur la vulnérabilité et le care. La clinique de la dignité trouvera toute sa place dans nos bibliothÚques.
3. Droit du dommage corporel Saison 2
La deuxiĂšme Ă©dition de lâouvrage de Christophe QuĂ©zel-Ambrunaz, sobrement intitulĂ© le droit du dommage corporel, ouvrage maintenant de rĂ©fĂ©rence, parfaitement actualisĂ©, dans notre matiĂšre en plein mouvement, est simplement incontournable.
4.Lâindemnisation des victimes dâessais nuclĂ©aires
Ă l’occasion de la JournĂ©e internationale contre les essais nuclĂ©aires, cĂ©lĂ©brĂ©e chaque 29 aoĂ»t, France 24 se penche sur cette Ă©pineuse et rĂ©currente question. Encore un combat des victimes dans la durĂ©e qui nâhonore pas la France.
5. Dommage corporel et droit matrimonial
FR3 publie cette information qui ne surprend pas forcĂ©ment les spĂ©cialistes de la rĂ©paration du dommage corporel. Il faut toujours ĂȘtre attentif Ă lâarticulation du droit du dommage corporel et du droit matrimonial voire des situations des diffĂ©rentes conjugalitĂ©s (concubinage, pacs et mariage). La finalisation des indemnisations laisse peu de place aux insĂ©curitĂ©s.
« Paraplégique depuis le drame de
PourtalĂšs Ă Strasbourg, elle devra peut ĂȘtre
céder une partie de son
dédommagement à son ex-mari »
6. PĂŽle des accidents collectifs
Lâincendie dramatique du gĂźte de Wintzenheim du 9 aoĂ»t 2023 dans sa dimension processuelle est venue souligner lâomniprĂ©sence dans le paysage judiciaire du pĂŽle spĂ©cialisĂ© parisien en matiĂšre dâaccidents collectifs. Et de rappeler au passage que Colmar en raison de la prĂ©sence du Cerdacc aurait pu ĂȘtre Ă©ligible Ă un autre choix.
III â Victimologie
- Les algues vertes
Le cinĂ©ma est un vecteur trĂšs fort pour dĂ©noncer les scandales et contourner lâomerta. Le film « Les algues vertes » en est une nouvelle illustration.
2. Lâantidouleur tueur
Les séries comme le cinéma sont un autre vecteur de prise de conscience.
Lâantidouleur qui tue est un scandale sanitaire qui a causĂ© la mort plus de 300 000 personnes.
« Painkiller » sur Netfix mérite le détour.
3. Du cÎté du climat
Les contentieux climatiques se dĂ©veloppent Ă juste titre Ă lâĂ©chelle planĂ©taire.
La question de la victime climatique émerge fortement : statut, besoins, aides, responsabilités.
Un important chantier âŠâŠ
4. Beyrouth
La justice des catastrophes reste bien souvent un rapport de force et elle peut ĂȘtre entravĂ©e. LâenquĂȘte sur lâexplosion meurtriĂšre du 4 aoĂ»t 2020 en fournit un nouvel exemple.
5. Thérapie pour les victimes, chien et surf
Encore deux exemples réconfortants de démarches innovantes qui peuvent mener sur la route de la résilience.
Ici des militaires blessĂ©s souffrant de stress post-traumatique et des chiens maltraitĂ©s et abandonnĂ©s cheminent ensemble. Il ne faut jamais dĂ©sespĂ©rer de lâhumanitĂ©. Un trĂšs beau documentaire sur belles aventures humaines.
Ailleurs, une Ă©cole de surf propose des cours Ă des personnes vulnĂ©rables souffrant dâaddiction et de stress-post-traumatique. Plus scientifiquement ce sont des complĂ©ments thĂ©rapeutiques, dĂ©nommĂ©s thĂ©rapies marines, sur la santĂ© mentale.
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